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C’est ce qu’on appelle prendre par surprise. Busta Rhymes, le rappeur qui ne veut pas vieillir, prépare son album chez Cash Money. Il aura fait tous les rayons, toutes les crèmeries, derrière les consoles de tous les plus grands comme si son style et sa personnalité étaient modulables à l’infini, indémodables pour toujours. Concrètement, ils ne sont plus beaucoup à le croire. Le flow ultra rapide du Bus-A-Bus avait réussi à toucher un nouveau public avec « Look At Me Now » il y a 2 ans, mais cela ressemblait à une ultime révérence. Le problème, c’est que Busta Rhymes est un drôle d’oiseau qui ne correspond à aucune espèce répertoriée. Au final, il n’arrivera jamais à choisir entre chant du cygne et renaissance du phénix. La surprise, c’est donc ce nouveau morceau atypique, loin des canons YMCMB, un quasi edit d’un tube funk d’Alicia Myers, accompagné du meilleur d’entre nous, le Coton Tige.
Les maîtres de cérémonie Weezy et Yeezy font forcément potiches, mais prouvent que ces deux pionniers sont parmi les mentors des grosses stars actuelles. Kanye a toujours voulu emporter Tip dans son sillage et Lil Wayne est le premier fan de Busta Rhymes, l’adoubant au sein du label toujours florissant des frères Williams. Une fois extraite cette partie people, la magie opère de nouveau. La tête bouge direct, le rythme est parfait, les deux compères entremêlent leurs phrases dans une saine compétition, la sensation d’amusement, de fun, reste présente, comme s’il s’agissait de leur toute première fois. Pourtant leur histoire a plus de 20 ans.
Busta Rhymes ft. Q-Tip – « Ill Vibe » (The Coming – 1996)
Dès leur première rencontre, l’énergie passe telle le Bifröst. L’un est déjà établi avec A Tribe Called Quest, groupe phare de la génération Native Tongues, le rap jazz cool, celui que tu peux faire écouter à tes parents, celui qui délivrera une génération entière de futurs artistes qui ne se reconnaissaient pas dans les paroles hardcore du Gangsta Rap. L’autre débarque en tête d’affiche de son groupe Leaders of the New School, défricheur timbré, joker illuminé qui veut déjà courir plus vite que la musique. La rencontre sur disque aura lieu sur le mythique « Scenario » avec l’impact hallucinant de Busta Rhymes, toutes ses syllabes faisant mouches comme si les boomers étaient de vulgaires punching-balls. A l’époque déjà, la partie de Q-Tip est entrecoupée par une première incursion de Busta, la paire s’échange le microphone dans un passe-passe gravé dans la roche. Le duo dynamique est formé.
Il faut attendre quelques années pour une véritable partition à deux sur The Coming, le premier opus de Busta Rhymes. L’aventure Leaders of the New School est terminée et le Bus-A-Bus a tout pour devenir la nouvelle star du rap US, entouré de son Flipmode Squad. De son côté, Q-Tip commence à avoir des relations plus tendues avec Phife et Ali. Son leadership est remis en cause et ses multiples collaborations avec Nas ou Mobb Deep ne sont pas aux goûts de tous. C’est surtout la période où Q-Tip découvre son futur à Detroit en la personne de Jay Dee, alors membre de Slum Village. Ce premier duo est d’ailleurs produit par The Ummah, le collectif de producteurs qui regroupe Q, Dilla et Ali. Il sonne comme une chute de Beats, Rhymes & Life, l’album de ATCQ qui sortira la même année. Il permet surtout de confirmer que l’alchimie est parfaite.
Bonus : Un remix de The Ummah, présent sur le maxi de It’s A Party, avec les filtres si particuliers de Dilla.
