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Drumma Boy a sûrement grandi en admirant les super-producteurs tels Swizz Beatz, Neptunes et Lil Jon, et a décidé de faire pareil. Ambitieux, bosseur acharné et toujours prompt à caser son gimmick dans ses productions, le jeune prodige a enchaîné les sons pour tout ce que la planète sudiste compte de rappeurs (Scarface, Bun B, T.I., Gorilla Zoe, Lil’Scrappy, 8 Ball & MGJ, T.I, Rick Ross et croyez-nous, on en oublie). Il a même réussi l’exploit de travailler en même temps pour les ennemis jurés Young Jeezy et Gucci Mane. Mais Drumma Boy n’est pas que business et l’ambition, puisqu’il tente actuellement, entre collaboration artistique et œuvre caritative, de relancer la carrière de ce pauvre Young Buck. Entretien express avec un mec de Memphis qui est déjà allé loin.
Les débuts
« Ma mère était chanteuse d’opéra, mon père joueur de clarinette. J’en jouais aussi et mes parents avaient l’habitude de me réveiller à 5h30 pour me faire répéter. Ça m’a donné un gros sens de la discipline et ça m’a rendu très déterminé pour la suite de ma carrière.
J’ai grandi à Cordova, dans le Tennessee. Il y avait déjà beaucoup d’artistes hip-hop dans le coin (Tela, Gangsta Boo, Three 6 Mafia, Playa Fly). J’ai commencé à rapper et à faire de sons. Quand j’ai collaboré avec Yo Gotti, on s’est fait connaître et on s’est imposés comme les représentants de la nouvelle génération. En parallèle, je jouais beaucoup au basket et j’étais plutôt bon. J’ai même essayé d’obtenir une bourse pour aller à l’université. J’avais des offres de quelques universités (Memphis, Arkansas …) mais j’ai renoncé à cause de la musique. Je gagnais de l’argent avec mes sons depuis l’âge de 14 et je me suis dit que l’Université m’empêcherait de continuer à gagner de l’argent comme producteur ! »
Rencontres et collaborations
« J’ai rencontré T.I. quand j’avais 17 ans. J’allais aux soirées de lancement de ses albums, aux sessions d’écoute, toujours à attendre qu’une opportunité se présente. C’est le business en même temps : il faut rester présent, disponible, rappeler qu’on existe. Ca a pris sept ou huit ans avant que je produise un son pour de ses albums [notamment « Ready For Whatever » sur l’album Paper Trail].
Mais l’un des artistes qui m’a le plus impressionné, c’est Young Jeezy. Ensemble, on a fait « Standing Ovation » (sur Thug Motivation 101), « Put On » (The Recession) qui a été nominé aux Grammys. Idem pour « Lose My Mind » qui a aussi été nominé. C’est toujours un plaisir de bosser avec lui. Et même si je produis aussi beaucoup de sons pour Gucci Mane [avec qui Jeezy a une interminable embrouille depuis 2005], ça ne change rien. Je bosse avec Jeezy le lundi, avec Gucci le mardi et je ne mélange pas les choses.
