Sidekicks

C’est une tradition qui a été décrite plusieurs fois dans nos colonnes : chaque hiver, Scarz livre un album. Décembre 2016 n’a pas échappé à la règle puisque Le Rapologist a sorti Tant qu’il est temps, son huitième projet solo en presque autant d’années. En dix titres bien remplis, le Niçois y aiguise un peu plus son code de conduite. Mais annonce aussi son dernier projet, avec ce flow bourru qui le caractérise. Alors pour ses trois derniers quarts d’heure au micro, le MC s’assume plus que jamais en tant que « sale puriste », plonge les yeux dans le rétro’ puis regarde l’horizon, donne ses derniers coups de coude et tapes dans le dos à un rap qui le tiraille, dédie un émouvant morceau à sa ville qui se réveille en larmes un 15 juillet 2016, et regarde la nuit lui ouvrir ses portes. Un dernier album envoûtant, qui sonne comme la fin d’un cheminement. Car ces dernières années, chaque disque de Scarz contenait un peu plus de clarté tout en continuant à propulser l’indignation musclée et les longues séquences de parts d’ombre des débuts. Bref, le rap d’un mec de mieux en mieux dans sa vie, mais de plus en plus mal à l’aise devant son époque. Et si cet article est bien trop court pour dire tout le bien que l’on pense de celui qui à la ville s’appelle Ben, c’est le moment où jamais pour vous de vous plonger dans sa discographie et dans le long portrait que l’Abcdr’ lui avait consacré l’an dernier. Il était titré « Le retour à la terre » et il s’accompagne désormais d’un disque qui rappelle à quel point il est important de profiter du monde qui nous entoure. Tant qu’il est temps.

L’équipe Casabey revient pour secouer la capitale avec une soirée de rap actuel par mois au Point Ephémère. La première aura lieu vendredi 10 février et comme le montre ce trailer digne d’une grosse production de Michael Bay, elle invitera Ichon qui a le vent en poupe en ce moment avec son collectif Bon Gamin. Derrière les platines, on retrouvera les fidèles Asura1990 et Krampf mais aussi le LUVGANG et The Perseverance en direct de Milan. Si tu veux prendre ta dose de rap tout neuf, tu sais où ça se passe !

Plus d’infos sur l’event.

Cinq ans après NY Minute, DJ Low Cut s’apprête à sortir son second album solo. Dead End arrivera ainsi dans les bacs le 17 mars, chez Rugged Records, le label du beatmaker français. Pour le premier extrait, Low Cut a convié trois de ses habituels compagnons de route, Rustee Juxx, Nutso et DJ Nix’on, pour le percutant « Lyrikal Landslide ».

Avec leur son oppressant et leurs flows ébouriffants, Oddy Nuff et $crim, qui forment $uicideboy$, constituent l’un des groupes de rap les plus fascinants du moment. Mais, problème, le duo sort un projet tous les quatre matins. Heureusement, le très bon site SwampDiggers a pensé à tous les curieux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas suivre ce rythme effréné, en proposant un article et un mix qui permettent un bon tour d’horizon des productions 2016 des cousins de la Nouvelle-Orléans.

« C’est Moudj’ enfoiré ! » Dès que cette apostrophe résonne, celui qui a écouté des titres de l’équipe La Fronce, connu La Ménagerie ou suivi la carrière de Grems ou du Sept sourit et tend l’oreille avec délectation. Car si Moudjad est un MC rare, il est d’abord un rappeur à la technique redoutable doublée d’une présence hors norme. Problème : hormis une (magnifique) apparition sur la mixtape du Camouflage Studio en 2014, le rappeur d’Annecy n’avait plus hélé l’auditeur depuis 2012 et Printemps Arabe, son dernier projet solo en date. C’est désormais chose résolue en ce début d’année, puisque Moudj’ revient avec « Veines ouvertes. » Au programme, il y a toujours ce même flow couplé à l’instinct d’un redoutable performer, ce sens de la formule porté par une ironie cinglante, mais cette fois avec une certaine tristesse dans le constat. Alors si l’ancien de La Ménagerie a mis de côté sa bonne humeur et son ton rigolard, son retour, diffusé dans une incompréhensible discrétion, se fait les yeux grands ouverts via un constat au refrain redoutable. Moudj’ est bel et bien là bande d’enfoirés !

