Blade est de retour, l’esprit Britcore avec

Il y a parfois une magie à préparer certaines interviews : par rebond, elles font renouer le contact avec des carrières qui semblaient pourtant appartenir à un autre temps. C’est ainsi qu’en travaillant sur l’entretien – dont la parution devrait avoir lieu en novembre – d’un DJ européen habitué à la perfide Albion, il est apparu qu’une des légendes du rap d’outre-manche avait repris du service. Après la faillite totale de sa structure de production et des dettes jusqu’au cou mettant en danger sa vie personnelle, Blade s’était retiré du circuit. Puis il y avait eu un second coup de grâce, encore plus cruel : la mort de l’un de ses plus précieux producteurs, Mark B, un jour de nouvelle année. Mais voilà, Blade est de ces rappeurs teigneux et tenaces, symboles d’un activisme déterminé et d’un sens aiguisé de la survie. Avec le label Boot Record et l’aide de son proche ami DJ Jazz T, l’underdog du rap anglais a d’abord exhumé deux inédits fin 2019. « Dark Friends » et « Make it Connect » sont de véritables archives, revisitées avec brio puisque « Make it Connect » n’existait par exemple plus que sur une seule K7 aux bandes fatiguées, dupliquée dans un studio en 1997. Toujours avec ce sens d’un boom-bap sombre, rugueux et débrouillard, l’auteur de plans bien préparés et exécutés a quelques mois plus tard publié un nouveau titre, histoire de bien sceller son retour. Intitulé humoristiquement « Fuck the fans » en hommage à son parcours et à la capacité de son public à lui garder la tête hors de l’eau, Blade excelle sur une production de Seek the Northerner. C’est à l’image de ses grandes heures en compagnie de Mark B et de prestigieux DJ anglais (et parfois belges !) puisque ces trois minutes sont complétées par des scratches de DJ Woody. De cette rencontre entre Blade, le vétéran, et la relève, incarnée par Seek the Northerner, il y a une sorte de célébration de l’underground anglais qui se dégage, ne serait-ce qu’en abordant les hauts et les bas de l’un de ses plus anciens et prestigieux MCs. À l’heure où la drill UK est dans toutes les bouches, ce petit morceau d’histoire et de rencontre générationnelle est précieux pour compléter le puzzle rap d’un pays qui a tout de même inventé ce son si particulier qu’est le britcore. Ça tombe bien, Blade en était l’un des plus farouches fers de lance.