Chronique

Booba
Panthéon

Tallac - 2004

Skyrock, la compromission et la réédition. Gab’1, la pression et l’ourson. 45 Scientific, les tensions et la scission. Les prévisions, l’attente… et Panthéon.

« Le grand manitou a créé les animaux du mont de Tallac en leur donnant des formes différentes, et si on prend les ours par exemple, certains sont énormes et se régalent en mangeant des fruits et du miel, alors que d’autres sont des bêtes féroces qui déciment les troupeaux. Si Bouba appartient au deuxième groupe – celui des bêtes féroces -, il continuera à attaquer les troupeaux jusqu’à la fin de ses jours, c’est certain ; alors la seule chance pour lui de rester en vie, c’est de s’exiler dans un endroit où les hommes ne vont jamais et où il ne risquera pas d’être abattu comme une bête malfaisante »

Parler de Booba sans passion est une tâche ardue. La provocation outrancière qui émane du personnage y est pour beaucoup. Le talent insolent du bonhomme aussi.

« J’ai le verset qui bouleverse, ma diction est malédiction« .

Pas de changement radical pour cet album : Booba demeure l’auteur de textes peaufinés, grâce une inaltérable capacité à faire naître des images percutantes (« Je pourrais […] t’ouvrir l’esprit à coup de battes« ). Toutefois, celle-ci est désormais entièrement au service d’un égotrip envahissant. Mais l’arrogance sans limite de Booba, épaulée par un humour acide peu présent jusqu’alors, compense la faible portée de certaines phases.

Côté interprétation, l’évolution constante de Booba prend aujourd’hui une tournure intéressante. D’un flow très proche de celui de « Temps mort », il se permet de jouer de ses intonations sur quelques morceaux (notamment ‘Baby’, ‘Alter ego’ et ‘Hors-saison’). Et contrairement au durcissement artificiel de son flow opéré voilà quelques années, cette ultime évolution semble naturelle… comme si, au fil des projets, l’homme avait fini par rattraper le rappeur et en prendre le contrôle.

Le choix des instrus confirme cette impression. Marchant à l’instinct, Booba ne s’est pas systématiquement tourné vers ses producteurs attitrés (Animalsons), mais a fait largement confiance à des noms à la mode (Medeline, Kore & Skalp) aussi bien qu’à des inconnus (Skread). Une claque magistrale (‘Tallac’), quelques belles idées (‘Bâtiment C’, ‘Mon son’, ‘Alter ego’), beaucoup de sonorités synthétiques : a priori, cela fait peu. Pourtant, l’immense cohésion qui ressort des productions fait de Panthéon un projet solo exemplaire, court et tranché, lourd et tranchant.

Booba, clutch-player devenu player-coach ? En tous cas, tout porte à le croire. De manière assez inexplicable, tous les invités (à l’exception de Nessbeal) complètent royalement les interventions de Booba sans jamais les plomber – contrairement à l’album précédent. Issaka et Brams accomplissent leur tâche de fidèles bras droits, Doum’s réitère la technique du « un-p’tit-couplet-et-laisse-pantois » déjà opéré sur Mauvais œil, tandis que Léya Masry, Wayne Wonder et Mala apportent de fines touches colorées grâce à leurs timbres respectivement doucereux, clair et éraillé.

Paradoxalement, on a l’impression que l’ex-membre de Lunatic n’a jamais été aussi « indépendant » que depuis son départ du 45 Scientific. Signé en licence chez Barclay via son propre label, Tallac Records, le météore est désormais seul à tenir les rênes de son destin et cet album s’en ressent. On s’attendait à un Booba diminué, on le retrouve plus confiant que jamais, n’en finissant plus de renouveler l’exploitation du même filon. Successeur d’un Temps mort inégal, Panthéon brille par la cohérence de son univers musical. Un album simple, direct, maîtrisé ; la surprise que l’on espérait de Booba.

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