Chronique

DJ Manifest
Compte de Faits

Autoproduit - 2002

Pour son premier EP, DJ Manifest a mis les petits plats dans les grands : en effet, pour poser sur ses prods, il n’a pas hésité à faire appel un échantillon représentatif ce qui se fait de mieux niveau emceeing dans l’hexagone : on retrouve entre autres Sear, Grain d’Caf et Logan d’Octobre Rouge, ou encore Tido et Cuizinier de TTC.

Néanmoins, on remarque rapidement que les titres où Manifest se retrouve seul sont bien plus intéressants que ceux où des rappeurs apparaissent. Ceci est du autant à l’aptitude du DJ à concocter des interludes de qualité, qu’à la relative et surprenante faiblesse des textes et thèmes proposés, pour lesquels les MCs ne se sont visiblement pas trop foulés.

‘Dans la Peau d’un Noir’ devient rapidement une accumulation de clichés et de platitudes en tout genre (« Les blancs viennent d’en haut et les noirs d’en bas, génération benetton, pour un avenir en béton« ). Néanmoins, la prestation de Grain d’Caf confère tout de même un certain intérêt au morceau. Les deux autres titres rappés ne feront pas date non plus, même si à la vue des invités, on pourrait considérer l’affiche alléchante. Dans ‘Témoin oculaire’, l’ambiance se veut lourde et oppressante, mais à la fin du track on ne connaît toujours pas les causes de cette tension. Les MCs préfèrent lâcher des phases qu’on imaginerait plus sortir de la bouche de rappeurs bien moins doués que ceux présents : « Des hommes d’église qui violent, couverts pas ceux qui gouvernent, qui nous bernent, nous volent » constate Logan, qu’on avait connu bien plus inspiré. ‘Itinéraire hallal’, malgré la présence de Tido et Cuizi, n’est pas très enthousiasmant non plus.

Les trois titres rappés pâtissent également d’une constante : un singulier manque d’audace dans les prods, minimalistes et très répétitives : les scratchs de Manifest leur évitent tout de même de ne pas tomber dans une profonde désuétude. Reste donc l’intro, l’outro, et les différentes interludes pour rattraper en partie cela : eh bien, force est de constater que Manifest s’y avère bien plus inspiré, et qu’il paraît plus à l’aise dans un registre cool et jazzy, aux antipodes de l’atmosphère sombre et minimale de ses prods rappés. L’intro et la conclusion sont fort agréables à l’écoute, et extrêmement bien construites, tout comme Je suis comme je suis, qui démarre par un break de batterie proche de celui de ‘Bombonyall’ des Quannum MCs, et qui fait apparaître, sur un mode très dynamique, la facilité de Manifest derrière les platines.

Bref, ceux qui se jetteront sur cette EP attirés pas les présences de rappeurs prestigieux auront bien tort : en effet, le réel intérêt du produit réside bien plus dans les prestations solos de Manifest. Dommage que celles-ci ne soient pas plus nombreuses sur Compte de Faits. Le DJ devra donc apprendre à être plus égoïste, mais aussi à rendre ses prods plus attrayantes…

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