L’OG Country Club de Fdy Phenomen
Interview

L’OG Country Club de Fdy Phenomen

Avec Chanteur de rap, Fdy Phenomen vient de sortir son meilleur disque après 30 ans de rap. Pour l’occasion, il revient longuement sur l’ensemble de son parcours, entre Antilles et hexagone, des Rimeurs à Gages à son nouvel album, et plus encore.

Photographies : Leogggxv pour l’Abcdr du Son

C’est au milieu des années 1990 qu’il faut remonter pour entendre les premières traces d’enregistrements connus de Fdy Phenomen. En ce temps, il rappait aux côtés de Fouta Barge et Mossy et composait avec eux le trio Rimeurs à Gages qui ne tarderait pas à accueillir en son sein un quatrième larron, Disiz La Peste. Entendu notamment sur la mixtape What’s The Flavor ? #25 de DJ Poska et sur la compilation Nouvelle Donne, le groupe était du genre à arpenter les coins et recoins de la région parisienne de sorte à performer partout où c’était possible, façon « opération freestyle » permanente. Comme Fdy Phenomen l’exprime dans cet entretien au long cours, il fallait assumer le nom du groupe et prouver qu’il n’était pas usurpé.

Malheureusement, la vie a fait que l’existence de Rimeurs à Gages en tant que tel n’a pas duré aussi longtemps qu’esperé, et les chemins des uns et des autres ont différé. Fdy, lui, a alors entamé une carrière solo qui suit son rythme en 2025 encore. Il vient de sortir Chanteur de rap, son nouvel album, 23 ans après Ça d’vait arriver, 14 ans après Qui veut tuer la rage d’un assassin ? et 7 ans après Flamboyant, sorties auxquelles s’ajoutent 2 mixtapes. Ce dernier disque en date, paru le 21 novembre 2025, s’inscrit dans une démarche nouvelle pour Fdy Phenomen, une volonté d’intimisme, de rareté et peut-être de désirabilité. Il n’est dans l’immédiat sorti qu’en deux éditions vinyles dont une limitée à 100 exemplaires. La diffusion en CD interviendra elle pour décembre, et c’est en janvier prochain que Chanteur de rap arrivera dans sa version dématérialisée.

Entièrement produit par Frero Prod, cet opus fait tout de même intervenir IAM et Ärsenik sur un même morceau de 9 minutes, chose a priori suffisante à promouvoir en grande trombe la sortie. Pourtant, Fdy Phenomen a fait le choix de la sobriété pour un disque qui n’a lui-même rien de tapageur. Fort de son expérience d’artiste et d’homme, l’éternel Rimeur à Gages est suffisamment sûr de son karaté -et à raison- pour laisser la musique parler. Il kicke encore, a bien du vécu à partager et c’est maintenant à chacun de venir à Chanteur de rap. L’album est un lieu chic où tout le monde est le bienvenu, on y croise Fdy toujours vêtu de son Avirex des années 90 ainsi que son entourage qui lui est si cher, la Ghett’ Set dont il parlait déjà il y a près d’un quart de siècle. Pour l’occasion, rencontre au « OG Country Club », du nom de la deuxième piste de ce nouveau disque.


DU BÈLÈ AU HIP-HOP

Jusqu’à mes 9 ans, je vis à Rouen, la ville où je suis né, puis à la suite de quelques problèmes familiaux j’atterris en Martinique. Là-bas, après avoir vécu au milieu des Normands, je me rends compte que je suis Noir, et qu’il y a d’autres Noirs, plein. Ce sont les années 80, le hip-hop n’a pas encore d’impact aux Antilles. La musique que j’entends, c’est essentiellement de la musique traditionnelle dans des baptêmes, des communions ou autres événements festifs. Le zouk est à ses tout débuts, et la musique haïtienne résonne quant à elle pas mal en Martinique. Pour ma part, je prends des cours de danse, et précisément de bèlè, danse traditionnelle antillaise associée à la Biguine, que l’on pratique au rythme des tambours. C’est mon premier contact avec une pratique musicale, parce que ma mère se dit qu’il serait pas mal que je danse le bèlè. Je suis très mauvais pour ça mais ça a le mérite de m’inculquer le sens de la rythmique, de me faire comprendre le son des tambours et de me faire chanter avec des tontons lorsqu’ils se réunissent autour de quelques tambours pour « freestyler », si on peut le dire ainsi. C’est mon conservatoire.

Quand je reviens en France avec ma sœur mais sans nos parents, je vis chez ma tante au Val d’Or, dans le 92. C’est un vrai tournant pour moi qui suis en classe de quatrième. Je découvre toute une matrice : les mecs qui arrivent au collège avec leurs premières paires de Jordan ou de Troop, la danse, le hip-hop, les premières armes à feu et les Black Dragons. Les mecs squattent à La Défense, or c’est là que je peux aller draguer une fille ou acheter un jeans, donc je les vois beaucoup. Sans appartenir du tout aux Black Dragons, j’ai l’occasion de les voir de près, avec tout ce que ça peut porter de lugubre. C’est un monde du ghetto très hiérarchisé que je découvre et mes grands cousins étant bien placés dedans, ça va pour moi, je n’ai pas à en subir les conséquences. Après plusieurs années en Martinique, je suis dans ma matrice et je me lie d’amitié avec d’autres Antillais du secteur : Manu et Sylvain, qui habitent à la Fouilleuse de Rueil. Ils sont connectés à un mec de Saint-Cloud qui s’appelle Karl et qui s’habille comme dans les premiers films de Spike Lee. Lui et moi nous lions aussi d’amitié.

