Rap US

Nos 25 morceaux du premier semestre 2015

Action Bronson reconverti en crooner, l’album événement de Kendrick, Drake en roue libre, la renaissance de Future, la vague en provenance de Toronto, le Jour de l’An avec Kanye West, le flegme de Snoop et, évidemment, l’omniprésence de Young Thug : comme à son habitude, le rap américain n’a pas dormi durant ces six derniers mois.

Lil Durk – « 500 Homicides »

Depuis le raz-de-marée de Chicago sur la scène rap il y a trois ans, les frontières esthétiques entre les proches cousins de la drill et de la trap s’amoindrissent. Le premier album officiel de Lil Durk n’échappe pas à cette tendance, accueillant la contribution de producteurs géorgiens comme London On Da Track et Metro Boomin. Pourtant l’ouverture du disque, « 500 Homicides », rappelle immédiatement les spécificités de la drill. D’abord musicales : le doué C-Sick déroule un instru truffé de sons de glas récurrents, voire obsessifs, et de décalages rythmiques. Durk, dans son long couplet, puise dans le carburant de la drill : l’omniprésence de la mort, souvent violente. Quand il rappe « I lost a couple of these niggas, and they ain’t never seen 20 years, heard them die when I was out of town, shit happen when I’m not around », c’est tout le contexte funeste des quartiers Sud de Chicago qui est planté en une poignée de rimes. L’adrénaline de l’économie parallèle et l’amour du billet vert infusent la trap d’Atlanta ; la survie aux fusillades en pleine rue et les fantômes qu’elles ont engendré transpirent toujours de la drill chicagoanne. — Raphaël

Future – « Forever Eva »

Certains artistes sont décidément plus forts dans l’adversité. Après l’échec (relatif) de Honest dans les bacs et sa rupture avec Ciara, on aurait pu penser que l’année 2015 aurait des allures de traversée du désert pour Future. Au contraire, le rappeur d’Atlanta en a profité pour se remettre en selle et afficher une productivité impressionnante. Après la très bonne mixtape Monster, sortie pendant le dernier trimestre 2014, Future a enchaîné avec deux projets remarquables : Beast Mode produit intégralement par Zaytoven et 56 Nights dont les instrumentaux ont été majoritairement pris en charge par Southside. Si 2014 n’a pas marqué le couronnement annoncé de Nayvadius, 2015 est en train de le repositionner comme une des forces créatives les plus captivantes du rap américain. — Mehdi

A$AP Rocky – « Everyday » (ft. Rod Stewart & Miguel)

A$AP Rocky a le goût du luxe, ce n’est pas une nouvelle. Les crédits de production vertigineux de « Everyday » en sont une nouvelle démonstration. L’atmosphère du morceau oscille entre Lana Del Rey et les Black Keys. Rien de plus logique : ce sont les mêmes protagonistes qui sont aux manettes. Bâti autour d’un sample génial de Rod Stewart, le titre respire cet esprit sixties qui imprègne tout l’album. Dans ce registre recherché, voire lissé quand ça fonctionne moins bien, Rocky parvient à se distinguer de tout le monde en jouant les dandys du rap, très apprêté mais aussi très brillant, alors même qu’il utilise ses ficelles habituelles. Un joli tour de force. — David

Tyler, the Creator – « Smuckers » (ft. Kanye West & Lil Wayne)

Ce titre a un défaut : on y sent un peu trop nettement la volonté de Tyler de nous en mettre plein la vue. Mais une fois passée cette petite impression d’artificialité, il faut bien admettre que le coup est réussi. Oui, on devine l’instru gardée sous le coude pour une grande occasion, oui, on a cherché à provoquer une rencontre de géants. Mais les deux superstars ont sorti leur jeu de la fin des années 2000 et Tyler est chaud bouillant. Kanye lâche bien quelques rimes douteuses au passage, mais on lui pardonne. Quant à la production jazzy, elle monte parfaitement en puissance pour accompagner le passe-passe entre Tyler et Weezy, véritable bouquet final du titre. Avec « Smuckers », Tyler a-t-il créé un morceau d’histoire comme il l’espérait ? Peut-être pas, mais il a au moins donné naissance à un très bon morceau de rap. — David

