Chronique

Obie Trice
Bottoms Up

Black Market Entertainment - 2012

Par des concours de circonstances plus ou moins compliqués, il n’est pas rare que des rappeurs qui n’étaient a priori pas destinés à occuper le devant de la scène profitent d’un moment de gloire avant de retourner dans l’ombre. Obie Trice est de ceux-là. Pote d’Eminem, il sort son premier album Cheers en 2003, alors que le blondinet et le docteur imposent leur son au monde entier. Les labels Aftermath / Shady Records sortent succès sur succès, et Obie va bénéficier de cette déferlante et de ces moyens hors-normes pour son album solo. Eminem, Dr. Dre, Mike Elizondo et Timbaland sont à la production, les singles fonctionnent et Obie est plutôt doué au micro. Au bon endroit, au bon moment. La suite se gâte un peu : le label lambine pour sortir Second Round’s On Me, les chiffres de ventes sont moins bons et l’album aussi. L’époque n’est plus la même, le vent commence à tourner. C’est la fin de l’aventure Shady Records pour Obie Trice, même si les ponts ne sont pas coupés avec son ancienne équipe. Plusieurs années vont passer, sans remous. Et voilà qu’en 2012, le rappeur de Detroit refait surface avec un troisième album, sur son propre label. Dès la première écoute, une impression frappante se fait jour : Obie est loin d’avoir tourné la page Aftermath.

Si l’intro a un furieux air de Dr. Dre, c’est normal, c’en est. Un rythme simple martelé par un piano, ou l’inverse, et autant de rebond que dans un lowrider. Belle entrée en matière. Le titre suivant est produit par Eminem. Obie a décidé d’annoncer la couleur en tirant d’emblée ses munitions les plus retentissantes : son album essaie de prendre la suite de ses illustres modèles. Le reste des morceaux est en majorité produit par des inconnus qui explorent la même veine musicale, avec une certaine habileté. NoSpeakerz et K&Square reproduisent assez fidèlement le son Aftermath du début des années 2000. On retrouve les gros claps habituels, les pianos et les synthés grandiloquents, et les touches de guitare pour adoucir le tout. En tendant l’oreille, on peut même surprendre quelques bruits de flingues, à l’ancienne. À croire que l’album entier a été conçu avec Get Rich or Die Tryin’ en guise de plan de travail. Sans atteindre toutefois un tel niveau de finition, le rendu est propre et plutôt convaincant.

Quant à Obie, il n’a pas perdu son mordant. Il n’a peut-être jamais eu un charisme assez fort ou une personnalité assez originale pour devenir une vraie tête d’affiche, mais son rap est impeccable. Il affectionne toujours les assonances et délivre un flow incisif, technique sans trop le paraître. Au fil de Bottoms Up, il se montre conquérant et revanchard. Entre la rue et les regards en arrière, c’est surtout son envie de rapper qui se dégage le plus nettement de cet album. Le rappeur n’a pas dit son dernier mot et entend bien le faire savoir. Ce troisième opus contient quelques morceaux très réussis et relativement peu de temps morts. « Secrets » et « Crazy » sont des bangers efficaces, tandis que « Lebron On » et son orgie de cuivres offrent une sortie toute en panache au rappeur. Sur « BME Up », le titre phare, Obie se fend d’un refrain digne du 50 Cent des plus belles années. Même sa voix s’approche de manière assez troublante de celle de Curtis.

Certes, Bottoms Up n’est ni époustouflant, ni révolutionnaire, mais on en revient content, comme d’une balade au milieu d’un paysage familier. Cet album est un vestige d’une époque pas si lointaine, mais bel et bien révolue. Pour preuve, on retiendra les noms de revenants qui y sont cités : l’ancienne formation du G-Unit ou encore les soldats de l’écurie Aftermath tombés sans combattre : Stat Quo, Ca$his… Avec son esthétique un peu désuette qui ne manquera pas de rappeler son adolescence à toute une frange d’auditeurs, Bottoms Up charme. Obie Trice ne signe pas l’album de l’année, mais son retour surprend agréablement, parce qu’on ne l’attendait pas.

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