Tag Archives: arsenik
En juin 1998 sort l’album Quelques gouttes suffisent… d’Ärsenik, duo formé par les frères Gaëlino et Calboni M’Bani. L’œuvre allie parfaitement le registre piano/violon alors en vogue et l’écriture crue et brutale des frangins, tout en laissant un peu de place au cachet pailleté du Secteur Ä. Plus de deux-cent mille exemplaires sont vendus, permettant à Ärsenik de décrocher le double disque d’or. Pour en arriver là, six ans furent nécessaires : le groupe se crée en 1992 à Villiers-le-Bel, avec un certain Réty comme troisième larron. Ce dernier quitte rapidement l’aventure du fait d’un passage en prison et est remplacé par Tony Truand, cousin de Lino et Calbo.
La première trace discographique date de 1995 : sur la compilation plutôt confidentielle L’Art d’utiliser son savoir le trio livre le brumeux “Ball Trap”, sorte de version brutale et plus explicite du mythique “Le crime” de Democrates D, paru à peu près au même moment. Certaines bases sont déjà là : le trio évoque ses délires macabres à grand renfort de flows sentencieux, de rimes multi-syllabiques et de références au cinéma. Ces éléments seront largement repris dans “L’Enfer remonte à la surface”, morceau qui fera connaître Ärsenik à un plus large public à l’occasion de la sortie de la compilation Hostile en 1996. Les extraits du Silence des Agneaux et d’Amityville, le refrain imparable et la virtuosité des rappeurs permettent à Ärsenik de tenir la dragée haute aux autres jeunes aux dents longues présents sur le disque (X.Men, 2 Bal, Lunatic, etc.) Qu’on ne s’y méprenne pas : si Ärsenik touche à l’horrorcore sur ses deux premières apparitions, il n’est en aucun cas question d’en faire une marque de fabrique : “On ne rentre pas dans ce genre de concept, on ne veut pas rester dogmatique, rester dans un seul style (…) On a une palette de genres” déclarent-ils à Groove en 1997.
Parallèlement, Ärsenik entre dans le giron du Secteur Ä et fête son intégration en participant à quelques posse cuts (“J’avance pour ma familia” sur l’album de Stomy, “Tel une bombe” sur celui des Neg’ Marrons). En 1997, Tony Truand se retrouve bloqué au Congo pour un problème de papiers. Sa situation ne se réglera que trois ans plus tard et il ne réintégrera pas le groupe à son retour en France. Calbo et Lino poursuivent donc l’aventure à deux, toujours en prêtant main forte aux collègues de la secte Abdoulaye (“Arrête de mentir” avec Gynéco, “Un rep qui fait reup” en face B du maxi Mon Papa à moi est un gangster). Et ils joignent les actes aux paroles : “Rimes et châtiments” – le troisième titre sorti en leur nom et paru sur la compilation L432 – est moins barré que leurs premiers morceaux, se rapprochant des standards de l’époque sans que l’écriture ne perde en puissance. La transition vers l’ambiance plus froide et réaliste de Quelques gouttes suffisent… est en marche.
Dans les derniers mois avant l’arrivée de l’album, Ärsenik marque les esprits avec son freestyle sur la mixtape Opération coup de poing, qui pavera la voie pour “Je boxe avec les mots”, premier single tiré de Quelques gouttes suffisent… Lino gagne également ses premiers galons de maître ès featurings en épaulant Oxmo Puccino sur “La Loi du point final”, morceau particulièrement remarquable d’un Opéra Puccino qui ne manque pourtant pas de moments d’excellence. Le duo collabore encore avec la famille (Hamed Däye, Stomy encore et toujours) et avec d’autres (les Lyonnais d’IPM) pour bien s’assurer que le nom d’Ärsenik soit entré dans le plus de mémoires possibles. La machine est clairement lancée, l’attente est grande et Quelques gouttes suffisent… va connaître le succès, tant dans l’estime du public que dans les ventes.
C’est donc sur les premières années d’existence d’Ärsenik que nous souhaitons revenir ici, en explorant les premières traces discographiques du groupe, qui mèneront à Quelques gouttes suffisent... L’occasion de rendre hommage à cette pièce maîtresse du rap français, vingt ans après sa sortie, et plus généralement à l’œuvre des frères M’Bani.
Tracklist :
01. Intro Amityville
02. Ärsenik – L’Enfer remonte à la surface (1996)
03. Ärsenik – Ball Trap (1995)
04. Ärsenik – Rimes et châtiments (1997)
05. Stomy Bugsy – Quand Bugsy et son gang dégomment ft. Ärsenik, Hamed Däye et Neg’Marrons (1998)
06. Nèg’Marrons – Tel une bombe ft. Ärsenik, Doc Gynéco, Hamed Däye et Ministère A.M.E.R (1997)
07. Stomy Bugsy – J’Avance pour ma familia ft. Ärsenik, Hamed Däye, La Clinique, La Rumeur et Passi (1996)
08. Stomy Bugsy – Un rep qui fait reup ft. Ärsenik, Hamed Däye, Hifi, Oxmo Puccino, Passi et Pit Baccardi (1997)
09. Doc Gynéco – Arrête de mentir ft. Ärsenik (1997)
10. IPM – Mortel poison ft. Ärsenik et Kesto (1998)
11. Hamed Däye – Independance Daye ft. Lino (1998)
12. Interlude Ben Harper – Power of the Gospel
13. Oxmo Puccino – La Loi du point final ft. Lino (1998)
14. Ärsenik – Boxe avec les mots Freestyle Opération coup de poing (1997)
15. Ärsenik – Boxe avec les mots (1998)
Merci à zo. et à Jérémy
Être un jeune auditeur de rap dans une petite ville de province au milieu des années 1990, c’était toute une aventure. Skyrock ne couvrait pas tout le territoire, le net n’en était qu’à ses balbutiements, la FNAC était loin, quand bien même on avait les moyens de mettre régulièrement 100 francs dans un CD. Restaient quelques moyens détournés de s’approvisionner : la copie K7 d’une copie K7 d’une copie K7 d’un CD qu’un « grand » (c’est-à-dire qui était au lycée ou plus sûrement aurait eu l’âge d’y être) avait pu chopper, les enregistrements radio des quelques morceaux ayant passé le cut pour arriver sur les ondes FM, et les incursions du rap à la télé.