Drugstore Cowboys – « Goodbye Forever »

En 2015, le collectif canadien Drugstore Cowboys a décidé de faire les choses sérieusement. La Vida Rapida (The Fast Life), son dernier projet en date, se veut ainsi un album conceptuel. Il ne s’agit plus de parler de drogue et de baise sur dix titres, mais de parler de drogue et de baise sur dix titres avec un fil rouge, celui des vacances au soleil. « Goodbye Forever » raconte l’épilogue de ce séjour mouvementé. Après avoir intensément ambiancé leur lieu de villégiature, le temps est venu pour Bobby Balkan et 9th Uno de rentrer à Toronto, la tête pleine de souvenirs. Les innombrables bitches qu’ils ont honoré (de leur présence) ont beau se jeter à leurs pieds pour les retenir, c’est l’heure de partir. Comme sur The Beautiful Ugly, le contraste est délicieux entre la production lumineuse d’Arkeologists et les egotrips probablement punissables par la loi des deux pieds-nickelés. — Kiko

Snoop Dogg – « So Many Pros » (ft. Pharrell & Charlie Wilson)

On s’attendait à ce que Bush soit un carton monumental. Il a été un flop retentissant. Peut-être que les gens commencent à en avoir assez de Pharrell, peut-être que les multiples identités de Snoop commencent à lasser… Et peut-être que les dix pistes du disque se ressemblent un peu trop, donnant parfois le sentiment d’être un seul et même morceau. Le public attendait sans doute un peu trop d’un disque qui n’a aucune autre prétention que de ramener le soleil et la bonne humeur quarante minutes durant. Si certains des projets récents de Snoop et Pharrell puaient le cynisme à des kilomètres, ce Bush sonne comme une cour de récréation bienvenue qui devrait prendre de la valeur avec le début officiel de l’été. Et nous rappeler, comme c’est le cas sur « So Many Pros », que les morceaux sont toujours plus efficaces quand Charlie Wilson est de la partie. — Mehdi

Constant Deviants – « Standards »

Toutes les occasions sont bonnes de dire du bien du label Six2Six Records et de Constant Deviants. Le duo de Baltimore a sorti cette année Avant Garde, deux ans et demi après l’excellent Diamond. DJ Cutt et M.I. parachèvent ainsi leur tour de force : continuer de faire de la bonne musique, après plus de vingt ans de carrière. Chez les CDs, rien ne sonne trop daté ou désuet. Les beats sont riches, propres et diversifiés. « Standards » en est le parfait exemple. Cutt a construit sa production sur un enchevêtrement de notes d’idiophones et de cliquetis de pièces de monnaie. Parfait pour accueillir le flow nonchalant de M.I., qui reprend à son compte une ritournelle bien connue : « Can a mothafucker make money anymore ? » Brillant, comme d’habitude. — Kiko

Kendrick Lamar – « Wesley’s Theory »

On aurait pu tirer à peu près n’importe quelle piste de To Pimp a Butterfly, mais cela aurait été nier l’évidence : rarement album aura jouit d’une entrée en matière aussi forte que « Wesley’s Theory ». En quelques phrases, Kendrick Lamar plante son concept (la mue de l’artiste en gagneuse de l’Oncle Sam) et ses thèmes (la place des artistes afro-américains – donc la sienne – dans la société) dans un foisonnement d’images (l’industrie musicale en première petite amie) et de métaphores (il est allé repêcher Wesley Snipes !) qui se répondent et s’entremêlent avec une vraie virtuosité. La production enlevée de quelques arrangements somptueux et l’interprétation habitée parachèvent une introduction à l’image de l’album : riche, entraînante et par-dessus tout éclairée. Qu’elles le sauvent ou non, la lucidité et la pertinence dont Kendrick fait preuve face à son statut lui auront déjà permis de parapher quelques-unes des plus belles pages du rap américain des années 2010. — David²

