Les Beastie Boys à l’Elysée Montmartre
Souvenir

Les Beastie Boys à l’Elysée Montmartre

En 2004, les Beastie Boys donnaient à Paris un concert semi-privé devant les caméras de Canal +. Diffuser ce live qui dormait dans nos tiroirs est notre manière de rendre hommage au groupe, naturellement mort en même temps qu’Adam Yauch ce 4 mai 2012.

2004, les Beastie Boys s’apprêtent à sortir To the 5 Boroughs. Après six ans de silence, voici un album qui doit tourner la page d’Hello Nasty et de ses tubes. « Intergalactic », « Body Movin », « 3 MCs & One DJ », trois titres fusionnels qui masquaient un disque de fusion un peu bordélique, à l’instar des habitudes prises par le trio de Brooklyn depuis Check Your Head. Ça tombe bien, puisque To the 5 Boroughs est un long format qui porte sur ses épaules un retour aux sources autant qu’une ode à New-York. Comme si les Beastie Boys – qui sont de ces new-yorkais pouvant s’affirmer pure souche alors que dans cette ville, l’identité a tout d’un profond paradoxe – avaient ressenti ce besoin de confronter le New-York post-11 Septembre à celui de Licensed to Ill et de la boutique de Paul. Bientôt quadragénaires, MCA, Ad Rock et Mike D lavent les blessures de leur ville au crépuscule d’un XXème siècle sali par la poussière de deux tours jumelles prises sur le grand échiquier de la politique mondiale. Pour cela, il leur a fallu un rap à l’ancienne, simple, pêchu, énergique. Avec à la clef, cette question : et si c’était la première fois que les Beastie faisaient vraiment du rap, et pas du Beastie ?

Alors, To the 5 Boroughs, chant du cygne pour mieux entamer une cure de jouvence ? Hélas non. Avec le recul, c’était peut-être la dernière fois que les Beastie Boys ne regardaient pas en arrière. Ou la première ? Il y a bien eu début 2011 ce nouveau retour aux sources, qui encore une fois avait des allures de coup d’œil dans le retro. Le court métrage Make Some Noise, écho contemporain à 25 ans de carrière commencés avec le Hit « Fight for your Right (to Party !) », avait tout du revival avec son casting all star (Steve Buscemi, Susan Sarandon, Will Ferrell, Elijah Wood, Jack Black…). Un clin d’œil narcissique et nostalgique plein d’audace et de modernité. Mais pesait-il bien lourd face au fade The Mix Up, album instrumental qui n’a pas atteint ni éteint les sommets lumineux du « bootleg » The In Sound From Way Out sorti dix ans plus tôt ? Pesait-il bien lourd face à la maladie qui rongeait Adam Yauch depuis 2009 ? Qui s’étonnera que l’énergie, cette qualité qui a toujours permis aux Beastie de survivre, se soit mise en veille ? Depuis To the 5 Boroughs, le temps n’a cessé de tomber sur le coin de la gueule des Beastie. Celui de leur public vieillissant aussi vite qu’eux. Celui des albums de plus en plus sages, des causes de plus en plus nobles, et de la maladie de plus en plus vicieuse. Les filles nues dans les cages, les featuring avec Cypress Hill ou les postiches potaches portées devant la caméra de Spike Jonze se font loin. Durant les six ans de silence qui ont séparé Hello Nasty de To the 5 Boroughs, les Beastie Boys ont semblé avoir tout loisir de saisir que le temps passait. Vite.

Trop vite peut-être. Au point que The Hot Sauce Committee, double album originellement prévu par le groupe à l’orée de 2009, a finalement vu son volume 2 sortir avant le 1. Comme si les Beastie Boys sentaient que le point final allait précéder tout le reste. Les rumeurs de guérison d’Adam Yauch qui ont couru début 2011 n’ont jamais vraiment pris. Qui pouvait sincèrement croire que tout allait bien à Brooklyn si les trois MCs et leur DJ ne descendaient même pas sur scène pour défendre leur album ? Le clip vidéo de « Make Some Noise » ne faisait que renvoyer aux Beastie des années 80. Comme si la fin de carrière était celle d’une boucle qui prenait des allures de boomerang. On se renvoie une époque dans la figure, on se souvient du bon temps. L’audace était encore là, mais elle n’était désormais que façade. L’énergie n’y était plus. Aujourd’hui, chanter en cœur « What’s the Time ? It’s time to get ill !!«  n’a plus tout à fait le même goût. Il n’y a pas que dans le rap où on peut dénier vieillir sans pouvoir dénier les effets du temps qui passe.