Bien évidemment, ces dernières étaient rares. Des lives sporadiques sur le plateau de Nulle Part Ailleurs ou du Cercle de Minuit, les clips de Best of Groove sur M6 ou ceux de la chaine allemande Viva pour les chanceux dont les parents possédaient une parabole. Pas vraiment une morne plaine, sans l’époque de Spotify et de YouTube comme référent de comparaison, mais quand même. Il fallait de l’organisation et de la rigueur pour vivre sa passion, afin de ne pas manquer une occasion qui ne se représenterait plus. Dans ce contexte, un rendez-vous allait devenir incontournable : Cap’tain Café.
L’émission, hebdomadaire, arriva sur France 3 en 1996 et fut diffusée pendant trois ans, les vendredis en fin de soirée. Aux manettes, Jean-Louis Foulquier et sa gouaille. Le concept était simple : dans un bar, durant une petite heure, différents artistes se produisent en live puis viennent rejoindre le regretté Rochelais à table pour une interview. Comme il l’a fait durant toute sa carrière, Foulquier fait la part belle aux jeunes talents et aux scènes peu visibles à l’époque, parmi lesquelles, bien évidemment, le rap. Entre pleins d’autres, X-Men, Ärsenik et Lunatic se produiront. Passi sera l’invité principal d’une émission, tout comme IAM. Sortiront de tout ça des moments d’anthologie, qui, malheureusement, n’ont pas tous trouvé le chemin des sites d’hébergement vidéo… Et d’autres un peu plus folkloriques. Grâce à Cap’tain Café, Foulquier confortera son rôle de bienfaiteur du rap hexagonal, après avoir contribué au lancement des Francofolies de La Rochelle, qui elles-mêmes avaient beaucoup participé à l’exposition de la scène nationale et à l’émergence de jeunes groupes pleins de talent. L’animateur de France Inter avait flairé qu’il se tramait quelque chose de fascinant dans les quartiers populaires d’Ile-de-France et d’ailleurs et, comme souvent, il avait vu juste.
« Si 1995 avait été l’année de l’émergence d’une nouvelle génération, 1996 fut celle de son installation. »
Car si 1995 avait été l’année de l’émergence d’une nouvelle génération, 1996 fut celle de son installation – bien facilitée par la discrétion des NTM, Iam et Solaar durant ces douze mois. Les noms de Fabe et de La Cliqua étaient désormais familiers, et l’exercice du premier album allait contribuer à ce que ceux de Doc Gynéco, de 2 Bal 2 Neg’ ou d’Ideal J le deviennent aussi. Dans le même temps, la Province commençait à exister au-delà d’Iam (KDD, NAP, Soul Swing) et, dans la lignée des Cool Sessions ou de Time Bomb – Volume 1, différentes compilations arrivaient sur le marché, marquant fermement pour certaines l’histoire du mouvement (Le Vrai Hip-Hop, Hostile Hip-Hop). 1996 fut donc une année foisonnante, de façon relative par rapport à ce qui se produirait au tournant des siècles, mais foisonnante quand même. Réaliser un mix qui permette de donner une idée suffisamment fidèle de ce qu’était le rap français à l’époque est donc un exercice périlleux. Il faut faire des choix, et laisser de côté des morceaux et des artistes que d’aucuns jugeront incontournables. Ainsi, il n’y aura pas de Stomy, de KDD ou d’Akhenaton au programme. En revanche, John Wayne, Babar, les Bee Gees et le Capitaine Crochet traîneront dans les parages.
TRACKLISTING
- Intro Captain Café
- Lunatic – Le Crime paie
- La Cliqua – Rap Contact
- Koma – Une époque de fou
- Ideal J – Show bizness ft. Rim’K, Rohff, Manu Key & Yezi l’escroc
- Kabal – De par les yeux d’un disciple
- Boboch 1pakt – La Putain 2 sa race
- Assassin – Shoota Babylone Remix
- 2 Bal 2 Neg’ – La Magie du tiroir
- Lone – Je représente ft. Busta Flex
- Soul Swing – La rage dans le mic
- X-Men – Pendez-les, bandez-les, descendez-les !
