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Les rappeurs hexagonaux ont pris l’habitude de fustiger les médias généralistes, leur reprochant légitimement de passer sous silence la plupart des sorties de rap français. En ce début d’année 2013, c’est presque le reproche inverse qui pourrait leut être fait, tant les journaux, les magazines et les émissions de télé ont pris un malin plaisir à commenter les différents événements entourant le clash Booba/La Fouine qui a littéralement phagocyté les nombreuses bonnes surprises survenues récemment. Mise en lumière sur quinze morceaux qui ont particulièrement retenu notre attention au cours de ce premier trimestre.
Hype ft. Roro - « Pierre tombale »
Hype, qu’on a l’habitude d’entendre avec son compère Sazamyzy, décide ici de se lâcher complètement sur la prod de Roro, autre membre de l’entité GB Paris. Rappeur incisif, Hype est le genre de MC dont on guettait toujours avec intérêt la prochaine rime mais auquel on pouvait parfois reprocher un manque de prise de risques. Reproche complètement obsolète avec ce « Pierre tombale », morceau halluciné au cours duquel le rappeur de Bondy menace l’intégralité du rap français avec un sourire narquois. Épatant. (La mixtape Charles Pasqua Money Vol 2 est disponible en téléchargement gratuit sur le blog Fusils à pompe.)
Kaaris - « Zoo »
En à peine une année, Kaaris s’est imposé comme le Bill Butcher du rap français : un mec grossier à outrance, sans pitié et capable de fulgurances inouïes. Si la sortie de Z.E.R.O avait alimenté les comparaisons avec Booba l’année dernière, le temps indique clairement que Kaaris n’a rien d’un énième ersatz du Duc de Boulogne. « Zoo », dont on imagine qu’il est le premier extrait de son album à venir, impose un univers et un lexique à part. Morceau phénomène, il a déjà été brillamment parodié par Willaxxx.
Wilow Amsgood - « Sale négro »
S’il était un projet de qualité, porté notamment par des productions rigoureuses et appliquées, Marchand de rêves, le premier EP de Wilow, voyait parfois les textes du rappeur Picard tomber dans la facilité et casser l’effet de certains morceaux. 2013 l’a vu prendre une bonne résolution puisque son écriture est désormais plus épurée, preuve en est avec ce « Sale négro » entêtant. (La mixtape collégiale #NoCracks est disponible en téléchargement sur le site de Wilow.)
Aelpéacha - « En avance sur moi-même »
Pendant que 80% des rappeurs français sortent un album tous les trois ans, Aelpéacha, sans prévenir personne, a décidé de livrer un énième album pour débuter l’année. Déroutant par son appellation mais également par certaines de ses orientations, Ride hivernale est un disque aux accents mélancoliques, à des années-lumières des hymnes ensoleillés aux barbecues auxquels le rappeur de Splifton nous avait habitués. Il n’empêche qu’avec l’album de Rocé, il s’agit de la meilleure sortie 2013 à ce jour, portée avec brio par « En avance sur moi-même », sorte d’egotrip second degré au groove imparable.
Ride hivernale est disponible en écoute sur le bandcamp de Aelpéacha.
Rocé - « Assis sur la lune »
On aurait pu choisir « Actuel », morceau phare du dernier album de Rocé qui le voit collaborer avec succès avec le mystérieux JP Manova (anciennement connu sous le nom de JP Mapaula). Après réflexion, le choix d’avoir clipé « Assis sur la lune » est presque évident tant il fait parfaitement le lien entre les derniers albums plus expérimentaux du rappeur et ce Gunz N’ Rocé qui le voit revenir avec brio à ses premières amours.
Maître Gims - « Meurtre par strangulation »
En 2008, comme beaucoup d’autres spectateurs du paysage rapologique français, nous avions été impressionnés par l’arrivée de la Sexion d’Assaut, la fraîcheur du groupe s’inscrivant dans un cadre inédit et presque anachronique à l’époque. Deux albums en major plus tard et nous nous sommes fatalement éloignés du groupe parisien, ayant parfois des difficultés à nous remémorer ce qui nous avait tellement séduits dans Le Renouveau. Avec « Meurtre par strangulation », l’autre premier extrait de l’album solo de Gims avec le mitigé « J’me tire », le phénomène de la Sexion nous rappelle qu’il est incontestablement un des rappeurs hexagonaux les plus doués. Naviguant entre le chant et le rap, flirtant avec les flow irrités de Meek Mill ou d’Eminem post-Relapse, Gims a su immédiatement regagné notre intérêt. C’était franchement pas gagné.