Récemment, j’ai produit tout le street-album Back On My Buck Shit Volume 2 de Young Buck. On se connaissait depuis longtemps, on parlait de faire des trucs ensemble mais c’est quand il a eu le plus besoin que j’ai eu l’idée de ce disque. On a eu de très bons retours sur cette collaboration donc on prévoit un nouveau volume, mais cette fois-ci, on le mettra en téléchargement sur iTunes. »
Expérience en studio
« La plupart du temps quand j’essaie de placer un son sur un album, j’essaie de connaître le titre de l’album, le concept, l’ambiance. C’est plus important pour moi que de proposer n’importe quelle musique. Ensuite, j’ai appris à optimiser mon temps en studio. C’est du temps qu’on paie et il faut le rentabiliser. Par exemple, je sais que je n’arrive à rien quand j’ai faim. Aussi, je mange toujours avant d’aller en studio ! Je vois tellement de gens passer leur temps en studio sans aboutir à rien ! Mon rôle est aussi d’encadrer l’artiste avec qui je suis en studio. De capter son état d’esprit. Chaque artiste est différent et je suis un peu un psychologue avant d’être un producteur ! »
L’argent
« Les albums se vendent moins qu’avant mais toutes les chansons que je fais sont exploitées en singles. Par exemple, on a récemment vendu trois millions de sonneries de portable pour « No Hands », le single Waka Floka. Donc il n’y a pas de problème : si tu fais de la bonne musique, elle se vendra. »
La suite
« Je fais plein de trucs. J’ai des projets dans le rock, la country, le R&B. J’ai un son sur l’album de Musiq Soulchild et j’ai récemment bossé avec Mary J Blige et Jagged Edge. Je rappe aussi, sous le nom de D-Boy Fresh. Vous pouvez checker ma mixtape The Birth of D-Boy Fresh sur Livemixtapes.com. »
Omniprésents depuis la fin des années 90, les Neptunes ont largement contribué aux mutations du rap au tournant du millénaire. Avec un kit sonore rudimentaire mais hautement adaptable – rythmiques rêches, clavinet binaire, guitares numériques – les Virginiens Pharrell Williams et Chad Hugo ont imposé un son aventureux, efficace et finalement universel : de Britney Spears à Ol’Dirty Bastard, de Ludacris à Justin Timberlake, la touche Neptunes a flouté les limites entre pop, rap, R&B, rock et musiques électroniques. Avec eux, la notion de genre musical est devenue presque superflue.
Il était tentant de saluer leur parcours en listant leurs productions les plus emblématiques. Mais derrière chaque classique Neptunes, il y a un raté magistral, une collaboration improbable ou un bijou mésestimé. Anecdotiques ou injustement oubliés, ces titres secondaires n’ont parfois rien à envier aux gros tubes du duo. Ils épaississent une discographie vertigineuse qui, treize ans après leur premier hit, commence doucement à se bonifier.
Noreaga ft. Kelis – « Cocaine Business » (2000)
Grâce à « Superthug », Noreaga peut se targuer d’avoir révélé le son Neptunes. C’est peut-être pour ça que le comparse de Capone a toujours bénéfié du haut du panier de leur production, malgré une embrouille temporaire avec Pharrell « Flagrino » Williams. Extrait de Melvin Flynt The Hustler, le deuxième solo de N.O.R.E., « Cocaine Business » est l’une de leurs grandes collaborations hors-singles, appuyée par un refrain mécanique parfait de Kelis. Si l’album demeure à moitié foireux – c’est Noreaga lui-même qui le reconnaît – les deux productions Neptunes en restent de vrais temps forts.
Philly’s Most Wanted – « Sucka’s » (2001)
1999-2002 : l’époque de la frénésie neptunienne. Pharrell Williams et Chad Hugo semblent alors ouverts à toutes les opportunités, du moment que le budget est là, et encore. De la méga-tête d’affiche au coup éphémère, ils sont partout. Mr Man et Boo-Boonic, alias Philly’s Most Wanted, vont bien en profiter. Sorti en 2001, leur premier album Get Down Or Lay Down ne compte pas une, mais dix productions Neptunes. Un coup pour rien : le disque fera un flop. Philly’s Most Wanted tentera un retour en 2004, sans Pharrell Williams et Chad Hugo. Entre temps, les producteurs auront sorti de l’ombre un autre duo de rappeurs rugueux : The Clipse.
Snoop Dogg – « Pass It, Pass It » (2006)
Assez peu évidente au depart, la collaboration Snoop / Neptunes s’est révélée être l’une des meilleures phases du vétéran G-Funk, aussi bien sur le plan créatif que commercial. Le funk déguinguandé des Neptunes va s’accorder à merveille avec la nonchalance de Snoop, tout en prolongeant son bail dans la culture pop des années 2000. En plus des succès « Beautiful » et « Drop It Like It’s Hot », ils signeront ensemble une poignée d’autres morceaux très solides, comme « Pass It, Pass It ». Le concept : Snoop parle de weed pendant que Pharrell multiplie les fausses notes qui sonnent juste. Que demander de plus ?
