Fin producteur, auteur l’an dernier avec Kyo Itachi et Astronote du solide The Great Red Spot, Azaia veut mettre en avant ces producteurs, qui comme lui, oeuvrent dans l’ombre et dont les noms restent parfois derrière le son. Azaia sort sur son label Brain Connection 1978 un album instrumental, Translating The Zone, qui réunit une liste rutilante et hétérogène d’orfèvres du beat : Dusty of Jazz Liberatorz, Mr Hone, Hugo LX, Dagui, Cris Prolific, Kyo Itachi, Odweeyne, Onra, Yann Kesz, AAyhasis, Walter Mecca, Venom, Parental, Mani Deïz, Astronote, Art Patterns, Dela, et lui-même. Chacun a droit à une piste pour explorer, déployer et démontrer ses talents de metteur en son. L’album Translating The Zone est disponible en écoute sur Bandcamp, proposant également à la vente différents formats, du CD au vinyle.
Sidekicks
Alors que le Suprême Nique Ta Mère s’apprête à entamer une tournée anniversaire (la deuxième après celle réalisée en deux temps, entre 2008 et 2010), l’excellente émission Affaires sensibles sur France Inter a réalisé fin janvier un focus sur les déboires de Kool Shen et Joey Starr avec les syndicats policiers. Loin de la hype qui entoure désormais le groupe à chacun de ses retours, le milieu des années 90 était en effet pour NTM (et d’autres groupes de rap français) une période de déboires judiciaires, comme l’illustraient certains éléments fournis dans notre dossier consacré à l’année 1997 du rap français. Fabrice Drouelle et son équipe, avec un art du story telling et un travail de documentation toujours aussi parfaits quels que soient les sujets, reviennent sur ces relations tendues entre le Suprême et les syndicats de la force publique. Un excellent éclairage, doublé d’un travail de vulgarisation sérieux et respectueux (malgré une micro erreur, tout à fait pardonnable, dans l’émission), qui prend le temps d’élargir le sujet à un contexte plus général tout en questionnant son traitement médiatique, à base d’archives « savoureuses. » De son côté, NTM fêtera dès ce jeudi à Bercy ses trente ans et le vingtenaire de leur dernier album. Ils seront entourés par la doublette de luxe DJ Pone et R-Ash, avant de tourner dans plusieurs festivals et salles de France.
« Il découpe le quotidien en petites phrases poétiques et déconstruit la ville lumière avec un calme tranchant », voici quelques uns des mots écrits ici-même fin janvier pour décrire « Classe », premier extrait du futur album de C.Sen. Une description qui siérait toujours aussi bien aux deux nouveaux titres que le MC et graffiteur du dix-huitième arrondissement a dévoilé ces quinze derniers jours. Alors plutôt que de craquer et de se répéter comme un disque rayé, ces lignes affirmeront que Keno semble définitivement être la trouvaille de ce début d’année côté beatmaking. Et elles confirmeront aussi ce que déclame Le C.Sen dans « La Vraie, la belle » : oui, sa tête est bel et bien un véritable coffre-fort tant les associations d’idées mélangent ici l’art de la photographie de rue et celui du haïku qu’aiment se construire ceux qui pratiquent les balades nocturnes en solitaire dans Paris. Deux titres vertigineux, qui ne « ressemblent à personne comme deux gouttes d’or », pour un futur disque vraisemblablement bien nommé : Vertiges. Probablement le futur fil d’Ariane des nuits de ce printemps 2018, celui qui guide les funambules.
« Je te vois marcher sur mes pas, comme si un malheur ne suffisait pas… » En première ligne du Dezordr, ruelle pleine de vie à l’ombre des boulevards codifiés du rap français, La Main Gauche a dévoilé fin 2017 un second EP, Ni le même, ni un autre, trois ans après avoir dépeint les silences et bruits étouffés Derrière les Palissades. Le titre éponyme de ce nouvel essai a été mis en images il y a quelques semaines et il est justement à l’image de l’univers de La Main Gauche : pauvre en artifices, riche en idées et en visages. En attendant le dixième volume des Dezord Session qui s’annonce unique dans sa diversité. Pour ceux qui portent et tombent le masque…
Il est l’abatteur préféré de L’Abcdr, et il revient, cinq ans après son EP Bûcheron. Sauf que cette fois, il a troqué ses techniques de survie et ses prophéties d’exode pour trancher le monde des algorithmes avec sa hache. Zippo se battra désormais contre les robots, pendant quinze pistes. Et si le titre de cet album semble digne d’un roman de science-fiction de littérature jeunesse, c’est bien l’âge adulte que découpera le Z. Celui dont se pare l’économie numérique. Celui qui infiltre le quotidien, les rues, les soirées, la politique, les relations amicales ou amoureuses et même la bouffe, bref, tout. Google en est le premier extrait. Sortie ce vendredi 9 mars pour ce disque qui multipliera les exercices de style tout en über démantelant tous les hypers-codes.