Q-Tip & Busta Rhymes – « Wild Hot » (Rhyme & Reason OST – 1997)
On retrouve le dynamique duo sur la bande-son du fameux documentaire Rhyme & Reason en 1997. À cette époque, Q-Tip sort quelques morceaux solo sous le nom Lone Ranger, la séparation avec A Tribe Called Quest semble consumée. Quelques pics de Phife laissent d’ailleurs penser qu’il pourrait être jaloux de la bonne entente entre Q et Busta. Son acolyte de longue date remet en cause ses choix, son évolution toujours plus proche du rap actuel. Attiré par Diddy et son label Bad Boy, Tip cherche à être en phase avec son époque et ATCQ pourrait ne plus être le bon média pour ça. De son côté, Busta est complètement dans cette énergie, accumulant les collaborations les plus mainstream possibles avec un sens de la performance toujours au top. Le dogme de la Native Tongues paraît lointain mais ce duo de pistoleros n’en est pas moins réussi, parfait western moderne qui résume bien l’époque controversée, entre surenchère guerrière, désillusion et mercantilisme. Les deux cowboys en sortent intacts avec la fraîcheur de jeunes premiers. La Bromance continue.
Q-Tip ft. Busta Rhymes – « NT » (Amplified – 1999)
La séparation est définitive, Q-Tip part avec Chris Lighty et son management Violator, laissant ses compères moribonds avec un album sans vie pourtant nommé A Love Movement. Q pense déjà à son premier solo, Amplified, ses premières escapades club, attaquant direct avec « Vivrant Thing » puis « Breathe N Stop ». Q co-produit l’album avec Jay Dee mais deux productions de DJ Scratch se frayent un passage dont ce nouveau duo avec Busta Rhymes. Le Bus-a-Bus est alors au top de son art avec Extinction Level Event et son « Gimme Some More » ainsi que les clips tous plus fous les uns que les autres. Au final, sa participation est millimétrée, gimmick entraînant qui pourrait tourner en boucle tel un refrain. Q adapte le style de Busta comme si c’était un sample à la manière de ce « Oh My God » du passé. Son apparition la plus longue est finalement l’outro où Busta s’emporte et Q est mort de rire. Le fun est toujours au rendez-vous.
Q-Tip ft. Busta Rhymes & Pharrell – « For The Nasty » (2005)
En 2001, Busta Rhymes se sert de l’aspiration de Dr Dre, alors en état de grâce. Son « Break Your Neck » fait carton plein et l’album Genesis est double platine, son plus grand succès à ce jour. C’est aussi l’époque où il rencontre les Neptunes avec qui il collaborera régulièrement jusqu’à cette année avec un « Twerk It » pas franchement inspiré. Pendant ce temps, Q-Tip galère un peu, devenu caution cool de Kanye West qui veut faire revivre l’esprit Native Tongue au sein du R.O.C. Le deuxième album est avorté car pas assez vendeur pour le label alors qu’il s’agissait d’une fusion rap-jazz-soul excellente qui aurait pu l’emmener très loin, dans le sillage de la Neo-Soul du moment et au delà. Q cherche donc un single pour relancer sa carrière et la rencontre avec les Neptunes tombe à point. Busta est de la partie, toujours enjoué quand il s’agit de foutre un peu le bordel. Q-Tip ressort ses formules à la « Vivrant Thing », Pharrell est sur le refrain comme toujours. Tout pour faire un tube mais ça fait flop. Le single ne paraitra sur aucun album et Q-Tip retournera batailler avec l’industrie du disque pour sortir son deuxième opus. Trois ans plus tard.
Busta Rhymes ft. Q-Tip – « You Can’t Hold the Torch » (The Big Bang – 2006)
On retrouve le duo en 2006 pour l’album de Busta Rhymes chez Aftermath. L’hommage est vibrant : une production de Dilla, mort quelques mois plus tôt, reprenant le sample du « Look of Love (remix) » des Slum Village ainsi que le « Lyrics to Go » des Tribe. Le morceau évoque la musique derrière le business, l’origine du vrai kiff. Les deux anciens ont beau se placer en gardiens du temple, le résultat est juste parfait. Nostalgique, mélancolique et empreint de la disparition de leur ami, mais toujours dans une énergie unique que seul les deux rappeurs savent garder. Entre la voix mélodieuse de Q et celle rocailleuse de Bus, une véritable symbiose s’opère pour donner un des meilleurs tracks de ce seul album avec Dr. Dre. Premier chant du cygne ?