Rosco P Coldchain ft. Pusha T – « Hot » (2003)
Le plus grand talent des Neptunes est leur capacité à déshabiller l’instrumental de toute coquetterie pour ne conserver que l’élément sonore le plus accrocheur. Extrait de Clones (seul véritable album estampillé Neptunes), « Hot » en est peut-être la démonstration la plus extrême. Une base rythmique, un scratch famélique, une cymbale timide, un souffle. Voilà probablement le titre le plus minimal du répertoire Neptunes – c’est dire.
Jay-Z ft. Uncle Murda & Sadat X – « He asked for it » (2002)
The Blueprint² est l’album self-service de Jay-Z. Égotrip, storytelling, reprise de 2Pac ou refrain de Lenny Kravitz… On y trouve de tout, y compris ce qu’on n’a pas forcément réclamé. Toujours mésestimé neuf ans après sa sortie, le disque reste une belle démonstration de la palette de styles que Jay-Z avait alors à disposition. Non content de convier Dr Dre, Timbaland et Just Blaze sur ce double-album copieux, S. Carter avait aussi retenu quatre productions Neptunes. Une cinquième est passée à la trappe : « He asked for it », collaboration bizarre avec Sadat X et Uncle Murda dans laquelle Jay-Z s’en prend à… Fat Joe. Vu les références employées (mort de Stack Bundles, sample de « Roc Boys »), seul le couplet de Jay-Z daterait bien de 2002. Le reste aurait été mis à jour par Uncle Murda courant 2008. Un véritable trésor quand même.
Sade – « By Your Side » (remix, 2000)
Imaginez le son Neptunes période Wanderland – les chœurs factices, les guitares mécaniques, l’inamovible caisse claire… Imaginez tout ça, associé non pas à la voix de Kelis, mais à celle de Sade Adu. Ce serait le morceau ultime, hein ? Devinez quoi : ce morceau existe. Un obscur remix de « By Your Side », un peu hors-tempo et remis à neuf récemment pour l’Ultimate Collection de la discrète diva. Une occasion rare de découvrir Sade hors du confort douillet de son groupe historique. On se prendrait presque à rêver d’une collaboration Sade/Neptunes en bonne et due forme dans un avenir proche. A l’échelle de Sade, ce serait vers 2020 ou 2030.
Angie Martinez ft. Q-Tip – « Dem Thangs » (2001)
Usé par ses années Planète Rap, Fred Musa décide d’enregistrer enfin un album. Il joue de son carnet d’adresse pour inviter la moitié du rap français. Il tourne même le clip de son single en boite de nuit. Impensable ? C’est pourtant ce qu’a fait en 2001 la New Yorkaise Angie Martinez, animatrice-phare de la station Hot 97. Un gros caprice dont personne n’a voulu et qui plaira surtout aux fétichistes de l’autre âge d’or new-yorkais (période qui se situe grosso modo entre Life After Death et le Black Album de Jay-Z, mais c’est une autre histoire). Déclinaison en pilote automatique du « I Just Wanna Love You » de Jay-Z sorti un an plus tôt, « Dem Thangs » est l’exemple-type de la production parfois générique des Neptunes première époque.
Latrelle ft. Kelis – « My Life » (2002)
On décrit souvent les Neptunes comme des faiseurs de tubes quasiment infaillibles. Le duo s’est pourtant associé à un nombre impressionnant de bides en tout genre, tout en maintenant un effort de qualité constant avec chacun, sans discrimination entre les artistes établis et les débutants. En l’occurrence : Latrelle, 19 ans, embauchée par L.A. Reid sur le label Arista au printemps 2001. Embourbé dans des contrats foireux et freiné par l’insuccès du single « Dirty Girl », l’album de la jeune chanteuse ne sortira jamais. Avec ses six productions Neptunes, le disque avait pourtant l’air de constituer un bon complément au Wanderland de Kelis, chef d’œuvre du R&B industriel.