Boogie – « Oh My »

Le jeune rappeur californien Boogie a passé une grosse année 2014 avec Thirst 48, un premier album consistant. Les comparaisons avec Kendrick Lamar ou Chance The Rapper sont tentantes mais Boogie développe une autre touche dans cette nonchalance, parfaitement mise en valeur sur « Bitter Raps », sa ballade douce-amère. Cette fois-ci, il est monté d’un cran avec « Oh My », premier extrait de son nouvel album The Reach. De retour depuis « Hot N*gga », Jahlil Beats signe un brûlot que Boogie s’empresse de transformer en gimmick entêtant. Toujours réalisé par Jack Wagner, le visuel sublime l’énergie du titre devenu depuis le premier tube de Boogie. The Reach reprend là où Section 80 et Acid Rap nous avaient laissés. Définitivement un disque à écouter. — Lecaptainnemo

Deceptikonz – « Blood In Blood Out » (ft. David Dallas)

En janvier dernier, on était revenu sur Falling Into Place de David Dallas, figure la plus exposée de la scène rap néo-zélandaise. Un rappeur attachant, mais manquant parfois d’aspérités. Les Deceptikonz montrent, eux, un style plus rugueux, façon gros bras maoris tatoués. Un quatuor actif depuis plus de vingt ans, avec qui Davis Dallas a sûrement grandi, et qui leur renvoie l’ascenseur en posant le refrain de « Blood In Blood Out ». Sur un caviar de production aérienne gonflée à la soul signé Fire & Ice, les quatre lascars déroulent un rap de darons à la fois décontracté mais respirant la pesanteur de CVs chargés (« the weather is fine but it don’t mean we ain’t struggle »). « Blood In Blood Out » est un titre idéal pour une ride estivale un peu dépaysante, le coude gauche (ou droit) à l’air. — Raphaël

Juicy J – « Do It To Em » (ft. Elle Varner)

Ah, le bon vieux contraste entre la chaleur d’une boucle délicate et la froideur de lyrics ultra violents. Juicy J en connaît un rayon dans ce domaine. L’histoire est simple : un proche s’est enfui en tapant dans la caisse. Inacceptable. Ça lui fend le cœur, mais il n’a pas d’autre choix que de se venger dans le sang. On ne trahit pas Juicy J impunément. Bien épaulé par Crazy Mike et Lil Awree à la production, avec le chant de Elle Varner pour lier le tout, l’increvable rappeur de Memphis frappe encore dans le mille avec ce morceau, aussi sombre que doux. Est-ce un sacrilège ou une idée de génie de menacer de couper des doigts sur une telle pépite de soul ? Les deux à la fois, c’est même tout l’intérêt. — David

Dr. Yen Lo – « Day O »

Days With Dr. Yen Lo, l’album des New-Yorkais KA et Preservation, tire son inspiration du film The Manchurian Candidate (Un crime dans la tête), sorti en 1959. S’il ne fallait se tenir qu’à sa tension lancinante et son ambiance insomniaque, on l’aurait bien entendu en bande originale d’un imaginaire film noir, à la croisée de Ghost Dog et Blade Runner. Voici du rap monomaniaque et minimal, du rap qui suit son idée et se consume comme du papier d’Arménie. Du rap remarquable. — JB

Peewee Longway – « Good Crack » (ft. Yo Gotti)

