Nos 25 morceaux du second semestre 2025
Rap francophone

Nos 25 morceaux du second semestre 2025

Retour sur un semestre de rap français hybride et bouillonnant à travers une sélection de la rédaction.


Photographies :
Akissi par Sybe .
Triptik par Valyu .
Ptite soeur par Liesel Fritsch.
Igo par Tinopr.
Gen Fabio Rabarot .
Guerta par La Fabreek.

Cinco – « NOT TODAY »

Avec « NOT TODAY », Cinco réaffirme sa position de fer de lance d’une trap française aux influences d’Atlanta, où l’efficacité rythmique s’allie à une narration sans filtre. Le morceau repose sur une production aux 808 omniprésentes qui apportent un bounce irrésistible, forçant le mouvement dès les premières mesures. Sur ce canevas sonore, l’artiste déploie un flow sautillant, presque élastique, jouant sur les reprises de souffle pour maintenir une tension constante. Cette aisance technique permet de transformer une structure trap classique en une démonstration de charisme pur. Pourtant, derrière la puissance des basses et des drums, Cinco glisse une réflexion historique et politique d’une rare violence symbolique. Au détour du refrain, une punchline s’impose et fige l’écoute : « Léopold a plus de bodies mais pourquoi ces fils de pute n’en veulent qu’à Hitler. » En mettant ainsi en parallèle les crimes coloniaux de Léopold II au Congo et l’horreur de la Seconde Guerre mondiale, le rappeur pointe du doigt l’indignation sélective et l’amnésie d’une certaine partie de l’Histoire. Cette ligne, lourde de sens, donne au morceau une épaisseur inattendue, élevant « NOT TODAY » au-delà du simple banger. En définitive, Cinco réussit le pari de l’équilibre parfait : proposer un titre calibré pour faire vibrer les enceintes tout en insufflant une conscience historique brûlante. Le morceau devient alors le cri de ralliement de celui qui refuse de subir, que ce soit sur le terrain de la musique ou celui des idées. — Andy

Famille nombreuse – « Swagger comme nous »

De la même façon qu’au tournant des années 2010 une partie du rap français jetait son dévolu sur le revival d’un son à la mode 15 ans plus tôt, le milieu de la décennie actuelle aura vu le retour d’une trap en vogue il y a 15 ans. La Fève en 2024 en reprenait de nombreux patterns et ne manquait pas de rendre hommage à ses inspirations, mais il n’est pas le seul. Parmi les meilleurs dans le genre, Honey et Fu€go du duo Famille Nombreuse ont cette année sorti Désolé pour l’attente, mixtape hostée par DJ Lex sur laquelle ils multiplient les interpolations et références au South. Celles-ci ne se cantonnent d’ailleurs pas à la ATL trap, les deux rappeurs ayant une culture musicale plus large et un amour prononcé pour des disques antérieurs, en provenance de Memphis ou NOLA, mais aussi pour le rap français des années 2000. Bref, les Zi s’amusent et convoquent une multitude de références, comme c’est le cas sur ce “Swagger comme nous”, reprenant le sample de M.I.A popularisé par Kanye pour T.I et Jay-Z et quelque peu éculé depuis 2008. Ode à l’anti conformisme vestimentaire et à l’idiologie, “Swagger comme nous” laisse entendre un certain amour de la formule bien sentie : “En rose comme Cam’Ron ou Médine face à Rieu Damien, j’mélange la fourrure et le cuir végan et ce style d’idiot m’va bien”, “Mes rubis, mes diamants n’font qu’aboyer, je loge un diamant sur ma dent, j’lui offre un foyer !” Sous une tartine d’effets ultra tombeaux, la voix de Honey sur le deuxième couplet répond au ton juvénile de son acolyte sur le premier. L’ensemble est à l’image de la tape, jubilatoire. — B2

Jul – « La vie » feat. Le Rat Luciano

« La vie ». Quel titre, pour les deux rappeurs qui ont fait de la simplicité leur éthique, d’homme et d’artiste ! Et qui ont toujours rappé ce qu’ils vivent et ce qu’ils voient… Les fans du J le savent, les albums gratuits ont leurs lots de bijoux – “Parfum Cartier”, “Mes affaires”, “Avant la douane”, etc. Au cœur du volume 8, le deuxième duo avec le Rat de l’année pour Jul s’ouvre par quelques accords de piano sur lequel le MC de la FF rappe d’abord sans beat, avec un clin d’œil de la prod au classique de Cut Killer (« C’est le J et le R d’mande à R, sur les murs de la ville comme les « Nique la police. ») Dix ans après “Mets les en i”, Luciano marque son couplet par une assonance sur la même lettre. Mais les deux Marseillais excellent surtout pour leur force d’interprétation. Si Jul n’a pas le talent d’écriture du Rat (franchement en forme sur ce titre), il rivalise par les émotions qui font vriller sa voix. Et l’air de rien, une alchimie décennale telle entre deux artistes, ça ne court pas les rues du rap français. — Manue