The Lox – « If You Think I’m Jiggy » (remix, 1999)
Tout premier single de The Lox, « If you think I’m Jiggy » a bien failli suicider la carrière du trio, la faute à un refrain raté et ce décalage gênant entre la brutalité des rappeurs du Bronx et l’attirail clinquant du label Bad Boy (le clip est d’ailleurs introuvable sur YouTube, c’est dire). Le remix des Neptunes fait donc figure de grand rattrapage. La production de Pharrell & Chad redonne un peu de hargne à The Lox sans contredire l’esthétique Bad Boy. C’est une autre qualité du son Neptunes : comme il séduit autant qu’il agresse, il fonctionne avec des personnalités de tous horizons, qu’elles s’appellent Sheek Louch ou Justin Timberlake.
Pharrell – « International Swagger » (2006)
Négligé par la critique, l’album rap solo de Pharrell a été résumé à un caprice un peu mégalo. Sorti en 2006, In My Mind accumulait pourtant les idées parfois brillantes, parfois maladroites, et leur somme composait un tableau assez foutraque et ludique – pas étonnant, d’ailleurs, que ?uestlove se soit mis un temps en tête de le réenregistrer intégralement. Bonus de l’édition japonaise de l’album, « International Swagger » montre le meilleur du Pharrell-puriste : un piano obsédant, un beat cradingue, un gros couplet. Très réussi.
Tito El Bambino – « Booty » (2007) (2007)
C’est quand même beau, la productivité Neptunes : ils ont produit tellement en dix ans que même le plus acharné de leurs fans pourrait passer à côté de wagons entiers de leur discographie. Qui savait, par exemple, que Pharrell avait produit un morceau pour le pionnier du reggaeton Tito, alias « El Bambino » ? Hein, qui ? Sorti en 2007 sur le marché latin, « Booty » est peut-être le chaînon manquant pour expliquer l’apparition, plus tard, des trompettes mariachi dans les singles de Clipse. Fascinant.
Natasha Ramos – « Midnight Hour » (2002)
S’il fallait expliquer pourquoi les pop-stars sont des pop-stars, et pourquoi les autres sombrent dans l’oubli, cette vidéo de Pharrell en studio avec Natasha Ramos, éphémère midinette R&B, serait l’illustration ultime. Il faut voir Pharrell se démener pour attraper l’inspiration pendant que l’autre, inerte, semble mourir d’ennui, comme si Pharrell n’était qu’un pauvre roucouleur essayant vainement de la séduire (ceci dit, on le comprendrait). Une scène surréaliste, et un document rare sur le processus créatif des Neptunes. Pour la petite histoire, la page Wikipedia de Natasha Ramos a été supprimée le 26 août 2008. Bien fait.
Snoop Dogg ft. Jay-Z & Pharrell – « Drop It Like It’s Hot » (remix, 2006)
Ça aurait pu être un événement : la version 2.0 d’un hit de Snoop avec un instrumental tout neuf, des couplets inédits et comme invité de premier ordre, le pseudo-retraité Jay-Z himself. Bizarrement, le remix de « Drop It Like It’s Hot » ne va être qu’un mp3 parmi d’autres sur la blogosphère de 2006. Triste destin : cinq ans après, sur YouTube, certains croient même que l’instru est l’œuvre d’un anonyme.
Young Jeezy – « Rumor Has It » (2007)
Il y a plus impressionnant que le nombre de tubes produits par les Neptunes : le nombre de leurs morceaux coupés au montage. De The Roots à Madonna, de Kanye West à Sergio Mendes… Un paquet de All-Stars ont, à un moment de leur carrière, rayé une production Neptunes du tracklisting final de leur album. Certaines de ces chutes ont trouvé une deuxième vie sur le circuit des mixtapes, à l’image de « Rumor Has It », collaboration un peu tiré par les cheveux avec Young Jeezy. On n’ose à peine imaginer l’album monstrueux qui pourrait être réalisé à partir de toutes ces chutes de studio.
Manami – « Back Of My Mind » (2008)
Dans la série « Les tocades de Pharrell » : début 2008, le produceur et son meilleur ami japonais Nigo (fondateur de la marque Bape) lancent Star Bape Search, un web-crochet pour découvrir la future grande star du R&B nippon. C’est une certaine Manami qui remportera le trophée devant 1700 concurrents. Extrait du communiqué de presse : « Pharrell place la barre haut pour Manami, afin qu’elle puisse connaître un succès international. » Aux dernières nouvelles, elle a 200 followers sur Twitter.
