Le clair obscur d’En’Zoo
Interview

Le clair obscur d’En’Zoo

Architecte sonore de Nemir et Gros Mo, En’Zoo compose une musique singulière, tantôt ensoleillée, tantôt nocturne. Et est devenu en quelques hits pour Nekfeu l’un des producteurs les plus en vue du rap français.

et Photographie : Coralie Waterlot
Un entretien réalisé au festival En Vie Urbaine

La rencontre avec En’Zoo aurait pu tomber dans les mêmes profondeurs océaniques que son père illustrait musicalement pour des documentaires. À quelques heures du concert de Nemir au festival En Vie Urbaine, la petite équipe arrive scindée à Niort. La faute à un train manqué pour deux des musiciens de Nemir et Gros Mo, dont En’Zoo, leur compositeur maison. Épaisse barbe aux reflets roux et accent pyrénéen prononcé, Enzo Serra arrive finalement pile au moment où l’on termine de disserter sur le temps et l’existence avec Nemir. A la proposition d’échanger avec lui pour parler de son parcours, En’Zoo acquiesce avec enthousiasme, quitte à rater les balances du concert – sans gravité pour la soirée. Surtout, les premiers mots de notre échange avec lui nous surprennent. En presque une décennie de parcours, une reconnaissance sans faille de ses confrères producteurs, et quelques hits sortis de ses machines pour Nekfeu, il n’a encore jamais été interviewé.

En’Zoo est un fruit de son époque, celle de la démocratisation d’Internet et la porte d’entrée qu’elle a permis à des milliers d’auditeurs et apprentis artistes pour dévorer du son de manière boulimique. D’une piste de décollage rap français, à bord d’un simple modem ADSL, il a exploré sans quitter sa chambre les méandres du sampling et les terres des maîtres du beatmaking outre-atlantique, Jay Dee en tête. Ses heures à faire ses propres gammes l’ont conduites à créer une musique qui allait compléter la virtuosité d’un autre artiste du coin : Nemir. D’abord en lui proposant des ambiances nerveuses et orageuses sur son EP Next Level 2. Puis, sur le coup d’éclat Ailleurs, des ambiances solaires, adaptant le boom-bap et la soul filtrée des Soulquarians aux couleurs occitanes, donnant un son chaud et ocre, complétant l’énergie lumineuse de Nemir qui rayonnait sur cet EP.

Une couleur musicale qui a forgé la réputation du duo, à une époque où la France du rap prenait une direction à 180° avec l’adoption de la trap et de la drill. Et si cette touche vive et soyeuse a fait la réputation d’En’Zoo, dans ses placements avec des rappeurs du 66 et des membres de l’Entourage, le producteur n’a pas cherché à figer son identité sonore. Sur Fils de pute et Les # de Gros Mo, les deux premiers disques Gros Mo, En’Zoo a été cherché au contraire des boucles boueuses, distordues, prolongeant et déformant l’électricité qu’il avait provoqué à l’époque de Next Level 2.

Des laboratoires qui vont lui permettre de créer par condensation des instrus mélodieux et éthérées pour Nekfeu, avec des titres devenus de véritables hymnes dans le répertoire du Fenek : « Princesse » et « Nique les clones, Part. II ». Et de peaufiner davantage ces atmosphères brumeuses, nocturnes, mais toujours teintées de soul, avec Deen Burbigo pour son Grand Cru, en 2017. Fort de ces expériences, En’Zoo a enrichi sa palette, pour finalement nourrir deux disques complémentaires dans ses nouvelles recherches musicales : Les Etoiles de Gros Mo, disque paradoxalement claustrophobe mais romantique, et Hors-série de Nemir, où ses compositions enjouées et couleurs néon accompagnent les névroses de Nemir.

Ennemi de toutes théories et aventurier du son, En’Zoo raconte pour la première fois son parcours, sa construction artistique, toujours avec les gars de sa bande, à la fois dans l’ombre, mais avec un rôle essentiel.

Jeunesse musicale, entre Perpizoo et Detroit

En’Zoo : J’ai grandi à quinze minutes de Perpignan, à Thuir. Je viens d’une famille de musiciens. Mon père composait de la musique documentaire, pour Thalassa, des musiques d’ambiance. Il s’appelle Romano Serra : rien à voir avec Eric Serra et le Grand Bleu, mais ça a été un exemple pour lui aussi. Dans le Grand Bleu, il y a Enzo et Marco, comme moi et mon grand frère, on est né avant le film. J’ai grandi dans cet univers. J’ai eu accès assez tôt à un studio, mes premiers logiciels. Ça m’a animé à fond. L’école ça n’allait pas, ce n’était pas pour moi. J’ai arrêté en troisième, à seize ans, et j’ai passé mes journées derrière mon ordinateur, à apprendre, sans trop savoir ce qui allait se passer. Mon père m’a encouragé, j’ai eu de la chance pour ça. Il m’a dit « si c’est vraiment ce que t’aimes, c’est ta responsabilité, apprends la musique ». Il ne se doutait pas que je ferai des instrus de rap. [Sourire] Donc ça a été naturel pour moi, la musique, c’est la seule chose que je comprenais facilement. J’ai fait un peu de solfège, mais je n’ai jamais trop accroché, parce que jouer les partitions d’autres musiciens, ce n’était pas mon truc.

