Chronique

Mobb Deep
The Infamous

Loud Records - 1995

« You’re minor, we’re major » .

Bien sûr il y a ‘Shook ones pt.II’ et ‘Survival of the fittest’. Deux morceaux aussi symboliques que célébrés, sujets aux superlatifs les moins nuancés. Deux hymnes à la gloire du plus fort dans un univers sanglant et sous pression où les faibles sont condamnés. « They shook ’cause ain’t no such things as halfway crooks » : une rime reprise telle une profession de foi depuis quasiment quinze ans – et judicieusement mise en valeur dans 8 Mile. Mais au-delà de ces deux titres fédérateurs, il y a un album.

The Infamous, un album fondateur, marquant un nouveau point de départ dans un registre ici magnifié : la célébration d’une violence froide, brutale, soudaine. Un New-York à l’abandon en toile de fond, l’odeur de l’hémoglobine omniprésente et une tension constante, doublée d’une noirceur infinie. The Infamous n’est pas qu’un album, aussi jouissif soit-il. The Infamous est une balle tirée en pleine tête. A bout portant. La cervelle en bouillie, on ne s’en remet jamais vraiment.

« I’m only nineteen but my mind is old and when the things get for real my warm heart turns cold« 

Autour du linceul, deux fossoyeurs : Prodigy et Havoc. Même pas la vingtaine au moment d’enregistrer ce deuxième album. Et pourtant une détermination destructrice à même de glacer le sang des plus aguerris. On se rappelle alors leur premier essai au titre équivoque : Juvenile Hell, enregistré alors que le duo était encore étudiant à l’école d’arts graphiques de Manhattan. Havoc, visage d’adolescent, y posait fièrement avec une faux à la main. Le ton était donné.

Plus uniforme, lugubre et surtout abouti que son prédécesseur, The Infamous est fait d’une seule couleur : le rouge. Un rouge sang dégoulinant de pensées sombres toujours posées froidement. L’ambiance glauque et mortuaire est savamment entretenue par les compositions ténébreuses de Havoc. Pleinement révélé par cet album, il impose une formule obscure, riche de son minimalisme. Une texture sonore lente, ponctué de quelques touches de piano ou violons ; comme en retrait pour mieux exposer ces funèbres récits faits de fierté, d’authenticité, de violences et d’arnaques. Cette formule, ensuite copiée et déclinée à foison, restera dans les esprits comme l’identité sonore de Mobb Deep. Et ce même si cette dernière évoluera avec les années. Soutenus par la relève de Queensbridge – Nas, Big Noyd – deux Wu-Tang alors au sommet – Raekwon, Ghostface – plus Q-Tip, Prodigy et Havoc restent néanmoins les figures centrales de cet album profondément traumatisant. Un album marqué également par la complémentarité et l’alchimie entre Prodigy et son frère d’arme.

Oui, la suite de la discographie de Mobb Deep comporte son lot de coup d’éclats plus ou moins constants. Mais aucun album n’approchera la haine fiévreuse et contagieuse de The Infamous.

« You can run but you can’t hide forever » .

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