Tracy de Sá, le hip-hop à cœur et à corps
Discussion

Tracy de Sá, le hip-hop à cœur et à corps

Avec IN POWER, Tracy de Sá fait de son rap énergique le terrain d’une reconquête de soi. Discussion certes inhabituelle dans ces colonnes, mais qui ne le sera bientôt plus.

Photo : Jon Verleysen

Des grillz diamantés lui font un sourire étincelant. Sous le soleil, les couleurs vives de sa tenue rappellent les clips de la Nicki de 2010 – le formatage industriel en moins. Née en Inde, arrivée en France en 2011 après un séjour sur la péninsule ibérique, Tracy de Sá a sorti son deuxième album fin 2021 : IN POWER. Il est signé chez Ovastand, un label plus orienté pop-electro que hip-hop. Pourtant, s’il y a quelqu’un pour qui cette étiquette fait sens, c’est bien elle. Ancienne danseuse, elle a appris le rap par corps, et y a vu le genre musical le plus à même d’exprimer l’intensité de ses combats contre le monde, et contre elle-même. Forte de ce son éclectique, polyglotte et accessible, elle rappelle, dans sa position, les grandes heures d’une popstar subversive comme M.I.A. Capable de faire danser sans donner dans le tube à l’eau de rose. Aux États-Unis, sa musique serait probablement considérée comme mainstream. En France, elle fait étrangement figure d’ovni. Loin de tous les stéréotypes attribués au rap, que ses détracteurs se délectent à rappeler à la moindre sortie débile de l’un ou de l’autre de ses acteurs, Tracy montre qu’il n’est rien d’autre que ce qu’on décide d’en faire. Rien de plus, rien de moins.


Abcdr du Son : C’est la pire question pour commencer une interview, mais d’où vient ton blase ?

Tracy de Sá : [rires] C’est mon vrai nom, tout simplement. Au début je m’appelais Tracy D, mais c’était déjà le nom d’un rappeur américain. Puis j’étais en recherche d’authenticité, il n’y avait rien de plus authentique que prendre son vrai nom. Il représente mon parcours migratoire. Tracy c’est anglais, je suis née en Inde, de Sá, c’est portugais, où je suis arrivée enfant. J’ai eu beaucoup de mal à accepter mon nom de famille : je porte le nom de mon père alors que mes parents ont subi un mariage arrangé. Ma mère a fui le pays pour pouvoir divorcer. Je n’ai pas grandi avec mon père, je ne me suis jamais sentie proche de cette famille-là. Pendant un temps, c’était une faiblesse pour moi de porter ce nom, je le rejetais. Puis finalement, je me suis dit en fait je vais en faire une force : les gens se souviendront de ce nom grâce à moi, et pas par rapport à mon père.

A : Tu as grandi avec ta mère, elle écoutait de la musique ?

T : Pas du tout. Son groupe préféré c’est ABBA. [rires] Quand on allait en Inde, je l’entendais chanter des chansons religieuses, mes oncles jouaient de la guitare aussi, mais on n’a jamais eu de culture musicale à la maison. Je parle souvent de l’accès à la culture parce que j’ai l’impression que je n’y ai jamais eu accès petite, je ne suis jamais allée au théâtre avec elle, à l’opéra, à un concert. Je ne l’ai jamais vue lire un journal à la maison. On était vraiment en mode survie, tout le temps. Elle était prof de maths, mais quand on est arrivées en Espagne elle ne parlait pas bien Français, donc elle a été femme de ménage, je l’ai vue pendant plusieurs années galérer avec plusieurs tafs. Elle était toujours en train de travailler. Donc j’ai dû me construire en tant que personne, mais je n’avais pas de ressources sur lesquelles m’appuyer. Le déclic, ça a été le boom de MTV dans les années 2000. Mon frère voulait tout le temps regarder des clips, c’est là où j’ai découvert le hip-hop. Avant, le genre qui s’écoutait le plus quand je suis arrivée en Espagne, c’était le flamenco. Ma mère m’a alors mis au cours de danse flamenco. Un jour, ma prof m’a dit : « mais tu fais quoi dans ce cours ? Tu devrais aller en cours de danse hip-hop ! ». Je l’ai écoutée, et là : je me suis rendue compte que c’était ça que je voulais faire. C’était beaucoup plus agressif, beaucoup plus saccadé. Pas juste un genre musical, mais toute une culture.

A :  Donc tu as plutôt été poussée vers le hip-hop ?