Nordinomouk & Bavaz – « Nautica »

Il y a des titres qui trichent. « Nautica » est l’un d’eux. En introduction, il reprend une célèbre phase du tout aussi célèbre « Les bidons veulent le guidon ». Elle est prononcée par Hi-Fi et c’est vraiment un attrape-cœur pour tout auditeur de rap français de 40 ans et plus. Ajoutez à cela le sample qui est une réinterprétation de celui orchestré par le génial DJ Muggs en ouverture du non moins génial Temples of Boom de Cypress Hill, et l’opération séduction est une réussite. Qui plus est, le charisme de la voix de Nordinomouk avec son flow plus parlé que rappé (et qui n’est pas sans rappeler le méconnu Koni Blazini du groupe Le Pakkt) et la métrique nerveuse de Bavaz donnent au tout un ton aussi amer qu’interlope et farouchement indépendant. En 2025, il y a toujours autant de bidons qui veulent le guidon, mais avec « Nautica », plus d’un en ressortent sapés pour l’hiver comme jamais. — zo.

Triptik – « Ces Messieurs »

Il n’y a pas grand chose à analyser de « Ces Messieurs » de Greg et Dab, cette fois sans Drixxxé puisque Dabaaz a le double emploi, même le triple vu que c’est aussi lui qui réalise le clip. Le morceau est assez frontal et explicite pour ne pas s’étaler trop longtemps sur leurs états d’âme. Si « Ces Messieurs » est sélectionné ici, c’est parce qu’il est jouissif instantanément. Parce qu’il met des mots simples sur un ras-le-bol généralisé. Celui d’avoir affaire à des représentants qui ne représentent plus que leurs propres intérêts, dans leur(s) cercle(s) restreint(s). En faisant défiler épileptiquement des images d’archives affichant nos dirigeants, tout en pilonnant les chœurs féminins de l’instrumental par des sub bass, des snares et des charleys frénétiques, Dabaaz a su marier le son et l’image dans cette colère latente. Trois mois après leur morceau « Tous Égaux », et six semaines avant qu’un ex-président français ne se débarrasse d’une peine de prison ferme comme un magicien ne se défasse d’un mauvais sort, « Ces Messieurs »- le morceau, pas les gens – soulageait un peu notre peine. — Ju

« Si « Ces Messieurs » est sélectionné ici, c’est parce qu’il est jouissif instantanément. Parce qu’il met des mots simples sur un ras-le-bol généralisé.  »

La Rvfleuse – “Connexion macabre” feat. Leto

À eux deux, ils représentent peut-être les visages les plus en vue de la trap mainstream française en 2025 : La Rvfleuse et Leto ont pris d’assaut l’année, sans laisser de miettes à la concurrence. Une double montée en puissance qui devait forcément se terminer par un titre en commun : et le résultat aura été à la hauteur des attentes. Dévoilé fin septembre “Connexion macabre” voit ainsi le jeune rappeur du 19eme et le nouveau vétéran du 17eme se rencontrer sur une production menaçante de Sokol, portée par une boucle de piano funeste et des percussions martiales, comme pour mieux appuyer sur la dangerosité du duo au micro. En pleine confiance, les deux artistes livrent ainsi des couplets complémentaires tout en mettant en avant leurs dictions respectives, notamment Leto. Aidé de ses plus de dix années dans la trap française, l’auteur de “Macaroni” livre ainsi ce qui est sans doute sa meilleure performance de l’année, en jouant des rimes et des onomatopées (“Si tu l’ouvres, c’est ton corps de lâche qu’on troue / Frapper la prod, Gervonta Davis / Sexe, drogue, arme, c’est la devise / Tou-tou-tou-tou-tou-tou-tou / Moi c’est P.S.O, toi ça vient d’où ?”) avant de finir par un pont et un refrain en passe-passe avec La Rvfleuse. Véritable collaboration entre deux générations “Connexion macabre” voit ainsi un rookie et une figure établie livrer ce qu’une collaboration nécessite pour être réussie : de la complémentarité autant que de la singularité, pour ce qui est peut être un des feats de l’année. — Brice

