Chronique

Némir
Ailleurs

Believe - 2012

« Au bout de la première ligne t’es déjà sous le charme, ça fait longtemps que je ris mais j’en paie les charges. » (« Ailleurs »)

Si cela fait longtemps qu’il en rit, cela fait aussi longtemps que Nemir traine ses guêtres dans le rap hexagonal. Avec le collectif Unité de Valeur puis en solo, avec deux gros EP (les Next Level) dans les bagages, Nemir a du passif et une discographie en construction. Ces premiers tremplins sont venus accompagner une montée en puissante progressive, une affirmation enrichie par une occupation grandissante de la scène. Jusqu’à devenir une figure pas seulement récurrente… mais marquante. Du Buzz Booster à End of the Weak jusqu’à Can I kick it, Nemir était partout ces deux dernières années pour mieux prendre à contre-pied l’axe Paris-banlieue parisienne et rappeler son origine perpignanaise.

La sortie de Ailleurs, son premier dix titres, s’avère donc tout sauf un acte isolé. Elle vient concrétiser ce travail de fond et révèle un personnage truculent, parfois nonchalant, avec un sourire quasi-constant même s’il prend parfois des reflets jaunes. Un mec attachant qui a le recul de celui qui a bourlingué et pris de la hauteur. Pas porté sur la surenchère, ni dans la violence, ni dans le misérabilisme, Ailleurs déborde avant tout d’égotrip. Mais en quelques mots, Nemir dresse par instants des portraits éclairs qui en disent plus long que bien des engagements éphémères.

« Pendant que les condés se demandent seulement ce qu’ont les vrais jeunes, sous le manque eux ne pensent qu’à s’enfumer comme des vrais junks, Le mot violence sur les lèvres, la plupart n’ont pas de vrais guns. » (« Wake up »)

À l’image du clip de « Wake up », Nemir lève tout voile grisâtre pour dérouler avec nonchalance un univers ensoleillé et porté par une bande-son qui laisserait divaguer vers la Californie. Entièrement assurée par le seul En’Zoo, elle ne manque ni de chaleur, ni de cohérence pour accompagner justement le verbe. Entre boucles cuivrées, breaks qui claquent et basses imposantes, le méconnu En’Zoo dévoile une belle palette d’inspirations et d’influences éparses. Le cumul des écoutes renforce un peu plus cette étrange impression de fusion, voire d’évidence, comme si le duo Nemir-En’Zoo avait déjà des millions de kilomètres au compteur. La réussite de Ailleurs tient aussi à cette alchimie qui laisse transparaitre ce sentiment de facilité.

L’autoproclamé impertinent de Perpignan glisse sans effort apparent avec une maîtrise de vieux briscard. Maîtrise dans les placements et le phrasé, il étoffe sa panoplie de rimeur d’une kyrielle de gimmicks bien sentis avec des jeux récurrents sur les assonances. Et pour achever la démonstration, il joue à volonté avec la pédale d’accélérateur, étoffant le laid back de quelques montées en pression impeccables sur des productions synthétiques potentiellement tirées d’un marécage du Mississipi (« Ratatatat »). Condensé, cohérent tout en étant varié dans les thématiques et ambiances, Ailleurs flirte avec le quasi sans-faute. Le seul bémol tient dans les quelques invités venus accompagner son auteur, parfois branchés sur courant alternatif. S’ils alternent le très haut (Alpha Wann sur « Wake up ») et le plutôt solide (Deen Burbigo sur « Ailleurs »), on touche de très près le dispensable (Gros Mo sur « Ratatatat »).

Ni vraie surprise, ni véritable révélation, Ailleurs n’est pas non plus un aboutissement. Il s’affirme par contre comme une incontestable réussite et un vrai grand pas en avant pour Nemir. À la fois pour ce qu’il est et confirme, mais aussi pour ce qu’il laisse présager.

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