Chronique

Dudley Perkins
A Lil’ Light

Stones Throw Records - 2003

Si le nom de Dudley Perkins ne vous évoque rien, celui de Declaime devrait en revanche davantage vous inspirer. Derrière l’ombre de Dudley Perkins se cache en effet un des rappeurs les plus discrets de la côte ouest, mais aussi un des fers de lance de Groove Attack depuis quelques années maintenant. Si on peut s’interroger sur la discrétion de Declaime, la seule véritable question qui a lieu d’être posée est cependant : « Pourquoi a-t-il sorti ce « A Lil’ Light » sous son véritable nom et sur un autre label ? »

Et bien tout bonnement parce qu’il ne s’agit pas de rap à proprement parler, mais plutôt de chant. De chant sur des productions rap. Et si de rappeur à chanteur, la frontière paraît tout de même risquée à franchir, on peut être certain que Dudley Perkins sait où il va, et qu’il y aura forcément quelque chose de lumineux à y trouver.

Parti à la base d’un simple délire en 1997, l’auteur de Andsoitissaid se place l’espace d’un morceau dans la peau de Dudley Perkins pour revêtir le costume de chanteur. Le résultat de cet enregistrement, visiblement improvisé, abouti quelques années plus tard au pressage d’un 45 tours – ‘Flowers’ – qui reçoit un accueil enthousiaste et décide Peanut Butter Wolf (le boss de Stones Throw) à persuader Declaime de sortir un album entièrement chanté dans la veine de ce single, et toujours sous le nom de Dudley Perkins, bien entendu. Madlib prend à sa charge l’intégralité des productions de l’album, pour lequel quelques jours au Bomb Shelter suffiront à fournir à Dudley Perkins la matière première nécessaire pour y poser sa voix railleuse.

A peine le temps de découvrir les instrus de Madlib (parmi ceux qu’il n’avait pas dilapidés pour ses multiples projets), que Dudley Perkins se met à enregistrer l’album. En trois jours. En trois jours seulement et à raison de six heures d’enregistrement quotidien, avec des textes bien souvent écrit sur le tard… Inutile de dire que nulle part ailleurs que chez Stones Throw il n’est possible d’imaginer se produire ce genre de choses. Côté collaborations, il n’y en a que deux, elles sont signées Yersterday New Quintet (qui n’est autre qu’un des multiples alias – jazzesque- de Madlib), histoire de rester en famille.

Ces trois jours irréels aboutissent à un seize-titres varié, vivant, plein de spontanéité, où Dudley Perkins se plaît à expérimenter bon nombre de choses. Avec sa voix tout d’abord, mais aussi pour y clamer des textes empreints d’amour, de spiritualité et d’hallucinations que lui procure l’herbe qu’il a consumée durant l’enregistrement (‘You Really Know Me ?’). Soutenue par les productions solides du génie Madlib (il suffit d’écouter la version instrumentale de l’album pour s’en rendre compte), sa –fausse- voix n’est évidemment pas exempte de tout reproche. Mais là n’était certainement pas le but de ce A Lil’ Light. Se permettre en effet d’avoir un album intégralement produit par Madlib, de lâcher aussi bien des textes engagés (‘Falling’), que très personnel (‘Momma’ ou ‘Lil’ Black Boy’), relève davantage du plaisir d’artiste que du calcul ou de l’approche de la perfection -si tant est qu’elle existe. Enregistré en trois ou quatre prises maximum, les morceaux paraissent d’une incroyable cohérence si l’on veut bien tenir compte de cette donnée.

A Lil’ Light n’est certes pas le meilleur album qu’ait enregistré Stones Throw, mais bien plus qu’une simple sortie, qu’un simple album, saluons la démarche de ce label qui permet à ses artistes d’enregistrer ce qu’ils souhaitent, spontanément, sans se soucier ni des tendances, ni de ce que cela pourrait rapporter. N’écoutons pas A Lil’ Light comme un disque, mais plutôt comme un fragment de vie, avec tout ce que cela comporte comme approximations (‘Just Think’), risques (‘Muzak’ et son vocoder), réussites (le second single, ‘Money’, ‘Washbrainsyndrome’ avec sa partie beat box et bien sûr ‘Flowers’) et part de spiritualité (‘Falling’, sans doute le meilleur titre). A Lil’ Light est une véritable ballade rap, oscillant entre beauté des textes et égarements maladroits de la voix. Si ce n’était pas Dudley Perkins, cela ne vaudrait même pas la peine d’y tendre l’oreille. Pour l’heure c’est un album empli d’émotions à entendre absolument.

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