J’ai découvert le rap très tôt avec les grands frères de mes potes, le premier Oxmo Puccino, les premières compilations, ça m’a vraiment accroché. Plus tard, J Dilla, Slum Village. C’était sûr et certain que c’était la musique que je voulais faire sans aucun doute. J’étais un passionné des intros de compilation de DJs : Cut Killer, Goldfinger, tout ça. Ces pistes numéro un, pour moi, c’était grandiose. L’instru, un autre acapella qui vient se mélanger… C’est là où j’ai commencé à me dire « mais comment on peut faire tout ça ? » J’avais 14 ans, et j’ai commencé sur Acid Pro, et je prenais des instrus américains, je prenais des a cappellas d’autres rappeurs. J’ai passé beaucoup de temps derrière les platines. Je prétendais pas avoir un niveau, mais je savais scratcher : one kick flair, two kick flair, crabe. J’achetais même les DVDs à l’époque, DJ Pone, DJ School… Mais quand j’ai découvert le beatmaking, avec mon petit savoir au piano, ça m’a tout de suite plus attiré, j’ai délaissé le scratch. Et puis à un moment, j’étais frustré de pas avoir mes propres instrus. Donc je suis venu petit à petit à faire mes prods.

Vers seize ans, j’ai commencé à travailler avec R.Can, un autre rappeur de Perpignan. J’ai produit son premier album. On était au début des années 2000 : c’était très boom-bap, beaucoup de samples découpés. Mais j’avais pas encore découvert toute cette école Jay Dee, Madlib. Au niveau du groove, c’était très rap français. J’étais passionné d’Oxmo, Arsenik, la Scred. Les BPM à 90, la snare qui tombe toujours au même endroit…  Sur R.Can, j’avais pas tout produit, par contre j’avais tout enregistré. L’enregistrement studio, ça m’a toujours suivi, et au final, je regrette pas, c’est complémentaire avec la production. Pouvoir faire des prises de voix, bien les mixer, mettre les effets… J’avais 17, 18 ans, je trainais beaucoup sur MySpace, et je découvre Jay Dee, Madlib, Erikah Badu, les Soulquarians, D’Angelo. C’était incroyable, j’ai tout de suite été réceptif. Ça m’a fait du bien, ça m’a permis de respirer, je me suis dit « ha, c’est faisable ce groove ? »

R.Can - « Kick au mic »

C’est de là que j’ai rencontré Mokless de la Scred Connexion. J’étais très jeune, donc très respectueux, admiratif. C’est grâce à ça que Nemir a entendu mon travail. Ce qui a permis de se rencontrer via Nasty, qui est notre manager. Il organise beaucoup de battles dans la région, il connait beaucoup de monde. Il a eu l’idée de nous réunir en studio, Nemir était un gros freestyleur à l’époque, donc il m’a suggéré de lui faire écouter mes instrus. On s’est rencontrés quelques fois en studio. Il m’a marqué par sa musicalité et notre rapidité de compréhension commune. On a baigné dans les mêmes influences, donc on n’avait pas besoin de se parler beaucoup en studio.

Nemir – Next Level 2 2010

Je ne devais faire qu’une prod sur Next Level 2, et au fur et à mesure, on traînait de plus en plus ensemble. Et au final j’ai tout produit, dans une petite maison de village, à Thuir. J’ai réussi à trouver ce plan quand je suis parti de chez mes parents. Il y a un garage que j’ai rénové entièrement, double cloison, placo, sinon c’est compliqué avec les voisins. [Sourire] Ça fait dix ans que je suis là, et on travaille toujours là. Certains gens ont besoin de changer de lieu, mais moi non. C’est plus dans la tête que ça se passe. C’est pour ça que la tournée ça fait du bien. [Sourire]

Némir - « Carences et parenthèses »

Aujourd’hui, Nemir chante beaucoup, mais il faut savoir que le premier morceau qu’on a fait ensemble, Nemir chantait ! J’ai tout de suite senti cette ouverture, et je me suis que j’allais pouvoir m’épanouir à 100% avec lui. Je ne voyais pas le rap que comme du kickage. J’écoutais beaucoup de rap américain, il y avait des refrains chantés et des couplets rappés, c’est ce qui m’attirait. Quand j’ai vu que Nemir maitrisait les deux, pour moi c’était top. Je me suis dit qu’on allait pouvoir tenter plein d’expériences. Ça s’est senti plus dans le EP Ailleurs que dans Next Level 2, mais c’était déjà prévu. On était tellement ensemble tout le temps, que je crois qu’on formait une seule personne, sans le savoir.