Krayzie Bone – « Who’s House » (2005)
A quelques reprises, les Neptunes ont exploité le même instrumental chez deux artistes différents. Pour nous autres Français, le cas le plus connu reste la regrettable affaire Rohff / Ludacris. Krayzie Bone, lui, a visiblement obtenu une première version de « Like a boss », utilisé plus tard par Slim Thug. Reste cet élément de doute : l’ex-Bone Thugs n’aurait-il pas tout simplement ralenti le beat de Slim Thug ? Les micro-arrangements supplémentaires – écoutez le chœur kelis-esque – semblent indiquer le contraire.
Nas – « Nas’ Angels… The Flyest » (2003)
L’éternel problème de Nas n’est pas son manque de versatilité, c’est le fait qu’il ne se soit jamais rendu compte de son manque de versatilité. Il est comme un coq en pâte quand Salaam Remi lui fait le coup du breakbeat authentique, mais donnez lui du Timbaland ou du Swizz Beatz et il a l’air d’un poisson hors de son bocal. C’est un peu le cas sur cette production Neptunes qui dénote par son ambiance indienne très en vogue au début des années 2000. Information importante : le titre est extrait de la B.O. de Charlie’s Angels 2 : Les anges se déchaînent !.
504 Boyz ft. Clipse – « D-Game » (2000)
Les Neptunes sont originaires de Virginie, un état qui a la particularité de n’être rattaché à aucun grand pôle du rap (même si, techniquement, il est situé sur la cote est). Cette particularité explique peut-être pourquoi le duo a réussi à séduire des artistes de tous bords, qu’ils soient californiens (The Liks), new-yorkais (Fabolous) ou géorgiens (Ludacris). D’une certaine façon, leur production égalitaire a aussi contribué à l’éclatement des barrières géographiques dans le rap US. Leur son trouvera même sa place dans les labels No Limit et Cash Money, très ancrés dans la Nouvelle Orléans. Dans « D-Game », réalisé pour les 504 Boyz, premier groupe de Curren$y, Pharrell montre d’ailleurs sa connaissance du terrain en glissant dans son refrain un mot argotique typique de la Louisiane : « Whodie ».
Half-A-Mill ft. Noreaga, Kool G Rap , Musalini – « Thug Ones » (2000)
Dans une réalité alternative, Half-A-Mill occuperait peut-être la place de 50 Cent aujourd’hui. Au lieu de ça, le rappeur de Brooklyn passera à côté du succès public (son premier album fera un flop) avant de mourir par balles en 2003. Reste son rugueux « Half-A-Mill », single Neptunes à classer à côté d’un autre de leur posse cut new-yorkais de l’époque : le monstrueux « Oh No » avec Big Pun, Jadakkis, Angie Martinez, Musalini & Maze et (toujours) Noreaga.
MC Lyte – « Closer » (1998) (1998)
Une excellente production Neptunes, minimale et mélodique, mais perdue au milieu d’un cinquième album d’MC Lyte passé largement inaperçu. Pas encore bankable (« Superthug » sortira un an plus tard), Pharrell Williams et Chad Hugo y placent trois instrumentaux. Avis aux beatmakers : si vous voulez imitez le son Neptunes, leur kit rythmique est dispo, prêt à sampler, pendant les premières mesures du morceau.
Il y a quelque chose d’attachant chez les artistes malchanceux. Ceux qui, en dépit d’un talent égal, sont restés dans l’ombre d’un collaborateur ayant accédé à la gloire. Lamont Dozier est de ceux là. Membre de l’équipe de production « Holland-Dozier-Holland » avec les deux frangins Holland (Edward Jr. « Eddie » et Brian), il a forgé le son de l’âge d’or de la Motown dans les années 60. Des compositions telles que « Stop! In The Name of Love », « Baby Love », « Reach Out (I’ll Be There) », ou encore « How Sweet It Is to Be Loved By You » demeurent des monuments de la musique américaine, et sont sorties de l’imagination fertile de l’équipe H-D-H.