Jeune LC – “Chaque Fois” feat. Kay The Prodigy

Le plan s’ouvre sur un Paris baigné d’une lumière crue, celle des matins où la ville s’éveille sans ménagement. Pas de néons ici, mais le reflet du soleil sur le bitume et cette urgence tranquille accompagnant le premier café. « Chaque Fois » capture l’instant précis où le sommeil s’évapore pour laisser place à l’obsession : celle de l’exécution parfaite. Jeune LC apparaît alors, le regard déjà tourné vers l’horizon, observant le mouvement de la rue avec la froideur d’un architecte s’apprêtant à appliquer son plan, bloc par bloc. Les accords et la mélodie de piano Rhodes de Totoprod apportent une texture jazzy et veloutée, transformant ce morceau en une déambulation urbaine sophistiquée. Jeune LC y reste fidèle à ses thématiques : son amour pour Paris transparaît dans chaque respiration, servant de décor à une routine maîtrisée sur le bout des doigts. Dès la première phase – « Tous les matins quand je me lève, j’reste focus sur le game plan » – il pose les bases d’une éthique de travail où la détermination l’emporte sur l’agitation. Le titre gagne en relief grâce à Kay The Prodigy, dont le refrain d’une efficacité redoutable s’installe immédiatement en tête. Au-delà de la performance vocale, le texte offre une lucidité rafraîchissante sur les rapports sociaux. Jeune LC y glisse notamment une réflexion sur son rapport hommes-femmes : « J’préfère traîner avec des gos que d’devoir gérer des mecs relous. » Sous ses airs de punchline décontractée, cette ligne souligne une volonté de s’entourer de sérénité pour préserver sa créativité. En fin de compte, « Chaque Fois » capture l’essence d’un rap moderne et élégant, où le confort mélodique du jazz sublime la rigueur du hustle. — Andy

Kery James – « Shaban »

En février 2024, Shaaban al-Dalu poste en ligne une cagnotte afin d’obtenir une aide financière, alors que l’armée israélienne multiplie les bombardements sur sa Palestine natale. Étudiant en génie informatique, le jeune homme parle déjà de ses rêves au passé, car à Gaza “ils s’éteignent” tandis que “chaque déplacement laisse derrière lui un autre fragment de nos âmes brisées” dans “un cauchemar sans fin.” Shaaban multiplie les appels au secours, lui que les maladies sont en train de heurter de plein fouet, s’ajoutant à l’extrême précarité, au deuil et à la peur de chaque instant. Dans son immonde projet génocidaire, Tsahal est coupable de sa mort le 14 octobre 2024 au cours du bombardement sur l’hôpital Al-Aqsa de Deir al-Balah et de l’incendie qu’il a engendré. Un an plus tard, Kery James rend hommage à Shaaban, frère d’Abdul Rahman (décédé le 18 octobre 2024 des suites de ses blessures) et fils d’Alaa (morte brûlée vive à ses côtés). Les sœurs et le père de Shaaban ont survécu, meurtris à jamais comme tout le peuple palestinien, victime d’un incessant massacre perpétré quotidiennement par “l’armée dite la plus morale, celle qui piétine ce qu’ils nomment le droit international”, comme la présente à juste titre Kery. Il n’est guère de commentaire très utile à faire sur ce morceau, qui sous la forme classique d’un hommage au martyr qu’est Shaaban, dresse une critique du bourreau israélien aussi fondée que vaine, en ce sens qu’elle n’est jamais qu’un cri de plus parmi tous ceux que l’Occident étouffe. “Quand ils t’parlent de droits d’l’homme, ils n’te parlent que d’homme blanc, les autres peuvent bien crever par centaines, par milliers, tu n’les verras jamais s’lever s’il n’y a rien à piller.” Aussi scolaire que soit son morceau, Kery James fait honneur à son histoire artistique, se montre digne du statut de rappeur engagé qu’il brandit encore près de quarante ans après ses débuts. Il n’y a ni à aimer ni à ne pas aimer ce “Shaban”, il s’agit seulement de l’écouter assis en silence, puis de se relever et d’hurler. — B2

Favé – Tsunami feat. Timar

Se limiter à surfer sur une vague est une piètre ambition lorsqu’elle peut prendre en puissance et décupler son impact. Produit par SHK, « Tsunami » est un morceau charnière du dernier album de Favé. Accompagné de Timar, le titre repose moins sur l’effet de surprise que sur une justesse d’exécution, portée par une entente presque instinctive entre les deux artistes. Favé s’y montre sous un jour plus intériorisé que par le passé. Là où Il le fallait avançait encore dans une forme de maladresse, « Tsunami » révèle un artiste marqué par les contraintes et les compromis imposés sur sa trajectoire. Le travail acharné, les trahisons ordinaires, l’obsession de « s’en tirer » qui finit par devenir une ligne de conduite. L’egotrip n’est jamais gratuit : il sert ici à tenir debout, à affirmer une légitimité forgée dans l’effort plus que dans la posture. Timar apporte au morceau une tension supplémentaire et sa voix unique, nasillarde, donne à « Tsunami » un caractère envoûtant. Il incarne une génération qui s’impose avec une arrogance assumée, parfois dérangeante, mais toujours cohérente. Son refrain, répétitif et sombre, agit comme une litanie : fatigue, colère, prière et vigilance s’y entremêlent. Il tire sa force de ce qu’il suggère autant que de ce qu’il affirme. Derrière la détermination filtre l’amertume, l’insomnie, et la lassitude d’un monde où l’ascension se paie cher. Un titre sans romantisation, qui témoigne d’une maturité nouvelle et d’un regard plus critique sur ce que signifie réellement « réussir. » —  Inès