Ceux qui ont exploré la galaxie Svinkels en long, en large et en travers connaissent les projets parallèles menés par Mr Xavier et Fred Lansac : Les Professionnels et le collectif de La Fondation Métisse. Au sein de cette Fondation ? Pour la plupart des rappeurs aujourd’hui portés disparus, tels que Mehdi L’Affranchi, exfiltré du Barbés All Stars, DSL qui atterrira chez Ed Banger ou Gen-Si qui découvre le difficile exercice d’équilibriste qu’est la politique moderne. Mais il y avait surtout Chéravif, qui s’était lancé en solo dès 2000 avec l’EP Code mode amnésique. Une amnésie qu’internet défie aujourd’hui, puisque sur Soundcloud, la brève discographie du lieutenant de Xanax et Lansac est en ligne. Elle se situe quelque part entre Vîrus pour les ambiances glauques et leur référentiel aussi réel que trash, Anfalsh pour ses sentences, son aigreur et sa vindicte, et des titres avant-gardistes réalisés sous la houlette électro lugubre de Pushy! ou de Shone Audiomicid. Bref, autant de raisons de réécouter Chéravif en solo, huit ans après ses derniers projets, et une explication plus que valable au surnom que Fred Lansac et Xanax avaient donné à ceux qui les entouraient alors : le Mutant Clan. Chéravif était probablement le plus contaminé de tous. Donc le plus contagieux. Vous êtes prévenus : c’est l’extrême onction d’un des zonards les plus affreux du rap français qui est désormais en libre écoute.

Le présent a un passé, le passé un présent : le rap en France n’échappe pas à cette loi. Avec son autobiographie Quoi qu’il arrive, titre de son album solo qui paraîtra en octobre 2017, Sako livre le récit subjectif d’un grand témoin au cœur de cette histoire. Dès la préface d’Akhenaton, dont le rôle fut crucial pour la carrière du MC de Chiens de Paille, le livre est une ode au hasard des rencontres, mais aussi au rap d’avant et au rap à venir. Le lecteur suit la traversée semée d’autant d’embûches que de merveilles, d’un fils d’immigrés italiens, collégien réservé fou de hip-hop, bagagiste d’un hôtel de luxe cannois et enfin, créateur de plusieurs classiques du rap français. Avec en prime, une retranscription de textes à chaque chapitre et à la fin, un recueil précieux de photographies d’époque. Conscient d’être par son travail acteur de cette histoire, mais aussi son jouet, ballotté de galères en galères, de rencontres en rencontres – la première n’est pas Akhenaton, mais bien Hal, l’ami puis le producteur qui l’accompagnera dès l’enfance – le témoignage de Sako touche au-delà des amateurs du genre. En attendant, toute personne pour qui le rap a compté devrait lire ce livre. Les anciens pour la nostalgie. Les nouveaux pour savoir que leur passion commune a son histoire et qu’elle n’est parfois rien d’autre que celle d’« un mec simple ».

Quoi qu’il arrive, par Sako. 316 pages, éditions Ramsay.

« S’il faut du biff’, j’le fais moi-même, quand j’fais un disque j’le fais moi-même, tout ce qui m’arrive j’remercie moi-même », tout en egotrip,  Tortoz livre avec « Moi-même » un des meilleurs morceaux de son dernier EP Full G. Le rappeur originaire de Grenoble y développe son univers de jeune ambitieux, prêt pour l’argent et la réussite. Le flow est tranquille, l’instru est lente, Tortoz roule des mécaniques dans du beau linge, ambiance néons bleus au fond du club. Derrière la caméra, le travail est signé Louis Azaud (Deen Burbigo, Oxmo Puccino etc.), la production est due quant à elle à Nick Mira, un des multiples type-beatmaker dont regorge Internet.

TRZ s’est fait connaître en inondant les réseaux sociaux de ses freestyles, et on le retrouvait il y a quelques semaines aux côtés de Georgio pour une démonstration sans fausse note. Les récentes apparitions du jeune Nancéien laissent espérer une première mixtape dense. Il en prépare actuellement la sortie ; le projet s’appellera La Rue t’appelle, et sera disponible le 17 mars. Le rappeur vient d’en dévoiler un quatrième extrait, « Holala (Génération Gomorra) », qui s’avère aussi bon que les précédents, et toujours marqué par cette maturité qui caractérise TRZ, dont on peine à croire qu’il n’a que 20 ans.

« Vous avez devant vous un homme qui en a marre ; un homme qui n’en peut plus » disait Travis Bickle dans Taxi Driver. Il y a un peu de l’antihéros incarné par De Niro chez Zifsi, rappeur originaire du sud de la France mais ayant pas mal bourlingué. Visiblement lui non plus ne peut plus serrer les dents mais il a choisi, grand bien lui fasse, la musique plutôt que le passage à l’acte. Sur son premier album solo à venir le 14 février, Chromosomes, Zifsi décline, forcément, un rap frontal et franc du collier, contant un quotidien fait de frustration et de haine contenues tant bien que mal. Une œuvre noire, brutale et plutôt intéressante, dont on vous reparlera en temps voulu.