T : Toute ma vie ça a été ça. Des gens qui m’ont dit, le hip-hop, c’est pour toi. Quand j’étais à Montpellier la première année, un rappeur est venu me voir à une soirée et me dire : « t’es pas rappeuse toi ? T’as un peu le style ». Je lui dis que non, que je fais de la danse hip-hop, il me répond « ben tu devrais écrire ». « Mais je m’exprime déjà avec la danse ! » « Non, ça se voit que t’as plein de choses à dire ». Alors que le gars ne me connaissait pas ! Le destin m’a poussé vers la musique. Ce gars, on ne s’est pas parlés pendant des années, je lui ai écrit quand je suis revenue sur Paris. Aujourd’hui il est directeur artistique chez Capitol. Mes premiers textes, c’est à lui que je les montrais. Il me disait que c’était de la merde, [rires] je parlais d’amour de trucs comme ça, aujourd’hui je déteste. Quand j’y pense, je me dis que j’ai toujours eu envie de faire ça. Même dans la danse, j’étais dans un esprit battle. Ma mère me disait que j’étais toujours dans tous les théâtres de l’école, qu’on me mettait en avant, j’ai plein de photos petite où j’ai un micro à la main. Mais en tant que fille immigrée, je ne me suis jamais vue faire un métier artistique. Pour moi, il fallait gagner de l’argent, avoir un métier stable, donner une bonne image de ma famille, représenter ma culture… Donc j’ai toujours pensé que la musique n’était pas accessible pour moi. Mais à force qu’on me le dise… Aussi, qui dit danse dit musique. Une fois, je suis allée danser dans un clip et le gars m’a dit « j’ai un studio, viens et écris un morceau ». J’ai rappé, même pas un 16, il m’a dit c’est bon, on t’enregistre. Encore aujourd’hui j’ai du mal à compter les mesures, [rires] mon ingé son me dit « non t’as un 18 là, pas un 16 ». Je ne compte pas en syllabe en vrai, avec la danse j’ai un rapport différent, j’ai déjà le sens du rythme.

A : Dans les années 1990, plein de rappeurs commençaient danseurs, ça s’est perdu, mais tu l’as peut-être gardé.

T : En plus, je trouve que ça nous apporte une autre manière d’écrire. Même petite, c’est ce que je reprochais au rap français – en Espagne, on écoutait déjà du rap français, j’ai vraiment grandi avec ça. Je dis souvent, le rap américain c’est le roi, et le rap français la reine. C’est la culture qui a toujours eu une histoire, respectée. Mais ce que je lui reprochais, c’est que c’est très linéaire. Ce qui importe c’est les textes, donc on peut faire moins attention au flow …

A : C’est vrai qu’on est un pays très littéraire, mais moins de musique…

T : C’est ça, et du coup j’ai voulu mélanger les deux, les variations de flow du rap américain, avec la profondeur des messages que je voyais dans le rap français.

« Des labels m’ont dit que mon rap était trop agressif, et que comme j’étais une femme, il fallait que je parle d’amour. »

A : Tu rappes surtout en anglais, un peu en espagnol, il y a un moment où tu privilégies une langue par rapport à une autre ? L’espagnol sur des sons reggaeton, l’anglais sur l’intro qui a des types de basses qu’on trouve dans la drill par exemple…

T : Je ne le théorise pas, mais c’est la prod qui m’inspire les mots, oui. Je n’ai jamais rappé en français, ce n’est que maintenant que je commence à le faire. C’est ça qui était compliqué dans les open-mic. Déjà, j’étais presque la seule fille, et ensuite, je rappais en anglais. Je me faisais grave insulter pour ça. Ils ont commencé à me respecter quand ils ont vu que je ne lâchais pas. Les gens ne se rendent pas compte, mais quand je suis arrivée ici je ne parlais pas français. Enfin, je croyais que je parlais français parce que j’ai dû passer un diplôme pour la fac, mais une fois en France, je ne comprenais rien. Parce que les gens parlaient vite, ou avec un accent, pas du tout comme on m’avait appris à l’école. Du coup, j’ai en français un langage académique, je n’ai pas un langage de la rue. Je ne peux pas prétendre parler comme un rappeur avec cette langue académique. J’y travaille, mais ça me demande un effort immense, mon ingénieur du son me corrige souvent. Ça ne vient pas naturellement.

A : Tu veux le travailler pour mieux t’insérer dans le rap français ?

T : Même pas, je crois que je veux surtout me le prouver à moi. Sur mon premier album, le couplet en français dans « Por aqui », je trouvais que ce n’était pas assez bien en termes d’écriture. Toute mon équipe me disait « ne rappe pas en français, ça ne te va pas, ça n’a pas l’impact que d’autres rappeurs en France peuvent avoir ». Donc maintenant j’ai envie de me prouver que je suis aussi bien qu’un rappeur français.

A : Et donc en Espagne les gens écoutent beaucoup de rap français ?

T : Ah oui ! Je me souviens, au collège on écoutait Keny Arkana, IAM… Moi – les gens rigolent toujours quand je leur dis ça, ils me disent qu’il ne faut pas que je dise ça en interview – mais j’ai appris le français en écoutant… Comment il s’appelle déjà…

A : La Fouine ?