Ele A – “Cielo Grigio” feat. NeS

Si les collaborations entre artistes francophones et italophones ne sont pas rares dans le rap français de ces dix dernières années, elles sont souvent restées cantonnées au mainstream. Souvent portés par un désir de toucher un public européen, des artistes comme Jul, Gims, Lacrim, SCH ou Soolking, ont par le passé réalisé des featurings avec des artistes du pays de Maldini, souvent dans l’espoir de fonctionner des deux côtés de la frontière. Un réflexe que l’on retrouve moins sur les scène plus petites, mais qui peut donner lieu à de belles étincelles : depuis un an, la rappeuse suisse-italienne Ele A tente de faire le pont entre les deux territoires, à coup de collaborations souvent étonnantes. Il y a d’abord eu le solaire “Leão” avec le belge Peet, puis “Villa” avec le montpelliérain LEDOUBLE (sur une production 100% electro que n’aurait pas renié Grems) et aujourd’hui “Cielo Grigio”. Extrait du premier album de la rappeuse sorti en octobre, le morceau voit la Suissesse collaborer avec le rappeur NeS sur un morceau egotrip en deux langues. Sur une production franco-suisse de Lil Chick et Disse aux sonorités jazzy soutenues par des drums et des basses puissantes, les deux artistes se renvoient ainsi la balle le temps de deux couplets dans les deux langues, avant de livrer un dernier passe passe pour la route. Un duo étonnamment complémentaire malgré la barrière de la langue, notamment pour ses petites références aux deux pays : tandis que Ele A (qui réside aujourd’hui une bonne partie de l’année en Italie) place un s/o judicieux à Platini, symbole majeur de cette double identité, NeS part lui sur un terrain plus engagé en concluant son couplet par un état des lieux de la situation politique des deux nations : “Paris ou Milan, nous aussi on a des fachos dans les rues / On les emmerde, on les hue / J’ai pas menti dans les yeux, faudra pas trembler devant les urnes”. En jouant le jeu d’aller chacun vers le terrain de l’autre, NeS et Ele A réussissent ainsi à faire un vrai duo franco-italien le temps de deux minutes en deux langues. De quoi faire oublier le traumatisme de 2006. Ou presque. —  Brice

« On ne guérit pas de l’enfance, chantait Ferrat. En tout cas, on en sort quelque chose. La musique du trio SFN en est la preuve. »

FEMTOGO, Ptite soeur & neophron – « PUKE SOMETHING »

Tournant d’un disque hybride, « PUKE SOMETHING » quitte la saturation digitale d’un rap absolument moderne pour entrer dans un premier degré frontal. La prod de neophron fait place à un beat alourdi de basses, qui déroule autour de quelques notes minimalistes. Comme pour dire : cette fois, plus que jamais, ce sont les mots qui sont importants. La voix de FEMTOGO résonne alors avec la clarté revancharde et blessée qui caractérise son flow. D’abord la hargne : “j’crache sur vos esprits serrés, plus serrés que les tucks de mes soeurs.” Puis le plomb : « tu connais quoi de l’oppression fils de timp t’y connais rien / demande au(x) môme(s) ça fait quoi d’être homo » (brève, mais puissante pause) « quand t’es collégien. » Le couplet se poursuit par un passe-passe, où « le môme » répond à ceux qui, à 14 ans, ne comprenaient pas son comportement autodestructeur. Femto enchaîne, brouillant la troisième et la première personne, avec une déchirante référence au classique d’Aznavour (« je suis un homme ô comme ils disent« )… Sœur se glisse délicatement par la mélodie dans la suite, et clôt ce morceau pivot en annonçant, par un spoken-word ultrasensible – mais ponctué d’insultes – la suite du disque. On ne guérit pas de l’enfance, chantait Ferrat. En tout cas, on en sort quelque chose. La musique du trio SFN en est la preuve, atroce autant que consolatrice. —  Manue

Krav Boca & Zippo – « Resident Evil »

De Krav Boca, il faut dire que c’est une meute itinérante, un cirque revu et corrigé à la sauce mi-punk mi-rap qui parcourt l’Europe depuis près de dix ans maintenant, pour le bonheur des petits et des grands enfants perdus de ce monde. De Zippo, il faut retenir que c’est un technophobe reclus aux rimes acérées. Ces deux entités se rencontrent dans le métro parisien trois titres durant, et histoire de planter le décor, ça commence avec « Resident Evil ». Beat lourd et oppressif coproduit avec le producteur grec Critical, les rimes sont d’abord assénées au bélier, et les voix criardes des deux rappeurs de Krav Boca remplissent toute la largeur d’un couloir carrelé blanc de la ligne 5. Puis vient le Z, avec ce feu dans le fond des yeux, cette glace dans la poitrine, et ce texte qui met l’existence sur un fil et vaut bien toutes les tentations des rap de bricraveur et de zonard réunis. Funambuliste entre l’horrorcore criard et le propos politique acide, « Resident Evil » hante les transports publics plus qu’il n’y fout la merde. Il y place au milieu de la meute itinérante de morts-vivants « les enfants non voulus. » Ce sont les plus dangereux, ceux qui te disent : « si t’es vivant prouve-le. » —  zo.