Némir - « L’Avis d’un pauvre »

J’aime beaucoup « L’Avis d’un pauvre ». Surtout pour les lyrics de Nemir. Je me rappelle qu’à l’époque, à cause d’un problème de facture, j’avais pas l’eau chaude chez moi. Nemir était allé se doucher à l’eau froide, il est descendu en bombe au studio, et il a posé le couplet d’un trait, énervé. [Sourire] Ce morceau, je trouve que c’est celui qui reflète le plus ce côté tendu, nerveux. C’est le moins réfléchi. Ça correspondait aussi à la vie qu’on avait : j’avais mon scooter, on gambadait à droite, à gauche, rien n’était rangé. C’était naturel. À la fin de Next Level 2, il est venu vivre chez moi, j’avais un peu de place. C’est là qu’on a commencé l’EP Ailleurs, pendant un an et demi, deux ans, avec des horaires très très intenses. C’était la jeunesse ! Aujourd’hui, je sais pas si je pourrais faire ça, avec ma femme et tout. [Sourire] C’était une période formatrice pour nous.

Hassan – Warm Up 2011

Hassan vient du même groupe que Nemir, Unité de Valeurs. Quand on a commencé à bosser ensemble avec Nemir, Hassan revenait de Paris. Il trainait avec nous au studio, j’ai entendu ce qu’il faisait, ça kickait, mais c’était autre chose que Nemir. Il avait une autre manière de travailler, c’est ce qui m’intéressait. C’était la suite logique. Je n’avais plus trop envie de produire ce son nerveux. Surtout que Hassan s’y prêtait moins, il avait un autre style. J’aime échanger avec la personne en face de moi, ne pas imposer mon identité, et faire un mix des deux. Hassan maitrisait le chant, ça m’a donné envie de faire des choses plus ensoleillées. On avait déjà sort Ailleurs aussi, je pense que ça a donné confiance à pas mal de personnes pour faire ce genre de sons. Mais celle que je préfère, c’est « Warm Up », qui est plus sombre, avec son sample de chorale. Avant je samplais sur vinyle, ou je samplais sur des Blogspots introuvables. Là, c’était un sample YouTube, ça m’a décomplexé. J’étais tombé sur une chorale ukrainienne. Je l’ai découpé, et je trouvais qu’il y avait un sentiment de puissance. C’est la première fois où j’ai vraiment essayé de mixer, aussi. C’est la prod la plus aboutie du projet.

Nemir – Ailleurs 2012

Ailleurs n’a pas été réfléchi. On a récupéré « Ailleurs » et « On bloque », de Next Level 2 : on s’était dit que ça donnerait le fil conducteur, avec cette mixture de samples… Mais on n’a pas trop réfléchi. On a juste fait ce qu’on aimait. On a enregistré énormément de morceaux avant d’en sortir 11 ou 12. On l’a livré parce que Nemir commençait à partir en concert, moi je restais chez moi, on ne se voyait plus trop, la distrib était pressée… Quand on l’a sorti, je n’étais pas prêt !

Némir - « Ailleurs » feat. Deen Burbigo

Déjà à l’époque de R. Can, je piquais un des synthés de mon père. Je travaillais mes basses sur un Korg Triton, qui a un super son. Plus tard, je me suis mis aux VST instruments, aux plug-ins, mais j’ai commencé surtout avec un synthé, le même, et je réglais beaucoup dans les logiciels. Sans quantizer, parce que j’aimais pas trop. [Fonction des boîtes à rythme et logiciels qui permet de faire tomber les éléments de batterie précisément sur la mesure, NDLR] Je recalais même à la souris pour que ça soit encore moins quantizé ! Je suis passé ensuite sur Cubase progressivement, parce qu’Acid avait des limites en termes de stabilité et d’efficacité. Mais tout Ailleurs a été bossé sur Acid, avec un certain grain très chaleureux. J’ai essayé de conserver ensuite ce grain dans Cubase, avec sa puissance.

On ne voulait pas importer ce que font les américains. Le refrain de « Ailleurs » m’a ouvert des possibilités, parce que j’y ai entrevu une efficacité. Ça m’a plus d’avoir ce son clair, de l’émotion, mais de ne pas tourner autour du pot. Je filtre plus aujourd’hui, avec Gros Mo. Mais à cette époque je voulais un gimmick clair. Comme sur « Wake Up » ou « Ailleurs ». J’aime bien être généreux aussi. Un projet filtré, flou, faut vraiment s’appeler Jay Dee pour le faire.

Némir - « Dans l’zoo »

« Dans l’zoo », c’était la dernière qu’on a fait de l’EP, un mois avant de le rendre. C’était une période sombre : je vis mal les fins de projets, parce qu’il faut rendre son bébé. On se dit : « est-ce qu’on l’a bien éduqué ? Est-ce qu’il va bien se défendre dehors ? » Et « Zoo », je l’ai vraiment fait en étant déprimé. J’ai découpé le sample, j’ai dû en faire quinze versions avant d’être satisfait. C’est un son qui m’a marqué parce que j’ai appris que je pouvais revenir sur les tracks, à pousser au-delà de mes limites. Je sentais qu’il manquait quelque chose. C’était à la base un morceau beaucoup plus compliqué. De revenir à quelque chose de plus épuré, mais plus juste, ça sonne mieux. « Ailleurs », « Wake Up », c’est l’euphorie du moment, en studio. Mais « Dans l’zoo », j’avais vraiment un rapport particulier avec ce morceau, j’ai longtemps bataillé avec Nemir pour le garder. Il n’est pas ultra fou, mais j’ai vraiment cherché une justesse dans les grains, en n’ayant pas grand-chose. C’est ça que je respecte dans les instrus : quand il n’y a que quatre ou cinq pistes et que je suis fanatique, qu’elle me fait plus bouger la tête qu’un morceau avec quarante pistes, et beaucoup de maquillage.