Hyacinthe - « Cheveux rouges »
« Rien à foutre de la tradition littéraire en France ». Plus qu’un simple effet d’annonce, la phrase fait figure de carte de visite pour Hyacinthe qui s’échine pendant 14 morceaux à déformer l’amour sous toutes ses formes, à commencer par son orthographe qu’il malmène dès le titre de son projet. Sur la route de l’Ammour succède à Des Hauts, des Bas et des Strings et retrouve le rappeur parisien là où on l’avait laissé l’an dernier. Obscène, irrévérencieux et arrogant à l’extrême, Hyacinthe continue de chanter la légèreté et de célébrer l’immaturité, en profitant au passage pour élargir considérablement sa palette de rappeur. (Sur la route de l’Ammour est disponible en téléchargement sur le bandcamp de Hyacinthe.)
Sadek ft. Meek Mill - « Pay Me »
Les Frontières du Réel est un album contrariant. En même temps qu’il voit Sadek confirmer le potentiel qu’on avait déjà deviné chez lui, il est trop largement pollué par des morceaux qui lorgnent maladroitement vers le grand public. Étonnamment, le moment le plus naturel de l’album intervient lorsque le rappeur du 93 invite Meek Mill à l’occasion d’un « Pay me » surprenant. Alors que la plupart des collaborations franco-américaines ont généralement débouché sur des morceaux ordinaires, « Pay me » voit naître une véritable complémentarité entre les deux MC’s qui ont en commun le même côté gueulard et remuant. Dommage que le reste de l’album ne partage pas la même spontanéité.
Joke - « PLM »
Kyoto, EP sorti l’an dernier chez Golden Eye Music, a presque vu Joke renaître, lui qu’on avait un peu oublié depuis son passage chez Institubes et la sortie de Prêt pour l’argent. Une signature chez Def Jam France et quelques centaines de milliers de vues plus tard, le rappeur de Montpellier fait presque déjà figure de valeur sûre. « P.L.M » s’inscrit exactement dans le chemin tracé par « Triumph » et « Scorpion remix » et sert de parfait teasing pour Tokyo, le nouvel EP à venir.
Starlion - « Danse ou j’tire »
Lorsque nous avions rencontré Grems fin 2011, celui-ci nous avait dit le plus grand bien de Starlion, rappeur originaire de Reims et dont le nom faisait lui aussi partie de la liste des innombrables membres composant le collectif la Fronce. Peu étonnant que Starlion se soit par la suite greffé à l’entité PMPDJ et qu’il ait participé à l’excellent Haterville sorti l’an dernier. C’est désormais en solo qu’il refait son apparition avec Jailbreak, un EP de très bonne facture. Le premier extrait, « Danse ou j’tire », montre l’étendue de son potentiel et démontre que, lui aussi, se situe musicalement entre les codes rap traditionnels et un penchant assumé pour les sonorités électroniques. (Jailbreak est disponible en téléchargement sur le site de Starlion.)
Bandit ft Metek & Wacko - « Elle »
L’instrumental lancinant et vaporeux de Myth Syzer, le flow aérien de Bandit, les placements Time bombesques de Metek et les références improbables de Wacko (Kierkegaard, Houellebecq et Doc Gyneco dans le même couplet, ça force le respect). Autant d’éléments qui font de « Elle » un succès et une pièce assez unique dans le rap français tant sont rares les morceaux hexagonaux qui auront réussi à retranscrire cette atmosphère planante si prisée de l’autre côté de l’Atlantique depuis quelque temps.
Infinit - « Building »
Depuis les percées neurasthéniques de Sako, peu de rappeurs issus du 06 étaient parvenus à réellement faire parler d’eux. Si on devait miser sur un poulain pour inverser la tendance, Infinit serait indiscutablement celui-là. Il est en effet assez rare de voir un jeune rappeur tenir facilement la distance sur plus de vingt titres comme c’est le cas sur Ma vie est un film, sa mixtape sortie en début d’année. Mieux, les nombreux invités (parmi lesquels on compte Alpha Wann, Veust Lyricist ou encore Aketo) ne réussissent jamais à lui faire de l’ombre. Un mec à suivre. (Ma vie est un film est disponible en téléchargement sur le site de Denbasfondation.)
Seth Gueko - « Dodo la Saumure »
Sur Neochrome Hall Stars game, le projet réunissant Zekwé Ramos, Al-K Pote et Seth Gueko, on avait trouvé notre gitan favori un peu en dedans, comme si la présence de ses deux compères l’avait empêché de se dépasser. Bad cowboy, son troisième album solo, devrait le voir sous un meilleur jour si l’on en croit « Paranoiak » et surtout « Dodo la saumure » qui, dans l’esprit, nous renvoie quasiment à l’époque Barillet plein. Bonus coquin : la sympathique Anna Polina fait une apparition remarquée dans le clip.