T : Oui ! [rires]

A : C’était l’époque…

T : Oui parce qu’il y avait tout le truc Booba / La Fouine et moi j’étais grave côté La Fouine. [rires] Mais vraiment, on était super intéressés par tous ces gars-là à l’époque, on arrivait le matin à l’école on leur disait « t’as écouté ce son ? », on était à fond rap français. Après c’est peut-être nous spécifiquement parce qu’on aimait le rap, mais on avait 15 ans, il n’y avait même pas YouTube, et on suivait tout.

A : Il n’y avait pas du rap espagnol ?

T : Si, mais je ne sais pas pourquoi, c’était pas aussi intéressant que le français, il n’y avait pas la reconnaissance qu’il y a aujourd’hui pour le rap espagnol.

A : Oui, il y a même eu un rappeur [Pablo Hasél, NDLR] qui a eu des problèmes avec le gouvernement, ça devient comme chez nous. Et tu as signé quand chez Ovastand ?

T : Fin 2018. C’est avec eux que j’ai fait Commotion [son premier album, sorti en 2019, NDLR]. Suite à mon concert aux Inouïs du Printemps de Bourges en 2018, j’ai eu plein de demandes de labels différents. J’avais une manageuse basée à Lyon qui m’a parlé de ce label, parce qu’ils voulaient la signer en tant que bookeuse, et moi en tant qu’artiste. Donc déjà, signer là-bas ça me permettait de la garder, ça me rassurait. En plus, j’avais déjà parlé avec les gars, et je voyais qu’ils s’intéressaient vraiment à ma musique, qu’ils n’allaient pas m’obliger à rapper en français. Alors que je savais très bien que si je signais avec un autre label ils allaient me dire comment rapper, comment m’habiller, ça ne m’intéressait pas.

A : Oui, beaucoup de rappeuses racontent que leur expérience dans l’industrie de la musique, c’est qu’on va « limiter les risques » en les marketant selon des clichés, ou des artistes qui ont déjà eu du succès. Selon d’où tu viens et à quoi tu ressembles, on va te dire de faire du R&B par exemple…

T : C’est complètement vrai, ça m’est arrivé avec d’autres labels. Ils me disaient que mon rap était trop agressif, et que comme j’étais une femme, j’allais attirer un public féminin. Et donc, il fallait que je parle d’amour, parce que c’est bien connu, il n’y a que ça qui intéresse les femmes. Frère, moi j’ai pas envie de parler d’amour ! J’ai dû enregistrer des chansons hyper pop, même mon label actuel avait dit, devant une cover que j’avais faite à cette époque, que ça ne m’allait pas du tout. Mais je n’avais personne pour me guider à l’époque, je n’étais pas super expérimentée, les gars étaient là « nous on sait ce qui marche, on connaît, fais-nous confiance ». C’était chaud.

A : C’est vrai qu’il y a une artiste plutôt pop, mais particulière, à laquelle tu m’as fait penser – même si bon les comparaisons, elles valent ce qu’elles valent –  c’est M.I.A…

T : Évidemment. Même si je pense que c’est moins pour le son mais surtout parce qu’on se ressemble physiquement, elle vient du Sri Lanka et je suis indienne. Mais elle, elle a eu un gros impact, quand je l’ai vue pour la première fois devant MTV, je me suis dit : « mais c’est une fille qui me ressemble » ! C’est la [en anglais] representation matters, je me suis dit : moi aussi je peux faire ça.

A : En fait, le truc chez elle qui me fait penser à ta musique, ce sont les samples hyper éclectiques, l’ancrage hip-hop et electro, et surtout ce côté musique accessible mais à message. Elle peut faire un tube qui fait danser tout le monde, mais subversif.

T : C’est vrai. Je l’avais vue en concert quand j’avais 16 ans, et en fait la meuf elle s’en bat les couilles de tout ! Si elle peut se mettre seins nus elle le fait, elle fait ça [imite un doigt d’honneur]

A : Elle avait dû payer une grosse amende à la NFL quand elle avait fait un doigt d’honneur à la caméra pendant la mi-temps du Super Bowl de 2012…

T : Oui, je m’en souviens ! Et du coup ça m’a grave parlé. La meuf elle s’en fout de tous les codes, de toutes les étiquettes. Pour nous, les brown girls, avec la culture qu’on a, où il faut être respectables tout ça, c’était hyper puissant de la voir faire ça.

A : Et plus sur le côté musique, le fait de mêler le hip-hop avec la pop, l’electro : comment vous vous êtes rencontrées avec Candice Redding ? [DJ et productrice electro, originaire d’Afrique du Sud et établie en Inde, NDLR]

T : On ne s’est jamais rencontrées ! Je suis allée en Inde, j’ai commencé à taffer avec un DJ là-bas qui s’appelle The Spindoctor. C’est eux qui ont organisé ma tournée en 2020, ils avaient aussi en booking Candice Redding. Je n’arrêtais pas de leur dire que je voulais la rencontrer, qu’elle avait l’air trop drôle. C’est quand j’ai lancé le concept de Pussy Talks [interviews live sur Instagram lancées pendant le confinement, NDLR] qu’on a commencé à se parler. Parce que quand elle parle de sexe, elle est trop drôle. Elle a déjà eu un gars qui la payait juste pour regarder ses pieds [rires] ! Il la payait pour venir nettoyer ses chaussures…

A : C’est un bon plan ça.

