Chronique

Dabaaz
Moi, ma gueule et ma propre personne

Disque Primeur - 2007

Après quelques retours réjouissants (El-P, Redman, Hell Razah…) ou inespérés (Faf Larage), 2007 nous offre, avec la sortie du premier solo de Dabaaz, un nouveau spectacle étonnant : celui d’une métamorphose. Le titre du disque, déjà, donne une première indication. Moi, ma gueule et ma propre personne n’est pas qu’un simple clin d’œil au classique ‘Me, myself and I’ de De La Soul. Il traduit la révolution qui se joua pour Dabaaz entre 2003, date de sortie de TR-303, dernier album studio de Triptik avant son split, et aujourd’hui. Ou comment passer du « nous » au « je » et du sentiment collectif à l’individualisme complet malgré les plaies, les bosses, les souvenirs et les habitudes ; « Triptik c’est mort et j’en porte encore le deuil. »

On a beaucoup reproché à ce disque sa légèreté, en comparant le style actuel du MC avec celui qu’il avait au sein de son groupe – et Dabaaz semble dans les interviews avoir anticipé cette critique. Il pourrait s’agir d’un autre pan de sa transformation. Pourtant, Moi, ma gueule et ma propre personne est moins marqué par un changement radical que par une simple évolution, le trio parisien ayant toujours été un groupe de forme plus que de fond. De L’Ébauche, Microphonorama et TR-303, on retiendra en effet plus les jeux sur les mots et les rimes que le traitement des thèmes, parfois originaux mais jamais transcendants. Ici, Dabaaz mise effectivement beaucoup plus sur l’image qu’auparavant ; du choix des visuels (maxis, pochette…) jusqu’à certaines productions, plus synthétiques et même tape-à-l’œil que par le passé – l’évolution de Drixxxé et sa versatilité sont, à ce sujet, particulièrement impressionnantes. Les textes recèlent moins de surprises, également, dans les rimes ou les thèmes choisis. A la fois galérien diurne et oiseau de nuit, le DA s’est focalisé sur l’univers parisien, ses soirées, ses filles, et, bien sûr, sur lui-même (egotrips et morceaux introspectifs). Moins superficiel et horripilant que les trois TTC, et ce bien que son personnage de clubber rappelle par moments Cuizinier, il s’impose grâce à son flow, aux influences plus ou moins flagrantes selon les titres, à ses gimmicks et ses concepts (‘Paris’ et ‘Comme d’hab’ sur deux grosses prods de Don, ’76’) et à l’énergie générale que dégage ce disque.Car quoi qu’on en dise, l’essentiel de ce premier solo est là : Moi, ma gueule et ma propre personne est un disque fun. C’est d’autant plus appréciable que l’autre grosse sortie de qualité cette année en rap français, Du Cœur à l’outrage de La Rumeur, ne brille pas par sa joie de vivre ou par son aspect festif. Là, Dabaaz lâche du flow sur des productions « à l’américaine » – hoodie violet, taille XXL ; l’Amérique des « steaks grands comme la Croatie » -, et à une ou deux exceptions près fait plaisir à entendre.

Sur le morceau ‘5 Sens’, Dabaaz se définissait comme « épicurien dans l’âme, jouisseur, fin gastronome« . En solo, il suit sa voie et ses goûts et livre un album récréatif de bonne qualité, quitte à se mettre à dos certains ex-fans de Triptik. Son écriture est moins dense, mais semble également plus fluide et moins forcée : en délayant son rap, Dabaaz est devenu plus direct et a gagné en efficacité ce qu’il a perdu en complexité.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*