Busta Rhymes & Q-Tip – Poetic Justice remix (2012)
Les années 2010 n’ont pas vraiment vu nos deux vétérans reprendre du grade. Pourtant leur aura reste intacte. Q-Tip est toujours signé chez G.O.O.D Music même s’il n’apparaît pas sur Cruel Summer et qu’aucun album n’est vraiment prévu. Il a repris la route avec A Tribe Called Quest, même si le coeur n’y est plus vraiment. De son côté, Busta atterrit chez Cash Money après son rapprochement avec Lil Wayne et son hold-up sur « Look At Me Now ». Les deux amis nous surprennent à la fin de l’année 2012 en reprenant le « Poetic Justice » de Kendrick Lamar et Drake pour en faire un hommage à Janet Jackson avec qui ils ont collaboré tous les deux il y a déjà bien longtemps. Le track respire la fraîcheur, les anciens ont l’air comme deux poissons dans l’eau, brettant tranquillement comme s’il s’agissait d’une fin de soirée arrosée, enfumée à la cool. L’énergie et la camaraderie sont toujours présentes. Plus de 20 ans après.
Pusha T a connu une carrière compliquée. Clipse, le duo qu’il formait avec son frère Malice, laisse derrière lui une discographie aussi admirable que chaotique : un premier album avorté, un deuxième disque de platine, un troisième retardé pendant quatre ans, et un quatrième en forme d’épitaphe. Malice est aujourd’hui un croyant repenti, et Pusha un joueur d’équipe au sein de G.O.O.D. Music, le collectif assemblé par Kanye West.
En ce soir d’octobre, il est aussi un Américain en promo à Paris, qui s’apprête à monter sur la scène de la Machine du Moulin Rouge pour un concert petit format (45 minutes, pas plus). L’objectif est double : promouvoir la sortie récente de Cruel Summer, l’album G.O.O.D. Music, et promettre un album solo imminent (récemment retardé à janvier 2013). Posé dans le bar de la salle, l’œil jamais vraiment détaché de son iPhone, il répond à une série d’interviews expéditives (dix minutes par tête) pendant qu’à deux pas, ses accompagnateurs (équipe compacte : deux mecs, une fille) dînent tranquillement un Quick à emporter. Pour retracer en quelques mots ses quinze années de rap, nous avons fait commenter au plus jeune des frères Thornton les portraits de six personnalités qui ont émaillé son parcours.
Tony Draper
Le fondateur de Suave House Records fait partie des premières personnes remerciées par Pusha T dans le livret de Hell Hath No Fury : « Tu m’as fait comprendre ce milieu quand j’étais encore aveugle à tout, tu ne m’as jamais menti, tu as tout fait pour l’intérêt du groupe. Je te suis redevable ! »
Pusha T : « J’ai rencontré Tony Draper en 1999 avec Gillie Da Kid, à l’époque où il était signé chez Suave House. C’est l’un des meilleurs businessmen indépendants de toute l’histoire hip-hop. Un homme très respectable. Très droit. Un mec qui parle juste, qui vise juste [NDLR : en anglais ça sonne mieux : « straight talker, straight shooter »]. Beaucoup de gens n’aiment pas son honnêteté, mais moi c’est justement ce que j’apprécie chez lui. Il m’a énormément appris : toujours aspirer à devenir ton propre patron, et aussi savoir être diplomate et loyal. C’est ça que j’ai retenu, plus que tout le reste. Quand tu sais te montrer loyal, quand tu agis de manière sensée, tu peux tout dire aux gens, et les gens seront satisfaits. »
Chad Hugo
Moins médiatique que Pharrell Williams, Chad Hugo est tout aussi essentiel que son acolyte dans l’alchimie des Neptunes. Pour preuve : son absence dans Hell Hath No Fury transformera totalement l’atmosphère du disque. Là où Lord Willin’ trouvait quelques élans presque festifs grâce à ses interventions (le saxophone de « Young Boy »), Hell Hath… s’apparente à un disque-squelette, porté presque exclusivement par l’instinct rythmique de Pharrell.