« Je vis mal les fins de projets, parce qu’il faut rendre son bébé. On se dit : « est-ce qu’on l’a bien éduqué ? Est-ce qu’il va bien se défendre dehors ? »

R.Can et Demi Portion – « Ne t’inquiète pas » 2012

J’ai beaucoup aimé mélanger un break très poussiéreux et un son très numérique et froid. On a fait cette prod en studio avec R. Can et Demi P, parce qu’à la base on devait partir sur un autre morceau, mais je n’étais pas d’accord avec R. Can, alors que Demi Portion était d’accord avec moi. On a eu un débat. Je leur ai dit : « les gars, on va repartir à zéro ». J’ai sorti ce break, et ajouté un gimmick compréhensible, ce que j’aimais beaucoup faire à l’époque, avec une basse très nette. C’était une période pour moi dans ma recherche de devenir efficace. On pense que c’est simple de faire des choses… à la Jul, je dirais. Mais il y a une réelle science. Cette musique très premier degré, on se rend compte, quand on essaie de la faire, que c’est trop complexe. Il faut arriver à transmettre de l’émotion avec rien. Et j’adore ce truc-là.

R.Can & Demi Portion - « Ne t’inquiète pas »

On a été un peu en contact un moment avec Demi Portion, mais faute de temps… Il y a eu l’EP Ailleurs, on a tout de suite enchaîné l’album, même si ça a mis 10.000 ans. [Sourire] Chaque fois que j’avais des propositions, comme on était dans la remise en question de l’après Ailleurs, j’étais pas trop ouvert. C’était peut-être pas bien, mais il y avait d’abord un travail en interne pour me représenter différemment, notamment avec Gros Mo, avec qui j’essaie de développer un son différent que celui de Nemir.

Gros Mo – Fils de pute 2014

Le rap changeait. Avec Gros Mo, on écoutait souvent les mêmes choses. J’adore le rap bien sombre, mystique. Siboy, Booba, Alkpote. Mais aussi l’ésotérique, la franc-maçonnerie, les sciences occultes je suis un grand passionné. C’est quelque chose que j’avais en moi mais que j’avais développé, en faisant mes prods tout seul. Quand j’ai rencontré Gros Mo, il y avait une autre facette qu’avec Nemir. Il a débarqué énervé dans le délire dont je parlais juste avant. Il m’a proposé des textes. Il bossait avec l’autre beatmaker de l’équipe, qui est parti un peu en solo, Everydayz. Naturellement, je me suis dit « on va tenter ». « Avoue », c’était très inspiré par Earl Sweatshirt. « Gimmick », c’étaient un peu les prémisses de ses morceaux sur les meufs. La prod n’est pas ultra moderne, mais je me dis qu’on était bien barré. Il y avait moins de codes sur cette prod. En grandissant, j’ai réalisé que les méthodes, c’est l’anti-créativité. Et sur « Gimmick », il y a sample un peu découpé…

Gros Mo - « Gimmick » feat. Némir

Ça donne un côté un peu schizophrène au morceau. C’est vraiment un des morceaux que je préfère, même si « Click Bang » est très fou, on l’a fait dans des états… un peu seconds. [Sourire] Mais je sens que ce projet, ce n’était pas encore bien abouti. Moi, j’adore ! Mais c’est plus à partir des # de Gros Mo qu’on a commencé à être plus mature dans le rapport à ce qu’on voulait faire. Mais c’est vrai qu’il y avait une certaine innocence sur Fils de Pute. Tout est bon à prendre.

Nekfeu – « Princesse » / « Nique les clones Part. II » 2015

À la base, Nekfeu a envoyé un mail à Nemir en lui disant « il faut à tout prix qu’on fasse un feat ». À la fin du mail, il disait « je t’envoie l’instru sur lequel j’aimerais qu’on fasse le feat, mais demande à En’Zoo s’il veut pas tenter quelque chose d’autres ». J’étais chaud à l’époque. Surtout qu’avec Nemir, c’était une période sombre, on ne savait pas où on allait. Nemir a écrit le refrain Princesse sur l’autre prod – d’ailleurs je ne sais même pas qui l’avait produite. Et moi, trois jours avant le mail de Nekfeu, j’avais commencé la boucle de ce qui allait devenir « Princesse ». Et ce qui est fou, c’est que c’était exactement le même BPM que la prod qu’avait envoyée Nekfeu. Donc j’ai dit à Nemir : « attends, j’ai un truc qui peut coller ». On a mis on refrain, et « clack clack », ça s’est fait très vite. On l’a envoyé à Nekfeu, et j’ai l’impression qu’il a ultra kiffé.