En 1967, le trio s’échappe de la Motown, contre l’accord de Berry Gordy, boss de la Motown, furieux. Les trois hommes fonderont alors deux labels : Hot Wax, maison des Honey Cone, et Invictus, qui accueillera la diva Freda Payne et un groupe de funk un peu barré, Parliament. Le mythique groupe y signera leur premier album, Osmium, seule livraison pour ce label.
Mais être un dénicheur de talent perspicace ne suffisait pas à Dozier. Il quitta ses potes au milieu des années 70 pour une carrière solo chez ABC. Mélodieux et soignés, ses projets n’ont pourtant pas marqué le Billboard, mis à part son plus gros hit « Trying To Hold On to My Woman » en 1973 (ressuscité en 2008 par Just Blaze pour le « The Light ’08 » de Common), et le disco « Going Back to My Roots » en 1977.
Parmi la dizaine d’œuvres de sa discographie, son second album, Black Bach, sorti en 1974, est remarquable. Les ballades soul soyeuses de cet album, parfois chantées, parfois simplement instrumentales, sont une démonstration du talent de chef d’orchestre de Dozier, accompagné de nombreux musiciens qui ont participé au Let’s Get It On de Marvin Gaye. De nombreux beatmakers y ont déniché des boucles pour composer leurs productions.
Lamont Dozier « Shine »
Chanson puissante, épique et à l’optimisme communicatif, « Shine » est l’ouverture parfaite de Black Bach. La montée crescendo de la première minute est saisissante, avec son piano cristallin, ses envolées de cordes quasi-moriconiennes et sa guitare déchirante. Reprise de nombreuses fois, des backpackeurs allemands de Snowgoons à l’orfèvre de Memphis DJ Paul pour Chrome, c’est probablement Carlos « 6 July » Broady qui en a saisi toute l’urgence sur l’intense et court « Saturday Nite » de Ghostface, tiré de son Supreme Clientele. Les inconnus Zurc & Nel ont quand à eux choisi de reprendre l’enthousiasme du refrain de Dozier pour l’entrainant « Shine » (ça ne s’invente pas) de Ransom, rappeur sous-estimé du NewJersey, anciennement proche de Joe Budden.
Ghostface Killah - « Saturday Nite »
Ransom - « Shine »
Lamont Dozier « Put Out My Fire »
Il y a des introductions de morceau qui défoncent, qui donnent irrémédiablement envie qu’on les écoute en boucle. Prenez celle de « Put Out My Fire », deuxième titre de l’album de Dozier. Une courte ligne de basse, un petit accord de guitare, quelques grosses caisses, des roulements de conga : une entrée en matière hypnotique. Emile ne s’y est pas trompé : appuyé par une nappe de synthé planante, l’instru du « Introspective » de Cormega recycle avec finesse la boucle de Dozier, et crée une ambiance effectivement méditative. Tout l’opposé de Just Blaze, qui, la même année, a joué sur la chaleur de la basse et des cuivres pour enflammer le remix du « Burnin’ Up » de Faith Evans.
Cormega - « Instrospective »
Faith Evans - « Just Burnin’ (Burnin’ Up Remix) » feat. Freeway & P.Diddy
Lamont Dozier « Let Me Start Tonite »
Lamont Dozier et Large Professor ont un point commun : tous deux ont connu la gloire en composant pour les autres, mais jamais seuls. La guigne a frappé d’autant plus fort sur le destin du beatmaker qu’il n’a jamais pu sortir son album solo chez Geffen, alors qu’il était auréolé du succès de sa collaboration avec Nas. Au détour des deux volumes de sa série Beatz, il y a fort à parier que l’on croise des instrumentaux en forme d’actes manqués, qui auraient pu bénéficier à de nombreuses fines plumes de l’âge d’or new yorkais. Qu’importe : des beats comme « Out All Night », reprenant une boucle de la ballade country « Let Me Start Tonite » de Dozier, nous font toujours profiter de son talent.