- Arsenik – L’Enfer remonte à la surface
- Afro Jazz – Paris-New York
- Suprême NTM – Come Again Remix ft. Big Red
- Different Teep – Guerilla
- Rocca – Le Hip-Hop mon royaume
- N.A.P. – Je viens des quartiers
- Weedy et Le T.I.N. – Il boit pas, il fume pas, mais il cause ft. Abuz
- Fabe – Dis aux gosses
- M.Group – Fidèle au rap
- Légitime Processus – Quel pied quand elle pleure
- ATK (Légadulabo) – Esprit speed
- Busta Flex – Aïe Aïe Aïe
- La Harissa – Vas t’faire enculer
- Yazid – Je suis l’Arabe
- Polo – Panne sèche Remix
- Doc Gyneco – Nirvana
Il est considéré comme une des plumes les plus impressionnantes du rap français et est probablement le rappeur préféré de ses pairs. Jouissant d’une aura intacte alors que son premier album solo a déjà dix ans, Lino s’apprête à passer à quarante ans le cap fatidique du deuxième album. Un album dense et, comme à l’habitude du rappeur, extrêmement bavard qu’il nous fallait décrypter avec l’intéressé. Mettez-vous à l’aise, interview fleuve.
Il y a des projets qui mettent des années à venir. Reportés, annulés mais jamais oubliés, ils se refusent à vous… pour finalement devenir réalité en quelques jours. Cette nouvelle émission vient matérialiser une envie profonde : celle de revenir sur Quelques gouttes suffisent et Quelque chose à survécu, les deux premiers albums d’Ärsenik. Deux disques forts du rap hexagonal et symboles de toute une époque, avec ses codes et figures clefs : le Secteur Ä, Kenzy, le Ministère A.M.E.R., les complets Lacoste, Hostile, Doc Gynéco et de la boxe avec les mots. Une forme d’âge d’or suivi par les aventures tumultueuses de Lino en solo et ses deux albums : Paradis Assassiné et Radio Bitume. En attendant – impatiemment – une suite qu’on annonce vengeresse. Si les embouteillages parisiens ont eu raison de Calbo, Lino était bien au rendez-vous. On est revenus avec Mr. Bors sur toutes ces aventures passées, mais aussi sur son actualité et ses projets à venir. On savait Lino excellent rappeur, on se demandait où il en était aujourd’hui. Cette longue émission – et les bonus qui vont suivre – répondent à beaucoup de questions. Affable, radical et passionné, il amène une vraie certitude : le poison est toujours dans la maison.
Premier disque solo de Lino depuis l’album Paradis Assassiné en 2005, Radio Bitume est un joyau de mauvaise conscience éthylique et de lucidité douloureuse. Se rappelant au bon souvenir du rap français, Lino traumatise l’auditeur comme il ne l’avait pas fait depuis un moment. Le seul problème est que cette sortie se fait contre sa volonté. Dans une interview récente, il explique, très irrité, qu’il n’a pas eu le temps de finaliser ce disque. On peut le comprendre : les morceaux sont inachevés, mal titrés et rarement mixés. Mais en même temps, on se dit que ce cher Lino a un peu trop pris son temps ces dernières années et que finalement, cette sortie pirate ne tombe pas si mal. Pour ceux qui avaient justement perdu sa trace (et ils sont malheureusement nombreux), voici un petit résumé de ses récentes activités.
2006
Janvier
Malgré le bon accueil réservé au single « Viens », l’album du Noyau Dur n’obtient pas le succès escompté. Ärsenik, Neg’Marrons et Pit Baccardi continuent leur carrière chacun de leur côté. Sentant le vent tourner, Lino a cette sentence définitive dans le titre « Mon Crack » de Alpha 5.20 : « J’étais là avant les contrats et je serai là après, même quand l’industrie trace nos destins à la craie. »
Plus tard
Lino est invité sur Première Classe 3 pour enregistrer une combinaison avec Kery James et Sefyu. Le titre existe bel et bien mais n’a jamais été diffusé : la compile est annulée juste après. Pas de chance.
2007
Février
Hostile dit au revoir à Ärsenik avec un best-of nommé S’il en reste quelque chose. Même pas d’inédit à se mettre sous la dent. Sur la B.O. du film SCORPION, Ärsenik livre un de ses derniers morceaux communs. Lino : « L’adresse n’est plus bonne, toujours la même bannière / Je cogne : mon rap a un cerveau et les poings à Le Banner« . A un moment, derrière l’égotrip, on sent quand même poindre le découragement : « J’ai trop mal, mec, mais comment cesser ? »
Août
Lino participe à trois titres de Rimes Passionnelles , album de Stomy Bugsy, dont le morceau « La Tombe ou la gloire » qu’il écrit entièrement. Lors de la promo, Stomy révèle qu’il avait pensé à faire écrire tout un album par Lino mais « Lino, c’est quelqu’un qu’il faut toujours relancer pour le pousser à bosser. Au bout d’un moment, j’avais ma fierté, j’ai laissé tomber. »
Octobre
Lino me rencontre. Il s’en fout sûrement et passe vite à autre chose. Pas moi.
Décembre
Avec « Lecture Aléatoire« , Médine rend hommage à ses artistes préférés (NTM, IAM, Lunatic, Ideal J, Ärsenik) et pose cette question sans réponse à Lino : « Sais-tu seulement que tu resteras number one ? » Lino apparaît dans le clip à ce moment-là, mais on le voit pas hocher la tête.