Nekfeu - « Princesse » feat. Némir

Juste après il m’a écrit en me disant « il faut que je finisse l’album, je bute sur deux ou trois morceaux. Je vais t’envoyer des a cappellas, tu choisis. » Je n’avais pas le temps, mais j’aurais aimé tout faire ! Parmi les acap’, il y avait celui de « Nique les clones ». J’ai greffé la musique dessus. J’ai fait un premier test qu’il a trouvé trop mélancolique. J’ai capté où il voulait en venir : c’est un morceau assez fédérateur. Donc j’ai dégainé un gimmick que j’avais je crois depuis longtemps, mais que j’avais jamais utilisé, cette manière de jouer des arpèges. Je lui ai envoyé, avec une version même encore plus complexe, il m’a dit « arrête-toi là ». Je ne savais pas que ça allait prendre cette tournure quand j’ai fait les deux morceaux. Nekfeu, c’est un gars qu’on kiffe – il nous a filé des coups de pouce, est venu sur des clips – et qu’on aime musicalement. Et quand on a vu le disque de diamant derrière, ça fait plaisir. On est jamais sûrs de vivre ce genre de choses.

«  Il faut arriver à transmettre de l’émotion avec rien. Et j’adore ce truc-là. »

Depuis jeune, j’ai toujours eu ce rapport à la voix qui était important. Comme quand je prenais des a cappellas de Method Man et Redman, tout ce qu’il y avait sur eMule. Je trouvais le tempo, je trouvais un sample, et c’était parti. Avec la musique derrière, j’arrivais à changer l’émotion du gars. Il rappait pareil, mais je le rendais triste ou joyeux. Ça m’a toujours fasciné, de savoir que la voix ne bouge pas, mais l’émotion peut être différente. Au final, limite, ça m’arrange. Quand des rappeurs me contactent, souvent je leur demande « t’as pas un acap’ d’un morceau dont t’es pas satisfait de l’instru ? ». Je suis limite même plus efficace comme ça que sur un travail à l’aveuglette !

Nekfeu - « Nique les clônes part. 2 »

« Nique les clones », c’est un morceau dans lequel il débite beaucoup, il y a un gros message. J’avais du mal à me situer, je manquais de vision. Le temps tournait, donc j’ai envoyé ça. Je suis quelqu’un parfois un peu dans les nuages, donc j’ai vite réagi. C’est une fois qu’il m’a répondu qu’il a donné la dernière pièce du puzzle. C’est à partir de là que je savais où il voulait taper. Ça m’a aiguillé. Et j’ai pris plaisir à le faire. Ce gimmick collait, Morad [Gros Mo, NDLR] m’a dit que c’était incroyable. Quand j’ai vu les millions de vues… incroyable ! Et au final je l’ai fait très vite. Quand je la réécoute, je me dis « je n’arrive plus à faire aussi simple ». Les planètes se sont alignées.

Eff Gee – « Années lumières »  2015

Je croisais souvent Eff Gee en studio. Je l’ai toujours validé humainement, c’est quelqu’un que j’adore. Dernièrement on est tous partis au Mexique. Et je lui ai toujours dit « à l’occaz, il faudrait qu’on se fasse une collab ». Et Eff Gee, il est efficace, concret : on dit quelque chose, ça se fait. Pas comme moi et Nemir. [Sourire] Il m’a envoyé un a cappella, j’ai fait mon mic-mac, je lui ai renvoyé. Et là, dès le premier jet, il a validé. J’ai juste eu à finir mes arrangements. C’est un morceau que j’ai beaucoup aimé de par son univers. Mais dans la version finale il manque la basse ! Au mix, ils l’ont faite sauter… C’est dommage, les gars. [Sourire] Mais je peux comprendre, elle était peut-être folle cette basse. C’est pas grave.

Eff Gee - « Années lumières »

Dès que j’ai reçu le couplet d’Eff Gee… On a plusieurs gammes de choses qu’on maitrise, et j’ai voulu mettre un côté plus étouffé plus en avant. Et puis ça me manquait de venir avec quelque chose de plus flou, une ambiance forte, mais qu’on peut pas définir précisément. C’est un sample que j’ai découpé, retourné, jusqu’à me dire « on y est ». C’est pas voulu, à chaque fois, on se laisse beaucoup guider. Et au bout d’un moment, on choppe quelque chose. C’est rare que je mette derrière l’ordi en sachant ce que je vais faire tout de suite. J’ai besoin de naviguer, et de me surprendre moi-même. C’est ce qui s’est passé sur le Eff Gee. Ça demande de la détermination et de la patience.

Avant, quand c’était grillé, je m’interdisais d’utiliser certains samples. Il y avait un site, du-bruit.com, l’ancêtre de Whosampled.com… Dès que je voyais que c’était grillé, même si je l’avais découpé autrement : interdiction de sortir le morceau. Même si Nemir le trouvait chaud ou quoi. Maintenant, au contraire, je n’utilise plus trop de samples. Mais sur un morceau du dernier Gro Mo, je siffle la mélodie de « Gangsta’s Paradise ». Plus je vieillis, plus je deviens nostalgique, et j’aime ramener ces clins d’œil de mon enfance. Quand la boucle tue, il ne faut pas se prendre pour des génies : je prends. « Wake Up », j’ai repris tel quel. D’ailleurs, sur Whosampled, ils ont pas trouvé la version originale. Ça doit être un classique rejoué par plein de groupes, et ils ont une autre version. Je suis content qu’ils aient pas réussi à trouver le vrai sample. [Rires]