Rueil-Malmaison, Saint-Cloud, ce sont des villes improbablement hip-hop. Personnellement, j’aime beaucoup le hip-hop, les vêtements qui y sont associés, ainsi que le revival africain qu’il porte, et j’essaie d’écrire un peu, mais c’est timide. Karl, lui, est plus impliqué et a déjà un nom de rappeur : Mossy. Il fait partie d’un jeune groupe de Saint-Cloud qui s’appelle Africa Power Gang, évoluant à côté d’Egosyst, lui-même proche des Derniers Messagers, le groupe de Jean-Yves « Shadow », grosse tête des Black Dragons. Ce dernier ne veut pas trop que nous soyons impliqués dans les affaires de Black Dragons et tâche de nous orienter vers la partie musicale. Il souhaite que nous nous entraînions à écrire des morceaux, et personnellement si à ce moment je ne rappe pas encore vraiment, je vais souvent écouter les gars le faire.

Au sein d’Africa Power Gang, il y a un DJ, ce qui pour les rappeurs est alors une mine d’or, car tout le monde n’en a pas. Un DJ dans le groupe, c’est comme être riche ! En l’occurrence, il s’appelle DJ Uziel et il est pote avec Jmdee et avec DJ Sound de Puteau. C’est en rencontrant tous ces gars que je fais mon entrée dans le hip-hop qui fait des disques, et j’en viens à suivre de temps en temps Jean-Yves et Les Derniers Messagers sur scène pour leur faire deux backs et demi ou coller leurs affiches.

« Rueil-Malmaison, Saint-Cloud, ce sont des villes improbablement hip-hop. »

RAP, FÊTES PATRONALES ET SOUND SYSTEMS

À Rueil, il y a quelque chose d’apparemment anodin mais qui m’étouffe, c’est le poids de l’argent. Le 92 est un département plein de contrastes sur ce plan avec des villes riches à l’intérieur desquelles les quartiers populaires sont eux super pauvres. Il faut imaginer Clichy-sous-Bois ou Montfermeil au pied de La Défense. C’est insupportable. Dans ce contexte, je pète les plombs tout simplement, j’ai la sensation que le béton m’aspire. À la rigueur, si je vivais là depuis petit, peut-être m’y serais-je fait, mais en arrivant de l’extérieur au début de mon adolescence… Non. C’est pourquoi je retourne au bled, autant par ma volonté que par celle de mes parents. Comme je sens que j’entre dans une mauvaise matrice, il est préférable que je rentre. C’est un peu le mode opératoire du moment pour les jeunes qui vrillent : retour au bled.

De retour en Martinique, je suis un jeune rappeur plein d’ambitions, et la musique a évolué sur place. Ce sont les débuts du dancehall, une musique qui se rapproche plus de l’énergie rap. Kool Herc est d’ailleurs jamaïcain, ai-je appris en me documentant. Comme ma cousine fait de la musique avec ceux qui deviendront les piliers du dancehall aux Antilles, je participe à mes premiers sound systems. Pour autant je suis toujours un mec qui rappe, or là-bas, il n’y a que des instrus dancehall. C’est donc sur ce genre musical que je m’entraîne principalement, et aussi sur les instrus que les cainris mettent sur leurs singles 3 pistes. J’achète ceux de LL Cool J, Outkast, Wu-Tang, et tant d’autres… Dans le secteur où je suis, Le Diamant, fait improbable, il existe deux mecs qui font du rap. Comme j’arrive de France, ils me mettent vite sur un piédestal injustifié et m’intègrent à leur groupe, Génération Black Mcs, au sein duquel je me fais remarquer par ma plume qui commence à s’aiguiser.

Je reste trois ans aux Antilles et c’est mortel. J’apprends à faire de la musique avec les moyens que j’ai alors. Par exemple, avec un jouet-clavier, je fais un beat, une basse, un piano et je pars voir un tonton zoukeur pour qu’il me le refasse bien. Ce qui est cool aussi, c’est qu’il y a une dame de la culture qui nous aime bien et nous permet de participer à des podiums, à des fêtes patronales. Nous faisons toutes les fêtes possibles dans la ville, puis celles de la ville d’à côté, et ainsi de suite jusqu’à nous produire dans près de la moitié de l’île. Faire du rap aux Antilles, ce n’est vraiment pas commun, les gens ne sont pas prêts et surtout, dans la foule, il y a tous les gens que nous pouvons croiser dans le quartier : nos potes, les élus, nos familles, bref tout le monde. Face à eux, nous devons monter prendre le micro et assumer notre musique. Potentiellement, c’est un bourbier, le rap n’est pas spécialement bien vu, nous sommes jeunes et presque américanisés et enfin, au bled si t’es claqué tu peux rentrer chez toi en sang. Voilà, c’est un centre de formation qui m’oblige à être debout derrière mes paroles donc à ne pas dire n’importe quoi, à ne pas le dire n’importe comment et assumer ce que je fais. Parallèlement à ces fêtes de quartier, je m’exerce dans quelques sound systems. Je n’en fais pas énormément, mais je suis tout de même un des rares rappeurs à y aller. C’est là que je capte des gars comme Lord Kossity, Tiwoni, Straika D et toute cette matrice des artistes dancehall antillais.

