Chronique

Curren$y
The Stoned Immaculate

Jet Life Recordings / Warner Bros - 2012

Curren$y sort trop de projets, beaucoup trop. Il enchaîne les mixtapes, albums et autres EPs à un rythme démoniaque depuis une paire d’années. On aurait envie de lui dire de ralentir, car le claquage n’est pas loin, mais voilà, la qualité est (presque) toujours au rendez-vous. C’est plutôt l’auditeur qui a du mal à suivre. Une sortie en éclipsant rapidement une autre, il est facile de rater une pépite. Pourtant, il ne faudrait pas faire l’impasse sur son premier album chez Warner, The Stoned Immaculate, qui au milieu de ce bombardement constant a paru presque discrètement.

Pour ce nouvel opus, le natif de la Nouvelle-Orléans n’a pas changé sa ligne artistique, mais les moyens mis en œuvre sont plus importants, et cela se voit. The Stoned Immaculate est résolument placé sous le signe de l’ouverture. D’habitude réticent à partager le micro sur ses disques, Curren$y a cette fois choisi de multiplier les invités de renom et de faire appel à des producteurs extérieurs. Ski Beatz, qui avait produit la majorité des deux Pilot Talk, est absent, et les Monsta Beatz ne fournissent que deux instrus. Pas de monolithe musical donc, mais un ensemble conçu par une flopée d’artilleurs plus ou moins en vue, parmi lesquels figurent entre autres Bink!, les Neptunes ou encore J.U.S.T.I.C.E. League… L’ensemble a été pensé astucieusement pour éviter l’écueil bien réel de la compilation, qui à trop vouloir ajouter d’ingrédients finit en ratatouille indigeste. Curren$y dépasse tout cela avec un petit clin d’œil, à la cool. Il a eu la bonne idée d’amener tous ces différents producteurs dans son univers, plutôt que de s’adapter à eux. Cela donne un album tranquille, soul, nuageux, agrémenté d’une légère touche d’électro sur quelques pistes. Même si le rappeur ne travaille pas avec ses producteurs habituels, pas de prise de risque pour autant. Il reste dans sa zone de confort et dans les sonorités qui lui correspondent. C’est-à-dire de la musique classieuse avant tout.

C’est d’ailleurs tout le paradoxe de Curren$y. Du rap de proximité mêlé à une ambiance luxueuse. Avec sa nonchalance qui en impose, Spitta remonte le tapis rouge les mains dans les poches, en tirant sur son cône. Les instrus de The Stoned Immaculate sont du velours travaillé par les meilleures petites mains du pays. Alors qu’un Rick Ross en aurait exploité tout le potentiel grandiose, Curren$y rappe dessus à la bonne franquette, sans chercher à éblouir, mais en en mettant quand même plein la vue. Cette dualité, c’est le cœur même du style de Curren$y. Tantôt amateur de voitures de collection, tantôt mec comme tout le monde qui continue à se servir de sa PS2 comme d’un lecteur DVD, il évolue dans une autre galaxie, mais une galaxie qui ne semble pas si lointaine. Sur « No Squares » et son sample de God of War, il taille le bout de gras comme s’il était assis sur les marches de son perron alors que la grandeur épique de l’instru pourrait dicter un rap plus dramatique. Et le résultat final est imparable. Wiz Khalifa en profite d’ailleurs pour sortir un couplet qui nous rappelle pourquoi on l’aimait au départ. Parmi les autres moments forts de l’album, on retiendra « Sunroof » et ses cuivres ensoleillés, « Showroom » ou encore « Capitol » avec l’inénarrable 2Chainz.

The Stoned Immaculate est bien dosé entre ambiances feutrées, presque jazzy, et morceaux plus énergiques. La pléiade d’invités prestigieux ne fait pas de la figuration et le maître de maison est toujours à l’aise. Avec son habitude de rapper les petits événements de son quotidien, il nous décroche régulièrement un sourire. Le mariage entre l’opulence des productions et son flow tranquille est une réussite complète. Sur les treize pistes que compte l’édition de base, seules une ou deux sont un cran en-dessous et on en vient à regretter que l’album soit aussi court. Un signe qui ne trompe pas.

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