2004, c’est pourtant « Time to Get Ill » que chantait en cœur l’Élysée Montmartre. La rumeur avait tourné dans tout Paris et s’était avérée fondée. Trois semaines avant la sortie de To the 5 Boroughs, les Beastie Boys honoreraient bien Paris d’un concert semi-privé. La moitié des places furent – de mémoire – mises en vente à la FNAC Bastille, à peine quelques jours avant le concert. La veille peut-être ? Je ne m’en souviens plus. La salle était par contre remplie comme un œuf de gens remplis de l’illusion, qu’ici, ce 21 mai 2004, tout le monde était comme eux : bercé (un peu trop près du mur, ça va de soi) par les Beastie Boys depuis toujours. Alors, comme d’autres font bien mieux que nous les notices nécrologiques, on s’est dit que diffuser un petit document qui dormait dans nos tiroirs était le meilleur moyen de rendre hommage aux Beastie Boys, naturellement morts en même temps qu’Adam Yauch, ce 4 mai 2012. En cadeau donc, ce concert parisien de 2004, retransmis par Canal + donc pas tout à fait inédit, mais que nous avions pris soin de pirater à l’époque, tels de vrais bootleggers, et au point de perdre la couleur de l’image. Aujourd’hui, il sera encore temps de gueuler une derrière fois « So What’s the time ? It’s time to get ill !« . Sauf que cette fois, ces mots auront définitivement la couleur du Noir et Blanc.

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6 commentaires

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  • zo.,

    J’ai jamais dit que les Beastie n’avaient jamais fait de vrai rap avant To The 5… Je dis qu’ils faisaient d’abord du Beastie avant de faire du rap. Sur To The 5… J’ai eu l’impression qu’ils faisaient d’abord du rap avant de faire du Beastie. C’est tout. L’un n’exclut pas l’autre, c’est simplement un sentiment sur « qu’est-ce qui ressort le premier ? » à l’écoute.

  • salmon Sweet,

    Licenced to kill is one of the best album of the 20th century, bitch !

  • Oliver,

    Yes, merci pour les images ! par contre je suis franchement pas d’accord avec l’article, pour plusieurs trucs.
    D’abord, bien sûr que les Beastie ont fait du « vrai rap » avant To the 5 Boroughs. « Paul’s Boutique » est un chef d’oeuvre méconnu, à ranger entre « 3 Feet High and Rising » et le premier Tribe.
    Ensuite pour moi, ils étaient pas du tout à court d’inspiration : Hot Sauce Committee 2 défonce. Après je veux bien reconnaître qu’en tant que fan je manque d’objectivité…..
    mon hommage de fan est là d’ailleurs :
    http://hiphopgrandeepoque.over-blog.com/article-hommage-a-adam-yauch-mca-104786239.html
    dernier truc : leur carrière n’a pas commencé avec Fight for your Right, ils avaient déjà sorti au moins 2 EP avant. désolé de faire le chieur, mais les Beastie étant mon groupe fétiche……..RIP MCA.

  • Toth,

    J’ai surtout le souvenir du siège de la FNAC Bastille pour choper une précieuse place…
    Concert fou mais Ô combien trop court!

  • Laurent,

    Très bon article, merci Zo. Qui plus est, ayant assisté au concert, j’ai longtemps cherché cette vidéo ! Je ne peux confirmer la date de mise en vente des billets, si ce n’est qu’elle a effectivement eu lieu très peu de temps avant… Et que nous étions déjà un certain nombre à attendre devant la FNAC de Bastille alors qu’il n’était que sept heures du matin.

  • lapprenti,

    Bon post.