Cherry Pie & BBP – « BLIZZARD »

Avec « BLIZZARD », Cherry Pie s’impose comme une anomalie fascinante. Ce qui le distingue, c’est avant tout cette signature vocale singulière : une voix criarde, poussée au maximum par un usage paroxystique de l’autotune. Loin d’un simple artifice, l’effet devient un vecteur d’émotion brute, sublimé par la production magistrale de BBP. Ce dernier tisse un mélange de leads au synthé froids et tranchants, créant une atmosphère aussi glaciale que le titre le suggère. L’écriture de Cherry Pie digère la culture rap pour mieux la réinventer, multipliant les balises générationnelles. Les références s’enchaînent avec fluidité, du morceau « Du ferme » de La Fouine pour évoquer la réalité du bitume (« Moussa a pris du ferme ») au célèbre « 21 Questions » de 50 Cent et Nate Dogg. Ces hommages ancrent le récit dans une mythologie hip-hop tout en soulignant un parcours marqué par la débrouille et l’ambition de marquer l’histoire. Le refrain cristallise cette esthétique du chaos. L’image du bédo s’effritant dans le blizzard, associée à la figure de Kurt Cobain, dessine le portrait d’une jeunesse en perte de repères. Entre sourires de façade et urgence vitale, Cherry Pie confirme que son identité artistique se situe précisément là où le froid devient brûlant. —  Andy

Aketo – « Maria »

Aketo vit depuis quelques années une double vie d’artiste. Il continue avec Tunisiano, et régulièrement accompagnés de DJ Blaiz, à tourner pour à la fois vivre de et faire vivre le répertoire de Sniper, groupe autant générationnel qu’historique du rap français. Une situation d’« ancien qui a serré » avec laquelle il rappe un rapport ambivalent, non sans humour, à quelques reprises dans MAUVAIS MOVIE, sa sortie annuelle de 2025 (l’homme est régulier depuis 2020), peut-être sa plus aboutie et tranchante. Avec le producteur Monarch, ils prennent le parti d’un disque où les potards virent aux rouges avec des instrus synthétiques, abrasifs, lents, saturés, nourris par certaines scènes du sud états-unien. Mais derrière ses moments de confiance et de flex dans certains egotrip électriques comme dans la tracklist (il convie notamment sur le disque Project Pat et Trae Tha Truth), Mauvais Movie est aussi un douze titres de quadra qui traîne son chien dans la tête dans des moments nocturnes et méditatifs. Dans « MARIA », un sample de piano et cordes mélancoliques se froisse sur les des subs grésillants. Alternant entre un rap-chant abîmé et moments parlés, Aketo y esquive un chauffeur Uber dans un mood « le-rap-c’était-mieux-avant », avant de se questionner sur son mode de vie qu’on devine parfois bordélique, son identité (Français ? Parisien ? Algérien déraciné ? « J’suis un terrien, c’est d’jà stylé »). Aketo semble aussi sûr qu’incertain de ses choix. Mais c’est de ce chaos dans le disque qu’en ressort tout son sublime. Comme il le dit lui-même : « j’sais pas à quoi tout ça rime, mais putain c’que ça rime bien ». —  Raphaël

« Les basses qui grésillent comme à Stockton, les drums qui claquent comme à Philadelphie, la gravité d’une version laconique de Mac Kregor et la violence amusée d’Escobar Macson. »

IGO – « Puro » feat. SCH

C’est VHS qui a fait de la musique d’IGO un pont entre un rap US contemporain et l’héritage de rappeurs du 93 trop imposants pour être toujours dans les temps. IGO, c’est les basses qui grésillent comme à Stockton, les drums qui claquent comme à Philadelphie, associées à la gravité d’une version laconique de Mac Kregor, ou la violence amusée d’Escobar Macson. Sa spécificité : un flow semblable à des menaces chuchotées derrière une vitre givrée. Avec Les 2 pieds d’dans, le rappeur qui a écrit son premier projet sous OQTF confirme son statut d’artiste solide. Et s’il fallait une autre validation : SCH est en featuring sur “Puro”, produit cette fois par Zeg P, dont l’atmosphère lugubre s’inspire du dernier avatar cauchemardesque de la drill de Pennsylvanie. En se glissant dans la noirceur de son hôte, celui qui a sorti cette année un tube avec Gims puis un pastiche chanson française des 50’s (“Train Mistral”), ressuscite un peu les flammes funèbres d’A7 (“j’prête allégeance à personne le dernier devant qui je baissais les yeux est mort il y a 7 piges…”)  Pour ça, et le reste : merci IGO pour les travaux. —  Manue