T : Mais grave ! Elle m’a fait tellement rire. Et un jour, elle fait une prod qui a des sonorités espagnoles, donc elle me l’envoie. Je lui renvoie une maquette, et elle a kiffé, du coup on a sorti le son.

A : Autre référence évidente, il y a dans tes clips un usage des couleurs fluo qui me rappellent la Nicki Minaj de la fin des années 2000. Est-ce que c’est une artiste qui t’a marquée à cette période, quand elle était bien hégémonique ?

T : [sourit] Oui ! À l’époque je pensais que je détestais Nicki. Justement parce que je n’étais pas trop à l’aise avec la manière dont elle utilisait son corps. Aujourd’hui, je me rends compte qu’en fait je transposais sur elle mes propres insécurités, donc je ne me suis pas rendue compte tout de suite de sa technique et de tout ce qu’elle a apporté à la culture hip-hop. C’est quand je suis vraiment rentrée dans le monde de la musique, qu’on a commencé à me faire plein de critiques, de remarques pour me dénigrer que j’ai réalisé que je faisais la même chose à Nicki. Je me suis dit si elle, elle a réussi à faire tout ce qu’elle a fait malgré tous les gens qui lui disent ça, c’est qu’elle a une force de ouf. Cardi B, Megan n’auraient pas pu exister sans elle.

A :… Et avant, Lil’Kim, Salt-N-Peppa…

T : C’est ça, Trina, Shawnna… Il y en a plein. Ça me fait toujours rire quand les gens disent ouais le rap est sexiste, mais il y a toujours eu dans ce mouvement des badass bitches qui ont tout niqué, qui avaient de la technique… Salt-N-Peppa, elles ont sorti « Push it », « Let’s Talk About Sex », c’était déjà ça. Elles étaient pionnières à l’époque, mais aujourd’hui on est toujours sur les mêmes débats. Alors qu’il y a toujours eu des femmes puissantes dans le hip-hop.

A : Et en France, tout le monde se moque encore de Liza Monet.

T : Oui. Je la suis et la soutiens depuis longtemps, j’ai pu faire un Pussy Talk avec elle. Quand j’écoute son dernier album, il y a plein de trucs hyper techniques, pour moi c’est quelqu’un qui n’a pas du tout le respect qu’elle mérite. Tout ce que les gens applaudissent chez les rappeuses américaines, ils s’en servent contre elle. Il y a une hypocrisie de ouf ! Elle est grave sous-estimée ici. Alors qu’elle a pris des risques à une époque où c’était vraiment chaud. On avait notamment discuté des raisons qui nous avaient poussées à créer un compte Onlyfans. Je lui disais que c’était normal, qu’on ne gagnait pas assez d’argent dans la musique, parce qu’on défend des messages, qu’on parle d’une certaine façon. Parce qu’on est des femmes racisées, on n’a pas la même visibilité, pas les mêmes ressources, donc on va essayer de combler ça autrement. Elle était complètement d’accord, mais dans l’interview elle n’avait pas forcément su le dire de la même manière. Après elle regarde beaucoup les commentaires, moi je ne les regarde jamais.

« Pouvoir assumer mon corps, c’est une guerre personnelle. »

A : Pour revenir à l’album, IN POWER, tu l’as pensé comment par rapport au premier, Commotion ?

T : Déjà plus technique, parce que quand je réécoute le premier je trouve qu’il est tout pourri. [rires] Souvent je trouve qu’il y a des mélodies, des manières de poser exprès « pour que ça marche ». On voit que j’essaye toujours de me justifier, que je cherche la validation de l’industrie musicale…  Dans le deuxième, je m’en fous. C’est beaucoup plus risqué, c’est plus authentique. Beaucoup de gens me disent que maintenant, ils reconnaissent mon son. Si on commence à reconnaître ton son et ta voix, c’est que t’as tout réussi. T’es pas comme les autres.

A : Et ce serait quoi, le son Tracy de Sá ?

T : Je diras que c’est du hip-hop créatif, parce qu’on voit clairement au flow, à l’agressivité, que je viens du hip-hop, et en même temps, je n’ai pas peur de le mélanger à plein d’influences, pour que ça corresponde à qui je suis. C’est pareil pour les langues : ce n’est pas un choix de rapper en trois langues, c’est celle que je suis.