L’épicerie coréenne de Prince Waly et Fiasko Proximo cristallise leur rêve américain. Elle est ce repère, relevant presque de l’image d’Épinal, comme le motel, le car-wash ou le bowling peuvent l’être pour d’autres. C’est dans l’épicerie coréenne que Big Budha Cheez a décelé l’incarnation archétypale de ce qu’est leur Amérique, fantasmée, projetée et esthétisée ; ceci explique le nom de leur dernier album en date, disponible depuis deux semaines. Le disque s’inscrit dans la lignée de L’Heure des Loups, dans le sens où les deux Montreuillois développent toujours un son rétro et un univers anachronique. Mais se ressent aussi dans Épicerie Coréenne l’impact de Junior, l’excursion de Prince Waly sur un EP avec Myth Syzer en 2016. Car c’est bien lui qui porte vocalement le projet, quand son binôme se fait lui plus discret au micro, préférant se concentrer sur la production et les arrangements -un choix courageux et apprécié, tant l’écart de niveau en terme de emceeing a pu être fort par le passé. Fiasko et Waly semble avoir parfait leurs idées, et un équilibre certain régit ce très bel album, sur lequel l’Abcdr ne manquera pas de revenir à froid, lorsque le temps aura fait son travail, comme la police de Brainerd, Minnesota.
Plutôt discret depuis la sortie de son EP « Matière noire » il y a maintenant trois ans, Riski, feu Metek, dévoile de temps à autre un nouveau morceau. Il y a eu la série des vingt-six en 2016, un morceau présenté le 26 du mois pendant quelques temps, puis s’en suivirent plusieurs mois de silence. L’an passé, Riskilnikov ne sorti que deux titres, dont l’excellent « Tercian ». Voilà qu’en une semaine, le Parisien noir fluo en aura donné autant pour 2018, avec les sorties consécutives de « Larbin » et de « Crise ô crise », tous deux produits par DJ Kesmo (Booty Call Records). Riski ne perd rien de sa superbe, les titres sont denses, le style est précieux.
Lecrae passe par Paris le 26 février prochain
Lecrae est le genre de curiosités que seuls les Etats-Unis peuvent produire, une « anomalie », pour reprendre le titre d’un de ses albums. Le Texan de 38 ans a été membre de gangs avant de décider de sortir d’un cercle de violence et d’auto-destructions en retrouvant la foi. Etiqueté depuis « rappeur chrétien », et fort d’un Grammy en 2013 pour le meilleur album gospel, Lecrae est devenu la figure de proue d’un rap parallèle, portant un message exalté et pieux, mais usant des mêmes codes que le rap dominant. Son dernier et huitième album, All Things Work Together, en est l’illustration, avec des productions de Metro Boomin, DJ Dahi et T-Minus, soutenant ses leçons de vie aux côtés de Ty Dolla $ign ou Childish Major. Pour des présentations plus larges, notre confrère ErgyATL est allé à la rencontre du rappeur pour un entretien particulièrement éclairant. Lecrae est de passage dans nos contrées le temps d’un concert lundi 26 février, aux Etoiles, à Paris. Pour l’occasion, on vous fait gagner 2 x 2 places. Ca se passe sur notre page Facebook.
Il est de ceux qui osent, de ceux qui tentent, qui ferment les yeux et courent, qui serrent les dents et sautent. Ichon a de l’audace, il a des couilles et de l’esprit. Il trace sa route depuis des années et celle qui s’ouvre à lui, celle de ses vingt sept ans, s’annonce belle. Pour l’inaugurer, le Montreuillois vient de sortir un nouveau clip, un titre en deux parties, respectivement produites par Soxav et PH Trigano. Il y écrit ses pensées optimistes et suicidaires, mourir riche mais jeune, connu comme un mort… Kurt Cobain, Jim Morrison, Jimi Hendrix et les autres.
Il y a des choses qu’il faut prendre le temps de faire et ce sont souvent les mêmes que celles qu’il faut prendre le temps de dire. C’est le cas pour les albums de Joe Lucazz, dont L’Abcdr mûrit la chronique du dernier en date depuis plusieurs semaines. Sortie majeure de ce début d’année, No Name 2.0 a charmé les amateurs des ruelles parisiennes et a ravivé l’adage qui consiste à dire que le principal dans les rues étroites de la capitale est d’apprendre à être large. Démonstration ce mercredi 21 février, où celui « qui le fait (le) mieux » montera sur la scène du Réservoir pour un showcase. La soirée est signée Salamandre Music, qui a toujours le nez pour s’entourer d’excellents DJs. Noise et Mas seront donc de la fête. Et comme si ça ne suffisait pas, Nasme présentera des pistes de son futur album, Flashko, Rriké le jeune vétéran et Kiki Diallo seront à découvrir pour ceux qui ne les connaissent pas. De quoi ajouter au bagout de Joe Lucazzi, dans un événement hosté par G-Kill des 2 Bal qui rendra cette soirée encore trois fois plus efficace. Des places sont à gagner sur notre page facebook.
