Chronique

Ol Dirty Bastard
Return to the 36 Chambers

Elektra - 1995

Si vous en doutiez, on vous le confirme. La rédaction de l’Abcdr n’est pas composée de vampires qui ne voient jamais la lumière du jour. C’est aussi un lieu d’échanges et prises de becs (un peu) virulentes. Dernier en date : ce premier album d’Ol’ dirty bastard à peine considéré par une âme égarée de la rédaction.

Bref, il est aujourd’hui grand temps de réhabiliter cet album majeur des années quatre vingt-dix. Alors recadrons le tir. Flashback. Fin 1993. Enter the Wu-Tang : 36 chambers explose à la gueule de toute une génération. A la fois brut(al), maîtrisé et riche en références musicales mais aussi cinématographiques et spirituelles, il lance la dynastie d’un collectif tout en préparant l’avenir de chacun de ses neuf membres.

Method Man, déjà (seul) auteur d’un morceau solo (‘M.e.t.h.o.d. Man’) sur cet album où les temps sont comptés, dégaine en premier. Tical, démonstration rauque, crade et fumeuse réussit à combiner brillamment succès critique et commercial. Ol’ Dirty Bastard, cousin des deux têtes pensantes RZA et GZA, est le second membre de la fratrie Shaolin à sortir un album seul. Une seconde onde choc post-trente-sixième chambre.

« And then we got the Ol’ dirty bastard, ‘cause there ain’t no father to his style. That’s why he the Ol’ dirty bastard. » (‘Protect ya neck’.)

Plus qu’aucun autre, Russell Jones était unique. Vraiment unique. Sur l’échiquier de la fraternité Wu-Tang Clan, on aurait pu rapidement considérer qu’Ol’ dirty était le fou. Sauf que cet authentique électron libre ne se contentait pas des diagonales. Il occupait plutôt les grandes largeurs. Et les camisoles de forces (‘Woo Hah !’) et autres cures de désintox’ n’auront rien changé.

Plus qu’aucun autre opus, Return to the 36 Chambers (dirty version) est tout à fait à l’image de son auteur. Omniprésent, le sale vieux bâtard y flirte avec tout (avec une prédilection particulière pour les femmes et la faucheuse) et s’affranchit de tous les critères, de toutes les questions de métrique, de techniques de flow ou d’écriture. Il éclabousse cette galette de charisme et d’une présence qui éclipse tout le reste, reléguant même le travail de production de RZA (très épuré ici) au second plan.

« How y’all feelin’, listen to the album cuz it’s bangin' » (‘Intro’).

Parfois chanteur improvisé en pleine descente d’acide (‘Drunk Game’), parfois enragé, la cervelle proche de l’implosion (‘Brooklyn Zoo II’), tel est le style de l’homme ivre. Ce fameux drunken style débordant d’émotions et transpirant les quatorze heures du matin et les huit grammes dans le sang. Pris dans un univers où se mêlent odes à la fellation, sirènes de flics, arts martiaux et autres échappées brutales du zoo de Brooklyn, on sent la sueur perler sur le front du sale vieux bâtard. Chaque martèlement de la basse s’ajoute à ses coups de folies, donnant de vrais coups de burins dans nos cervelles pour laisser s’évader quelques neurones. Jouissif et désarçonnant, écouter Ol’ Dirty à cette époque c’est goûter à la drogue dure.

« I drop science like Cosby droppin’ babies, enough to make a nigga go crazy » (‘Brooklyn zoo’.)

Porté par une sérieuse émulation et la perspective de récupérer des paquets de billets verts, Dirt McGirt profite ici du soutien d’une bonne partie du clan et d’une batterie d’affiliés. Soutien qui occasionne notamment deux sommets : le sanglant ‘Raw Hide’ mais surtout ‘Protect ya Neck II the Zoo’, possee-cut hargneux et riche en hémoglobine. Bien entendu, on pourrait aussi énumérer la batterie de classiques alignés tout au long de cet album (‘Shimmy Shimmy Ya’, ‘Brooklyn Zoo’, ‘Snakes’) et se remémorer les souvenirs étroitement liés à ces monuments.

Sauf qu’aujourd’hui, les trois années écoulées depuis sa disparition (à l’aube de son trente-sixième anniversaire) n’auront fait que confirmer l’évidence. Ol’ Dirty Bastard est la plus grande rock star de ces vingt dernières années. Et cet album le plus traumatisant des témoignages.

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