Lexsaburo – « Lunatique » feat. Zek

Ça commence par de la pluie et une voix de femme passée sous filtre passe-bas par Lexsaburo, qui semble la faire émerger du sous-sol ou d’une brume épaisse. Emplie d’une belle tristesse, cette mélodie vocale rappelle celles qu’on entendait jadis dans certaines B.O. d’Ennio Morricone ou Seiji Yokoyama. Puis c’est une autre voix qui arrive, accent essonnien dans l’élocution, grain maturé au rhum ambré et à la combustion du tabac. « Un jour j’te ger-char comme la Brav-M, un jour j’te fais graille sur ma SACEM… » Poursuivant l’anaphore « un jour », ZEK déroule alors tout ce qui fait de lui un homme « lunatique », se dévoilant « comme ta putain d’lune, facette par facette » : l’espoir d’une vie meilleure qui joue autant aux montagnes qu’à la roulette russe, l’alternance d’empathie et de misanthropie avec le reste du monde, sa relation toxique avec le rap. D’abord tête basse et en traînant des pieds, terminant dans une foulée en mode shadowboxing, le Luxxxe God avance crescendo sur la production progressive de Lexsaburo. Son instrumental est, lui aussi, lunatique : partant dans un premier temps sur un boom bap poussiéreux, il sort de sa chrysalide après 1 minute et 17 secondes pour s’étoffer d’une ligne de basse (oui, ça existe encore), d’accords de guitare et d’un synthé vintage ascensionnel. Avant que rap comme rythmique s’arrêtent subitement, laissant seule cette mélodie hypnotisante. « Un jour j’te ger-char… », revient, puis disparaît en fondu. « Lunatique » est un superbe exercice de compression d’humeurs noires pour en créer du beau, comme le charbon se transforme en diamant. —  Raphaël

ZL50 – « Risque et bénéfice »

Apparu sur la scène réunionnaise avec une mixtape trap, Appel a moin ZL, le rappeur saint-louisien ZL50 devait avoir un avenir musical tracé. Jusqu’à peu, sa musique concentrait les attributs du rap local, entre trinibad, et réminiscences shatta. Rien ne laissait donc prévoir la versatilité de son premier album, Risque et Bénéfice, entièrement produit par Samuel Beatz. Les instrus sont froids, tirant vers une trap des plus brutales (« Zucman ») ou vers des productions éthérées, sous influence électronique, inouïes dans le rap réunionnais. C’est le cas du morceau éponyme, dont le synthé, mâtiné de violons, peut rappeler de façon lointaine la bande son de Siràt. ZL50 l’orne d’un de ses textes typiques, mélange de mélancolie et de motivational music de l’Océan Indien : « Mi croi pa an la demokrasi, mentalite voyoukrasi. » Sa voix, travaillée par l’autotune, est plus maîtrisée qu’auparavant : elle sait laisser place au silence, épouse les variations de l’instrumental, propose des nuances minimes, qui incitent à la réécoute, et donnent une impression de flottement. Un beau morceau, habilement mis en images par SSMatt, qui filme au ralenti la solitude du trappeur des îles. —  Paul

« Derrière un instrumental nerveux bercé par des voix oniriques reste l’expression d’un amour organique et inconditionnel. »

Gen – « PAPA LUNE »

La meilleure façon de toucher est souvent d’aller au plus simple. La subtilité réside dans la parole franche, qui charge chaque mot du sens qui lui revient. Et Gen excelle quand il s’agit de donner ce relief à un morceau. Sur “Papa lune”, le rappeur s’adresse directement à la femme qui partage sa vie depuis cinq ans. Son double, ou sa moitié. Il dépeint une union précieuse, solide ; ce qui lui permet de ne pas s’essouffler – et même à l’inverse, de se renforcer. Au fil du son, le demi-Parisien laisse aller sa méditation aux préoccupations qui naissent avec le temps. Vivre ensemble, d’abord. Choyer sans cesse, sans prendre la flemme. Et puis parfois à souvent, s’envisager parent. Entre les lignes (peut-être), Gen trace alors les contours d’un enfant imaginaire, et s’interroge sur l’héritage psychique qui reviendra à ce dernier. « Ça fait quel genre de gamin, une maman soleil, un papa lune ? Est-ce qu’on se complète ou est-ce qu’on s’annule ? » Derrière des projections en filigrane et un instrumental nerveux bercé par des voix oniriques, reste l’expression d’un amour organique et inconditionnel. Car il faut reconnaître ce qu’est assurément la deuxième track de l’EP ECHO ECHO : une chanson d’amour, ni plus ni moins. « J’espère qu’on va mourir à la même seconde près. » —  Juliette

NDO Runway – « Marcelino »

