Sidekicks

Ceux qui ont exploré la galaxie Svinkels en long, en large et en travers connaissent les projets parallèles menés par Mr Xavier et Fred Lansac : Les Professionnels et le collectif de La Fondation Métisse. Au sein de cette Fondation ? Pour la plupart des rappeurs aujourd’hui portés disparus, tels que Mehdi L’Affranchi, exfiltré du Barbés All Stars, DSL qui atterrira chez Ed Banger ou Gen-Si qui découvre le difficile exercice d’équilibriste qu’est la politique moderne. Mais il y avait surtout Chéravif, qui s’était lancé en solo dès 2000 avec l’EP Code mode amnésique. Une amnésie qu’internet défie aujourd’hui, puisque sur Soundcloud, la brève discographie du lieutenant de Xanax et Lansac est en ligne. Elle se situe quelque part entre Vîrus pour les ambiances glauques et leur référentiel aussi réel que trash, Anfalsh pour ses sentences, son aigreur et sa vindicte, et des titres avant-gardistes réalisés sous la houlette électro lugubre de Pushy! ou de Shone Audiomicid. Bref, autant de raisons de réécouter Chéravif en solo, huit ans après ses derniers projets, et une explication plus que valable au surnom que Fred Lansac et Xanax avaient donné à ceux qui les entouraient alors : le Mutant Clan. Chéravif était probablement le plus contaminé de tous. Donc le plus contagieux. Vous êtes prévenus : c’est l’extrême onction d’un des zonards les plus affreux du rap français qui est désormais en libre écoute.

Le présent a un passé, le passé un présent : le rap en France n’échappe pas à cette loi. Avec son autobiographie Quoi qu’il arrive, titre de son album solo qui paraîtra en octobre 2017, Sako livre le récit subjectif d’un grand témoin au cœur de cette histoire. Dès la préface d’Akhenaton, dont le rôle fut crucial pour la carrière du MC de Chiens de Paille, le livre est une ode au hasard des rencontres, mais aussi au rap d’avant et au rap à venir. Le lecteur suit la traversée semée d’autant d’embûches que de merveilles, d’un fils d’immigrés italiens, collégien réservé fou de hip-hop, bagagiste d’un hôtel de luxe cannois et enfin, créateur de plusieurs classiques du rap français. Avec en prime, une retranscription de textes à chaque chapitre et à la fin, un recueil précieux de photographies d’époque. Conscient d’être par son travail acteur de cette histoire, mais aussi son jouet, ballotté de galères en galères, de rencontres en rencontres – la première n’est pas Akhenaton, mais bien Hal, l’ami puis le producteur qui l’accompagnera dès l’enfance – le témoignage de Sako touche au-delà des amateurs du genre. En attendant, toute personne pour qui le rap a compté devrait lire ce livre. Les anciens pour la nostalgie. Les nouveaux pour savoir que leur passion commune a son histoire et qu’elle n’est parfois rien d’autre que celle d’« un mec simple ».

Quoi qu’il arrive, par Sako. 316 pages, éditions Ramsay.

« S’il faut du biff’, j’le fais moi-même, quand j’fais un disque j’le fais moi-même, tout ce qui m’arrive j’remercie moi-même », tout en egotrip,  Tortoz livre avec « Moi-même » un des meilleurs morceaux de son dernier EP Full G. Le rappeur originaire de Grenoble y développe son univers de jeune ambitieux, prêt pour l’argent et la réussite. Le flow est tranquille, l’instru est lente, Tortoz roule des mécaniques dans du beau linge, ambiance néons bleus au fond du club. Derrière la caméra, le travail est signé Louis Azaud (Deen Burbigo, Oxmo Puccino etc.), la production est due quant à elle à Nick Mira, un des multiples type-beatmaker dont regorge Internet.

TRZ s’est fait connaître en inondant les réseaux sociaux de ses freestyles, et on le retrouvait il y a quelques semaines aux côtés de Georgio pour une démonstration sans fausse note. Les récentes apparitions du jeune Nancéien laissent espérer une première mixtape dense. Il en prépare actuellement la sortie ; le projet s’appellera La Rue t’appelle, et sera disponible le 17 mars. Le rappeur vient d’en dévoiler un quatrième extrait, « Holala (Génération Gomorra) », qui s’avère aussi bon que les précédents, et toujours marqué par cette maturité qui caractérise TRZ, dont on peine à croire qu’il n’a que 20 ans.

