Chronique

Qwel
The rubber duckie experiment

Galapagos 4 - 2002

Membre des Typical cats aux côtés de Denizen Kane, Qwazaar, DJ Natural et Dan, Qwel est généralement considéré, et ce en dépit de son jeune âge, comme l’élément le plus singulier du prometteur label Galapagos4. Remarqué lors de freestyles radios à Chicago, alors qu’il était davantage porté sur le graffiti, Qwel s’est rapidement rapproché du crew des Nacrobats (comme Offwhyte) au sein duquel il a pu freestyler lors de battles pour y façonner un style très personnel mêlant subtilement lyrisme intense et flow explosif. Déjà auteur d’un album avec les Typical cats et d’un premier solo intitulé If It Ain’t Been In The Pawn Shop, Then It Cant Play The Blues, tous deux sortis en 2001 sur Galapagos4, Qwel revient fin 2002 avec The rubber duckie experiment. Auréolé d’un honorifique succès d’estime, son premier LP avait eu le mérite de mettre un peu plus en lumière la qualité de la très fertile scène hip-hop de Chicago, et en particulier celle de Galapagos4. Également présent avec deux titres sur White on White Crime de DJ White Lightning, Qwel, sans brûler les étapes, a su rapidement faire parler de lui et susciter attente et attention autour de ce nouvel album, qui fait pour ainsi dire office d’éclaireur pour Galapagos4, quelques jours seulement avant la sortie du second album d’Offwhyte, The fifth sun.

Si la somptueuse pochette est peu révélatrice du contenu, le premier morceau, ‘The Rubber Duckie Experiment’, clarifie d’emblée l’orientation donné à cet album : la production obscure de DJ White Lightning défile l’espace de quelques (longues) mesures et Qwel vient poser son premier couplet en force, délivrant ses lyrics sous des effets de reverb’ démesurés. On est rapidement scotché et on craint même que ces treize titres ne se laissent difficilement écouter… Fort heureusement, l’atmosphère s’apaise rapidement, et c’est avec un beat plus lent (ressemblant étrangement à The terrorist de Vadim) que ‘Wild Instrument’ vient véritablement débuter The rubber duckie experiment.

Bien que les paroles et le flow de Qwel soient indéniablement les points forts de cet album, les productions occupent elles aussi une part substantielle. Après plusieurs écoutes et une certaine accoutumance à la voix de Qwel, on remarquera en effet que la multiplicité des producteurs (cinq au total) donne une richesse supplémentaire à cet LP. Divers petits détails viennent se greffer sur des productions pour le moins traditionnelles, à l’image des gazouillements d’oiseaux sur ‘Fable Salt’ ou encore les voix samplées sur ‘Dan Rather ‘et surtout le très arabisant, et sans doute meilleur morceau de l’album, ‘Sundial’, sur lequel Meaty Ogre a recours au même sample que le titre ‘Métèque et mat’ d’Akhenaton. Si deux morceaux quasi instrumentaux sont présents : ‘The War Reports In, Eurasia’ et le très grave et synthétique ‘Ugly Widow’ produit par Qwel lui-même, ce n’est sans doute pas le fuit du hasard. Ils permettent en effet de laisser retomber la pression et surtout d’éviter à l’auditeur de saturer par rapport à la voix de Qwel, seul rappeur à officier sur le disque.

C’est probablement l’unique reproche que l’on peut formuler à l’égard de « The rubber duckie experiment », l’absence d’invités pour donner la réplique à un Qwel qui, même si il n’ennuie pas, semble tout de même s’essouffler par moment. Seulement, pour sa défense (si tant est qu’il en ait besoin), il a semblé vouloir livrer un album personnel, au sein duquel il a voulu partager sa vision du monde : sombre et particulièrement cynique. ‘Walking the Plankton’ l’illustre parfaitement : pessimiste à souhait et soutenu par une voix plaintive, ce titre met un peu plus en avant le parfum d’introspection planant sur cet album. Et, pour se convaincre de l’importance du travail accordé aux textes (et au flow), il suffit d’écouter ‘Silence’, titre sur lequel Qwel chante accapella avec pour seul partenaire les arrangements réalisés sur sa voix.

Au final, The rubber duckie experiment sonne comme un album très varié, et pas uniquement grâce aux différents producteurs qui y apportent leur contribution. Les thèmes et les flows pour lesquels Qwel a opté en font un des rares disques de cette année à avoir une telle densité et intensité, et en définitive il ne fait que confirmer l’émergence d’une scène à suivre de très près du côté de Chicago.

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