2008
Février
La compile One Beat est rééditée. Parmi les bonus tracks, caché à la piste 14, un nouveau morceau solo de Lino nommé « Chargeur vide ». Malgré la volonté de la maison de disque de plutôt mettre en avant la jeune génération (Dosseh, Smoker, Seth Gueko…), le titre, avec son auto-dérision (« J’ai le moral d’un athlète et les poumons d’un rasta« ) et son humeur revancharde (« C’est sur des sons électroniques que je chante pendant qu’on m’enterre, et le rap dégringole de la chaine alimentaire« ) devient un temps fort de la compilation.
Avril
Escobar & Lino livrent une grande collaboration sur une petite compile de Driver nommée Self Defense. Au-delà de ses qualités, « Ce que j’ai gagné en chiffre » permet d’en savoir plus sur ce que Lino fait de ses journées : « Je viens converser, te rapper le monde vu de ma fenêtre / Ma rage monte, je suis entouré de salopes comme Hugh Hefner. »
Octobre
Très demandé, Lino enchaîne les featurings comme au bon vieux temps. Il enregistre un titre pour un film qui vient de sortir (« Instinct de Mort » avec Rim-K pour le film Mesrine) mais aussi pour un film qu ne se fera jamais (morceau collectif censé … financer la production du fameux Code Noir de Dieudonné). Les fans du Secteur ä seront content de savoir qu’il retrouve les Neg’Marrons pour un titre de leur album Les Liens Sacrés. Et comme il n’est pas venu pour rien, il en profite pour inventer un verbe : « 2008, le style est customisé / Le show-biz veulent nous la mettre, ils veulent nous VincentMcDoomiser. » Verbe du premier groupe transitif direct, si vous aviez un doute.
De temps en temps
Lino maquette plusieurs titres d’un futur album solo, notamment « Portrait Chinois », « La Théorie du Balafré » et « Gangster ». A l’époque, plusieurs chanceux ont réussi à écouter ces maquettes. A la fin, ils avaient les yeux qui brillaient.
2009
Juin
Nouvel album de Lino ! Enfin presque. Album du Bisso Na Bisso, Africa. Lino rappe quatre mesures lors du premier single et disparaît complètement de la promo de l’album. Mais pour faire quoi ?
??
Un album du collectif Ghetto Star (Ärsenik, Kazkami, K.Ommando Toxic & co…) est annoncé. Premier single clippé, « On est ». Lino : « On est grave speed, issu d’un bled nonchalant, on est comme le baiser de la mort, rasoir sous la langue, on est l’échec, bourré de talent. » Hum. L’album n’est toujours pas sorti.
Décembre
Le Top 100 de l’Abcdrduson est publié. Lino n’est cité qu’à cinq reprises. Forcément insuffisant.
« J’arrive, les gars ! 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 … Ensuite, je fais un break ! Et je reprends : 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019… »
Lino (interview à StreetLive, 2005)
2010
Les choses se calment. Les fans de Lino en manque retournent YouTube dans tous les sens et finissent par retrouver des morceaux qu’il a enregistrés avec quelques rappeurs peu connus, entre autres, AK33, ABOU2NER. Dans le lot, seul le morceau de l’Uzine, qui revisite « La Rue T’Observe » d’Ärsenik, charme un peu nos oreilles. Ça s’appelle « Je voulais changer le monde ». Profitez.
Octobre
Le projet Ghetto Radio, mixtape de Lino, est référencé sur Fnac.com. Le projet sera vite rebaptisé Radio Bitume puis L’Arlésienne, tant il tardera à arriver.
C’est triste, mais c’est tout.
2011
Avril
Lino, un mur blanc et un gobelet. Longue interview à RAP2TESS. Il parle longtemps de sa carrière, très peu de ses projets.
Août
Lino apparaît dans l’émission Capital pour parler de sa passion pour la marque Lacoste. Il fait une blague sur le tennis. A un moment, il imite le revers de Federer devant la caméra.
Juillet
2 Bal & Arsenik font la première partie de Ice Cube à l’Olympia ! Sauf que, le jour venu, Lino est absent. Les 2 Bal expliquent très sérieusement qu’il est hospitalisé. On commence à s’inquiéter.
Septembre
Un groupe de Villiers-le-Bel clippe un morceau d’hommage à Lino. On se sent mal.
Novembre
Concert d’Arsenik en suisse ! Enfin presque. Il y a juste Calbo sur scène et c’est un mec qui ne ressemble absolument pas à Lino qui rappe ses couplets. C’est officiel : on ne dort plus la nuit.
2012
Janvier
A défaut de nous rassurer, Lino se découvre des fans insoupçonnés. Kyan cite dans Les Inrocks « Ärsenik et Akhenaton » comme influences dans l’écriture de BREF. Quant à Djin Carrénard, réalisateur du très remarqué long métrage Donoma, il balance des phrases de Lino sur son compte twitter. Cool.
Février
Tout le monde a arrêté d’attendre Radio Bitume et préfère aller sur YouTube pour se foutre de Morsay. Pendant ce temps, des mecs qui s’ennuient lancent des fausses rumeurs sur un album commun Lino / Le Rat Luciano. Des mauvaises langues pronostiquent une sortie en 2072.
Un autre mec qui s’ennuie lance un Tumblr sur Lino. On redécouvre un nombre infini de tueries, ainsi que des curiosités comme ce truc.
Mars
Enfin ! Lino fait sa première apparition depuis longtemps. Bien portant, il rappe dans « Poids Plume Remix » avec Shurik’n. Ce dernier parle encore de bouffe pendant que Lino n’a pas revu à la hausse sa vision de l’existence (« J’écris cette vie de misère la pute dans l’antre de la bête, la planète saigne, la suite après la pub« ).