« Vous avez devant vous un homme qui en a marre ; un homme qui n’en peut plus » disait Travis Bickle dans Taxi Driver. Il y a un peu de l’antihéros incarné par De Niro chez Zifsi, rappeur originaire du sud de la France mais ayant pas mal bourlingué. Visiblement lui non plus ne peut plus serrer les dents mais il a choisi, grand bien lui fasse, la musique plutôt que le passage à l’acte. Sur son premier album solo à venir le 14 février, Chromosomes, Zifsi décline, forcément, un rap frontal et franc du collier, contant un quotidien fait de frustration et de haine contenues tant bien que mal. Une œuvre noire, brutale et plutôt intéressante, dont on vous reparlera en temps voulu.

L’an dernier Bisk avait sorti quatre EP, dont l’excellent Raw Sh!t. Visiblement le Londonien a décidé de garder le même rythme en 2017, et il n’a pas fallu attendre longtemps pour le voir remettre le couvert. Ainsi, Cartunes & Serial, un EP d’une dizaine de minutes entièrement produit par Jack Danz (Defenders of Style), est disponible depuis quelques jours. On regrettera qu’il n’y ait ni tracklist, ni pistes découpées, mais la qualité est comme toujours au rendez-vous.

« Superstition », voilà donc le second extrait de Art Contemporain, prochain album des Sages Poètes de la Rue. Un projet qui comportera onze titres (dont un avec IAM et un autre avec Guizmo) et verra le jour le 24 mars. Un joli morceau de circonstance qui confirme une chose : le retour du trio de Boulbi sera placé sous le signe de l’originalité.

Voir le clip de « Toudanlkalm »

Il y a deux camps dans la vie, celui des gens persuadés que le vendredi 13 porte malheur et celui des plus optimistes. Nous faisons partie de la seconde catégorie et la sortie en ce jour du clip de l’un des titres les plus chauds de l’année 2016 est un argument de plus en notre faveur. Extrait du très bon EP Frapp Musiq, « Toudanlkalm » et sa mise en images nous rappellent à quel point Zekwé excelle sur tous les plans.

L’année dernière a été plutôt bonne pour Morriarchi. Le beatmaker de Sheffield a notamment sorti son premier album solo, Buggzville Sessions, et placé pas mal de productions sur des projets anglais de qualité. Alors pour rendre à 2016 un peu de ce qu’elle lui a donné, Morri a décidé de faire un mix avec le meilleur du meilleur de ces douze mois selon lui, pour le magazine Doin’ Bits. Et autant dire que quand un mec ayant une étrange fascination pour les insectes fait une sélection, les incontournables des dancefloors se font plutôt rares. Durant près de deux heures on fraye donc avec les boute-en-train de Blah Records (Bisk, Danny Lover, Lee Scott, Stinkin Slumrok), de joyeux drilles états-uniens (KA, Conway, Jerermiah Jae, Smoke DZA) et même quelques mecs pouvant décemment être qualifiés de « connus » (Alchemist, Skepta, ScHoolboy Q, Anderson .Paak). Une vision de la musique Hip-Hop certes un peu particulière mais qu’on aime beaucoup.

Plutôt discret en 2016 (un projet avec la chanteuse Jhene Aiko en avril et quelques morceaux), Big Sean nous annonce depuis quelques semaines son grand retour pour 2017 : le natif de Detroit s’apprête en effet à revenir avec un disque solo, I Decided, prévu pour le 3 février prochain. Et il faut croire que le garçon semble avoir pris le temps de bien faire les choses : « Moves », son dernier titre, est d’une efficacité imparable. Sur une production signée 808 Mafia, Big Sean affiche sa technique et son sens des gimmicks (« Damn! God Damn! ») pour un titre définitivement taillé pour les clubs. Avec un clip où on le retrouve en lilliputien sur le postérieur d’une jeune demoiselle.