Pusha T : « Chad, c’est la moitié de l’équipe de production qui a lancé ma carrière. Il vivait dans la même rue que moi, je pouvais aller chez lui à pied. Avant même de commencer à faire officiellement de la musique, j’allais chez Chad pour faire de la musique avec les Neptunes. C’était trop drôle, ses parents nous foutaient toujours à la porte dès qu’ils arrivaient. Ils rentraient généralement très tard, mais on était quand même toujours là à faire du son. A l’époque, Chad jouait du clavier et Pharrell était à la rythmique. Ils étaient tous les deux créatifs mais ils avaient surtout cette capacité à rassembler ces deux éléments : son interprétation au clavier et la touche de Pharrell sur les drums. C’était un duo rêvé. Quand on a fait Hell Hath No Fury, Chad s’est concentré sur le mix et le mastering. La réalisation de cet album a été très longue. Il a été enregistré puis rangé dans un carton, mais il a quand même résisté au temps. Il y a eu quoi : quatre, cinq ans de retard ? Ouais, quatre ans ! De 2002 à 2006, alors qu’on l’avait bouclé en 2003… »
Barry Weiss
Ex-patron du label Jive, découvreur de Britney Spears, Barry Weiss personnifie les années de frustration de Clipse, coincés dans un placard entre leur premier et deuxième album. Frustration illustrée par la rime culte de Pusha T au sujet de Jive et ses blanc-becs déloyaux dans « Mr Me Too ».
Pusha T : « Barry Weiss est patron de Def Jam maintenant. Je peux pas lui échapper, il est partout. [rires] Les gens racontent toujours qu’on avait une relation très tendue à l’époque de Jive, mais elle était tendue parce qu’il y avait tout un tas d’intervenants différents autour de nous. C’est drôle, car quand il a été recruté par Def Jam, on s’est croisé au showcase de Big Sean. J’étais là pour représenter G.O.O.D. Music. Il était dans un coin de la salle, moi dans un autre. Tous les gens autour de lui étaient dans leurs petits souliers car le nouveau boss était là. Et puis il m’a vu. « Hé, quoi de neuf Pusha ! » « Quoi de neuf Barry ! » Et voilà, on a discuté tranquillement. Tout le monde se demandait ce qu’on pouvait bien se raconter. On a juste eu une discussion courtoise. Il m’a dit « Allez, on laisse le passé derrière nous, ça te dit de signer chez nous ? » Moi j’ai dit « OK, quand vous voulez ! » Et depuis tout est cool. Barry est cool. Barry est Barry. Au final c’est un businessman, un point c’est tout. »
Kanye West
Pusha T a connu sa véritable intronisation dans le collectif G.O.O.D. Music le jour des MTV Awards 2010. Il sera l’un des accessoires-clé de la performance de Kanye West pour « Runaway », son costume à la Don Johnson complétant un tableau composé de danseuses étoiles et d’une MPC posée sur une colonne romaine. Pour le grand public, l’instant baptisera officiellement le début de sa nouvelle carrière sans son frère. Le souvenir de Pusha : « C’est la rédactrice en chef du Vogue italien qui m’a habillé. Si j’avais eu ça pour mon album, ça aurait déjà été dingue. Mais là c’était pour quoi, quatre petites minutes sur scène ? Ça veut dire quoi ?! »
Pusha T : « Kanye… Un génie musical de notre époque. Le plus grand producteur actuel. Et peut-être même le plus grand artiste dans le game – enfin c’est juste mon opinion. »
Tyler, The Creator
Fan absolu des Neptunes, le cerveau d’Odd Future fait partie de cette première génération de rappeurs à avoir été directement nourrie par le son du duo virginien. Âgé de onze ans à la sortie de Lord Willin’, il a collaboré l’année dernière avec Pusha T sur « Trouble on my mind », produit par Pharrell.