Très bien entouré (Médine, Youssoupha, Dixon), Lino clôt le magistral « Invincible Remix » de Nakk. « Le corps de la morale dans un sac handybag« , il « traverse cette époque où bien rapper devient un handicap« . Surtout, il y dédicace Radio Bitume, preuve qu’il n’a pas oublié l’existence de ce projet. On refuse d’y croire, ce serait trop beau.
Mai
Et bien si. Sortie pirate de Radio Bitume. Sans promo, sans vraie pochette (« Vous auriez pu m’appeler pour une nouvelle photo ! Je suis pas mort » dira Lino), le disque prend le pays d’assaut. Choc national. Le président élu François Hollande envisage très sérieusement de faire de « Mâle Dominant » le nouvel hymne de la France. Lino lui, apparemment très vexé, lance une page Facebook officielle. Selon ses proches, il mettrait quand même les bouchées doubles pour terminer la version officielle de Radio Bitume. C’est donc vrai, Monsieur Bors est de retour. Pour de bon ?
A : Votre deuxième album Quelque chose a survécu vient de sortir, comment vous le présenteriez ?
C : Toujours les même deux négros, avec de la réalité à servir. Nouvelle musique, un coté Soul, un coté Ruff Ryder, musique un peu électronique, Sulee B, et voilà. Quelque chose a survécu, un style de rap, toujours véner’, empoisonnant comme de l’Arsenik.
L : Effectivement ! [rires]
A : Musicalement, il y a pas mal de changements par rapport au premier album, avec toute une influence électro, un peu à l’ancienne, qui n’était pas du tout présent dans « Quelques gouttes suffisent ». Pourquoi un tel changement ?
L : Le son a beaucoup évolué, on fait de la musique, et le rap ça répond à certains codes. Nous, on aime la musique dans toutes ses formes, donc on a pas de complexes à faire de la musique qui est à la mode. Tu vois tu as des gens qui disent « Oui, mais c’est à la mode, t’as vu« , nan nous on s’en fout si on l’aime, on le fait. Le son comme tu dis électro tout ça, c’est aussi une continuité du rap, comme le sample et tout ça. Donc maintenant, on rentre là-dessus aussi , on trouve que ça déchire donc on est dedans aussi. On fera pas tout un album comme ça, mais quelques morceaux , yes, pas de problème.
Après, je te dirais aussi que quand Mobb Deep est arrivé à une époque, tout le monde a commencé à sampler des pianos, ou des ambiances sombres, c’était la même. Quand Xzibit est arrivé avec « Paparazzi », tout le monde s’est mis à chercher du Mozart, du Beethoven, ou du…Gershwin c’est un ancien lui ou quoi ? [rires] J’dis une connerie là !
A : ‘Pousse les watts’ reprend ‘More bounce to the ounce’ de Zapp & Roger, c’est une espèce de clin d’oeil aux années passées, c’est un truc dont vous vous sentez proches ?
C : C’est la musique qu’on aime, comme t’as dit, on écoutait du funk, et on a voulu mettre un truc différent. A partir du moment ou on fait un album, on se dit qu’il faut des ambiances différentes. Là, ce morceau un peu plus funk, c’est pour changer de tous les morceaux noirs et sombres qu’on avait fait… On veut toujours mettre un petit coté funk dans l’album, c’est donc pour ça qu’on l’a mis.
A : C’est tout un symbole ce morceau.
C : Ben ouais, c’est ça le truc, on a kiffé, t’as kiffé, tu ressens le truc comme on l’a ressenti, quand le gars a fait ça
A : Toujours dans le coté musical, le sample de ‘Regarde le Monde’
L : Oui, Dilated Peoples et compagnie.
A : Voilà, Killah Priest, Dilated Peoples avec ‘Worst comes to worst’, vous avez repris ce sample, déjà utilisé il y a peu, et qui avait porté à la polémique, pourquoi l’utilisez à votre tour ?
L : Parce qu’il est bon, et parce que le son a toujours raison, et parce qu’on en a rien à foutre. Nous, on l’a kiffé, on l’a pris. Après, c’est vrai que ça peut être casse-couilles quand tu vois un man qui a eu le même sample, mais comme on fait de la musique samplée, on peut souvent tomber sur les même instrus.
A : Vous auriez pu retoucher le sample
L : Nan, on le kiffait tellement, qu’on s’est dit « nique sa race, on le garde tel quel« , tu vois. Pour ce qui est de ce morceau, l’auteur c’est William Bell, c’est pas Dilated Peoples, c’est pas Killah Priest, à la rigueur je les emmerde.
A : Oui, je sais, mais ce sample a été utilisé plusieurs fois en moins de trois ans, ça s’enchaîne beaucoup là
L : Ouais, mais pour pas mentir, c’est vrai que si on avait fait le morceau, et qu’on avait pris connaissance du morceau, au moment où on avait fait le titre, ouais je t’avouerai qu’on l’aurait peut-être pas pris mais tu vois, le morceau était déjà bien tel quel, et on l’avait déjà pris sans avoir connaissance du truc, tu vois ce que je veux dire. Donc, maintenant, on a enchaîné. Mais est-ce que tu l’as aimé le morceau tel quel ?