C’est à NDO Runway que l’on doit certains des placements les plus techniques du rap français ce semestre, comme ça avait déjà été le cas l’an passé d’ailleurs. À l’instar de ses aînés de Pierrefitte-sur-Seine, bastion du son West à la française, il cultive sa singularité et dicte ses propres tendances, quitte à laisser du monde sur le côté, décontenancé par les décalages qu’il instille dans son flow et trop premier degré pour voir autre chose en lui qu’un “shit talker” (erreur commise par Tracks Arte en début d’année). Fin novembre, NDO Runway a sorti l’excellente tape Le Langage des chèvres, au sein de laquelle “Marcelino” constitue un temps fort avec son refrain turbo efficace et sa reprise talkboxée du générique de Marcelino, dessin animé parmi les plus tristes des années 2000, narrant la vie d’un orphelin parlant aux animaux. C’est là une des multiples références que brandit le rappeur dans ses textes, entre littérature populaire, pop culture et rap de connaisseur. Sûr de ses aptitudes, NDO Runway est également conscient de l’incompréhension qu’il suscite chez certains, et à vrai dire il semble chercher à l’entretenir en même temps qu’il complexifie son écriture. Ceux qui l’aiment prendront le RER D et apprendront le langage des chèvres pour comprendre son rap. —  B2

Lesram – « ASHITAKA »

Avec « ASHITAKA », Lesram choisit une sortie à contre-courant pour refermer Malvado, album paru le 21 novembre. Loin d’un final tapageur, l’outro s’installe dans une forme de retenue, presque méditative. Une suite de notes de piano, répétées avec obstination, et une boucle chantonnée suffisent à installer une atmosphère suspendue, traversée par une lueur d’espoir qui contraste avec la rudesse du propos. Lesram y déploie tout ce qui fait sa singularité : une écriture tranchante, saturée de références populaires, cinématographiques ou triviales, qui dessinent un paysage social sans filtre. Les images sont crues, ironiques, mais jamais gratuites. Il parle de déterminisme social, de rapports à l’argent, de contrôles policiers, de désillusions générationnelles, avec un sens de la formule percutant. Derrière les lignes se dessine une réflexion plus large sur le temps qui passe et les illusions qu’il s’autorise pour tenir. Le refrain agit comme une confession répétée, presque obsessionnelle. « L’argent n’achète pas le temps » revient comme une vérité admise trop tard, en tension avec ce désir immédiat de tout posséder, tout vivre, tout accélérer. La référence à Ashitaka — personnage du film Princesse Mononoké — figure tiraillée entre violence et quête d’équilibre, n’est pas anodine. Elle incarne ce combat intérieur permanent entre ce que l’on devrait être et ce que l’on devient pour survivre. En clôturant ainsi Malvado, Lesram signe un final humain, se demandant ce qui restera une fois l’élan passé. —  Inès

Guerta – « RATP » feat. C.Sen

Il y a dans ce titre et le parcours de Guerta tout le paradoxe du graffiti : celui de noms peints par des personnes dont le visage reste un mystère, mais qui s’affichent en pleine lumière dans la ville. Mis sous les projecteurs suite à son passage dans le télé-crochet Nouvelle École, le rappeur du 13ème arrondissement replonge son pseudo dans les entrailles du métro avec ce titre consacré au tag. Il ne s’agit pas seulement ici de peinture posée sur des murs, des wagons de métro et des devantures, mais aussi – et surtout – d’adrénaline, de l’addiction de « cartonner » des lieux et d’un mantra : « j’aime bien l’art, mais je préfère le vandalisme. » L’exécution du titre a des allures de punition, de ce terme qui décrit un lieu tagué répétitivement du même nom et de la même manière : la rime est nerveuse, l’instrumental est syncopé, et les termes et bruitages immergent l’auditeur dans une descente de tagueurs. Et alors que les liens entre graffiti et rap, originellement très proches, n’ont cessé de se distendre ces 30 dernières années, Guerta chante la graffiti culture en compagnie du C.Sen, rappeur dont l’œuvre est traversé par les throw-up. Une pièce assurément wild style sauvage dans un EP probablement trop peaufiné et léché. C’est un bon péché ! —  zo.

« Après son passage dans le télé-crochet Nouvelle École, Guerta replonge son pseudo dans les entrailles du métro. »

Gal – « Lemomentprésent »

GAL dit et répète qu’il se déteste et ne cesse de douter, pourtant, son rap a tout de confiant. À ce titre et à peu de chose près, l’outro de JeuneBeurDeLaFontaine (vol.2) cristallise le propos tenu sur le reste de l’EP. En gros, c’est un autoportrait : celui d’un adulescent asthénique, qui clope trop, se drogue trop, enraciné dans le flou béant d’un avenir qui se presse. Plus sérieux qu’à son habitude, GAL ne manque pas pour autant d’amuser par ses formules : « J’fume beaucoup de drogue, pas à l’aise dans mes bottes, dans mes deux patins / Chienne de vie, j’comprends le coq quand il crie dès le matin. » Sur un sample consolatoire, qui insiste sur le rôle du temps (« it’s just a matter of time… »), le rappeur s’efforce d’arrêter de tourner en rond et de ressasser. Une tâche qui, à bien y regarder, semble ne pas lui être aisée. Le quotidien est abrasif, la guérison en dents de scie, et le rap tout à fait grisant. —  Juliette