Pusha T : « Ha, ce gosse… Le degré de respect que j’ai pour lui est très haut, parce que l’équipe Odd Future, ils font ce qu’ils veulent, et ils prennent vraiment soin de leurs fans. Si tu veux les rejoindre, ils t’accueillent à bras ouverts. Si tu restes en dehors, ils te calculent même pas. Ils s’en foutent, et lui est un mec incroyable. C’est un petit génie. Il a une vision, une intelligence. Tu crois qu’il fait de trucs choquants sans réfléchir, mais en fait il calcule en permanence. C’est un vrai marionnettiste. »
Rick Rubin
Quand Rick Rubin a pris les rênes du label Columbia, la possibilité d’une collaboration Rubin/Clipse a été évoquée pendant un temps. Et puis rien. Dommage, car la filiation entre le son Def Jam des années 80 et Clipse – même minimalisme, même rejet des mélodies – était pourtant évidente. Si le barbu légendaire a bien été aperçu en studio avec le duo, Pusha T va détruire notre rêve : d’un lapidaire « non », il nous confirmera que Rick Rubin n’a jamais produit le moindre titre pour Clipse.
Pusha T : « Si j’ai déjà rencontré Rick Rubin ? Bien sûr que oui ! On est allés à Malibu pour lui faire écouter ‘Til The Casket Drops. Il nous a juste dit [prenant un air profond] « … Tu aimes ce disque ? » J’ai répondu oui. Puis il a dit « Il y a des morceaux que j’aime beaucoup, d’autres où j’ai l’impression que vous avez cherché le compromis. Mais tous les morceaux que vous, vous aimez, vous devez les garder. Tout ceux que vous n’aimez pas, vous vous en débarrassez, et vous faites encore plus de morceaux que vous aimez vraiment. » On a roulé jusqu’à Malibu juste pour avoir cette conversation. On était sur la plage, dans son Range Rover. On n’est même pas allé chez lui, on est resté dans la bagnole. »
Omniprésents depuis la fin des années 90, les Neptunes ont largement contribué aux mutations du rap au tournant du millénaire. Avec un kit sonore rudimentaire mais hautement adaptable – rythmiques rêches, clavinet binaire, guitares numériques – les Virginiens Pharrell Williams et Chad Hugo ont imposé un son aventureux, efficace et finalement universel : de Britney Spears à Ol’Dirty Bastard, de Ludacris à Justin Timberlake, la touche Neptunes a flouté les limites entre pop, rap, R&B, rock et musiques électroniques. Avec eux, la notion de genre musical est devenue presque superflue.
Il était tentant de saluer leur parcours en listant leurs productions les plus emblématiques. Mais derrière chaque classique Neptunes, il y a un raté magistral, une collaboration improbable ou un bijou mésestimé. Anecdotiques ou injustement oubliés, ces titres secondaires n’ont parfois rien à envier aux gros tubes du duo. Ils épaississent une discographie vertigineuse qui, treize ans après leur premier hit, commence doucement à se bonifier.
Noreaga ft. Kelis – « Cocaine Business » (2000)
Grâce à « Superthug », Noreaga peut se targuer d’avoir révélé le son Neptunes. C’est peut-être pour ça que le comparse de Capone a toujours bénéfié du haut du panier de leur production, malgré une embrouille temporaire avec Pharrell « Flagrino » Williams. Extrait de Melvin Flynt The Hustler, le deuxième solo de N.O.R.E., « Cocaine Business » est l’une de leurs grandes collaborations hors-singles, appuyée par un refrain mécanique parfait de Kelis. Si l’album demeure à moitié foireux – c’est Noreaga lui-même qui le reconnaît – les deux productions Neptunes en restent de vrais temps forts.
Philly’s Most Wanted – « Sucka’s » (2001)
1999-2002 : l’époque de la frénésie neptunienne. Pharrell Williams et Chad Hugo semblent alors ouverts à toutes les opportunités, du moment que le budget est là, et encore. De la méga-tête d’affiche au coup éphémère, ils sont partout. Mr Man et Boo-Boonic, alias Philly’s Most Wanted, vont bien en profiter. Sorti en 2001, leur premier album Get Down Or Lay Down ne compte pas une, mais dix productions Neptunes. Un coup pour rien : le disque fera un flop. Philly’s Most Wanted tentera un retour en 2004, sans Pharrell Williams et Chad Hugo. Entre temps, les producteurs auront sorti de l’ombre un autre duo de rappeurs rugueux : The Clipse.
