Sidekicks

Correy C est une nouvelle tête du paysage déjà foisonnant du rap angelin. On l’a découvert aux côtés de Cozz, chef de leur équipe The Comitee. En 2016, tout s’accélère pour Correy C avec « Grow » une collaboration très réussie avec Cozz sur Revenge of the Dreamers II, la dernière compilation de Dreamville, le label de J.Cole.

En effet, Cozz est la petite pépite signée par J.Cole. Il entre parfaitement dans la ligne directrice de Dreamville, un rap exigeant et sincère, très fort en écriture, bon mélange de classicisme new-yorkais époque G-Unit et de renouveau de Los Angeles à la TDE. Et cette patte lyricale marche de pair avec celle de son producteur attitré, Meez, qui propose une palette complète, entre tourbillons vertigineux et puits sans fond. Étrangement, alors que J.Cole est une comète indépendante suivie par des millions de fans acquis à la cause, son protégé Cozz ne récupère pas complètement cet aura, restant assez inconnu malgré une discographie déjà impressionnante. Cozz & Effect, son premier album sorti en 2014, était d’une maîtrise imparable et sa suite gratuite Nothing Personal ,sorti en début d’année, assurait une continuité dans son style rugueux et sans concession.

De son côté, son pote Correy C a une touche plus légère, même si ces morceaux traitent de la même réalité, le style de vie si particulier de Los Angeles, entre violence, pauvreté et soleil. Bénéficiant de la propulsion Dreamville, il présente son premier EP, Salutations, avec Cozz en agent actif. Au départ, il y a l’incongru « Foreign Girl », un tube entêtant de crooner décomplexé, accompagné d’un clip limite fluo pendant l’été, loin de l’univers glacial de Cozz. De ce point de vue, Correy C se rapproche de la musique de D.R.A.M., une énergie sans étiquette, entre rap et chant caribéens autotunés d’une décontraction salvatrice. Le reste du EP est dans une veine moins insouciante, comme sur ce mélancolique « Heard That », mais tout aussi maîtrisé, du rap à la production. Meez est toujours à la baguette, assurant une cohérence soutenue et Cozz surprend avec d’autres facettes de son univers. Salutations EP de Correy C prouve qu’il faut compter sur l’équipe de Cozz à l’avenir. Avec ou sans J.Cole.

Écouter Salutations EP

Le 1er janvier 2014, l’Abcdr se lançait dans une nouvelle aventure : la vidéo. Après des années passées à griffonner des chroniques de disques obscurs et à enregistrer des conversations de plusieurs heures sur nos dictaphones, nous avions eu l’envie d’ajouter une corde à notre arc. Une envie provoquée d’abord par une opportunité. Dans le courant de l’année 2013, Dailymotion était venu nous voir avec un projet alléchant. La plateforme voulait elle aussi passer un cap et projetait de construire un studio afin de produire des contenus inédits. Quelques réunions et discussions plus tard, l’Abcdr lançait sa chaîne.

En près de trois ans, il y en a eu des vidéos et des artistes invités. De Cut Killer à Booba en passant par Tekilatex et Sch, des tables rondes de fin d’année aux contenus proposés par l’équipe Deeper Than Rap, les tâtonnements du début ont laissé place à l’expérimentation de plusieurs formats. Une aventure qui nous a permis de développer la marque Abcdr et d’explorer de nouveaux terrains.

Aujourd’hui, la situation est différente. Le studio construit par Dailymotion en 2013 a subi une explosion en avril dernier et ne sera plus utilisé. Malgré cela, nous avions entrepris des discussions pour continuer à travailler avec Dailymotion sans que cela n’aboutisse à quelque chose de concret. Il a été question de placer l’Abcdr en télé, d’investir un nouveau studio, de réfléchir à une nouvelle formule plus simple à produire… En vain. Loin de nous l’idée de tirer à boulets rouges sur Dailymotion qui, au contraire, a cru en nous et a investi dans l’Abcdr pendant deux ans et demi. Pendant ces deux années et demi, des gens au sein de leurs équipes ont mis tous les moyens possibles à notre disposition pour que nous puissions travailler dans d’excellentes conditions. Ces personnes ne sont, hélas, plus décisionnaires aujourd’hui.