Je reste en Martinique jusqu’à avoir mon bac. L’obtenir avec mention est synonyme d’un billet d’avion gratuit pour la France, alors je m’arrache pour réussir. En effet, j’ai vraiment envie d’y aller parce que j’ai l’impression d’avoir fait le tour ici. Le rap ne m’offrira pas de perspectives tandis qu’en France, je suis persuadé que je vais tout niquer. J’ai pu écouter les premiers trucs des Sages Po’ et entendre La Cliqua au sein de laquelle j’ai reconnu Egosyst et Rafton. En découvrant que le 92 commence à envoyer des rappeurs comme d’autres départements avant, j’ai voulu en être. Pour ça, pas le choix, il me faut la mention pour le retour en France et je parviens à l’avoir. Assez bien !

Deux jours avant mon départ, je croise une vieille connaissance du 92 : Karl, Mossy ! J’hallucine ! « Qu’est-ce que tu fais là ? » Il m’explique alors que ce sont ces derniers jours sur l’île et qu’il y est venu six mois pour l’armée. En discutant, nous nous rendons compte qu’aucun de nous deux n’a lâché le rap. Naturellement, nous convenons de nous retrouver de l’autre côté de l’Atlantique quelques jours plus tard. C’est là que l’aventure recommence.

« Faire du rap aux Antilles est un centre de formation qui m’oblige à ne pas dire n’importe quoi et à ne pas le dire n’importe comment. »

JEUNE RIMEUR À GAGES

Entre temps, autour d’Africa Power Gang, chacun est un peu parti de son côté mais Karl a lui bien sympathisé avec DJ Sound et s’est rapproché de Jmdee. Il me propose alors d’aller les voir ensemble afin de prendre le pouls. Eux sont en train de sortir une compilation qui s’appelle 91-93-13 indépendant, et il y a peut-être moyen de faire quelque chose ensemble. Avec nous, il y a un troisième larron, Fouta Barge, qui était plus impliqué dans la rue que dans le rap avant mon départ, mais qui, lorsque je reviens, change de voie. Le rap arrive comme une soupape pour lui, et nous devenons alors le trio Rimeurs à Gages. À ce moment, je suis à fond dans la matrice. Le rap, j’y crois comme jamais, je vois qu’il se passe un truc et je veux en être.

Nous commençons à travailler étroitement avec Jmdee, qui vit dans le 19e arrondissement, à Corentin Cariou. Pour ma part, je suis arrivé à Savigny-sur-Orge, dans le 91 où je rencontre plein de mecs. Je me retrouve à rapper dans des endroits improbables du secteur, souvent tout seul et plus rarement avec Mossy et Fouta Barge. Ma capacité à freestyler, c’est comme une carte VIP, un laisser-passer qui me permet d’entrer dans des studios et de faire des rencontres. Avec Rimeurs à Gages, nous essayons de squatter un maximum de mixtapes. Par exemple, nous tentons de poser pour une tape de Cut Killer, mais il ne veut qu’un ou deux mecs du groupe, ce qui n’est pas concevable pour nous. Nous frappons à la porte de Benjamin Chulvanij pour Hostile et pareil, il filtre les membres donc nous repartons. Nous n’avons pas l’intention de nous disloquer à leur demande. Cependant, nous arrivons à poser sur différentes compiles, notamment parce que Jmdee est connecté à Lolo Boss, producteur de 91-93-13 Indépendant. Après cette compile, il veut produire les Rimeurs à Gages dans une version à quatre intégrant Disiz. What’s the Flavor n°25 de Poska en 1997, nous y participons en tant que Rimeurs à Gages avec Disiz, il est déjà là.

Mais bien avant qu’il nous rejoigne, nous sommes des graîneux, sans aucun complexe. Nous arrivons en nombre et nous emparons d’un micro partout où c’est possible en étant sûrs que ce sera foolek derrière. Puis si quiconque essaye de nous retirer le micro qu’on a nous-même pris à quelqu’un, nous ne lâcherons pas et il y aura vingt mecs derrière nous pour s’occuper de lui. Nous sommes dans ces ambiances, et nous avons sûrement un côté exubérant avec nos grosses locks au milieu des gars qui aiment bien se faire des dégradés et dessiner dans leurs cheveux.  Nous n’en avons rien à battre. Nous sommes sûrs de notre karaté à 100%.

