Cardi B face à son propre mythe

Sept ans après son premier album, Cardi B fait enfin son grand retour avec Am I The Drama?, un disque qui assume un ancrage old school et un certain goût pour la nostalgie. Sur le plan marketing, la rappeuse du Bronx reste fidèle à elle-même. Sa direction artistique et sa communication se démarquent par une authenticité qui se fait de plus en plus rare: pas de campagne promotionnelle surdimensionnée, mais des gestes simples, presque artisanaux: des CD déposés sur les trottoirs de Brooklyn, des dédicaces à la main, un contact direct avec son public. Une façon de rappeler que, malgré la machine du rap mainstream, elle reste connectée à la rue et à ses débuts. Musicalement, Am I The Drama? est à son meilleur lorsque Cardi B se confie. Loin du personnage, elle laisse entrevoir des failles, des réflexions personnelles, tout en gardant cette verve agressive et confiante. Des morceaux comme “Killin You Hoes” ou “Check Please” incarnent cette dualité : le clash et la confession, la punchline et la vulnérabilité. Malgré cela, l’album souffre de quelques faiblesses. Les productions manquent parfois de sens, certains samples paraissent recyclés, et les featurings n’apportent pas de véritable valeur ajoutée. La longueur de l’album (24 titres) vient également alourdir l’ensemble du disque et finit par étirer inutilement le propos, créant des titres répétitifs et affaiblissant sa cohérence narrative. Ses sonorités et ses flows font rapidement penser à une influence directe des albums rap sortis au début des années 2010, une époque où les productions étaient plus brutes, moins saturées par la recherche du single viral qui fera le tour des réseaux sociaux. Cette patine rétro donne au disque un certain charme singulier dans le paysage rap américain actuel. Am I The Drama? confirme néanmoins que Cardi B reste une des rares rappeuses capables de conjuguer sincérité et performance. Un retour imparfait, mais profondément humain.