Pour autant, l’Abcdr existait avant ce partenariat avec Dailymotion et continuera d’exister après. L’équipe continue de plancher sur de nombreux projets, y compris celui de prolonger la vidéo par nos propres moyens. Cela n’arrivera pas tout de suite cela dit, le temps pour nous d’y réfléchir et de nous mettre en ordre de bataille. En attendant, vous avez plein de vidéos à regarder.

 

Dimanche soir, dans leur traditionnel rendez-vous hebdomadaire sur l’antenne de Mouv’, Les Cautionneurs ont ouvert leur mix spécial rap français par une petite surprise : un morceau inédit de Nikkfurie et… Young Zee. Une simple collaboration extirpée d’un tiroir poussiéreux ? Pas exactement. « Back N Forth » est en fait le premier extrait de deux projets aussi alléchants l’un que l’autre. Tout d’abord, un avant-goût de l’EP commun entre le rappeur de La Caution et celui d’Outsidaz, prévu pour début 2017, mais aussi la pierre inaugurale de la prochaine compilation Abcdrduson. Son concept ? Dénicher des inédits qui dorment dans les disques durs d’artistes que nous apprécions : morceaux condamnés à l’oubli ou gardés au chaud pour de futurs albums, remixes aux destins avortés, maquettes orphelines et autres pépites cabossées seront de la partie. Le tout réuni sur une seule et même compilation disponible en téléchargement gratuit le mois prochain. Et si vous avez raté la dernière émission des Cautionneurs – c’est pas bien – pas de panique, le podcast est disponible. On ne vous dévoile pas de suite le casting officiel du Jukebox Abcdr mais vous n’aurez pas à attendre bien longtemps, le second extrait arrive très bientôt. Ne cherchez rien d’autre ailleurs.

Voilà plus de trois ans que Bigg Meuj a sorti son très plaisant EP Gros gramme 1.1. Depuis, le parisien s’est fait rare et la longue attente de Gros Gramme 1.2 n’a fait qu’accroître les espoirs placés en ce projet. Il devrait enfin arriver à nos oreilles puisque le Bigg annonce l’arrivée de son nouvel album pour la fin de l’année. En voici le deuxième extrait, après« Minimum 100.000 ». Il s’intitule « Octobre », est produit par Germ$ et mis en images par Laurent. Avec un lowrider, Joke et les bijoux dorés du Gros Gramme dans Paname.

La disparition de Bankroll Fresh a été un choc, une chute vertigineuse. Le rappeur le plus consistant du moment a été rattrapé par sa ville, toujours affamée, ATL la gloutonne. Bankroll Fresh s’est construit sur une sorte de renouveau de Young Jeezy, époque Thug Motivation 101. Il adopte en effet un style dépouillé avec une voix qui gratte sévère le fond de la gorge, mélange les mantras de motivation tout en parlant de pousser des kilos. Comme Jeezy. Bankroll Fresh a aussi choisi comme freebase les productions stroboscopiques de D Rich, ombre de Shawty Redd qui était lui-même l’architecte de la puissance Jeezy. Et Fresh reste proche de son terrain, de sa base comme lorsque Jeezy revient distribuer des dindes dans le quartier pour Thanksgiving. Donc quoi de plus normal de les retrouver régulièrement ensemble en spécialistes du remix. Comme un costume de super héros qui passe d’un soldat à l’autre. La continuité du gardien.

Mais cette fois-ci, Bankroll Fresh est parti et Jeezy lui rend hommage dans son dernier titre, « All There », extrait du volume 3 de sa fameuse série Trap or Die. Le premier épisode était un brûlot à ciel ouvert, le commencement de Young Jeezy. Et finalement, le clin d’oeil est parfait pour cette ultime collaboration. L’absence de Bankroll Fresh est transformée en omniprésence dans la vidéo par la force de son entourage de la zone 3, des tee shirts estampillés Street Money Worldwide et surtout l’énergie de Bankroll PJ, le neveu de Fresh haut comme trois pommes. Sourire et foulard serré autour du cou, il est le symbole d’une communauté soudée derrière leur légende disparue. D Rich est à la production, le cercle est continu. L’hommage ne pouvait pas être plus humble et réel.