Peewee Longway sera-t-il le prochain rappeur d’Atlanta à exploser ? Pas sûr. Il commence à y avoir du monde sur le créneau. Le trublion inquiétant du Brick Squad a pourtant des arguments à faire valoir. Plus intelligible qu’un Young Thug, sans en avoir toutefois l’originalité, avec son regard trouble et sa dégaine improbable, Peewee développe un style frénétique tout en gardant assez de lucidité pour extraire de son esprit malsain des refrains et des gimmicks marquants. Issu de l’excellente mixtape Blue M&M 2 (ce titre, sérieusement ?), « Good Crack » porte bien son nom. Avec son orgue lancinant et son débit excité, on y revient forcément. — David

Big Sean – « I Don’t Fuck With You » (ft. E-40)

On va tricher un peu : si ce single a été lâché en septembre 2014 (pour devenir l’un des plus joués et vendus de 2015), le troisième album de Big Sean, Dark Sky Paradise, est sorti en février dernier. Et ce « I Don’t Fuck With You » en est toujours sans conteste son sommet. Le problème qu’avait Big Sean depuis ses débuts, c’était qu’en posant comme un jeune flambeur arriviste, il donnait une image un peu trop mécanique et facile. Sur « I Don’t Fuck With You » et son règlement de compte post-rupture, Big Sean joue de son bagout de branleur pour un hymne de macho blessé et rancunier à la fois drôle et empathique. Un esprit revanchard magnifié par la production collective (DJ Mustard, Mike Free, Kanye West, Key Wane, DJ Dahi), à la fois gonflée à la testostérone et traversée par un léger romantisme. — Raphaël

Drake – « Know Yourself »

Plus de quatre mois après sa sortie surprise, que reste-t-il de If You’re Reading This, It’s Too Late ? Un sentiment de toute puissance d’abord pour Drake qui, sans clips et sans promotion, a cartonné avec ce qu’il désignait comme une simple mixtape. Alors que son style ne cesse de faire des émules et d’influencer le reste du rap et du R&B, Aubrey Graham est plus que jamais à un tournant de sa jeune mais riche carrière. Réécouter ce dernier projet aujourd’hui nous donne le sentiment que le rappeur est un peu trop souvent en roue libre, usant parfois à outrance des mêmes artifices. Et pourtant, dans cet océan de déclarations d’amour à Toronto, d’arrogance assumée et de déconvenues amoureuses, il y a ce « Know Yourself » qui fera date. Ce fameux instant où tout bascule (A 1’35 ou 1’40 ? Peu importe), cet accent jamaïcain, ce woes à jamais dans nos esprits et cette question : qui est donc ce Johnny Bling ? Même sans donner l’impression de forcer, l’auteur de Take Care a livré ce qui restera comme l’un des moments les plus emblématiques de l’année. — Mehdi

Young Thug – « Power »

Un raz-de-marée. Voilà ce que nous a offert Young Thug en ce début d’année, en partie contre son gré. Entre le projet officiel et la fameuse fuite d’une ampleur historique, c’est trop, c’est beaucoup trop. Parmi cette centaine de titres se détachent pourtant quelques favoris, dont ce « Power » produit par London on the Track, qu’on ne présente plus. Young Thug explore un univers brumeux, sort des sentiers battus et se distancie de plus en plus de toute étiquette. Et s’il était à son meilleur dans ces ambiances plus calmes, où sa folie n’explose pas mais le porte loin, très loin ? — David

Lee Scott – « Butter Tits »

Il était inévitable que Butter Fly, l’album de Lee Scott entièrement produit par Dirty Dike, accouche de quelques moments bien farfelus. Par contre, que le projet s’achève sur un morceau nu soul, entièrement chanté, personne ne pouvait le prévoir. Si « Butter Tits » se voulait visiblement parodique, son texte en témoigne, on ne peut s’empêcher de penser que Lee Scott s’est vraiment pris au jeu. Et le résultat n’est franchement pas dégueulasse. Au contraire même, avec sa guitare mélancolique et ses « yeah yeah yeah yeah« , le morceau a quelque chose d’étrangement addictif. Reste à voir si tout cela est le résultat d’une beuverie qui a mal tourné ou d’une volonté du Liverpuldien de se diversifier. Vu qu’il sort des projets toutes les trois semaines, la réponse viendra assez vite. — Kiko