Large Professor - « Out All Night »
Lamont Dozier « Prelude / Rose »
« Rose » (et son « Prelude » indissociable) ont déjà été échantillonnés moult fois. Si Kanye West y a déniché les voix spectrales du « More or Less » de Shyne, « Rose » est surtout connu pour son sampling par Organized Noize pour le feutré « Jazzy Belle » d’OutKast. Mais c’est au sein d’un morceau plus méconnu que se niche un travail d‘orfèvre sur un échantillon de cette composition de Dozier. Jake One a fait preuve d’une excellente oreille en allant dénicher une boucle peu évidente pour le « God Like » du rappeur de Seattle D.Black, extrait du très bon White Van Music de Jake.
OutKast - « Jazzy Belle »
Jake One - « God Like » feat. D.Black
Lamont Dozier « Blue Sky And Silver Bird »
Les revoilà. Après le beat battle entre Just Blaze et Bink!, on pourrait tout aussi bien en organiser un entre Justin Smith et Emile Haynie. Tous deux ont été pioché une boucle dans la conclusion de Black Bach. « Blue Sky And Silver Bird » est un morceau purement instrumental d’une rare intensité émotionnelle. Une batterie mid-tempo pesante, un piano déchirant et des envolées de violon mélancoliques donnent des frissons tout au long de ces minutes. Une intensité capturée de manière différente par Blaze et Emile. Le blanc-bec de Buffalo a repris la boucle telle quelle, en y ajoutant quelques notes d’accordéon étranges, pour le désespéré « Kurt Kobain » de Proof. Le nerd du New Jersey, lui, l’a recomposé pour le « Living In Pain » de Biggie, 2Pac, Nas et Mary J. Blige, la complétant de quelques notes de piano et de cordes pour renforcer l’intensité dramatique du morceau. La méthode est différente, mais le résultat est aussi poignant. Il l’est d’autant plus pour le titre de Proof que son père, McKinley Jackson, fut le producteur et l’arrangeur de l’album de Lamont Dozier. C’est ce qui s’appelle boucler une boucle.
Proof - « Kurt Kobain »
The Notorious B.I.G. - « Living In Pain » feat. Mary J. Blige, 2Pac, Nas
Parmi les grands noms de la production qui ont émergé entre la fin des années 90 et le passage au nouveau millénaire, Rockwilder était l’égal des Timbaland, Swizz Beatz et autres Neptunes. De son vrai nom Dana Stinson, son pseudo était une valeur sûre dans les crédits des albums mainstream. Il avait une marque : un son immédiatement efficace, synthétique, clinquant, électrique, appuyé par des rythmiques basées sur des hi-hat joués tous les quarts de mesure (en noire) plutôt que tous les huitièmes (en croche).
Si son nom apparaissait déjà sur les premiers Redman, les deux albums d’Organized Konfusion ou encore le When Disaster Strikes de Busta Rhymes, c’est à partir de 1999 et « Da Rockwilder » pour Meth et Red que Rock est devenu l’un des hommes forts de la production U.S.. Une bonne cote qui l’amènera à produire des gros cartons pop, dont l’incontournable reprise du « Lady Marmalade » de LaBelle par Mya, Pink, Lil Kim et Christina Aguilera, pour lequel il a même remporté un Grammy Award.
Pourtant, contrairement à ses collègues précités, Rock a disparu du radar. Depuis 2005, il réapparait ici et là, sur des albums de Redman bien sûr, mais aussi Kelis, Beanie Sigel, ou 50 Cent. Il a également ouvert un marché virtuel de beats ou a pensé un temps à passer au rap chrétien (il a été élevé par une mère ministre). Peut-être a-t-il été emporté par le lent déclin des scènes du Nord Est. Peut-être n’a-t-il pas réussi à faire évoluer son son assez significativement pour survivre aux nouvelles modes et tendances. Quoi qu’il en soit, il aura marqué la production rap en l’espace de quelques années d’intense activité. Voici une flopée de ses instrumentaux les plus marquants.