A : Mouais, je l’ai aimé, mais j’avais encore dans la tête les deux versions que j’avais entendu avant, donc forcément ça m’a moins touché
L : Le problème, c’est qu’il faut pas prendre un morceau parce que t’as déjà écouté l’instru avant, il faut prendre le titre, et ce qu’on raconte dedans, parce que c’est du rap français. Dilated Peoples, je sais pas si tu comprends l’anglais, peut-être que oui, mais peu importe, ils ont un discours, nous on a le notre, notre version avec nos choses à dire dans ce titre, nous en tant que mecs qui avons fait le morceau, on veut que toi en tant que public, tu écoutes nos paroles. Si tu me dis, « oui ce sample là je l’ai déjà écouté » moi là quelque part ça peut me frustrer, parce que mes paroles t’en as rien à foutre. Dans l’album, y’a un titre qui s’appelle ‘J’t’emmerde’, donc maintenant on me dit Dilated Peoples, je l’emmerde, je fais le titre parce que je le kiffe, point barre.
A : Plus largement, musicalement vous êtes influencés par qui et par quoi ?
C : Nan, même pas, nous quand on fait l’album on marche tout par le kiff, cet album, en comparaison avec le premier on voulait apporter un changement, qu’il soit un peu plus soul. Djimi nous a ramené des trucs, on lui a dit « fais des morceaux Soul« , lui il a cherché des morceaux Soul. Si on kiffe, on dit il est bon, viens j’prends, il m’inspire, amène. S’il est pourri, on lui dit laisse tomber, c’est ça le truc. Y’a pas une influence style fais un morceau comme un tel, à part un morceau peut-être, j’aime bien ce sample, travaille dessus, et puis Sulee quand il a ramené ses sons, on sait que c’est des sons lourds. On sait que Sulee tu lui demandes un son, il te ramène un son lourd, c’est influencé peut-être Ruff Ryder, tu sais les sons cainris, mais s’il est bon, il est bon. C’est les morceaux de leur époque, 2002, les morceaux ils sont comme ça, on a pris les morceaux qu’on kiffait comme ça.
A : Lino, t’as fait pas mal de featurings, quelques morceaux solos (‘Symphonie en sous sol notamment’) , t’as un projet d’album solo de prévu ?
L : Nan dans l’album, on a deux morceaux solos, deux et demi, chacun va dans son délire, montre son univers. C’est vrai qu’il y aura des albums solos. Il va faire son album, je vais faire mon album, dans les années qui suivent, 2003, 2004, 2005, 2006, 2009(rires) on sera trop vieux donc on arrêtera, mais voilà, on fera comme Master P !
« Le rap parle à l’humain directement, ça parle à toi, ton coeur, ton corps, tout. Je pense pas que le rap va mourir. »
Lino
A : Tandem a pas mal été comparé à un moment avec Ärsenik, vous avez eu quelle réaction par rapport à ça ? Contents ? Ça vous a fait chier ?
L : Nan, moi, personnellement, les gens ils peuvent dire ce qu’ils veulent, mais moi je trouve que nous on a notre univers, et moi ce que j’ai écouté de Tandem, et j’aime bien ce qu’ils ont fait, je trouve que les mecs ont leur univers aussi. Je trouve pas de similitudes personnelles, ou seulement dans les choses qu’on dénonce, dans l’énergie, c’est là ou j’vois des similitudes, mais sinon moi je vois pas de similitudes, on est dans le même esprit. Ils ont leur spécificités et voilà, tu vois que c’est deux ambiances distinctes
A : Nan, moi je trouvais quelques similitudes notamment dans l’ambiance et la façon de rapper. Autre chose, on peut parler de Tony Truand un petit peu ? dont un morceau
C : Tony qui ? [rires]
A : Oui, un morceau où il évoquait sa mise à l’écart du groupe, vous avez eu quelle réaction par rapport à ça ?
L : Quel morceau ? J’ai pas écouté moi
C : Pas écouté. T’as écouté le maxi ? l’album ? Ah bon, sa mise à l’écart du groupe…. Nan, c’est un truc tout con, c’est pas une histoire de mise à l’écart du groupe, en fin de compte c’est compliqué et on aime pas parler trop de ça. Franchement, il s’est étalé dans les médias, mais faut lui demander, lui il sait la vérité, à la limite, je dirais plus qu’il faudrait qu’il soit là pour qu’on en parle. Parler de notre coté, lui de son coté, c’est un peu relou tu vois.
L : Je trouve aussi, qu’il y a un moment donné, où il fallait qu’il arrive avec un peu de truc sulfureux, donc il avait besoin de parler de zib ou de zeb, mais personnellement nous on s’en bat les couilles, tu vois ce que je veux dire ? Enfin on se parle, y’a pas de soucis. On est pas dans les délires Nas-Jay-Z ou machin, comment ils disent là ? Bref, j’en ai rien à foutre, il fait son truc point barre. Je sais qu’il sort son album bientôt, et je sais qu’il a dit des trucs qui lui sont sortis de sa bouche à parler plus vite que son cerveau, et ça servait plus de promotion aux gens de sa maison de disque ou quoi que ce soit.. Moi je pense que si lui il est vraiment honnête, il sait pourquoi il est pas dans le premier album, et pourquoi zib et pourquoi zeb, et voilà.
A : Ok, quels sont les projets de ceux qui vous entourent ? Kommando Toxik, Kazkami et compagnie ?
