Sidekicks

Parce que ceux qui étaient aux fameuses soirées Icecold savent qu’on se doit de remettre les couverts, l’Abcdr investit le Flow le vendredi 16 juin pour lancer l’été comme il se doit. On sera entre amis, sur une péniche et on fera le point sur ce premier semestre rap incroyable. Aux platines, les habitués Nemo & Noumzee mais également des DJ’s amis dont les noms seront bientôt dévoilés. Venez célébrer avec nous !

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Lors de son dernier bilan annuel, l’Abcdr relevait l’excellente santé de la trap music antillaise parmi les bons points de 2016. Un semestre plus tard, si aucune tête n’a encore trusté le haut des charts métropolitains dans le sillon de Kalash, les West Indies n’en restent pas moins productives. Chaque semaine la Martinique et la Guadeloupe envoient de nouveaux titres, parfois festifs, souvent violents. Le featuring que viennent de dévoiler Evil P et Keros-N est à ranger du côté des titres sombres et profonds, comme si les armes récitaient des litanies. « Paniké » est brutal, la voix rauque du Martiniquais Evil Pichon et son flow agressif contraste avec les mélodies plus légères que propose Keros-N. Ce dernier vient d’ailleurs de finir l’enregistrement d’un nouvel album, qui devrait arriver à nos oreilles sans tarder, avant quoi le Guadeloupéen compte offrir une série de morceaux inédits.

Discret depuis trop longtemps, Infinit’ est sorti de son silence la semaine dernière, en dévoilant le titre d’introduction de son nouveau projet. Toujours affilié à D’En Bas Fondation, le jeune bœuf évolue désormais aussi aux côtés d’Alpha Wann, chez Don Dada Records. Il vient donc de sortir NSMLM, un projet composé de huit titres haut de gamme sur lesquels Inf’ crache des flammes et fait -encore- savoir qu’il a largement sa place dans le peloton de tête du rap français. C’est aussi l’occasion de se remettre à l’esprit que Nice est un des viviers les plus denses de cette musique, la scène locale, productive et qualitative, n’ayant cessé de cultiver son identité depuis deux décennies. Écouter NSMLM est d’ailleurs l’occasion de réentendre la grosse voix de Veust Lyricist, le patron de Nissa la bella étant invité sur l’excellent morceau « Secte Abdoulaye ».

Encore frais et toujours cool, le style de Caballero & Jean Jass est plus plaisant que jamais. Tout en légèreté les deux amis se font tantôt techniques, tantôt drôles et leur musique a quelque chose de naïf. Elle est colorée, ne s’embarrasse ni du respect des conventions ni de celui des proportions, si bien qu’un aspect infantile s’en dégage par moments. Sorti depuis un petit mois, l’album Double Hélice 2 de Caba & Jean Jass compte quelques perles, dont « Soin » et « On est haut ». Le dernier extrait en date du projet, « TMTC », produit par BBL vient d’être mis en images par Brice VDH, et Caballero y laisse -encore- briller son linge de qualité américaine. Enfin, le binôme explore actuellement le monde des goûts et des odeurs à travers leur série High & Fines Herbes, faisant la part belle à la weed et à la cuisine, non sans humour. Résultat des courses, parmi tous les artistes que le plat pays a vu émerger ces derniers mois, ces garçons sont sûrement la meilleure incarnation d’une éventuelle belgian touch.

A peine quelques mois d’existence et déjà une compilation solide : le label Yaruki Records semble déterminé à faire les choses bien. Introduit par Driver, le projet rassemble les artistes du label (Chat Noir, Givy, Supersønge…) et quelques invités. Une compilation évidemment disponible sur toutes les plateformes de streaming et téléchargement. A noter que Supersønge aka l’homme au masque de gorille vient de sortir de son côté un EP, Enfer Digital, et que vous pourrez retrouver l’équipe de Yaruki Records à La Bellevilloise le quinze juillet.

Le premier extrait de Drugstore, prochain projet Joey Larsé, est dehors. Le rappeur originaire de Montreuil mais désormais exilé sur les terres d’Alain Juppé y fait étalage de tout son style sur une prod’ XXL de Yepes (avec des arrangements de Plae Casi). Notons que Joe Lucazz et Pandemik Muzik seront présents sur un des neuf titres de l’EP qui devrait voir le jour courant septembre. Le genre de collaboration parisiano-bordelaise que l’on attendait depuis le transfert de Pedro Miguel Pauleta.