Seth Gueko – « Titi Parisien 2 »

Ah Paris ! Sorti de sa caravane et de son univers de patate de forain matrixé à la Guy Ritchie (Snatch), Seth Gueko a d’abord aimé de la ville lumière sa plus belle avenue du monde. En 2010 sur les Champs-Élysées, il y traînait une quinzaine de mètres durant une femme par les cheveux depuis une Audi dernier cri. 3 mois de prison et cinq ans de carrière plus tard, le Gueko se range des voitures, délaisse le luxe putassier du 8ème arrondissement, se tourne vers Michel Audiard et se décrète « Titi Parisien ». Sorti en 2015 sur son album Professeur Punchline, le titre est brillant, touchant même. Remixé avec des featuring d’Oxmo et Nekfeu, entièrement clippé en noir et blanc avec des caméos d’illustres figures du rap parisien, l’esthétique bérets et Ménilmontant fait mouche, encore plus au moment de sa sortie peu après les attentats de novembre 2015. Dix ans plus tard cette fois et bien que désormais retraité des micros, le Zdex remet le couvert dans un monde toujours aussi triste. « Titi Parisien 2 » est sorti il y a quelques semaines, et c’est un véritable posse-cut. De Jarod à Rocca, de Haroun à Davodka, de Kanoé à Loko, le plus barlou des rappeurs français offre un enchaînement bien plus versatile et nerveux que celui proposé dix ans plus tôt. Ce n’est ni mieux ni moins bien qu’en 2015. C’est juste différent et surtout c’est un bel héritage à faire vivre. Puis cette fois, le retraité s’est juste contenté de « percuter une trottinette.«  Alors pas de quoi se crêper le chignon mon barlou.  —  zo.

AKISSI & Jungle333 – “MIGRAINE”

En seulement un an, elle aura sorti trois EPs : 2025 aura été l’année de l’éclosion pour la rappeuse AKISSI, qui aura su enchaîner après s’être faite connaître avec les morceaux “PQ TU QUÉMANDES” et “BROKE ASS BOY”. Une année chargée (aussi marquée par un passage chez On The Radar) qui lui aura aussi permis de montrer sa capacité à poser sur différentes sonorités, qu’elles soit rappées ou autotunées. Avant de surprendre avec une dernière sortie. Alors qu’elle dévoilait un morceau par semaine en octobre (réunies sur l’EP NoRestRun!) la Fontenaisienne a finalement décidé qu’elle n’en avait pas terminé avec 2025 en sortant un nouveau court EP avec le producteur Jungle333. Son nom : INSANIA. Un trois titres à l’ambiance bien plus froide et inquiétante, qui trouvait son point culminant sur “MIGRAINE”. Long de deux minutes, le morceau voit la rappeuse s’essayer à des sonorités proches du son développé aux Etats Unis par BNYX pour Yeat, à base de cloches lugubres et de synthés stridents, tout en livrant une performance vocale remarquable. Transformant totalement son interprétation le temps d’un titre, la rappeuse utilise ainsi une voix de gorge lancinante, pour mieux appuyer sur la supposée folie inquiétante avec laquelle elle joue sur le titre. Dans un registre proche d’un Lil Wop il y a quelques années, AKISSI livre ainsi avec “MIGRAINE” un morceau aussi puissant que menaçant, à 180 degrés de tout ce qu’elle a pu laisser entendre cette année. Une preuve de plus qu’elle fait bien ce qu’elle veut. Et souvent avec réussite. —  Brice

Skefre – « LES 2 VOLEURS DU LOUVRE » feat. Huntrill

Le couplet d’Huntrill sur « Les 2 voleurs du Louvre » ne semble être adressé qu’à lui-même. De ses références très précises à son mixage, ce flow de pensées, qui paraît parfaitement cohérent pour lui mais moins pour l’auditeur, semble être l’enregistrement indiscret et sans filtre du monologue intérieur du rappeur du 91. Plus conversationnelle que celle de son comparse, l’interprétation de Skefre n’en reste pas moins le reflet d’une agitation intellectuelle qui paraît désordonnée de prime abord, mais pas chaotique pour autant. Suivant une vibration commune, le burlesque côtoie le glaçant, le politique et le mystique se confondent, à la manière d’une vidéo d’atrocités commises sous la houlette de l’empire intercalée entre un thirst trap et la douzième version du meme du jour. L’influence « d’internet » (terme préhistorique) sur le rap notamment français va au-delà des références cryptiques ultra-spécialisées et des textures pseudo-futuristes : elle s’incarne dans un accès plus direct au psyché des artistes, organiquement reliés au monde dans l’infinité de l’instant présent. Skefre et Huntrill sont la preuve que de nouvelles formes d’expressions émergent derrière le « brainrot », révolutionnant discrètement le rap un titre après l’autre, et pourquoi pas davantage. —  chosen

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