Chronique

Flynt
J’éclaire ma ville

Label Rouge Prod - 2007

Ekoué et Philippe nous avaient prévenus : Flynt, c’est du solide. Pourtant, à la veille de la sortie de son premier solo, la question que soulèvent tous les rappeurs s’étant illustrés sur maxis et compiles subsistait : tiendrait-il la longueur sur tout un album ?

En quinze titres et seulement cinq featurings – Sidi Omar sur ‘La gueule de l’emploi’, Ekoué, JP Mapaula, AKI et Mokless, tous impeccables sur le gros ‘1 pour la plume (version équipe)’ + un interlude de Mourad déjà entendu sur Explicit Dix-Huit – l’auteur du ‘Choc Frontal’ et de ‘Fidèle à son contexte’ fait taire les sceptiques et enchaîne les frappes plein cadre. Pas de fanfaronnade outrancière ni de misérabilisme pleurnichard ; si le MC du XVIIIème arrondissement parisien a choisi d’illustrer la vie de la « France qui gémit« , il le fait avec une sobriété exemplaire.

« Une vie en boucle, ici on perd ses illusions en route / l’impression qu’on est tous les jours en août. » (‘J’éclaire ma ville’)

Si J’éclaire ma ville était une figure géométrique, il serait un cercle, tant l’image de la boucle prédomine ici. Celle de la routine quotidienne tout d’abord, omniprésente, marquée par l’impression désagréable que, comme dirait Ekoué, tous les itinéraires se mordent la queue. Des journées lassantes, entre rondes de voitures de police, trajets en métro ou RER, et monde du travail, avec ses discriminations et ses insuffisances – « le même appétit de thunes, les mêmes tafs de merde qui usent… », complèterait un rappeur cannois. Des soirées passées à rapper ou à discuter, autour d’un joint ou d’un flash, qui se finissent invariablement « à l’épicerie ». Les échappatoires ? Le rap, donc, et le sport, domaines dans lesquels Flynt puise inspiration, métaphores et comparaisons, réjouissante constante de son écriture par ailleurs simple, fine et efficace.

Autres boucles : celles de soul, sur lesquelles le MC vient exposer sa vision de cet univers circulaire. Chatoyantes et chaleureuses, agressives et énergiques ou froides et vaporeuses, elles constituent un support parfait à ses textes souvent désabusés. Par l’émotion qu’elles dégagent, elles permettent aussi de combler certains de ses défauts, notamment un flow un peu trop sec ou une voix un rien monocorde. Malgré le nombre de producteurs appelés (dont les Soulchildren, CHI, Drixxxé ou le Gang du Lyonnais), Flynt a su conserver cette ligne directrice et créer un album d’une grande cohérence musicale, dynamisé par ces rythmiques sèches éraflant échantillons de cordes et voix pitchées récurrentes. Drixxxé sort une nouvelle fois du lot en produisant le magnifique ‘Tourner la page’, tout en douceur, construit autour de quelques notes de vibraphone et d’un sample de cordes frémissantes ; le texte introspectif de Flynt achève de faire de ce titre le meilleur de J’éclaire ma ville.

On pourrait donc décortiquer cet album pendant des heures, le retourner dans tous les sens, en disséquer chaque morceau, en étudier chaque punchline… La conclusion serait la même : Flynt fait du rap français d’un très bon niveau. Notons au passage que si JP Mapaula confirme à l’avenir le potentiel qu’il laisse deviner ici, il ne sera pas loin non plus.

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