Rimeurs à Gages - « Freestyle » (sur What’s The Flavor ? #25)

Aussi, nous bossons tout le temps. C’est-à-dire que chaque flow, chaque silence, chaque souffle, sur la moindre musique, nous analysons tout. Karl est notre grand gourou là-dedans, il est illuminé par la musique et il récupère toujours une information à côté de laquelle n’importe qui d’autre serait passé. C’est lui qui m’apprend la métrique, les temps et les hors temps, les 4, les 6, les 5, c’est un scientifique du rap. Ils sont rares les gens comme ça et on ne leur rend jamais hommage. Je pense que c’est aussi cela qui l’a rapproché de Jmdee, qui partage un peu cette approche. En les écoutant, nous captons alors ce qu’ils entendent et ça nous permet de l’utiliser à notre sauce.

Dans ma façon de rapper, j’insuffle aussi sans nécessairement m’en rendre compte des choses que j’ai reçues aux Antilles. Le reggae m’apporte une maîtrise du hors temps. C’est une musique d’accidents, qui se joue en trois temps et a l’air un peu ralenti mais qui est toujours dedans. Pour en avoir énormément écouté et avoir aussi vécu les débuts du dancehall, je suis imbibé de ces genres et je les lie au rap, que je le veuille ou non. Je ne veux pas être dans le rap monocorde. Dans les fêtes patronales, je chantais mais j’analysais aussi comment les autres chantaient, leur façon de poser sur les instrus, d’utiliser les silences, de jouer avec le public. Tout cela a joué sur ma façon de rapper. D’ailleurs, si j’ai rappé c’est d’abord parce que je ne pouvais pas chanter, je ne savais pas faire. Faire un rap super technico-technique, je peux, mais ça me fait chier. Et quand j’analyse les plus grands artistes que je peux écouter, ce qu’ils font a l’air super simple, ça ne semble pas compliqué, bien que ça puisse l’être. C’est pourquoi j’essaie de me défaire de la complexité qui existe parfois dans le rap. Le rap démonstratif ne m’intéresse pas. Je peux faire quarante morceaux dans le style, mais je ne m’amuse pas. Ce qui me fait tripper, c’est le mec qui fait du hors temps, c’est la musique avec du relief. Le premier concert auquel j’ai assisté, c’était Al Jarreau à Fort-de-France quand j’avais une dizaine d’années, et j’ai vu que dans son battement de bouche, le rythme changeait parfois, ce qui nous permettait de rester avec lui. S’il conservait le même battement sur seize mesures, ce ne serait pas marrant.

« Dans ma façon de rapper, j’insuffle des choses que j’ai reçues aux Antilles. Le reggae m’apporte une maîtrise du hors temps.  »

BOOM STAFF RECORDS

Rimeurs à Gages se disloque à l’occasion d’une première partie que nous devons faire pour Lord Finesse à Bruxelles, à cause d’une embrouille entre Jmdee et Fouta. Nous essayons tous de recoller les morceaux, en vain. Après ça, Disiz continue d’aller chez Jmdee, Mossy et moi également, mais Fouta Barge n’y va plus. Comme Mossy, Fouta et moi sommes vraiment dans un truc de quartier qui va au-delà de la musique, je ne trouve pas ça cool de continuer à bosser avec Jmdee mais sans Fouta. De ce fait, nous décidons de continuer à travailler à trois, et de ne plus le faire avec Jmdee. Ça ne m’empêche pas de passer les voir, Disiz et lui.

Nous sommes dans notre vingtaine d’années, et forcément nos vies personnelles évoluent. Fouta commence à se poser en famille, nous le voyons un peu moins, Karl arrive à avoir son indépendance sur Paris et à travailler, tandis que moi je suis encore chez ma tante. Je vais m’entraîner chez Karl, c’est le plus simple a priori mais ça ne fonctionne pas plus que ça. Lui a son appartement à assumer, il fait ses trucs et ne se projette pas dans une carrière de rap. Quant à moi, durant les années Rimeurs à Gages, j’ai rencontré plein de gens du business et désormais j’aimerais exploiter le capital du nom que nous nous sommes faits. C’est ainsi que m’est présenté Rico, qui a son label Boom Staff et qui devient mon manager. Il travaille avec un mec d’Aubervilliers, John Boya, chez qui je commence à faire des maquettes.

Rico connaît beaucoup de monde et notamment des artistes en place parce qu’il bosse sur leurs tournées ou leur sécu. Il est très au courant de ce qui se fait dans la musique et des projets en cours. Lorsqu’il voit une opportunité, il sort mon nom aux gens pour qu’on me laisse tenter ma chance et c’est comme ça que je me retrouve sur B.O.S.S. Volume 1 en 1999. D’abord, je vais freestyler chez Spank, où le courant passe bien et où on me remarque comme un rappeur à suivre. Je peux ainsi poser sur la compile de JoeyStarr, avec une pression d’enculé ! Il y a une légende selon laquelle Joey est une calamité en studio, dans le sens où si tu fais un truc pourri, il en rajoute pour bien te le dire. En réalité, ça a son avantage : déjà il est honnête et aussi, il te fait bosser pour que tu donnes le meilleur de toi-même. Je ne suis pas habitué à travailler comme ça, et comme le nom de mon groupe c’est quand même Rimeurs à Gages, j’ai intérêt à porter le truc, c’est engageant. J’ai donc une grosse pression pour poser sur B.O.S.S. Volume 1, mais JoeyStarr n’est pas présent ce jour-là, je ne suis qu’avec Spank et deux trois mecs de leur équipe. Je crains que si Joey ne valide pas mon son en le découvrant après que je l’ai fait, ça va être une galère… Puis Tonton Joey arrive, un peu fatigué, il se pose et demande à Spank de lui faire écouter. Arrivé à la fin du morceau il lance : « bon, c’est cool, j’ai rien à dire, je peux continuer à me reposer. » C’est un petit soulagement pour moi tout de même ! Après ça, Joey me supportera toujours et m’ouvrira des portes à chaque fois qu’il le pourra. Je l’affectionne particulièrement pour son engagement et pour ce qu’il est, et vingt-cinq ans plus tard, j’ai un profond respect pour lui et pour ce qu’il m’a permis de faire au cours de ma carrière.