A : Un de mes sons préférés, c’est « P.O.R.N », et tu l’avais présenté à la release party en disant : « c’est parce que je regarde beaucoup de porno – peut-être trop »

T : [rires] Et ben… En fait… Je me suis rendue compte que je consommais vraiment beaucoup de porno ! [rires] À la base, j’avais beaucoup de mal à en regarder. Je trouvais que ce n’était pas réaliste, que les femmes on les traitait trop mal, donc j’ai dû chercher. Et j’ai découvert plein de trucs. Par exemple, quand tu tapes « homme qui se déshabille », qui fait un strip-tease, ça me renvoyait sur des sites gay. Alors que je voulais justement voir un homme qui se déshabille parce que je suis une femme hétéro. Le porno n’est pas du tout fait pour les femmes ! J’ai commencé à avoir des conversations avec des copines pour savoir ce qu’elles regardaient. Même Liza Monet elle avait tweeté un jour « t’es pas une vraie femme si tu regardes pas dans le porno d’autres femmes en train de se toucher »[rires] Mais c’est tellement ça, on n’est tellement pas à l’aise en regardant du porno hétéro, qu’on regarde des femmes. Ce n’est pas normal qu’il y ait de plus en plus de femmes qui consomment et que l’industrie du porno ne soit toujours pas adaptée.

A : Ou alors c’est des trucs un peu arty, un peu festival d’arts et d’essais, donc c’est souvent payant…

T : C’est ça, donc déjà il faut aller le chercher, et ensuite il faut payer. Et puis tu dois respecter, tu peux pas regarder vite fait, jouir et passer à autre chose, c’est une création, faut respecter l’art [rires]. Pour écrire le son je me suis demandée comment je devais en parler, est-ce qu’il fallait que ce soit engagé, sérieux ? Je me suis dit non, je vais l’écrire comme j’en parle, « I watch that porn », et voilà.

A : Le son est drôle, la manière dont vous avez choisi de le clipper aussi.

T : Oui, je savais que je ne voulais pas de nudité, ce n’était pas le but. Quelqu’un a eu l’idée de faire une parodie de jeu télé-achat. Et si tu te rends compte, il y a plein de réfs au porno, comme le truc du pamplemousse, ou les glaçons, donc quand tu connais c’est encore plus drôle. [rires]

A : Et pourquoi tu as voulu inviter un rappeur sur ce titre, c’était quoi l’idée ?

T : L’idée c’était pas d’inviter un rappeur, c’était d’inviter Hippo. [Hippocampe Fou, en featuring sur ce titre, NLDR] Hippo m’avait vue sur scène quand j’avais fait la première partie de Token. Il est venu me capter et m’a dit que j’avais beaucoup de technique, que ma manière de gérer le public montrait que je venais du hip-hop. Il m’a fait écouter ses sons et lui il est grave sur le second degré. Il a même un son sur la thune de sa meuf. [rire] Donc il me fallait un rappeur comme ça, parce que si j’en avais invité un premier degré, il aurait raconté de la merde genre « suce-moi la bite », c’était pas le but. En tout cas, il était content, c’était l’occasion de parler de ces sujets sans que ce soit mal reçu. Et ça l’a forcé à sortir de sa zone de confort, on l’a même fait danser pour le clip. [rires]

A : Il y a un autre titre qui m’avait marqué pour ce côté marrant, c’est « Flirthaholic ». Comment tu l’as écrit ?

T : Candice, qui a fait la prod, et moi, on est souvent suspectées de flirter avec des gars juste parce qu’on aime bien leur parler. Alors pour le son, je me suis dit que j’allais faire ça mais premier degré : oui on aime flirter et alors ? J’ai une position aujourd’hui qui fait que les hommes sont grave intimidés. Ils voient que je suis respectée, ils savent que j’ai une plateforme donc ils pensent que demain s’ils font de la merde, je pourrais aller sur Instagram pour les critiquer. [rires] Du coup j’adore être rentre-dedans et les mettre mal à l’aise. Et souvent aussi, les gens pensent que je suis lesbienne ou bie. Alors que je suis hyper hétéro, j’adore la bite. [rires] Mais je m’en fous, quand on me dit « t’en as pas marre que les gens pensent que t’es lesbienne », lesbienne c’est pas une insulte ! Laisse les gens penser ce qu’ils veulent. Reste que je suis dans le soutien des luttes LGBT, mais je ne dis jamais que je suis LGBT. Souvent, on m’interviewe sur l’homophobie dans le rap, je réponds que je peux tout à fait leur donner mon avis, mais aussi une liste de personnes concernées qui peuvent répondre mieux que moi. C’est juste parce que je suis une rappeuse, j’ai peut-être des trucs un peu masculins, donc on pense que je suis lesbienne.

A : Sur ce truc d’utiliser son corps comme une arme, montrer qu’on est bien avec, c’est une question que j’ai toujours voulu poser à une rappeuse, pas que toi… Est-ce que vous pensez à des techniques pour que les clips soient… on va dire, pour vous, et pas pour que des mecs se rincent l’oeil encore une fois ?

T : Alors je ne sais pas si je réponds directement, mais je sais que j’ai dû faire un gros travail sur moi-même. Pour le clip de « In Between », on m’a demandé de me mettre nue et couverte de peinture rouge. J’étais mal à l’aise, d’une parce que les gens allaient penser que je vends mon corps, de deux parce que j’ai pas un corps comme dans les pubs quoi. J’ai des hanches, du ventre… Déjà les gens me font beaucoup de commentaires sur mon poids…

A : Pardon ?

