DJ Clyde et les instrus non retenus de Paris sous les bombes

Les albums mythiques soulèvent toujours les passions lorsqu’il s’agit de rentrer dans le secret de leur élaboration. À propos de Paris sous les bombes du Suprême NTM, de nombreux éléments fusent tant le disque a été un tournant dans les sonorités du rap français. Et quand il est question de citer les hommes ayant eu impact considérable sur le classique sorti par Joey Starr et Kool Shen en 1995, il y a bien sûr les Psykopat, Lucien, mais aussi DJ Clyde. Des participations des uns et des autres décortiquées dans nos colonnes et de nombreuses interviews et ouvrages. Sauf que généralement, s’il est question dans l’exercice de la critique musicale d’expliquer comment un album est devenu ce qu’il est, il est plus rare d’avoir des informations et des faits qui permettraient d’imaginer ce qu’il aurait pu être. DJ Clyde et le label Trad Vibes Records en donnent ici une réponse. Mieux-même, un secret d’arrière boutique, puisqu’ils dévoilent ensemble les démos des beats que Didier Morville et Bruno Lopes n’ont pas retenus lors de la fabrication de leur troisième LP. Il se dit souvent que la notion de groove est difficile à définir. Elle l’est encore plus après cette Hypnotik Lost Tape tant ces 18 pistes, produites par Clyde et son acolyte DJ Max, suintent une ondulation magnétique et un sens du sampling aussi redoutable que celui entendu sur l’album, tout en ayant le pouvoir de le changer complètement. L’auditeur s’amusera à rapper les paroles de « La Fièvre sur l’instru de « Heavy Load ». Il se demandera si le texte de « Old School » aurait été exactement le même transposé sur la basse rondelette et la caisse-claire matte de « Golden Age ». Il ira jusqu’à imaginer un « Tout n’est pas si facile » que n’aurait pas renié un DJ Muggs associé à House of Pain s’il avait été posé sur « Hypnotik ». Une écoute fascinante, pour la qualité des beats évidemment, mais aussi et surtout pour la lecture qu’elle laisse du travail de production et d’élaboration du mythique LP des Suprême. Voici la face cachée d’un classique, ni plus ni moins, et c’est un privilège rare.