Fdy Phenomen - « Le Flow, La Vibe et Ma Vérité » (sur B.O.S.S Volume 1)

À cette époque, avant de faire un album et pour espérer devenir le mec du moment, il faut se démener pour être sur toutes les meilleures compiles et mixtapes. Ton nom doit sortir dans la rue, c’est le fonctionnement, il faut faire parler de soi pour décrocher un contrat en maison de disques. Je m’inscris donc dans cette optique, je veux me faire remarquer. Étant fan de reggae, je vois aussi en Sizzla un exemple parce qu’il sort trois albums par an à une époque où la norme est plutôt d’en sortir un tous les trois ans. En plus de ça, il est sur des mixtapes et des compiles, donc en gros il pourrit le paysage, impossible de le louper. Je souhaite alors poser sur le plus de trucs possible et tout déchirer de sorte à être incontournable. C’est mon challenge du moment et cela me conduit à signer chez Secteur Ä en 2001.

« Le nom de mon groupe c’est quand même Rimeurs à Gages, j’ai intérêt à porter le truc, c’est engageant. »

ÇA D’VAIT ARRIVER

Avant cette signature, j’étais en édition sur Delabel et Boom Staff et j’ai été sur au moins trois compilations avec le Secteur Ä. Forcément, ce label connaît mon boulot et je connais le sien. J’ai des rapports privilégiés avec Kenzy, que je vais souvent voir à Sarcelles et qui nous fait en quelque sorte du consulting. Il nous donne des conseils, nous aiguille vers des gens, ce genre de choses. Avec Boom Staff, après avoir sorti plusieurs maxis, nous faisons le tour des maisons de disques et nous avons une bonne touche avec Sony mais ils tergiversent et je crois que nous ne sommes pas d’accord sur la direction à prendre.

Quand nous en parlons à Kenzy, il nous dit que le chemin que nous avons choisi n’est pas facile, car nous ne savons pas trop comment nous positionner sur la question du single. Nous voulons en faire mais pas vraiment, nous sommes un peu incertains. Il propose donc de faire lui aussi un tour des majors et, au cas où il n’y a rien d’intéressant, de produire lui-même mon premier album. Finalement, c’est effectivement Boom Staff et le Secteur Ä qui sortent l’album Ça d’vait arriver chez EMI, avec qui le Secteur a un deal. C’est une période où le Secteur Ä n’a plus les mêmes entrées que par le passé. Tout n’est pas simple, on essaie de charger Kenzy et de lui mettre plein de trucs sur le dos. De plus, après avoir fait tout plein de sons commerciaux, le label a envie de faire des trucs un peu plus rap, des sonorités à la Ärsenik. C’est pourquoi ils produisent des noms comme Futuristiq, Opee ou moi-même. Les maisons de disques, elles, ne prennent pas ce virage et sont focalisées sur Kenzy, dont elles ne captent pas la vision. L’histoire leur donnera tort.

Ça d’vait arriver est entièrement réalisé avec John Boya, le beatmaker de Boom Staff. Nous avons une certaine idée de ce que nous voulons et nous ne souhaitons pas écouter l’avis de trop de gens. À propos d’avoir un single, une sorte de tube qui pourrait porter mon album commercialement, j’aimerais que ce soit possible, mais je ne suis pas capable de le faire. Je ne crois pas qu’il y ait une recette pour ça, mais dans tous les cas moi je ne sais pas comment on fait. Ce que je faisais avant ne m’a pas préparé à ça, ce n’est pas ce pourquoi je suis conçu, je suis un Rimeur à Gages ! Un champion du sprint sur 100m, on ne lui demande pas du jour au lendemain de devenir une référence sur le 400m.

Je peux aussi être têtu et faire preuve de mauvaise volonté. Par exemple, lors de ma semaine à Skyrock, tout se passe bien et vient un moment où je croise Bouneau, or je ne suis pas plus enchanté que ça à l’idée de lui serrer la main. Il n’y a pas vraiment d’explication mais j’ai une certaine réticence à le rencontrer… Cela ne facilite pas les choses. Quand on me demande de changer quelques paroles sur un morceau pour le jouer en radio, cela me crispe aussi. Avec tout ça, je me ferme un peu, pourtant la semaine est vraiment bien, je fais jouer du MC Janik sur une journée que je dédie au West Indies, je joue des sons du 92 un autre jour, j’ai des thématiques quotidiennes et je m’investis réellement. Malgré ça, je ne lui montre pas le respect protocolaire qu’on attend probablement et je suis maladroit. Au bout du compte c’est pour le business, mais personne ne peut me forcer à faire quoi que ce soit et je garde mon côté sauvageon.