Snoop Dogg – « Pass It, Pass It » (2006)
Assez peu évidente au depart, la collaboration Snoop / Neptunes s’est révélée être l’une des meilleures phases du vétéran G-Funk, aussi bien sur le plan créatif que commercial. Le funk déguinguandé des Neptunes va s’accorder à merveille avec la nonchalance de Snoop, tout en prolongeant son bail dans la culture pop des années 2000. En plus des succès « Beautiful » et « Drop It Like It’s Hot », ils signeront ensemble une poignée d’autres morceaux très solides, comme « Pass It, Pass It ». Le concept : Snoop parle de weed pendant que Pharrell multiplie les fausses notes qui sonnent juste. Que demander de plus ?
Rosco P Coldchain ft. Pusha T – « Hot » (2003)
Le plus grand talent des Neptunes est leur capacité à déshabiller l’instrumental de toute coquetterie pour ne conserver que l’élément sonore le plus accrocheur. Extrait de Clones (seul véritable album estampillé Neptunes), « Hot » en est peut-être la démonstration la plus extrême. Une base rythmique, un scratch famélique, une cymbale timide, un souffle. Voilà probablement le titre le plus minimal du répertoire Neptunes – c’est dire.
Jay-Z ft. Uncle Murda & Sadat X – « He asked for it » (2002)
The Blueprint² est l’album self-service de Jay-Z. Égotrip, storytelling, reprise de 2Pac ou refrain de Lenny Kravitz… On y trouve de tout, y compris ce qu’on n’a pas forcément réclamé. Toujours mésestimé neuf ans après sa sortie, le disque reste une belle démonstration de la palette de styles que Jay-Z avait alors à disposition. Non content de convier Dr Dre, Timbaland et Just Blaze sur ce double-album copieux, S. Carter avait aussi retenu quatre productions Neptunes. Une cinquième est passée à la trappe : « He asked for it », collaboration bizarre avec Sadat X et Uncle Murda dans laquelle Jay-Z s’en prend à… Fat Joe. Vu les références employées (mort de Stack Bundles, sample de « Roc Boys »), seul le couplet de Jay-Z daterait bien de 2002. Le reste aurait été mis à jour par Uncle Murda courant 2008. Un véritable trésor quand même.
Sade – « By Your Side » (remix, 2000)
Imaginez le son Neptunes période Wanderland – les chœurs factices, les guitares mécaniques, l’inamovible caisse claire… Imaginez tout ça, associé non pas à la voix de Kelis, mais à celle de Sade Adu. Ce serait le morceau ultime, hein ? Devinez quoi : ce morceau existe. Un obscur remix de « By Your Side », un peu hors-tempo et remis à neuf récemment pour l’Ultimate Collection de la discrète diva. Une occasion rare de découvrir Sade hors du confort douillet de son groupe historique. On se prendrait presque à rêver d’une collaboration Sade/Neptunes en bonne et due forme dans un avenir proche. A l’échelle de Sade, ce serait vers 2020 ou 2030.
Angie Martinez ft. Q-Tip – « Dem Thangs » (2001)
Usé par ses années Planète Rap, Fred Musa décide d’enregistrer enfin un album. Il joue de son carnet d’adresse pour inviter la moitié du rap français. Il tourne même le clip de son single en boite de nuit. Impensable ? C’est pourtant ce qu’a fait en 2001 la New Yorkaise Angie Martinez, animatrice-phare de la station Hot 97. Un gros caprice dont personne n’a voulu et qui plaira surtout aux fétichistes de l’autre âge d’or new-yorkais (période qui se situe grosso modo entre Life After Death et le Black Album de Jay-Z, mais c’est une autre histoire). Déclinaison en pilote automatique du « I Just Wanna Love You » de Jay-Z sorti un an plus tôt, « Dem Thangs » est l’exemple-type de la production parfois générique des Neptunes première époque.