Cette authenticité et l’annonce des retrouvailles avec Shawty Redd relancent l’attente de Trap or Die 3 qui devrait ne pas être une mixtape mais un véritable album, possible ogive bitumée après un Church on the Streets en demi-teinte. Malgré les années, Jeezy reste un champion de la rue, entourés des esprits de nombreux guerriers tombés au combat. Le costume de super héros va finalement rester dans le placard du soldat originel et la liqueur sera versée pour la relève partie trop tôt. En attendant la prochaine.

LONG LIVE BANKROLL.

Niveau éditorial, la saison rap n’a pas énormément d’événements à se mettre sous la dent. Il y a bien sûr les Freshmen du magazine XXL qui font parler chaque année. Le deuxième épiphénomène est sûrement les BET Awards avec surtout leurs fameux cyphers, une série de Freestyles sur un même beat simple proposé par DJ Premier. Depuis 2006, la sélection des intervenants est toujours intrigante, entre placement publicitaire, air du temps et coup de poker. Et à chaque fois, un cypher entier est consacré à un crew, une équipe, du GOOD Music de Kanye au TDE de Kendrick en passant par A$AP MOB ou Taylor Gang. En 2015, nous avions eu un retour, celui du Def Squad, plutôt en forme, avec un Redman toujours survolté. Cette année, c’est au tour des cailleras de Philly, colonne vertébrale du Roc-A-Fella grande époque : State Property.

Quelle joie de retrouver Peedi Crack en ouverture qui a toujours son énergie et son accent imparable, très mal imité par Drake en intro du « No Shopping » de French Montana. French, justement, doit beaucoup aux envolées staccato de ce jeune fou de North Philly nommé Peedi Peedi. Rappeur en pleine ascension en 2005-2006, il avait complètement disparu de la circulation après un beef un peu raté contre l’ex-patron Jay-Z. Enchaîne Neef Buck, moitié un peu pauvre des Young Gunz, qui pallie difficilement à l’absence de Young Chris, véritable coeur technique du crew. Il assure néanmoins sa part, dans la pure tradition de Philadelphie, dur et rue. Puis viens Omillio Sparks, une des têtes les moins connues avec son pote Oschino, errant dans l’ombre de leurs pairs, malgré quelques fulgurances invitées. Pour terminer, le général Freeway pousse à peine la voix, découvrant une autre facette, moins rocailleuse, plus fluide, toujours totalement en place.

Et là, on marque une pause. Beanie Sigel, absent du plateau au début du freestyle, marche tranquillement vers le centre de l’arène, arborant une chemise Versace du plus bel effet. Le visage est fermé, l’actualité du chef de meute est serrée : Beef avec Meek Mill contre Game puis finalement beef contre Meek Mill, le véritable gangster lyriciste du R.O.C. a une voix d’outre tombe, amaigri, désabusé, en boucle sur son seul poumon. Le discours est résolument réactionnaire, quasiment dépassé et sans aucun rictus. Froide est l’émotion. Le cypher se termine comme un coup de feu, entre faux rythme et mélancolie. « ONE LUNG ». Le State Property est toujours là mais les vétérans sont marqués. On aperçoit sans mal les trous de balles dans le dos de leur hoodie. Il ne reste plus qu’à remettre la capuche.

Los Angeles est un éternel renouveau. Derrière la figure tutélaire de YG, nombreux sont les soldats revisitant les recettes G Funk avec une sauce rythmique plus relevée. Montant en grade doucement depuis quelques années, G Perico est totalement dans cette musique de gang saccadée, inspirée des classiques Mob de la Bay Area.