Enfin, la sortie de mon premier album intervient au moment où j’entre dans de nouvelles réalités de vie moi aussi. J’avance dans la vingtaine, mes premiers enfants viennent au monde, d’ailleurs je fais une pause dans ma tournée pour la naissance de l’un d’eux. Repartir sur les routes et les scènes ensuite, je n’aime pas du tout. Je me vois dans une situation paradoxale où je vis de ma musique mais où j’habite dans le 93. Quelque chose ne va pas dans ça. Ayant déjà peu d’illusions puisque je ne suis pas le mec des singles, je comprends de suite que j’aurai un autre chemin. Ça ne va pas se jouer par là pour moi, je me le dis carrément : « FDy, tu n’es pas dans ce jeu-là, ce n’est pas ce que t’as envie de faire, tu vois pas le rap comme ça. »

« Je ne crois pas qu’il y ait une recette pour faire un tube, mais dans tous les cas moi je ne sais pas comment on fait. »

LE CHARCUTIER ET L’ASSASSIN

J’en reviens à la matrice jamaïcaine que j’évoquais précédemment. Il y a toute la musique de Fdy Phenomen que le public entend et connaît, puis il y a tout ce que je fais pour manger. Des couplets que j’écris et pour lesquels je me fais payer au pire 300€, au mieux 3000€. Je fonctionne ainsi et vient un moment où ça me casse les couilles, je suis fatigué. On en revient toujours aux mêmes questions à se poser en tant qu’artiste : pourquoi es-tu venu ? que veux-tu faire ? à quoi sert la musique ? Moi, je ne me vois pas carriériste, par contre je me vois faire de la musique jusqu’à ma mort. Si tu enlèves l’argent, à quoi ça sert la musique ? Il faut réfléchir à ça quelques instants et ma réponse c’est que la musique m’apporte tout le reste. D’où le chemin que je prends alors, mon rap ne me fera pas vivre mais je ferai vivre mon rap.

Après Ça d’vait arriver, je suis peu actif dans le rap, j’ai trois enfants. Je donne les fonds de cave pour sortir Le Charcutier en 2005. Mais j’y donne aussi ma survivance (sic) en quelque sorte, car c’est une période où je suis en bonne chienneté mais « quelque chose a survécu. » Ce qui a survécu, c’est Le Charcutier. De cela naît une nouvelle matrice qui m’est propre, le concept Ghet’ 7, du nom d’un de mes morceaux [« Ghet Set » sur Ça d’vait arriver, NDLR]. C’est un club assez fermé de gens riches par leurs valeurs, et s’il faut les situer territorialement, ce sont des gens du ghetto. Nous aurions pu venir du 9eme arrondissement ou du Poitou-Charentes, ce n’est pas le problème, mais c’est pour signifier que le club est restreint et qu’on y entre qu’en partageant nos valeurs. C’est très important, ça nous porte en tant qu’hommes, en tant que pères de famille. Nous aurions pu faire plein de conneries mais aujourd’hui nous pouvons nous regarder dans un miroir, tous autant que nous sommes dans la Ghet’ 7.

Je commence alors à travailler avec Eben des 2Neg. C’est déjà quelqu’un avec un passif important, il a lui aussi connu la matrice dancehall et zouk et même plus tôt que moi, en Guadeloupe. Nous avons connu des virages de vie similaires entre les Antilles et la France. Il a été dans un groupe de ouf, il a délivré des messages de ouf, il a tracé des voies de ouf, il a produit des trucs de ouf, il a mis toute son âme, tout son cœur et ce que l’on veut encore dans ce qu’il a fait. J’aurai la chance de faire deux albums avec lui !

En 2011, nous faisons Qui peut tuer la rage d’un assassin ? et nous le présentons comme quelque chose de sérieux, il n’est plus question de fonds de cave. Comme pour chacun de mes albums, je discute beaucoup avec le compositeur sur la couleur que nous avons envie de prendre. Cela nous fait regarder le panorama de ce qui se fait et nous permet de situer où on a envie d’être et où on n’a pas envie. Or à ce moment-là, malheureusement, il y a beaucoup d’endroits où on n’a pas envie d’être. Tout ce truc un peu électronique, ce son plein de synthés, les paroles et les flows un peu faciles qui sont installés suite au Dirty, ça ne nous correspond pas. Nous nous voyons dans une autre position, je ne dirais pas de gardiens du temple mais simplement nous avons déjà quelque chose dans la valise et il n’est pas question de changer toute la musique. En revanche, il faut que nous soyons actuels et factuels, que nous ne servions pas du réchauffé et que notre musique ne soit pas dénaturée.

Fdy Phenomen - « Sale temps » (sur Qui peut tuer la rage d’un assassin ?)

