Soso Maness puissant et poignant

En 2012, à Marseille, vingt-quatre hommes sont tués dans des règlements de compte. Le traitement médiatique de la ville se limite au son des kalash. Les rappeurs d’Île-de-France eux-mêmes y fantasment une ville plus « quartier » que les leurs : « sors les kalash comme à Marseille » devient le mythique refrain d’un featuring entre deux stars franciliennes. Quelques mois plus tôt le rappeur marseillais Kalif Hardcore sortait un clip presque du même nom, mais tragique, où l’acteur, qui jouait la victime, est retrouvé incendié dans un coffre de voiture. Dans la vraie vie. Le Figaro y voit une prémonition. L’écart entre les deux clips, celui qui s’amuse et fantasme, et celui qui est littéralement rattrapé par la réalité, a quelque chose de bouleversant. Quand en 2018, Soso Maness, de retour à la musique après un passage en prison – dans la vraie vie, là-aussi – crache, à propos des rappeurs qui « viennent clipper dans les quartiers nords » : « J’ai l’impression qu’ils viennent juste pisser sur nos morts / Dis-moi, ils étaient où avant que Marseille saigne ?« , il laisse chancelant. Il y a des clips qui viennent incarner avec puissance ce graal du rap français : l’authenticité. « Je rentre tôt » en fait partie. De la bouteille de Tropico de l’alimentation nocturne à sa recette musicale : une production sombre de Ladjoint, un refrain autotuné et des couplets techniques qui montent en intensité – une recette 100% quartiers marseillais, faite et refaite, mais ici efficace. Clairement le morceau de Soso Maness le plus réussi à ce jour.