Latrelle ft. Kelis – « My Life » (2002)
On décrit souvent les Neptunes comme des faiseurs de tubes quasiment infaillibles. Le duo s’est pourtant associé à un nombre impressionnant de bides en tout genre, tout en maintenant un effort de qualité constant avec chacun, sans discrimination entre les artistes établis et les débutants. En l’occurrence : Latrelle, 19 ans, embauchée par L.A. Reid sur le label Arista au printemps 2001. Embourbé dans des contrats foireux et freiné par l’insuccès du single « Dirty Girl », l’album de la jeune chanteuse ne sortira jamais. Avec ses six productions Neptunes, le disque avait pourtant l’air de constituer un bon complément au Wanderland de Kelis, chef d’œuvre du R&B industriel.
The Lox – « If You Think I’m Jiggy » (remix, 1999)
Tout premier single de The Lox, « If you think I’m Jiggy » a bien failli suicider la carrière du trio, la faute à un refrain raté et ce décalage gênant entre la brutalité des rappeurs du Bronx et l’attirail clinquant du label Bad Boy (le clip est d’ailleurs introuvable sur YouTube, c’est dire). Le remix des Neptunes fait donc figure de grand rattrapage. La production de Pharrell & Chad redonne un peu de hargne à The Lox sans contredire l’esthétique Bad Boy. C’est une autre qualité du son Neptunes : comme il séduit autant qu’il agresse, il fonctionne avec des personnalités de tous horizons, qu’elles s’appellent Sheek Louch ou Justin Timberlake.
Pharrell – « International Swagger » (2006)
Négligé par la critique, l’album rap solo de Pharrell a été résumé à un caprice un peu mégalo. Sorti en 2006, In My Mind accumulait pourtant les idées parfois brillantes, parfois maladroites, et leur somme composait un tableau assez foutraque et ludique – pas étonnant, d’ailleurs, que ?uestlove se soit mis un temps en tête de le réenregistrer intégralement. Bonus de l’édition japonaise de l’album, « International Swagger » montre le meilleur du Pharrell-puriste : un piano obsédant, un beat cradingue, un gros couplet. Très réussi.
Tito El Bambino – « Booty » (2007) (2007)
C’est quand même beau, la productivité Neptunes : ils ont produit tellement en dix ans que même le plus acharné de leurs fans pourrait passer à côté de wagons entiers de leur discographie. Qui savait, par exemple, que Pharrell avait produit un morceau pour le pionnier du reggaeton Tito, alias « El Bambino » ? Hein, qui ? Sorti en 2007 sur le marché latin, « Booty » est peut-être le chaînon manquant pour expliquer l’apparition, plus tard, des trompettes mariachi dans les singles de Clipse. Fascinant.
Natasha Ramos – « Midnight Hour » (2002)
S’il fallait expliquer pourquoi les pop-stars sont des pop-stars, et pourquoi les autres sombrent dans l’oubli, cette vidéo de Pharrell en studio avec Natasha Ramos, éphémère midinette R&B, serait l’illustration ultime. Il faut voir Pharrell se démener pour attraper l’inspiration pendant que l’autre, inerte, semble mourir d’ennui, comme si Pharrell n’était qu’un pauvre roucouleur essayant vainement de la séduire (ceci dit, on le comprendrait). Une scène surréaliste, et un document rare sur le processus créatif des Neptunes. Pour la petite histoire, la page Wikipedia de Natasha Ramos a été supprimée le 26 août 2008. Bien fait.
Snoop Dogg ft. Jay-Z & Pharrell – « Drop It Like It’s Hot » (remix, 2006)
Ça aurait pu être un événement : la version 2.0 d’un hit de Snoop avec un instrumental tout neuf, des couplets inédits et comme invité de premier ordre, le pseudo-retraité Jay-Z himself. Bizarrement, le remix de « Drop It Like It’s Hot » ne va être qu’un mp3 parmi d’autres sur la blogosphère de 2006. Triste destin : cinq ans après, sur YouTube, certains croient même que l’instru est l’œuvre d’un anonyme.
Young Jeezy – « Rumor Has It » (2007)
Il y a plus impressionnant que le nombre de tubes produits par les Neptunes : le nombre de leurs morceaux coupés au montage. De The Roots à Madonna, de Kanye West à Sergio Mendes… Un paquet de All-Stars ont, à un moment de leur carrière, rayé une production Neptunes du tracklisting final de leur album. Certaines de ces chutes ont trouvé une deuxième vie sur le circuit des mixtapes, à l’image de « Rumor Has It », collaboration un peu tiré par les cheveux avec Young Jeezy. On n’ose à peine imaginer l’album monstrueux qui pourrait être réalisé à partir de toutes ces chutes de studio.