Gros Mo – Les # de Gros Mo 2016

On était partis sur le fait de s’amuser. Je compensais une certaine pression qu’on avait avec Nemir. Avec Gros Mo, notre rituel, c’était de se voir tous les dimanches. On avait même pensé appeler le projet Le Jour du Seigneur. On était comme des enfants, parce qu’on écoutait beaucoup de r’n’b. C’est un truc qui revenait à quand on était jeune, les compilations de DJ Goldfinger, j’adorais ça. Tory Lanez a ramené ce truc je trouvais. On était des gros fans des samples qu’il utilisait. On se disait qu’on voulait faire ça un peu, même si Gros Mo avait jamais chanté. On partait de zéro. « #Hulahoop », j’ai sorti des accords de Rhodes, un truc sensuel à fond. Il avait écrit un texte sur une autre prod, pas du tout la même mélodie, qu’il réadapté. Le dimanche d’après, on a fait « #Malsain ». C’était aussi une manière de montrer à Nemir qu’on pouvait faire de nouvelles choses. Ça a été un gros kif. Ça se sent sur des morceaux que c’est pas fini au maximum dans le mix. Mais je trouve que l’ossature de tout ce qui a suivi, c’est Les # de Gros Mo. Ça a été un déclic pour nous : s’affranchir de tous les complexes. Ça a été mal compris, mais c’est pas grave. On l’a fait.

Gros Mo - « Malsain » feat. Némir

« #Malsain », à la base, Gros Mo avait posé sur une prod trap d’un autre gars. À la fin de la session, je lui dis « ça y est je suis saoulé de la trap ». J’ai commencé à jouer les trois notes au synthé, au tempo. Je ne sais même pas qui avait fait la première version. Mais quand on a terminé le remix, on s’est dit qu’on avait trouvé un nouveau trick. Mais en me levant le matin, je ne savais pas que j’allais faire ça ! L’afrotrap arrivait, inconsciemment ça a dû m’influencer. C’est juste que parfois, on se lasse vite. Surtout avec Nemir, c’est un problème qu’on a. Et « # »Malsain a donné un nouveau souffle, on a pu finir rapidement Les # de Gros Mo.

Gros Mo - Spliff

C’est dur de ne retenir qu’une seule prod sur ce projet. Le morceau « #Overdose », c’est un peu le dernier des Mohicans dans la manière de produire. C’était pas vraiment un adieu, mais je savais que je n’allais pas revenir de sitôt dans cette manière de faire des prods. C’est un peu l’aboutissement de ce que je faisais plus jeune, à la Madlib, samplé, avec un break. Je crois que j’aime surtout « #Spliff », de par le sample et l’émotion. J’ai toujours aimé ce morceau, dès son sample original, un truc de musique brésilienne, repris sur « Loin des Rêves » de Koma. C’est un des premiers morceaux de rap qui m’a fait kiffer de fou. J’ai un rapport un peu sentimental à ce morceau.

« J’aime bien réfléchir, chercher le détail que les gens remarquent. »

Nekfeu – « Le Regard des gens »  2017

Au tout début, Nekfeu était venu lors de son tournage à Perpignan. Le matin même, avant qu’il vienne, j’étais sous stress, il fallait que je fasse une prod au cas où on pourrait faire un son, on sait jamais ! Je suis pas quelqu’un qui a beaucoup de stock, je crée beaucoup à l’instinct. J’ai fait une prod… et au final on a parlé et pas fait de sons. [Sourire] Mon petit frère est ensuite passé, je lui ai fait écouter, et il m’a dit « mais envoie-la à Nekfeu, tu t’en fous ! » J’ai envoyé à Nekfeu, il a fait un morceau qui devait être au début sur Cyborg, mais sera peut-être sur son prochain album… J’ai signé les contrats, mais ça porte la poisse d’en parler. [Rires] Entretemps, Nekfeu dit à Nemir « il faut qu’on fasse un morceau absolument », il lui envoie des prods faites par d’autres gars à Nemir, mais il n’en kiffe aucune. J’ai dit à Nemir : « moi je suis chaud ! » On s’est enfermés, pour proposer un refrain, un instru. « Le Regard des gens » s’est fait très rapidement, à partir d’un gimmick que j’avais stocké sur mon bureau. Je lui ai fait écouter, il m’a fait un refrain. On l’a envoyé, Nekfeu nous a répondu « nickel, on va faire poser tout le monde dessus ».

Nekfeu - « Le regard des gens »

Deux ou trois semaines avant la sortie de Cyborg, sa manageuse m’appelle, me disant que le premier morceau dont je t’ai parlé n’allait pas y être, et serait sur l’album d’après. Je me suis dit que c’était une disquette ! [Rires] Mais quand j’ai vu Nekfeu au Mexique, il m’a rassuré. Et au final, heureusement qu’on a fait « Le Regard des gens », sinon j’aurais pas été sur Cyborg ! Ça aurait été relou, je suis sur tous les albums de Nekfeu, il y a un suivi. D’autant que comme c’était un album surprise, on a été mis au courant au dernier moment, donc il a fallu faire ça vite. Je l’aime bien, ce n’est pas un morceau prétentieux, avec un refrain ultra efficace de Nemir. Il y a beaucoup de spontanéité, mais pas assez de recul pour comprendre ce qu’il se passait. En plus on était en mode névrose avec Nemir, on ne sortait rien. Je lui disais : « tu vois les autres comment ils travaillent ? Ça sort, ils se régalent. Nous on veut faire le meilleur morceau du monde et on ne fait rien ! » C’est des leçons.