T : Oui sur Insta on me dit souvent qu’il faut que je perde du poids. Mais je me suis dit : si je veux que les gens changent de regard sur mon corps, il faut d’abord que le mien change. Si je me fous à poil, c’est parce que c’est artistique, que mon corps est naturel, et point. J’ai dû faire ce travail. Quand les gens me disent « tu mets des photos en sous-vêtements pour augmenter les likes et les followers, c’est facile pour toi », je suis là : mais tu ne te rends pas compte le travail que c’est pour moi. Déjà pour prendre la photo. Ensuite pour me kiffer dessus. Et de trois pour la poster. En plus, à chaque fois que je poste une photo un peu dénudée, je ne gagne pas des followers, j’en perds. Ce que je gagne, c’est des insultes. Et certaines meufs ne comprennent plus mon message féministe. Je perds en fait. Mais je gagne en confiance. Les gens interprètent mal, ils renversent complètement le truc, ils ne voient pas tout le travail que c’est pour moi. Parce que finalement on est dans un monde qui écrase les femmes. On est tout le temps en train de nous dire qu’on n’est pas assez belles, pas assez mignonnes, que nos cheveux ne sont pas assez bien, notre peau pas assez bien, notre corps pas assez bien… Et comme par hasard, il y a toujours des nouveaux trucs à acheter pour qu’on soit mieux. Du maquillage, de la chirurgie, des extensions, des cils… Putain, le moment où j’ai commencé à me dire qu’il fallait que je retouche mes cils sur les photos parce qu’ils étaient trop petits, j’ai fait mais frère ! Là t’es en train de t’inquiéter par rapport à tes cils, mais on s’en bat les ovaires de tes cils ! À force on finit par se dire que tout ce qu’il y a chez nous n’est pas beau. C’est là où j’ai du faire beaucoup de travail sur mon mental. Être bien dans son corps c’est une lutte constante, qui dure toute la vie. Pouvoir assumer mon corps, c’est une guerre personnelle. Tout ce que je fais de toutes façons, ce sont des guerres personnelles. [rires]

A : Tu retournes complètement l’accusation de faire ça par facilité…

T : Et c’est aussi pour normaliser. Quand le clip de « In Between » a été censuré parce qu’on voyait mes tétons alors qu’ils étaient recouverts de peinture rouge…


A : Il a été censuré pour ça ?

T : C’est ça. Après je sais pas, peut-être que c’était parce que je disais le mot « pussy »

A : Non c’est possible, ça me rappelle l’histoire d’un clip par Cardi B, elle avait dû trouver un stratagème absurde pour contourner la censure…

T : On a essayé plusieurs trucs, mais même quand je mettais le teaser, Instagram censurait. Donc on a fini par mettre une version censurée sur YouTube. Et c’est là que j’ai décidé de faire un Onlyfans, pour mettre la version non-censurée. Je n’ai pas envie que les réseaux sociaux décident à ma place de comment j’utilise mon corps. Plus on normalise la nudité de corps de femmes comme moi, plus ce sera naturel. Pourquoi on ne sexualise pas comme ça le corps des hommes ? On veut cacher le corps des femmes, pour moi, la censure, ce n’est pas la réponse à leur hypersexualisation.

« Ce qu’on arrive à supporter nous donne une force que les hommes ne pourront jamais avoir. »

A : Donc le Onlyfans, c’est aussi un outil pour contourner la censure en fait.

T : Oui. J’ai toujours voulu créer un Onlyfans, je ne savais juste pas comment. J’ai demandé conseil à mon équipe, ils m’ont dit de faire attention. J’en ai même parlé à ma mère, à mon frère, au début ils étaient forcément un peu « heu c’est limite ! ». Puis mon frère a fait : « de toutes façons pourquoi tu nous demandes notre avis, t’es une femme adulte intelligente, tu sais ce que tu fais ». Donc la censure de « In Between », c’était l’occasion. Ce qui est marrant, c’est que mon plus gros client sur Onlyfans c’est une femme – qui peut vraiment sortir de l’argent, elle doit être à Dubaï ou un bail comme ça. [rires] Mais c’est fou, avec elle je suis beaucoup plus à l’aise pour envoyer des trucs. Certains gars, qui insistent sur Instagram pour savoir ce que je mets, je sais que c’est le genre à prendre mes photos et les diffuser partout ensuite. D’autres me menacent de diffuser mes photos. Affiche ! J’ai pas peur de toi. Encore une fois, c’est le contrôle de ton corps, de ton contenu.

A : C’est super intéressant. Mais je pensais aussi à ton clip « Minifalda » par exemple, il y avait une astuce : le clip s’ouvre avec un plan sur des jambes en bas résilles, une mini-jupe et dès que la caméra s’éloigne, hop, tu captes que c’est un gars. Petite pensée au mec qui avait déjà la main dans le caleçon à ce moment-là.