Proche de Jay 305 ou Jay Worthy du groupe LNDN DRGS, ce jeune chien fou de South Central est la dernière sensation en la matière avec son projet Shit Don’t Stop.  Le style est résolument dur comme le caillou, G Perico y racontant ses déboires aussi réguliers que les avis d’impôts. Après une descente de police chez lui puis à son magasin, il est limité par sa violation de parole puis blessé par balle à la sortie de son studio. G Perico vit dans l’urgence et sa musique sent la menace. Pour couronner la course, la bande son qui l’accompagne est audacieuse, passant de Mike Free, le fantôme officiel de DJ Mustard, à Scott Storch, en pleine descente de neige. Adoptant les Jheri Curls comme son ainé local Ice Cube, G Perico respecte la formule du souteneur hargneux tout en ajoutant le petit plus essentiel de son temps avec sa voix haute perchée et son arrogance de chaque instant.

A noter une reprise sous speed du « Bout It » de Master P, inverse total d’une version Chopped N Screw à la Houston. Parfait pour fêter l’été indien à sa juste valeur, laidback mais sur ses gardes. Car toujours, l’hiver arrive.

Écouter / Télécharger Shit Don’t Stop

A 23 ans, Caleborate est un jeune cool de la Bay Area adoptant une tendance décomplexée lancée sur place par Iamsu!, P-Lo et le HBK Gang. Avec 1993, son album sorti fin août, il montre de nombreuses facettes de son talent, complètement dans son temps. Appuyé par de jeunes producteurs versatiles comme Julia Lewis, Cal-A ou Mikos Da Gawd, Caleborate structure sa musique par petite touche minimale, sans étiquette, mettant en valeur sa facilité d’écriture et son charisme délicat. Ces variations subtiles et synthétiques, proche des expérimentations de Soulection ou Kaytranada, permettent à 1993 de proposer une esthétique très léchée et déjà aboutie. Et ce court « Consequences », en mutation constante, n’est pas là pour nous faire mentir, apportant la promesse d’un nouvel artiste en devenir à Berkeley, CA.

Jettez donc une oreille à son album ou à notre mixtape The End of Summer où vous pouvez le retrouver entourés d’autres jeunes artistes dans le même état d’esprit.

Jazzy Bazz continue son chemin dans le sillage de son dernier album, le très réussi P-Town. Sur celui-ci, il y avait un OVNI, une balade au féminin en forme de songe, entre amour, déception et mœurs légères, se laissant porter par la production voluptueuse d’Ikaz Boi. Très imagé, le texte de Jazzy Bazz a trouvé un parfait visuel avec son clip, montage millimétré de petits moments de cinéma. Cette suite de clins d’oeil tout azimut réalisée par Dijor Smith nous emporte de comédies en films noirs, grandes productions inoubliables ou petits films plus confidentiels, tous monuments du septième art.

Chaque vignette est choisie judicieusement et procure un amusement, un hochement de tête ou une surprise. Puis vient ce passage incongru où Jazzy Bazz apparaît sous sa forme la plus fantasque. Après le mix d’images connues, l’effet fonctionne, le plan prend tout son sens et se mélange avec le reste, comme une part de l’histoire de la pellicule, un cliché marquant parmi les autres. Comme sur son album, Jazzy Bazz prend son temps et prépare avec soin les différents éléments de son univers, de plus en plus dense. Une construction à l’ancienne avec le sens du détail qui devrait rester facilement dans le temps.

Notre collègue Bachir continue sa série de mixtapes définitives sur son label Rayon du Fond, reprenant la discographie complète d’un artiste avec la précision, la technique et la manière. Après The Nonce et le Bomb Squad, il s’attaque à un monument du Scratch à la musicalité hors pair : D-Styles. Ce membre des Invisibl Skratch Piklz, avec Q-Bert et Shorkut, est à l’origine d’expérimentations uniques et de nombreuses passions pour le scratch en France comme dans le monde. Producteur pour son groupe Third Sight ou musicien invité sur de nombreux disques, D-Styles a hanté la musique rap et affiliée pendant de nombreuses années. Bachir résume cette belle carrière avec un produit complet illustré par Hector de la Vallée pour un pack exceptionnel comprenant des feutrines pour vos platines, une affiche numérotée et des stickers inédits. Un hommage indispensable à tirage limité qu’on vous recommande chaudement, ne ratez pas les pré-commandes !