Deen Burbigo – Grand Cru 2017

Deen, c’est quelqu’un qui suit notre travail comme nous on suit le sien. Ça a été la première collaboration que j’ai faite avec un rappeur hors Perpignan, sur Ailleurs. On avait une histoire commune. Il m’a contacté, en me disant qu’il bossait sur son album et que ce serait cool qu’on bosse ensemble. Je suis quelqu’un d’humain : je te croise, on parle, on rigole, ça suffit pour aller en studio. Deen écoute beaucoup de musique, donc il est venu avec des idées, et me faisant écouter plein de choses. J’ai cru comprendre où il voulait en venir. Le premier morceau qu’on a fait, c’est « Me Réveiller ». Ce n’est peut-être pas la prod la plus originale, mais c’est celle où on a été cherché quelque chose d’un peu atypique. C’est planant, il y a ces roulements de grosse caisse… J’y ai laissé des plumes : j’aime bien réfléchir, chercher le détail que les gens remarquent, comme le roulement. Et « Me réveiller » m’a plu aussi parce que j’ai eu l’impression de découvrir quelque chose de nouveau avec lui. Il a commencé à chanter, je me suis dit qu’il fallait qu’on travaille son interprétation. Deen a une voix particulière, qui vient vraiment du rap. Au fur et à mesure des morceaux, on s’est approché, même si pour moi on n’a pas encore trouvé la meilleure interprétation, et il le sait. Mais avec « Me réveiller », je me suis dit « il n’est pas fermé aux mélanges ».

Deen Burbigo - « Me Réveiller »

On a ensuite enchaîné, ça s’est fait en trois jours, avec « Chaos » par exemple. Et ensuite on s’est revu, il devait faire un featuring avec Nekfeu. À la base, on a fait un morceau qui s’est retrouvés sur le EP Hors-série de Nemir, « Sablier », avec Deen. Ce morceau devait être sur l’album de Deen, mais Nemir voulait le garder pour lui. Donc je lui ai tendu une tasse de café et j’ai entamé les négociations avec lui. [Sourire] « Si t’es prêt à nous laisser ce morceau, demain, tu viens, et on fait un gros morceau efficace pour le feat avec Nekfeu ». Du coup on a fait « Tu rêves », le lendemain de la session de « Sablier ». J’étais sous pression : il y avait déjà eu « Nique les clones », je sentais qu’il y avait des attentes. Alors que quand tu es jeune, tu es libre ! Du coup j’ai cherché sur mon synthé, dix, quinze, vingt minutes, et là : « clac clac ». Je lui ai dit « c’est bon, nickel, je te donnes celui-là ». On lui a également filé « Freedom », qui devait être sur Ailleurs, mais question de temps, à la fin, on nous a vite pris le projet des mains. Et pour moi, l’EP aurait été à 100% fini avec « Freedom » dedans. Ça m’angoissait que ce morceau ne sorte jamais. Donc quand j’ai vu que Deen kiffait, je lui ai dit « nickel, sors-le ». Surtout que Nemir n’avait jamais réussi à faire de couplets dessus. Donc Deen a débarqué et trouvé deux gros couplets de kickeur. C’est bien ces échanges de bons procédés, pour faire vivre les morceaux. Tous les moyens sont bons.

Deen Burbigo - « Freedom » feat. Némir

Nemir – Hors-série 2018

Nemir a eu une grosse tournée. Moi je n’étais pas dessus, c’est ça qui m’a permis de faire tout ce qu’on a cité. À la fin de cette tournée, il était fatigué : il avait fait énormément de dates, en plus de la première partie de Stromae. Tout est arrivé très vite pour lui. Quand je le croisais, psychologiquement, il n’était plus trop là. Musicalement, on s’est retrouvé en studio, et on a vu qu’on faisait la suite de l’EP Ailleurs, mais ce n’est pas ce qu’on voulait faire. On a mis du temps avant de se refaire confiance. Le travail avec Gros Mo à côté a beaucoup aidé, on a proposé de nouvelles sonorités, et au final, on finissait les projets en trio. On avait beaucoup de temps. On a beaucoup tiré sur la corde à un moment avec Nemir. Tout l’EP Ailleurs, c’était très fusionnel, on était tout le temps ensemble.

Némir - « Des Heures »

Après la tournée, je pense que Nemir a eu besoin de respirer, pour se redécouvrir. Quand on a un rapport aussi proche avec quelqu’un, c’est dur de proposer quelque chose de nouveau tout de suite. Donc il a fallu beaucoup de temps de repos, deux ans. Et ensuite on s’y est remis petit à petit. J’essayais d’appâter Nemir avec des morceaux comme « Des heures », qui a commencé avec Gros Mo. Je voyais qu’il se demandait si ça devait pas être lui. De là, c’est reparti : ça fait deux ans non-stop qu’on est tous les jours en studio avec Nemir.