T : [rires] Pareil, c’était une idée que j’avais depuis longtemps. Il y a aussi ce discours : les femmes c’est bien, les lesbiennes c’est bien, mais un homme qui s’habille comme une femme, ah non, c’est la limite de notre féminisme. Un homme sera toujours un homme. J’avais envie de répondre à ça aussi. J’ai montré ce clip à plusieurs rappeurs – je vais pas dire leurs noms pour pas les afficher, tu serais surprise – qui étaient choqués, j’adorais voir cette réaction. J’étais là « ben quoi t’as un problème » et eux « ben heu faites ce que vous voulez mais moi c’est pas mon truc… » [rires]

A : Surtout que cette réaction, c’est de la misogynie déguisée en fait. Parce que nous quand on met des survets, tout le monde s’en branle.

T : Oui c’est que dans un sens. Une femme habillée en homme, on s’en fout, l’inverse, c’est la honte.

A : Pour parler de l’outro de l’album, « Sheroes », un peu plus spoken-word, il y a la phrase d’ouverture qui m’a grave parlée. On se demande souvent ce qu’on a fait pour être une femme, et en même temps, quand on y réfléchit bien, on ne changerait pas. C’est quoi pour toi cette fierté d’être une femme ?

T : Déjà on a une puissance dans nos corps, que les hommes n’ont pas, et c’est pour ça qu’ils essayent autant de le contrôler. Mais surtout, j’ai l’impression qu’il y a aucune femme médiocre autour de moi. Le fait d’être autant écrasées, d’avoir autant d’obstacles fait qu’on est beaucoup plus intelligentes, on sait faire beaucoup plus de choses. Parce que justement on n’a pas le choix, on ne peut pas dépendre des autres. Je le vois dans la musique. Parfois des rappeurs indés ne savent vraiment rien faire, parce qu’ils ont toujours été accompagnés. Quand j’en vois qui ne savent même pas gérer un compte Instagram… Frère. Tu croyais qu’il y allait avoir quelqu’un pour t’apprendre même ça ? Ou qui ne savent pas faire d’interviews. Ils répondent des « ouais ». Dire comment tu écris une chanson, c’est le minimum ! J’avais envie de rappeler ça à toutes les femmes : ok c’est dur, mais on est quand même… J’ai pas envie de dire avantagées parce que c’est pas ça, mais malgré tous ces obstacles et ce côté épuisant, ce qu’on arrive à supporter nous donne une force que les hommes ne pourront jamais avoir.

A : Tu l’as écrit facilement ce titre ? J’ai l’impression qu’il coule de source.

T : Pas du tout, ça a été une prise de tête. Ce sont les images pour le court-métrage qui ont dirigé les paroles. Je suis allée au studio et j’ai demandé à mon producteur de faire un remix plus light, puissant, agressif mais en même temps un peu nostalgique. J’ai commencé à écrire, mais j’avais tellement de choses à dire ! J’avais dix-huit minutes de texte. Il fallait ensuite couper, que ça aille avec l’image. Quand je suis allée en studio pour l’enregistrer, j’ai éteint toutes les lumières, je me suis mise de dos pour que mon producteur ne puisse pas me regarder, et que je ne puisse pas le regarder. Je me suis dit : « ok, là je vais raconter une histoire ». À des moments j’avais les larmes aux yeux mais je continuais à parler. On a rallumé les lumières et tout le monde a fait : « wow. » Le truc est vrai quoi. Je voulais le refaire, mon équipe a fait : « on change rien. » Rien. Du coup, c’est puissant pour ça, même si je pense que j’aurais pu faire mieux en interprétation, c’est naturel, c’est sorti comme ça. Cette phrase d’intro elle parle à beaucoup de gens. Limite on est là « putain, c’est injuste pourquoi Dieu nous a détesté autant pour nous faire femmes » et finalement, on réalise que le monde ne pourrait pas tourner sans nous.

A : On dit souvent que le rap est opposé au féminisme, et c’est vrai qu’on se tape une foule de rappeurs sexistes, mais par ta musique tu montres l’inverse. Est-ce que tu penses que c’est même un médium particulièrement adapté pour ce message ?