Action Bronson – « A Light in the Addict »

Malgré plusieurs projets de qualité et un parcours plus que respectable, Action Bronson a longtemps été vu comme ce « rappeur cartoonesque avec la voix de Ghostface qui parle essentiellement de bouffe » (et ce n’est pas Azealia Banks qui dira le contraire). Avec Mr. Wonderful, Arian Asllani a pris tout le monde à contre pied, à commencer par ses fans de la première heure, en livrant un album soulful à souhait dans lequel il ressemble davantage à un crooner issu des années soixante-dix qu’à un rappeur new-yorkais contemporain. Produit par Party Supplies, « A Light In The Addict » en est la plus belle preuve. Dessus, Action Bronson se chauffe la voix pendant une minute et quarante-cinq secondes avant de livrer un bref couplet et de chantonner jusqu’à la fin du morceau. Une construction atypique pour un disque qui ne l’est pas moins mais qui a eu le mérite de prouver, si besoin était, que l’auteur des Blue Chips était tout sauf un pastiche de MC. — Mehdi

Yelawolf – « Devil In My Veins »

Après son premier album bien raté chez Shady Records, le loup jaune a pris son temps avant de revenir avec un projet beaucoup plus personnel et atypique. Plutôt que de nous pondre un Trunk Muzik bis, il a décidé d’explorer de nouvelles pistes en mêlant country et rap. Le résultat est parfois franchement déroutant, mais entre les morceaux bancals figurent de grands moments, qui ne sont pas toujours les couplets rappés avec hargne. La preuve avec ce « Devil In My Veins » où Yelawolf se livre avec humilité. Entre douleur sourde, appel au secours tardif et démons trop coriaces pour être vaincus, ce titre ferait la bande originale rêvée d’une saison de True Detective en Alabama. — David

Jazz Cartier – « Rose Quartz/Like, Crazy »

En reprenant l’instrumental du « Rose Quartz » de Toro Y Moi et en incorporant des dialogues extraits du film Like Crazy, Jazz Cartier avait déjà gagné. Quand, dans ses couplets, le rappeur de Toronto place des références au chef d’oeuvre de Woody Allen et à cet inoubliable morceau de Floetry, on est définitivement conquis. En choisissant de lancer « Rose Quartz/Like, Crazy » comme l’un des premiers extraits de son très bon album Marauding in Paradise, Jazz s’affirmait comme l’un d’un rappeurs du 6 les plus intéressants : capable de parler sans ambages de ses relations avec la gente féminine, n’hésitant pas à faire de grands écarts musicaux et développant une plume qui, malgré son jeune âge, semble déjà appartenir à un type désabusé. Rien de plus normal si ça vous rappelle quelqu’un. — Mehdi

The Alchemist – « Chetzi »

Avec Israeli Salad, Alchemist rajoute un nouveau tampon dans son passeport de digger, après la Russie il y a deux ans. En allant piocher dans le rock progressif israélien, Alan Maman compose à nouveau des partitions totalement perchées et psychédéliques. Sur « Chetzi », il met en boucle ad nauseam ce même mot, en y couplant les « go, go » de 50 Cent sur « In Da Club », le « split it fifty/fifty » de Jay-Z sur « Hard Knock Life », une rythmique Krav maga et un air yiddish aussi cliché qu’efficace. Ça n’a ni queue ni tête, mais ça tabasse fort. On hésite quand même à le recommander aux plus fervents anti-sionistes, qui pourraient entendre le mot « nazi » et s’imaginer des théories du complot aussi tordues que l’instrumental. — Raphaël

Kanye West – « Only One »