C : Il y en a déjà certains qui font des albums solos, Kazkami, Rety Bon Ap, Kommando Toxik. Maintenant pour Ghetto Superstars, on va essayer de faire un album en commun, voilà, c’est ça l’actualité.
A : On arrive plus ou moins à la fin , vous avez quelque chose à rajouter ?
Marie assise à coté, qui écoute l’interview : Écoutez l’album !
L : Tu vois elle a parlé, j’ai même pas besoin de parler ! C’est exactement ce que je voulais dire, voilà. Donc essayer de comprendre le disque, c’est ce que je dis à chaque fois en interview, essayer de comprendre les paroles, d’aller au delà des trucs qui peuvent paraître chocs, et essayer d’écouter le disque. Il y a un moment donné on écrit, donc la moindre des choses c’est d’écouter ce qu’on dit. C’est comme quand tu m’as parlé du morceau, Dilated Peoples, ça c’est la musique, après au-delà de la musique, y’a ce qu’on dit dans le titre, et on en a pas parlé. C’est dommage qu’après le morceau passe pour un titre de Dilated Peoples, alors qu’il y a un message qui est « regarde le monde, parle à des mômes, à nos mômes« , c’est un truc pour nous qui est important, passer de Dilated Peoples à nos gosses, moi j’en ai rien foutre de Dilated Peoples. Même si j’peux apprécier leur ‘sique ou quoi ou qu’est-ce, j’en ai rien à foutre. Mais au moins écouter les paroles, ou les choses qu’on peut dire dans l’album, ce serait déjà bien.
A : Moi, je distinguais bien la partie paroles et la partie musique, et la partie musique là elle est identique.
L : Exactement. C’est vrai que tout le monde dit « Dilated Peoples, Killah Priest », mais les gens oublient que Ludacris l’a dans son album. Dans le dernier album, c’est dedans. Donc on est plein ! (petit brouhaha général) …et chacun a son interprétation du titre.
C : Euh, comment il s’appelle ? Ménélik avait pris le morceau, le même que Coolio là, tu te rappelles ? Ben nous on l’avait aussi. On l’avait fait avant, mais on l’avait pas sorti avant eux, et quand on a écouté, on a dit on le sort pas. Mais on avait le même son qu’eux, exactement le même.
A : J’voulais rajouter aussi, vous vous sentez proches de qui aujourd’hui dans le rap français ? Vous en pensez quoi du rap français ? Qu’est ce que vous écoutez en ce moment ?
L : Ben déjà je vais te dire franchement je suis pas français. [rires]
Nan mais le rap français, y’a des trucs bien, des trucs moins bien, on sait ce qui est bon et ce qui est pas bon. Après, y’a beaucoup de trucs qu’on kiffe, beaucoup de trucs qu’on gerbe. Voilà, point barre, on va pas commencer à énumérer tout le monde. Mais bon on sait, on a bossé avec certaines personnes, donc tu sais avec qui on a des affinités, ou quoi que ce soit.
A : En fait vous pensez quoi de la popularisation du rap ? Quand vous avez commencé c’était sûrement pas comme ça, y’a pas mal de choses qui ont changé, donc vous pensez quoi de cette évolution ?
C : Cette évolution, si on veut. Il fut une époque on avait plus d’images TV, on était plus présents dans les radios. Maintenant, il nous reste que les radios, et il faut lutter pour être sur Skyrock.
A : Ah Skyrock… c’est quoi votre position par rapport à Skyrock ?
C : Notre position, elle est simple. Passe tous nos morceaux, ça nous arrange. Si toutes les radios même RTL pouvaient passer nos morceaux véner’, ‘J’t’emmerde’, n’importe quand, on serait content nous. On les fait pour que ça passe, nan ça nous fait pas chier quand on passe nos morceaux, on va pas dire à celui qui passe nos morceaux « tu déconnes qu’est-ce que tu fais ? »
A : Nan, c’est pas ça, c’est surtout le fait que Skyrock se proclame première radio sur le rap.
C : Nan, on s’en fout nous, on s’en fout. Faites écouter nos morceaux, même RTL, même NRJ, mettez ‘J’t’emmerde’, ‘P.O.I.S.O.N’
L : Même Nostalgie [rires]
C : J’vais pas lui dire « tu déconnes mec qu’est-ce que tu fais ?« . Faut arrêter, y’a pas d’underground.
A : Je parlais pas d’underground, mais de Skyrock.
C : Nan, mais ce que je veux dire, c’est que si on fait des morceaux, c’est pour que ce soit écouté par le plus grand monde. Alors faut les mettre sur RTL pour que ce soit écouté, ils iront sur RTL. Mais ces gens nous veulent pas.
L : Donne toi plutôt, toi ta position par rapport à Sky’
A : Moi ce que j’aime pas dans Skyrock, c’est à un moment ils s’intéressaient pas du tout au rap, et d’un seul coup, ils s’y sont intéressés, se rendant compte c’était un marché rentable, parce que c’est ça, c’est juste une question financière.
L : Moi, je vais dire autre chose. Au delà du truc que Skyrock récupère… ça s’appelle Skyrock, alors qu’il fait du rap ou au-delà de ça.