Mala - « Première sommation »
Si vous êtes un fan de rap de longue date, vous avez forcément été déjà confronté à cette étrange situation où une de vos connaissances néophyte vous demande de lui donner quelques clés d’entrée. Une chose est sûre et certaine : Mala ne sera jamais une de ces « clés d’entrée ». Pour l’individu lambda qui pense souvent que le rap est avant tout une histoire de mots, difficile d’expliquer ce qu’il peut y avoir d’aussi jouissif chez un rappeur aux tournures de phrase aussi invraisemblables. Maintenant, on aimerait une suite à Himalaya s’il vous plaît.
Georgio ft Hologram Lo’ - « Saleté de rap »
L’an dernier, Georgio s’était fait remarquer avec « Homme de l’ombre », habile tirade cafardeuse dont « Saleté de rap » pourrait être la deuxième partie. Premier extrait de Soleil d’hiver, EP conçu en commun avec l’ultra-productif Hologram Lo’, le morceau annonce la couleur d’un projet qu’on imagine partagé entre espoir de grandeur et désenchantement amer. On vous reparle très rapidement de Georgio avec qui on a récemment eu l’occasion d’échanger quelques mots.
Note de la rédaction : Suite à la première publication du 14 décembre 2011, Grems a souhaité, pour des raisons personnelles, que certains de ses propos soient finalement retirés. La version que vous vous apprêtez à lire a donc été éditée.
Ce sont peut-être les années qui passent mais il est vrai que l’on commence sérieusement à radoter. Si je vous dis qu’au sein de notre rédaction, nous regrettons sincèrement de ne pas avoir le temps d’aller à la rencontre de tous les artistes qui retiennent notre attention, vous aurez fatalement le sentiment d’avoir déjà lu ça au détour d’une news ou d’une de nos chroniques. Les journées étant trop courtes et nos agendas trop remplis, il nous est fatalement impossible d’être complètement exhaustifs. A ce titre, nous aurions dû parler plus tôt de Grems. Abreuvant les bacs de projets solos depuis 2004, jamais à court d’idées de promotions originales et défibrillateur de la carrière de Disiz la Peste, Miki Mikasso a pourtant tout fait pour ne pas passer inaperçu.
Pourtant, lorsque nous nous décidons finalement à le contacter dans le but de réparer cette erreur, la première réponse qu’il nous donnera sera sans équivoque. En gros, ça donnait quelque chose comme « merci de l’intérêt mais je ne veux pas de la promo de sites de rap français racistes. » Après une rapide réflexion, j’aurais pu me douter que l’auteur de « Pisse de flûte » serait susceptible d’avoir quelques réticences. Quelques échanges de mails plus tard et j’ai la confirmation que la frontière entre l’homme et le rappeur est quasiment inexistante. Finalement, on décide de se donner rendez-vous en famille, chez Mim, un de ses collègues Fronçais qui a improvisé un studio d’enregistrement dans son appartement.
« En réalité, ça me casse les couilles de faire du rap. »
Grems
Vu de loin, Grems apparaît au mieux comme un marginal qui satisfait sa base de fans sans chercher à l’élargir, au pire comme un éternel rebelle souvent ingérable. Sur ce dernier point, l’intéressé tient à clarifier immédiatement les choses. « On a souvent dit que j’étais un fou ou un rebelle… Pas du tout. Quand je m’énerve, c’est parce qu’on ne m’a pas payé ou qu’on s’est foutu de ma gueule. Je ne suis pas fou, juste entier. » Derrière ce discours, on comprend facilement qu’il y a un homme lucide et, sans doute, un peu déçu. Entre les tourneurs qui ne payent pas, les managers qui promettent monts et merveilles et les postures de rappeurs, Grems a rapidement éprouvé un mépris non dissimulé pour la scène hexagonale.