L’album s’appelle Qui peut tuer la rage d’un assassin ? en écho à toute l’aventure Rimeurs à Gages. J’étais arrivé comme un tueur à un moment de ma vie, est-ce que je le reste ou est-ce que je deviens victime ? M’étant posé la question en tant qu’homme, j’ai donné la réponse sur ce disque. Si mon flow est plus incisif et mon son plus street [comme présenté par l’intervieweur au cours de l’échange] que par le passé, cela s’explique par l’époque. Dans la société comme dans le rap, le début des années 2000 arrivait comme une sorte de renouveau, et tout passait. Le rap pouvait se dévergonder, tout le monde regardait la nouveauté dans plein de domaines, ce sont les débuts d’Internet, des téléphones portables, ce qui est neuf est cool. La fin des années 2000, c’est la fin de l’illusion, retour dans le dur. Qu’est-ce qui va se passer ? Comment on fait ? Il y a eu les émeutes puis l’arrivée de Sarkozy au pouvoir, et c’est aussi par là que va se jouer le rap « de l’autre côté » du mainstream. En ce sens, je pense que Qui peut tuer la rage d’un assassin ? est un album de son époque. Grâce à ce disque, je peux faire la tournée européenne de Joey Starr. Au-delà des airplays radio et tous ces trucs-là, il existe bien un chemin pour Qui peut tuer la rage d’un assassin ?

Quand je sors cet album, je n’ai aucune revanche à prendre sur l’industrie, ce que je veux, c’est créer un autre chemin, le mien et pourquoi pas celui d’autres artistes qui ont envie d’avoir un relief dans ce qu’ils font. C’est possible. On n’est pas obligé d’être mainstream si on n’en a pas l’envie. Je ne vis pas cela comme une fatalité et il faut bien le comprendre. Beaucoup me répètent « ça aurait dû péter », ou ce genre de choses, mais moi, j’adore aller acheter ma baguette sans que personne ne me reconnaisse. J’aime pouvoir être dans une soirée et m’amuser sans avoir les flashs sur moi. Si un jour cela m’arrive, ce sera ainsi, mais ce n’est pas ce que je recherche dans ma vie. Ce que j’ai cherché à avoir, Dieu merci je l’ai eu : des enfants et des principes. Je suis très fier de tout ce que j’ai pu acquérir sans l’argent de ma musique. Elle m’a aussi beaucoup apporté, et m’a beaucoup fait apporter aux gens, et je suis heureux de cela. J’ai donné des cours de rap à des gens qui ne parlaient pas français, j’ai organisé des trucs que je n’aurais jamais imaginés, j’ai parlé avec plein de monde que je ne pensais pas rencontrer.

« Dans la société comme dans le rap, le début des années 2000 arrivait comme une sorte de renouveau. La fin des années 2000, c’est la fin de l’illusion, retour dans le dur. »

RAPPEUR FLAMBOYANT

Avant Flamboyant en 2018, je sors une mixtape avec DJ Phaxxx, The Prequel. Comme Le Charcutier, elle valorise mon catalogue existant. Pourquoi ça ? Parce que j’ai toujours l’impression qu’on n’a pas assez écouté ce que j’ai fait, ou alors si c’est le cas, il faut me le dire ! Ce n’est pas tant parce que nous n’avons rien d’autre à donner, c’est vraiment que j’ai l’impression que beaucoup de gens sont passés à côté de mes disques, je veux donc valoriser ce que j’ai fait. J’ai vu Bob Marley sortir plein d’albums ou de compiles avec les mêmes titres, dans le meilleur des cas avec des versions alternatives, dans le pire des cas avec un nouveau mix. Si j’en fais trop, il faut me le dire, mais si je ne valorise pas mon catalogue moi-même, personne ne le fera.

En dehors de ma propre musique, durant la fin des années 2010, j’accompagne d’autres artistes pour travailler sur la leur. Ils sont nombreux, des gens connus et d’autres moins, mais c’est quelque chose que j’adore faire. De par mon expérience, je connais des raccourcis qui peuvent les aider. Moi-même j’ai eu des grands frères qui m’ont fait découvrir des musiques, des styles vestimentaires et autres, et c’est toujours bien d’avoir un grand dans son camp. Aujourd’hui, je suis dans le même camp que les petits, tout ce que je veux c’est leur émancipation, qu’ils soient les plus libres possibles, qu’ils puissent grandir avec des convictions et des valeurs.

Fdy Phenomen - « Mon Africaine » (sur Flamboyant)

Flamboyant s’inscrit dans une volonté que j’ai de me frotter à autre chose que du rap. Je me dis que j’ai déjà bien rappé dans ma vie, alors je veux voir si je sais faire autre chose. Est-ce que j’ai la légitimité et la musicalité pour ça ? Le moment est venu de tester. En studio, il m’arrive de tester des choses sans trop me faire confiance, pourtant ce sont souvent ces vibes qui fonctionnent le mieux, alors je décide d’y aller. Par ailleurs, Qui peut tuer la rage d’un assassin ? était assez sombre et je veux revenir à un peu plus de lumière et de simplicité. Enfin, il y a aussi ce besoin de reconnexion réelle et affirmée avec l’africanité. Du fait de l’atmosphère ambiante, on se pose des questions : à quoi se rattacher ? d’où vient-on ? où veut-on vraiment aller ? Personnellement, j’ai besoin de reconnecter avec ce qui me compose. Il y a la France certes, c’est elle qui m’a tout donné mais aujourd’hui, qu’est-elle prête à me donner ? Je ne sais pas trop, mais comme j’ai la chance d’avoir des racines ailleurs, pourquoi pas voir ce qui s’y passe ?