A : Oh c’est pas une simple question de nom
L : Ouais, le rap était là avant Sky, et il sera là après Sky. Après, c’est à nous de nous prendre en main pour faire quelque chose de notre musique. Y’a pas que les radios, les concerts, nous il faut qu’on soit sur tout les terrains. Le problème c’est que dans le rap, on a limité le champ d’action à un cursus. C’est à dire tu fais des fanzines, les magazines qu’on connaît tous, t’as zib, t’as zeb, t’as zub, après on fait Skyrock, après on fait truc, si on a de la chance on fait Fun Radio, si on a de la chance le clip passe.Nan, le rap c’est pas ça, c’est une musique qui nous appartient. Le rap, c’est un truc qui est palpable, c’est un art, qui nous appartient, donc il faut pas limiter ça à Skyrock ou à truc. Skyrock, c’est juste un média qui véhicule cette musique. Après, c’est à double tranchant. Y’a le coté Skyrock a donné du rap au grand public, et l’autre coté qu’il peut étouffer d’autres groupes qui n’ont pas spécialement de structures, ça peut être néfaste pour eux. Mais on peut pas imputer tout les torts à Skyrock, c’est pas eux qui ont fait le rap. On peut pas dire « Sky a niqué le rap », nan. Les seuls mecs qui pourront niquer le rap c’est nous-même, et les mecs qui pourront le mettre haut c’est nous-même. Si le rap il est dead, c’est nous qui l’avons niqué
A : Skyrock est aujourd’hui un média super important , en nombre de ventes et retombées ça garantit beaucoup de choses.
L : Oui, mais pourquoi ? Parce que nous on avait une carence. Ça veut dire que la capacité d’un groupe de rap, dit hardcore, c’est qu’il y a une grosse majorité, faut dire la vérité, qui n’achète pas les disques, il faut le savoir. Alors, forcément Skyrock représente le grand public, donc automatiquement, une fois que le rap est rentré à Skyrock, les ventes ont décollé, parce que justement le grand public s’est intéressé à cette musique.
A : Ouais, c’est tout à fait ça, c’est ce coté grand public.
L : Oui, mais qu’est ce que tu veux que je te dise moi ? Je peux rien te dire moi. Il se trouve que Sky véhicule ce genre de trucs. C’est vrai qu’il y a les cotés positifs et les cotés négatifs, mais c’est la vie mon frère, nous on y peut rien, c’est la vie mon frère. Les médias on les contrôle pas. Tant que nous on aura pas nos radios, tant qu’on aura pas nos TV, tant qu’on aura pas nos magazines, ben on fermera notre gueule et on sera obligé de suivre le cursus que je t’ai dit tout à l’heure.
A : A un moment, c’est comme pour toutes les modes, parce que le rap c’est devenu une mode pour le grand public. Et à un moment cette mode va retomber et le jour ou se sera passé de mode, y’aura pas mal de changements.
C : Tu crois que mon petit frère, qui a 14 ans, il va écouter un artiste de variété française ?
A : Nan, c’est pas la question. Mais y’aura d’autres musiques phares pour le grand public.
C : Depuis qu’on a commencé le rap, on nous a dit c’est une mode. Mais ça fait 15 ans qu’elle dure cette mode.
A : Mais je pense que cette mode a touché le grand public ces dernières années. Le jour où Skyrock lâchera le rap pour un autre courant musical je sais pas lequel ce sera, parce qu’il sera moins, ou plus du tout rentable, y’aura des désillusions.
L : Nan le rap ça va pas mourir man ! Ça ne va pas mourir, c’est trop gros. Ça te parle mec, ça te fait trembler, c’est normal. Patrick Fiori il peut pas te faire trembler, parce qu’il dit zib et zeb. Le rap va te faire trembler, parce qu’il va te parler directement. Le rap parle à l’humain directement, ça parle à toi, ton coeur, ton corps, tout. Je pense pas que le rap va mourir.
A : Nan, mais tu prêches à un convaincu, c’est pas le problème
L : Ça je sais, moi ce que j’ai envie de t’expliquer, c’est que le grand public, le grand public c’est quoi ? Le grand public, c’est des gens que tu éduques par rapport à la musique que tu lui donnes. Grand public, c’est vaste. Après, c’est vrai le grand public est infidèle comme on le sait, il va au gré des vents par rapport à tel artiste, tel artiste. Mais si on se cantonne à faire ce que le grand public veut, là on est baisé. Mais, si on donne ce qu’est vraiment l’essence du rap, je pense que les gens comprendront le truc, et qu’à un moment ils suivront, les gens sont pas cons. Y’a beaucoup de gens qui sont moutons.
C : Je pense pas que les gens ils vont retourner à l’opéra, ou à la pop plus tard.
A : Je sais pas quel courant musical ce sera, peut-être la techno.
C : Ils ont essayé la techno, le garage, c’est pour aller écouter dans les champs là-bas ! (rires)
Le rap ça parle directement aux gens, ça raconte ce qu’on vit, alors que les autres musiques ça te ramène dans des rêves, la pop ça parle toujours du même truc, l’amour, je t’aime, moi non plus. Le rap parle de réalité, demain y’aura des champignons qui vont pousser dans tous les bleds, un rappeur va dire les champignons, boum, boum, boum. Les gens ils vont prendre, ça vit avec son époque le rap. Alors que la pop ça meurt. Les boys-band, ils sautent deux fois, la troisième on veut plus les voir sauter [rires].
A : Allez, le vrai mot de la fin cette fois
L : Quel truc je vais dire de plus ? Rien d’inédit, à part que j’ai toujours une lame dans mon Teddy. Point barre.