Écrire que Grems est un incompris serait une incontestable facilité. Néanmoins, il faut bien reconnaître que le public français, trop habitué à se rassurer derrière des étiquettes toutes faites, n’a jamais vraiment su comment prendre le rappeur du XXème. Les adeptes adoptent pendant que les plus réticents passent à côté des « expérimentations électroniques » de Grems. « Si je ne donne plus d’interviews en France, c’est, entre autres, parce que les mecs viennent me parler d’electro… J’aime la house de Detroit. Je suis dans la musique chaude alors que tout l’electro français est hyper froid. » Et il n’hésite pas à enfoncer le clou lorsqu’il nous dira qu’il fait « de la vraie musique de PD de Detroit pendant que les autres font de la musique de tarlouzes ». Loin des soirées branchouilles au Social Club et de leurs consos à 15 euros, le rappeur s’est toujours voulu plus rassembleur, décrivant son public comme une mosaïque de couleurs faites de « cailleras, de punks, d’homos, de fluos, de schlags, de mecs d’école de commerce » ou encore « de blédards ». Alors que les Kanye West et Swizz Beatz se dont découverts une passion pour la french touch et la discographie des Daft Punk depuis 4-5 ans, Grems est lui rapidement tombé amoureux de la deep house, qui a toujours coexisté avec son amour du rap. Si son premier solo, Algèbre, était un disque résolument boom bap, « Merdeuse », le morceau qui aura paradoxalement porté l’album malgré son statut d’ovni dans le tracklisting, faisait déjà état de son attrait pour la house. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que, Sea, Sex & Grems, son troisième album solo et son plus abouti selon lui, est qualifié par l’intéressé d’album house. Voyant avant tout le rap comme un medium, il s’en est allé créer le deepkho, sorte de mouvement musical à la croisée des chemins (« le rap et la house, c’est le deepkho », disait-il dans « C’est le deepkho » présent sur Démaquille-toi).
Après Algèbre, il y eut Air Max, véritable album coming-out dans lequel Grems exposait au plus grand nombre son désir de teinter sa musique de house. Surprenant à l’époque, le disque demeure probablement la sortie qui a le plus marqué les esprits. Entre autres à cause du sulfureux « Casse ton boule » mais pas seulement. Très dense et éclectique, rempli de collaborations inattendues mais réussies (Sako, Disiz), le projet était parfaitement maîtrisé, jusqu’au visuel et cette Air max dessinée en guise de pochette. »Mon idée était simple : représenter le signe Peace & Love de mon époque. Pour moi, il s’agit de la Air Max.On connaissait un mec qui était chez Nike à l’époque, du coup on a pu faire un partenariat. Il y a eu 25 paires ID à mon nom. Ils m’ont assuré qu’il n’y aurait aucun souci. Ce qui est cool c’est que j’ai réussi à être parrainé par la marque de mes rêves. » Par ailleurs, c’est la première pochette de Air Max, non utilisée finalement, qui lui avait permis de décrocher le deal avec la RATP et de réaliser le design de la campagne Imagine’R. Rien que ça.
« Un jour, j’ai compris que je pouvais remplir une salle et qu’on pouvait négocier 10 000 balles juste sur mon nom. Sauf qu’à l’époque il y avait un problème puisqu’on me donnait 20 euros. »
Grems
Parce que quand Grems rappe, c’est uniquement par passion et pour collecter le supplément d’argent qui lui permettra de s’acheter quelques nouvelles paires de Jordan. Au quotidien, Grems est un graphiste/designer à succès. Ce statut, c’est à la force de son travail qu’il l’a acquis et non parce qu’il était particulièrement doué au départ. Ce sujet, c’est son entourage et plus précisément Mam qui en parle le mieux : »C’est un gros bosseur, dans tout ce qu’il fait. J’ai commencé à graffer avant lui et, aujourd’hui, il me gifle complètement. » Quand le graphisme lui permet de remplir son assiette, l’aspect financier du rap semble beaucoup moins l’intéresser. »En douze ans de carrière, je ne suis jamais allé récupérer mon argent à la SACEM parce que je m’en bats les couilles. » Et il semble d’ailleurs avoir conscience qu’il ne sert à rien de compter sur la musique pour devenir riche en 2011 : »Ils me font rire les rappeurs avec leurs voitures… Si tu veux faire de l’argent, il ne faut pas compter sur le rap. Il faut travailler. »
Ce clivage marqué avec le reste de la scène rap explique aussi pourquoi on l’a rarement aperçu entouré de personnes « installées ». Il y eut la collaboration avec Ill pour un « Bolos » mémorable sur l’album de PMPDJ. Et évidemment la rencontre avec Disiz qui a chamboulé la carrière de celui-ci. A chaque fois, il s’agit de personnes extérieures qui sont rentrées dans l’univers de Grems. C’est encore plus vrai pour Disiz qui avait demandé à le rencontrer après être tombé par hasard sur un exemplaire du premier opus de Rouge à lèvres perdu dans les locaux de Barclay. Pendant que Disiz s’est remis à dire des gros mots au contact de Grems, ce dernier avoue avoir appris à écrire des morceaux en un temps record grâce à l’auteur du Poisson rouge. Aujourd’hui, l’entourage de Grems est aussi bien constitué de vétérans du boom bap comme Daz Ini, d’un Entek qu’il a littéralement pris sous son aile et « formé », d’un Rimcash dont il a flashé sur les morceaux et chez qui il a découvert un double improbable ou de Wilow Amsgood qu’il imagine comme un des trois futurs dangers du rap français avec Nekfeu et Entek. Récemment, quand tout ce petit monde se retrouve, c’est d’abord pour plancher sur l’album du collectif la Fronce. Concrètement, La Fronce est un mélange de couleurs, de générations et de sensibilités réunies pour « rapper ce que les autres ont peur de dire« . Entre deux projets, Grems, Greg Frite et Rimcash ont eu l’idée d’animer cette classe faite exclusivement de mauvais élèves. Et, si on a l’audace de suggérer à Grems que le projet survient à un moment qui voit le retour à la mode des collectifs, sa réponse ne se fait pas attendre : « La Fronce est le meilleur des collectifs. J’assume mes propos« .