Dans les années quatre-vingt dix, alors qu’ils écumaient les bars de Paris dans une cascade mélangeant alcool et rimes sorties d’ailleurs, les Svinkels s’étaient institués un rituel : chaque huit juin, ils fêtaient la 8.6, cette bière marécageuse aux effets dévastateurs. De ce rituel basé sur un sens de la numérologie quelque peu alcoolisant, les Svinkels ont construit une partie de leur carrière, ponctuée de cuites mémorables, d’un public aussi fidèle que déglingué et de dates hors-normes. Car en plus de quelques albums iconoclastes (pour ne pas dire bons pour l’asile) mais terriblement réussis, de leur ancrage dans un mouvement qui a fini par assumer sur le tard son étiquette de « rap alternatif », Mr Xavier, Gérard Baste et Nikus Pokus sont avant tout des bêtes de scène. Alors si l’aventure des Svinkels n’avait pas fini de façon très chic, avec une séparation soudaine qui avait des allures de gueule de bois, voir les Svinkels au mois une fois en live est en général une démonstration autant qu’un stage de survivalisme pour celui qui s’aventure dans la fosse. Ce sera à nouveau possible, au moins pour une date. Mais le stage est très prisé, puisque toutes les places pour le concert du huit juin au New Morning ont été vendues en moins de cinq minutes. Pour les fans, il ne reste plus qu’à vider sa canette et trinquer à l’espoir d’une tournée de reformation, parce que quoi qu’on en dise, Le Svink’, c’est quand même chic.

« Si l’Unesco m’assigne en justice, je veux bien leur produire un album avec tous les samples que je leur ai piqués, par contre eux s’engagent à aller payer les pygmées, les moines japonais et les percussionnistes africains et argentins. »

Si l’on connaissait le goût d’Imhotep pour les musiques traditionnelles du monde, à l’image de son travail sur ses albums solos Blue Print et Kheper, il était encore impossible de déterminer précisément l’origine des boucles utilisées sur le morceau « L’École du Micro d’Argent ». Hymne emblématique du groupe IAM et réel point de départ de leur troisième album, souvent considéré comme le plus grand du rap français. Invité de l’émission Beatmakers sur Arte Radio, Imhotep, d’habitude avare sur ses secrets de fabrication, a lâché quelques indices de taille sur l’origine des samples. Il a utilisé l’un des nombreux disques-archives d’ethnomusicologie produit par l’UNESCO. Il restait à identifier ce disque parmi des centaines édités depuis les années 1960. Après une enquête de longue haleine façon Travolta dans Blow Out, voici enfin l’ingrédient dévoilé : il s’agit de la compilation Musical Sources / Sources musicales éditée en CD par Auvidis pour l’UNESCO en 1992.

Le producteur marseillais y sample les cloches et les chants d’un rituel tibétain interprété par les Lamas du Monastère Nyingmapa de Dehra Dun sur l’intro (à 1:16 sur l’extrait) et un duo de chants de gorges inuits du Canada au refrain (l’extrait est ralenti). La cloche et une autre voix (plus perceptible sur la version alternative « guerrière » du morceau) viennent quand à elles d’un chant liturgique bouddhiste interprété par la Secte Shingon du Japon présent sur ce même disque. Il reste cependant à trouver un autre élément majeur du morceau, les trompettes et les violons épiques, vraisemblablement issus de la musique classique occidentale et dont Imhotep lui-même avoue avoir oublié l’origine. L’enquête continue.

Aussi impensable que cela puisse paraître, on peut se faire repérer par Pharrell Williams et rester plutôt discret. La preuve avec Buddy : originaire de Compton, le jeune rappeur de 23 ans tape dans l’oeil du leader de N.E.R.D qui le signe en 2011 sur son label I Am OTHER. Depuis ? Des singles, quelques (belles) apparitions sur des morceaux de Nipsey Hussle ou A$AP Mob, mais aucune sortie sous son nom. Une période maintenant révolue avec un premier EP en compagnie d’un homme qui compte, Kaytranada. Le Montréalais aux ambiances électros s’est en effet chargé de la direction musicale de Ocean & Montana, court EP permettant d’entrevoir tout le potentiel du jeune Buddy. Autant à l’aise au chant qu’au rap, le garçon nous offre quinze minutes qui sentent bon l’été, aidé des productions de Kaytranada, entre hip hop, electro, et même dancehall le temps d’un morceau. Encore quelques mois, et le monde du rap connaitra réellement Buddy. Espérons le en tout cas.