C’était le 1er janvier 2015. Vous vous souvenez ? C’était le matin, et il y avait une surprise : Kanye West avait sorti une nouvelle chanson dans la nuit. Une chanson, ou une comptine, peut-être même une prière. Il y avait Paul McCartney au piano électrique, la maman de Kanye quelque part dans le ciel, et sa fille posée sur ses genoux. C’était tout simple, c’était beau. Ce matin-là, on s’est dit qu’une belle année allait peut-être commencer. C’était le 1er janvier 2015. — JB

Rich Homie Quan – « Flex (Ooh, Ooh, Ooh) »

Sur « Flex (Ooh, Ooh, Ooh) », il est beaucoup question de luxe et de sexe. À tel point qu’on ne sait plus trop ce qui fait péter la braguette du slim de Rich Homie Quan entre une paire de seins et une pile de liasses. Les mauvaises langues penseront ni l’un ni l’autre, vu le goût du rappeur d’Atlanta pour la haute couture criarde et sa gestuelle chaloupée – soufflée par le sheitan sur sa gauche, jugerait sans doute Kaaris. Peu importe : ce qui compte sur « Flex », c’est la vraie élégance avec laquelle Quan habille cette production squelettique et rempli de tics. Dans le grand cirque d’ATL, quand Young Thug donne l’impression d’un acrobate spectaculaire dans ses numéros, Rich Homie Quan, lui, fait penser à un contorsionniste, tout en courbes et flexions. Certes bien aidé par un peu d’Auto-Tune, Quan donne à son accent traînant et sa voix grasse un aspect aussi soyeux que ses peignoirs Givenchy. — Raphaël

Black Josh – « Mark Dice (The Anthem) » (ft. Lee Scott & Danny Lover)

Mark Dice est un célèbre conspirationniste américain, toujours prompt à débusquer des symboles occultes dans les clips de rap et à dénoncer les agissements des sociétés secrètes. Après une embrouille sur les réseaux sociaux, les Anglais de Blah Records, jamais les derniers à s’amuser (?) des théories du complot les plus improbables, ont décidé de composer un hymne à Mark et à ses combats. S’ensuit donc cette histoire d’hommes-lézards, de chansons de Lil’ Wayne écoutées à l’envers, de rapports intimes entre Walt Disney et Britney Spears. Tout un programme, déclamé avec des flows gluants et des accents à couper à la hache, sur un beat crépusculaire et anxiogène de 19.thou$and. Une entrée comme une autre dans l’univers bien barré des garçons de Blah Records, l’un des labels les plus intéressants à suivre actuellement, et pas qu’en Europe. — Kiko

Vince Staples – « Norf Norf »

Vince Staples a un rapport ambivalent au rap. Dans ses sorties médiatiques, il s’en montre détaché (« je ne m’assoies pas chez moi devant des vinyles », lance-t-il pour The Fader) et désinvolte, comme lors de son récent freestyle chez Pete Rosenberg où il marmonne, moitié hilare, entre deux couplets. A tout juste 22 ans, Vince, ancien membre de gang, semble rapper par unique utilité et nécessité morale. Pourtant, sur Summertime ’06 comme sur ses précédentes sorties, Vince a toujours ce brasier dans son gosier chaque fois qu’il raconte ses histoires de crapule de sa voix monocorde. Sur « Norf Norf », il montre un vrai enthousiasme qui tangue entre la réalité froide des rues de LBC et la démonstration bouillante de ses talents de rimeur. La production industrielle signée Clams Casino épouse cette opposition, entre l’austérité de sa mélodie et l’entrain de sa rythmique. Vince Staples clame sur ce morceau « I’m a gangsta crip, fuck gangsta rap ». C’est à la fois vrai et faux, car il prouve de nouveau qu’il est un rappeur doué, qu’importe son étiquette bleue cousue à son col. — Raphaël

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2 commentaires

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  • lord,

    pas de FREDDIE GIBBS?????? WTF

  • Virgile,

    « Know Yourself » est bien parti pour être le morceaux de l’année 2015…

    Merci pour le classement!