T : Evidemment, à 100 %. Déjà le rap n’est pas plus sexiste que d’autres genres. Là je suis sur une créa au Printemps de Bourges, on me demande de reprendre des chansons de Renaud, le nombre de trucs sexistes… Pourquoi on ne l’applique pas à toute la variété française ? Il y a encore ce truc autour du hip-hop, parce que c’est pas des blancs, parce que ça vient des quartiers populaires, donc encore une fois on va trouver le moyen de dire que ce qu’ils font, c’est de la merde. Mais en fait, dans l’histoire du hip-hop, il y a toujours eu des messages féministes forts. Ce qui est bien et dangereux dans ce genre musical, c’est qu’il n’y a pas de tabous. Donc tu peux te retrouver avec des chansons misogynes, mais aussi avec un espace de liberté pour les femmes. C’est ça qu’il faut faire, qu’il y ait plus de manières de raconter des histoires, qu’il y ait plus de perspectives pour que chacun puisse piocher dans ce qui lui parle. La censure n’est absolument pas la solution, il faut nous laisser dire ce qu’on a à dire. Dans le hip-hop, on a la place pour ça. On ne fait pas des chansons où il y a trois phrases comme dans la pop, on a plein de places pour parler. C’est pour ça que c’est un des genres le plus riche, quoiqu’en disent les gens. On a une culture qui a des valeurs, des messages, de la technique, tout ! Aujourd’hui le rap est la musique la plus écoutée en France par les jeunes. Nous, on a la capacité de changer le monde. Et c’est dangereux aussi. Parce que le hip-hop est en train de se blanchir. Quand on voit les rappeurs qui passent à la télé… Il y a un changement dans le public aussi… Les concerts de rap coûtent trop cher pour les gens qui viennent de quartiers. Et ça m’avait choquée aussi, quand il y avait eu le partenariat entre Moha la Squale et Lacoste, je suis passée devant le magasin Lacoste à Lyon, il y avait une file de gamins de 14 ans. Mais des gamins, ils devraient pas être en train d’acheter du Lacoste ! On donne une fausse image de ce que c’est réussir. Après, c’est aussi qu’on vient souvent de l’immigration, de la pauvreté. Donc mettre des marques, c’est aussi un truc pour se sentir bien, on a envie d’avoir cette reconnaissance. Alors qu’en vrai, c’est encore un contrôle de nos finances, parce qu’on déteste nous voir investir dans du solide. Au lieu de financer des gens de nos quartiers, de l’immobilier, des studios à nous, on va le donner à des grosses marques. Encore une fois, l’argent des pauvres va dans les poches des riches.

A : Est-ce que tu te sens parfois prise entre deux feux ?

T : Clairement. On savait déjà que les femmes étaient moins programmées, mais regarde la playlist Equal qui est censée mettre les femmes et les hommes à égalité, c’est surtout des Angèle, Pomme, Poupie. Quand je dis des trucs comme ça, les gens me répondent « rentre dans ton pays, arrête de te plaindre. » Frère c’est pas la solution non plus. T’inquiète pas, c’était pas mon choix de venir ici. Quand je suis arrivée, que j’avais encore un accent… Quand j’ai sorti mon album, sur Instagram on me demandait « ouais est-ce que tu vends des naan au fromage avec ton CD ? » Merci les gars. La quantité de fois dans la rue qu’on ma dit que je sentais le curry, où, habillée avec des vêtements larges, on m’a dit avant d’entrer dans un bâtiment que j’étais à la mauvaise adresse parce qu’on pensait que j’allais braquer ou je sais pas quoi… Quand on m’a déjà demandée si j’avais fini de nettoyer les bureaux, ou combien je prenais pour une pipe, parce qu’évidemment une femme racisée, c’est soit une prostituée soit une femme de ménage. Déjà quand on arrive à être artiste, on a fait un chemin de ouf. Il est vraiment beaucoup plus dur pour nous, les autres ne s’en rendent pas compte. Et dans ma communauté, pareil. Plein de gens me détestent au sein de la communauté indienne. Ils disent que je suis une honte, que je ne nous représente pas bien, que je donne de faux espoirs aux petites filles en Inde qui risquent leur vie si elles font la même chose. Mais le problème c’est moi ? Ou les gens qui veulent les tuer ? C’est une réalité, les rappeuses, on est très isolées. Ce n’est que maintenant qu’on commence à avoir des crews de rappeuses. Les femmes, on ne « traîne » pas ensemble. Très tôt, on nous donne des responsabilité, s’occuper des petits frères et sœurs. Les mecs peuvent rester ensemble, traîner en bas du quartier… Nous si on sort, c’est pour aller d’un point A à un point B, faut pas sortir la nuit, faut éviter tel quartier… On est jamais… libres. Donc dans le rap, les gars partent avec une longueur d’avance : ils peuvent déjà rapper ailleurs que dans leur chambre, montrer leurs sons à leur premier groupe de potes, qui viennent les soutenir. Nous, quand un gars partage un son, tu ne sais pas si c’est parce qu’il kiffe ou s’il veut coucher avec toi. [rires] Mais c’est en train de changer. L’impact des paroles récentes de Le Juiice le montre. [Référence à un débat qui a fait suite à la publication d’un extrait de Reines, le documentaire de Canal+ consacré à l’élaboration d’un morceau entre rappeuses, où Le Juiice reprend Fred Musa sur le fait qu’il estime qu’Aya Nakamura est une rappeuse, et non une chanteuse de pop, NDLR] Elle explique que la musique est raciste aussi, pas seulement sexiste. En vrai, on est sur une bonne époque. On critique plein de choses. On va être une génération qui va beaucoup souffrir, parce qu’on remet tout en question, mais on va changer les choses !

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