RAPRAVE, réunir le rap et la techno
Alors que Berlin s’est imposée depuis la chute du mur comme le centre névralgique mondial de la musique de club, les artistes et activistes des scènes d’Amérique du Nord et au delà revendiquent avec une vigueur renouvelée les origines afro-américaines de la techno et la house, contre le white-washing euro-centrée qui voudrait en faire des produits de l’ingénieurie allemande. Les problématiques sociales et politiques inscrites dans l’ADN de ces musiques sont réaffirmées par toute une génération de DJ et producteurs, pour qui la revitalisation de la scène passe également par une plus grande ouverture musicale, tournée autant vers le passé que vers l’avenir. C’est dans ce contexte fertile que naît RAPRAVE, collectif dont le nom fait office de programme, et qui organise sa première soirée à New York en octobre 2021. Suivront d’autres soirées à travers les Etats-Unis puis aux quatre coin du monde, le collectif prenant toujours soin de s’associer à des artistes locaux « militant » musicalement pour une symbiose entre rap et musique de club, qu’il s’agisse des rappeurs du groupe Dastardly Kids basé à Detroit, du MC et producteur serbe Spejs Noksi (représentant du collectif à Belgrade) ou de la japonaise ShioriyBradshaw, qui a fait de l’osmose entre rap, bounce et bass music sa spécialité. Pour le collectif new-yorkais désormais international, les fêtes RAPRAVE découlent d’un déroulement presque « logique » des choses : « Les soirées ont vu le jour pas tant pour combler un vide que pour relier entre-elles toutes les pièces de notre écosystème. Nous avons à coeur de combler le fossé entre des sons, des cultures et des idées qui ne semblent pas liés de prime abord. L’éducation musicale étant au cœur de ce que nous faisons, notre communauté est réceptive aux nouveaux sons que nous apportons à chaque événement. »
Un travail éducatif volontaire qui se décline rapidement via un label dédié, dans la continuité directe des soirées. Esthètique techno « à l’ancienne » revendiquant un effacement des individualités, ainsi qu’une culture bootleg et une immédiateté proches du rap définissent en partie le versant numérique de RAPRAVE. Sur les singles et compilations sorties depuis deux ans par le collectif, les perles underground cohabitent avec les remixs de tubes plus ou moins célèbres, de Sexyy Red à Skepta en passant par Future ou Jeremih. Si chaque producteur apporte son style caractéristique, une énergie « prête à l’emploi » est commune à la musique publiée par le label, qui n’utilise jamais les couplets raps comme un prétexte ou un gimmick, mais bien comme la colonne vértébrale d’authentiques morceaux « technos » ou assimilés, pensés par et pour le dancefloor. Loin de l’exercice de style, la musique défendue par RAPRAVE embrasse ce que beaucoup n’ont fait qu’effleurer : l’affirmation d’un allant, d’une vitalité commune à ces deux « mondes » dont on nous a raconté qu’ils avaient été séparés à la création, ce que les membres du collectif semblent nier en bloc, réparant à leur mesure, et avec le plus grand naturel, une drôle d’injustice musicale. « Qu’il s’agisse des OGs qui ont ouvert la voie, de la précision de l’outerwear japonais ou de la scène tuning automobile de Detroit, nos références se transforment et s’adaptent » détaille le collectif quant à ce qui l’influence dans sa démarche. Une approche à la fois instinctive, fluide et mondiale dont Paris pourrait être l’une des prochaines étapes, notamment via le producteur monténégrin Regis, représentant de RAPRAVE dans la capitale française.