« En construisant l’album Chanteur de rap, j’avais à l’esprit quelque chose relevant de l’orfèvrerie intime. C’est presque de la musique de salon à mes yeux. »

LES CHANSONS DE RAP D’UN ORFEVRE

En 2024, je commence à travailler sur mon nouvel album Chanteur de rap, pour le terminer en juillet 2025. Salim des Frero Prod me tannait depuis une dizaine d’années pour faire un album ensemble. C’était un super bon pote de John Boya, compositeur de mon premier album avec Boom Staff et nous nous étions rencontrés à la fac. Il est d’Aubervilliers et nous nous sommes beaucoup vus chez John. C’est à son petit frère Karim que j’avais pris l’instru de « J’gagne tant que j’respire » avec Lino et Djama Keita, et je m’étais dit à l’époque qu’il y aurait une prod de Frero Prod sur chacun de mes albums. Quand ils sont revenus vers moi l’an dernier, c’était le bon moment tout simplement. Nous avons commencé par une ou deux prods comme ça pour nous amuser et voir ce que ça donne. Le premier morceau a été « Patate de mike », ce qui nous a convaincu du bon fonctionnement entre nous et rapidement nous avons eu une dizaine de morceaux. C’est ainsi que nous avons décidé de partager ça au public et surtout de le faire en vinyle.

Nous pensons que c’est de la grosse musique pour tous les partisans de très bon rap. En construisant cet album, j’avais à l’esprit quelque chose relevant de l’orfèvrerie intime. C’est presque de la musique de salon à mes yeux, il faut venir pour prendre une vibration, c’est du pur kiffe. Nous avons bossé avec des musiciens hors pair sur certains morceaux, saxophoniste et batteur, c’est quelque chose qui nous tenait vraiment à cœur et que nous espérons pouvoir présenter sur scène par la suite. Cette musique, c’est du beurre, du caviar du 93 et le public mérite bien ça, un autre type de rap.

Fdy Phenomen - « Patate de mike » (sur Chanteur de rap)

Ces derniers temps, j’ai beaucoup croisé Calbo pour diverses raisons. Quant à son frère Lino, il arrive qu’on se rencontre de temps en temps à des heures tardives. Ayant fait pas mal de concerts avec Ärsenik, qui ont aussi joué un rôle dans ma signature chez Secteur Ä, j’avais envie de continuer à écrire mon histoire avec eux et surtout de faire de la musique ensemble. Lino avait bien capté qu’un moment viendrait où je le saoulerais pour venir poser sur un truc, mais je ne savais pas trop sur quel morceau. Celui sur lequel je les ai invités, « IAM », j’ai commencé à le travailler tout seul et en cours de route, j’ai fait le rapprochement entre le thème, le titre, et le groupe du même nom. Je me suis dit qu’il me fallait IAM sur ce morceau et j’ai commencé à saucer Salim et Karim. Par l’intermédiaire de Sat avec qui ils ont déjà travaillé, la prod arrive jusqu’aux oreilles d’Akhenaton qui me pose un premier couplet de je ne sais combien de mesures. Comment faire ? Je ne vais tout de même pas couper AKH… Je décide alors de tout laisser, puis en captant Calbo, je lui propose de nous rejoindre sur ce morceau. Comme il aime bien les trucs hors du commun, voilà qu’il pose lui aussi son karaté. Maintenant qu’on a AKH et Calbo, autant avoir Shurik’n et Lino, donc je demande à Tonton Jo qui est grave chaud et enregistre de son côté. Il n’en reste qu’un, Lino, que je chauffais depuis longtemps, et je ne sais pas ce qui s’est passé, il ne m’a pas dit mais je pense qu’il a entendu les trois couplets et ça l’a motivé à enfin poser son kata ! C’est cool, ils sont tous venus poser dans notre orfèvrerie, chacun représente sa maison sur un thème de ouf, bien concentré.

La cover de Chanteur de rap est un dessin que m’a fait ma fille à partir d’une photo que je lui avais passée. Quand je l’ai vu, j’ai repensé à mon Avirex blanc, celui avec lequel j’ai fait d’énormes freestyles. J’étais mignon avec ce gros blouson, mes locks et toute la Ghet’ 7 derrière. Je tuais le micro, impertinent, sans calcul, je venais seulement avec des rimes et un style, or c’est ce que je voulais dans cet album. Du rap et une démarche super artistique. Le fait de prendre un dessin de ma fille qui adore ça, je trouve que ça colle bien à l’ensemble, c’est une œuvre pour pochette et ça reste en famille, c’est toujours la Ghet’ 7. Je tiens à valoriser ce que tout le monde fait parmi nous, le travail de création, de résistance à une ère où on fait des bios en intelligence artificielle. Ce que nous faisons, c’est organique. Voilà, c’est exactement le mot qui convient : c’est un album de rap organique.

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