« Parfois, on me trouve prétentieux lorsque je me contente de dire ce que j’ai fait. Ces gens ont juste un problème avec la réalité. »
Grems
Il en va de même pour le retour au boom-bap effectué à l’occasion d’Algèbre 2.0. En faisant un peu de mauvais esprit, on pourrait le soupçonner d’opportunisme et de chercher à surfer sur la vague nostalgique qui a fait son apparition cette année. « On pourrait en effet penser ça sauf que ça n’a rien à voir. Ca fait des années que je croise des gens en concert qui me parlent d’Algèbre. En réalité, ça me casse les couilles de faire un album boom-bap mais je l’ai fait pour mon public qui me suit depuis bien longtemps… Et il faut bien avouer qu’une fois que l’album est terminé, on ressent une satisfaction parce qu’il s’agit d’une forme de retour aux sources. » En plus de l’album attendu de la Fronce, deux autres projets sont d’ores et déjà prévu pour 2012. Un album deepkho « qui sera très conceptuel » et une mixtape qui réunira tous les morceaux qui n’ont pas pu être intégrés dans ses derniers projets. Entre temps, un peu de repos ? Pour celui qui fait environ une scène par semaine depuis sept ans, la notion de repos n’est pas vraiment familière. « En France, les mecs font un freestyle et regardent leurs chaussettes en rappant. Il n’y a plus de groupes comme le Saian qui, à un moment, réalisait les meilleurs lives au monde. » Grâce à son rap mais également à son design, il fait aujourd’hui le tour du monde qu’il s’agisse d’un concert, d’une exposition ou d’un package comprenant les deux. « C’est aussi pour ça que les gens sont à côté de la plaque quand ils disent que je ne fais pas de promo, poursuit Grems. Je suis tout le temps sur la route avec ma musique.«
Grems fait presque figure de rescapé, lui l’ancien « rappeur spé » qui sort au moins un disque par an, tourne encore plus qu’avant et peut se permettre de faire un morceau avec la nouvelle école sans que personne ne s’en émeuve. « Tous les rappeurs de l’époque du rap spé sont morts aujourd’hui. En dix ans, qui a fait le plus de blé ? » insiste t-il. Loin d’être le savant fou coincé dans sa tour d’ivoire que certains imaginent, l’artiste se tient plutôt au courant de ce qui se fait dans le milieu. « Je vais toujours écouter un nouveau Booba ou un Dany Dan. » Et plus récemment, le dernier opus d’Orelsan l’a agréablement surpris : « Pour un mec signé en maison de disques qui fait du rap mainstream, qui subit les pressions de la major tout en essayant de conserver son identité, il s’en sort très bien. »
Finalement, son rejet face à notre proposition initiale d’interview peut s’expliquer par un ras-le-bol généralisé envers un pays qui l’a fatigué. Et s’il ne l’a pas définitivement quitté, c’est uniquement parce qu’il a encore un procès à régler impliquant la garde de son enfant. Une fois cette dernière affaire réglée, la France sera probablement un lointain souvenir. Cela ne signifie pas pour autant qu’il aura dit adieu à la musique. En effet, à bientôt 33 ans, Supermicro a encore des dizaines d’idées de projets appelées à venir renforcer une discographie déjà sacrément remplie. Tant mieux, les rappeurs trentenaires qui restent pertinents sont définitivement trop rares ces derniers temps.