Dabaaz, de retour en toute (fausse) modestie

« Franchement, le rap ça me manque grave » disait Dabaaz il y a tout juste un an dans nos colonnes. Pourtant, cela fait un moment que retrouver son nom au détour d’une tracklist relève de l’exploit, retour en trio avec Blackboul’ et Drixxxé mis à part. Il faut dire que depuis dix ans, les galères se sont enchaînées pour l’ancien rappeur de Triptik : fêtes qui dérapent, Poyz & Pirlz – sa marque de fringue – qui tangue, ruptures personnelles, le chemin a été dur pour Dabaaz. « J’ai parlé plusieurs fois dans mes morceaux de dettes, d’huissiers, et ça confirme que c’est un peu l’histoire de ma vie. Je me dis d’un côté que c’est tout à mon honneur de tenter des trucs, mais passer par des épisodes où ça ne va pas, c’est de plus en plus dur, surtout en vieillissant. » Voilà pourquoi Dabaaz a été porté perdu de vue, lui qui vit avec la crainte de la perdre puisqu’une sale maladie s’est en plus logée dans ses yeux. Alors plutôt que tout recommencer à zéro par le rap, il a d’abord choisi de se venger avec une passion pour la photographie. Œil esthète qui a préféré se cacher derrière un appareil photo sur Instagram plutôt que devant un micro de rappeur prêt à s’enterrer vivant dans le cimetière des éléphants du rap français. Sauf que finalement, celui qui avait déjà proclamé en 2010 que « Ça faisait un bail » est de retour en ce printemps 2021. C’est avec un EP à la couverture qui en dit long, entre objectif vintage posé solidement sur trépied et silhouette évanescente. En 4 titres, le DA revient en toute modestie sur les années de merde qu’il a traversées. Lucide mais déterminé, vulnérable mais résilient, il semble sortir avec force d’un nuage brumeux, d’un flou fragile qu’il laisse derrière lui. Une image nette se révèle à chaque titre. Celle d’une reconstruction, d’un retour aux fondamentaux et de quelques leçons d’existence prises avec autant de franchise que de pudeur. Avec son grain de voix toujours aussi caractéristique, le rappeur s’avère habile pour reléguer à l’arrière plan tout pathos qui pointe le bout de son nez. Il y préfère la mise au point sur des moments de vie, et fait apparaître au gré des minutes des instantanés de ses années passées dans le mutisme. La pellicule avance et ça ne sonne pourtant jamais au bout du rouleau, c’est plein de grain, ni avec la surexposition d’un born-again ayant trouvé la lumière, ni avec la sous-exposition d’un artiste dépité par le temps qui passe. Quatre titres pour quatre clichés de vie forts rappés sur des productions du vétéran DJ Sek, de l’inévitable orfèvre Drixxxé et de 8Sho du gang français Eddie Hyde. Ça plaira autant aux backpackerz de la première heure (« En toute fausse modestie », « Blind ») qu’aux amateurs de sons plus intimistes qui ne jureraient pas dans une grande B.O du cinéma français des années soixante-dix (« Viens » et « Ivresse »). Bref, finies les expérimentations et tendances de son seul et unique album solo. « Un truc sans fioritures, une boucle, un beat, même pas de back, je pense que c’est ce que je suis en vrai » disait le DA en évoquant son dernier morceau solitaire sorti il y a un bail. Il ne lui aura pourtant fallu que treize petites minutes sonores pour le confirmer et exaucer le vœu qu’il avait prononcé ici-même en plein premier confinement : « J’aimerais bien faire des morceaux qui défoncent, les défendre à petite échelle. » Avant d’ajouter : « Et que ceux qui prennent la peine de les écouter me le disent«  . C’est le moment de lui dire que ça défonce, sans aucun doute !