Manami – « Back Of My Mind » (2008)
Dans la série « Les tocades de Pharrell » : début 2008, le produceur et son meilleur ami japonais Nigo (fondateur de la marque Bape) lancent Star Bape Search, un web-crochet pour découvrir la future grande star du R&B nippon. C’est une certaine Manami qui remportera le trophée devant 1700 concurrents. Extrait du communiqué de presse : « Pharrell place la barre haut pour Manami, afin qu’elle puisse connaître un succès international. » Aux dernières nouvelles, elle a 200 followers sur Twitter.
Krayzie Bone – « Who’s House » (2005)
A quelques reprises, les Neptunes ont exploité le même instrumental chez deux artistes différents. Pour nous autres Français, le cas le plus connu reste la regrettable affaire Rohff / Ludacris. Krayzie Bone, lui, a visiblement obtenu une première version de « Like a boss », utilisé plus tard par Slim Thug. Reste cet élément de doute : l’ex-Bone Thugs n’aurait-il pas tout simplement ralenti le beat de Slim Thug ? Les micro-arrangements supplémentaires – écoutez le chœur kelis-esque – semblent indiquer le contraire.
Nas – « Nas’ Angels… The Flyest » (2003)
L’éternel problème de Nas n’est pas son manque de versatilité, c’est le fait qu’il ne se soit jamais rendu compte de son manque de versatilité. Il est comme un coq en pâte quand Salaam Remi lui fait le coup du breakbeat authentique, mais donnez lui du Timbaland ou du Swizz Beatz et il a l’air d’un poisson hors de son bocal. C’est un peu le cas sur cette production Neptunes qui dénote par son ambiance indienne très en vogue au début des années 2000. Information importante : le titre est extrait de la B.O. de Charlie’s Angels 2 : Les anges se déchaînent !.
504 Boyz ft. Clipse – « D-Game » (2000)
Les Neptunes sont originaires de Virginie, un état qui a la particularité de n’être rattaché à aucun grand pôle du rap (même si, techniquement, il est situé sur la cote est). Cette particularité explique peut-être pourquoi le duo a réussi à séduire des artistes de tous bords, qu’ils soient californiens (The Liks), new-yorkais (Fabolous) ou géorgiens (Ludacris). D’une certaine façon, leur production égalitaire a aussi contribué à l’éclatement des barrières géographiques dans le rap US. Leur son trouvera même sa place dans les labels No Limit et Cash Money, très ancrés dans la Nouvelle Orléans. Dans « D-Game », réalisé pour les 504 Boyz, premier groupe de Curren$y, Pharrell montre d’ailleurs sa connaissance du terrain en glissant dans son refrain un mot argotique typique de la Louisiane : « Whodie ».
Half-A-Mill ft. Noreaga, Kool G Rap , Musalini – « Thug Ones » (2000)
Dans une réalité alternative, Half-A-Mill occuperait peut-être la place de 50 Cent aujourd’hui. Au lieu de ça, le rappeur de Brooklyn passera à côté du succès public (son premier album fera un flop) avant de mourir par balles en 2003. Reste son rugueux « Half-A-Mill », single Neptunes à classer à côté d’un autre de leur posse cut new-yorkais de l’époque : le monstrueux « Oh No » avec Big Pun, Jadakkis, Angie Martinez, Musalini & Maze et (toujours) Noreaga.
MC Lyte – « Closer » (1998) (1998)
Une excellente production Neptunes, minimale et mélodique, mais perdue au milieu d’un cinquième album d’MC Lyte passé largement inaperçu. Pas encore bankable (« Superthug » sortira un an plus tard), Pharrell Williams et Chad Hugo y placent trois instrumentaux. Avis aux beatmakers : si vous voulez imitez le son Neptunes, leur kit rythmique est dispo, prêt à sampler, pendant les premières mesures du morceau.