Le déclic est venu de la nouveauté. Comme quand tu déballes de nouveaux jouets, en fait. Quand on a fait « Des heures », en faisant venir un guitariste, on avait besoin de repartir totalement ailleurs pour se surprendre. « Des heures », mais aussi « Ça sert », qui est plus trap, on a commencé à se dire « on peut partir là-dedans ». On a commencé à avoir confiance en nous. Il faut aussi s’adapter à un univers et le mettre à sa sauce. Nemir a eu besoin de temps pour passer de « Wake up » à « Ça sert ». On aurait peut-être dû se faire plus violence, mais je pense qu’il fallait passer ces années-là. C’était nécessaire. Depuis Next Level 2, on vivait de manière extrême, ça se ressentait sur la santé.

Némir - « Ça sert »

Avec Gros Mo, ça a été une manière de jamais perdre le fil. Même si Nemir était un peu moins présent en studio, c’était toujours une équipe à trois, et Nemir a gardé l’oreille. On s’est retrouvé. Après, le EP Hors-série, c’était surtout parce que le public de Nemir avait besoin de quelque chose. Même nous, pour tourner, il fallait présenter des morceaux. On ne pouvait pas dire que c’était l’album, parce qu’il n’était pas fini encore. Mais peut-être qu’au final, ça a peut-être embrouillé, d’envoyer deux extraits d’albums, en disant qu’avant il y aura Hors-série, et ensuite un troisième extrait… Après, ça nous correspond bien, ça reflète ce qu’il y a dans nos têtes, ce n’est pas très structuré tout ça.

Le EP Hors-série a été fait en deux mois. La maison de disque nous a appelé en nous disant : « les gars, il faudrait un autre angle de vision. Votre défaut c’est la non spontanéité, il faudrait compenser ça et montrer que vous êtes productifs ». Donc notre règle a été de sortir un clip toutes les 2 semaines. On les a faits comme ça : on s’enfermait, on n’avait pas le choix. À la fin de l’après-midi, on devait avoir le morceau, sinon on se faisait taper sur les doigts. C’était intéressant de travailler comme ça. Ils ont tapé là où on avait une carence, on a dû se faire violence. Ne plus se dire « non, ce n’est pas le morceau de l’infini de l’au-delà ». Hors-série, ça a été un projet psychologique, même si on s’est régalé à le faire. Il y a des morceaux que j’aime beaucoup, comme « Stress ». Elle est bizarre, c’est un hybride mal formé, et j’aime bien. J’aime beaucoup « Saiyan », mais on peut vite capter où j’ai voulu en venir. Alors que « Stress », même moi je ne sais pas d’où ça vient. Ce n’est pas de la musique que j’écoute en général. Mais c’est sur le moment, on a fait ça.

Gros Mo – Les Etoiles 2018

Notre intention était d’être très éclectique. Gros Mo chante et rappe. Après Les # de Gros Mo, les morceaux que j’écoutais le plus, c’était « #Spliff », « #Hulahoop », les morceaux très musicaux, avec beaucoup d’émotions. Je déteste qu’on nous enferme dans quelque chose, et Gros Mo, on commençait à l’enfermer dans un truc sombre, sataniste. Alors qu’en vrai, on préfère faire des #Hulahoop » ! Donc sur Les Etoiles, on voulait à tout prix faire de la musique plus familial – surtout qu’entretemps, Gros Mo est devenu papa. On a un peu souffert de ne pas pouvoir écouter certains morceaux avec nos proches, avec des propos durs à assumer. Donc on s’est dit qu’on allait faire un projet à l’aise, où on parlerait d’amour pratiquement tout le projet, avec un peu de house. On voulait continuer à brasser le mélange des # de Gros Mo. Il n’y avait pas de direction. On a travaillé beaucoup à distance, comme il avait son enfant. On ne se voyait plus tous les dimanches. [Sourire] Je tapais des prods, je faisais des yaourts – toujours ce rapport à la voix – et je lui envoyais. Il récupérait, écrivait au millimètre.

Gros Mo - « Désolé »

À Perpignan il y a une grande communauté flamenco, tout ça. Mon père jouait dans un groupe de flamenco quand j’étais jeune. Pendant huit ou neuf ans, on allait tous les étés dans les campings, où il jouait du flamenco. Je crois qu’inconsciemment, j’ai mangé de ça. Le jour où on a décidé avec Nemir et Gros Mo d’aller dans ces grooves-là, c’est ressorti. Nemir a grandi à Saint-Jacques, c’est encore pire. [Quartier du centre historique de Perpignan, connu pour sa forte population gitane, NDLR] Mais tous les Perpignanais en général, j’ai l’impression, ont ce rapport au flamenco et à la musique latine. Donc c’était pas un effort. J’ai toujours aimé la musique cubaine, « Chan Chan » de Buena Vista Social Club, je pourrais l’écouter un milliard de fois dans la journée. La musique brésilienne, la bossa nova, quand j’étais jeune, j’étais réceptif à ça. Gros Mo m’a dit « j’écoutais ça quand j’étais jeune ! » C’est rare ! Avec Gros Mo, on a fait « Désolé », qui est un peu bossa, c’est un pur kif ! On n’a pas besoin de se dire « on va faire de la bossa ». Je suis bien tombé avec ces personnes-là.

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