25. Big Pun – Super Lyrical (ft. Black Thought) Capital Punishment, 1998
Des prods pré-« Da Rockwilder », « Super Lyrical » pour Big Pun représente en quelque sorte un pont entre les deux sons qu’a développé Rock dans sa carrière. L’instru renvoie à ses premières œuvres, avec son beat classique et ses nombreux samples. Mais sa rythmique sèche et surtout sa basse électrique annoncent le changement de son qu’il allait proposer pour les années à venir.
24. Redman – « How U Like Dat » (ft. Gov Mattic) Red Gone Wild, 2007
Même si sa participation était minime comparée à celle d’Erick Sermon, de Dare Iz A Darkside à Reggie, Rockwilder a toujours été présent sur les albums du patron du New Jersey. Et il a souvent servi des compositions sur-mesure pour Red. La preuve avec ce « How U Like Dat » et sa basse grasse et poisseuse, digne de Bootsy Collins.
23. Nate Dogg – « I Got Game » (ft. Snoop Dogg et Armed Robbery) Nate Dogg, 2003
Une autre particularité de Rockwilder a été son affection pour les cordes jouées pizzicato. Habituellement placées en détail mélodique sur ses instrus, il en a fait la base du « I Got Game » de Nate Dogg. Le résultat est excellent, tout en nonchalance et en musicalité, résumant le caractère du crooner de l’ouest.
22. Ice Cube – « $100 Dollar Bill Y’All » Greatest Hits, 2001
Inédit placé sur son Greatest Hits, « $100 Dollar Bill Y’All » fut le dernier single de Ice Cube avant son retour en 2006 avec Laugh Now, Cry Later. Quoi de mieux pour garder la forme que de poser sur une composition d’un producteur à la mode de l’époque. Rock a livré pour O’Shea Jackson un beat moins clinquant que d’accoutumée mais tout aussi percutant grâce à l’alliance entre une basse bourdonnante et des sons de claves.
21. Method Man & Redman – « Cisco Kid » (feat. Cypress Hill) How High O.S.T., 2001
C’est sans doute avec Redman et Method Man que Rockwilder a le plus expérimenté. Sur la bande originale de leur film déjanté et enfumé How High, il a sorti ce « Cisco Kid » reprenant un sample du groupe de latin-funk War. Un instru plutôt laidback et à part dans la carrière de Rock, quand sur la même B.O. son pote DJ Twinz copiait son style avec son « America’s Most ».
20. Fabolous – « Get Right » Ghetto Fabolous, 2001
Le premier album de Loso était symptomatique de l’air du temps du début des années 90, avec ses singles produits par les Neptunes et Timbaland… et sa livraison de Rockwilder. Une prod de club épileptique et bouncy à souhait, dont Sulee B. Wax avait repris l’esprit en 2002 pour le « Monsieur Qui ? » de Lino, en la transformant en égotrip musclé et violent.
19. LL Cool J – « Imagine That » The G.O.A.T. (Greatest Of All Times), 2000
Premier single du dernier très bon album de James Todd Smith (merci DJ Scratch), « Imagine That » détonne au premier abord en ouverture d’un album aussi musclé. Mais smooth et virile à la fois, mélangeant gémissement féminin, roulette de revolver et gimmick de guitare funky, la composition de Rock était idéale pour que Cool James roule encore des mécaniques devant la gente féminine. Irrécupérable, mais ça marche à tous les coups.
18. The Outsidaz – « Keep On » The Bricks, 2000
S’il fallait trouver une filiation au style de Rockwilder, on pourrait le définir comme une évolution du son d’Erick Sermon. Et s’il fallait le démontrer, « Keep On » des Outsidaz en serait une preuve irréfutable, tant cette prod aurait pu se retrouver sur Blackout!, Malpractice ou Music. Une atmosphère idéale pour kicker comme le faisait si bien le crew de Brick City, ou certains rappeurs hexagonaux invités chez Cut Killer.
17. Prodigy – « Gun Play » (ft. Big Noyd) H.N.I.C., 2000
Même s’il n’avait pas son pareil pour sortir des headbangers juteux, Dana Stinson était avant tout un natif du Queensbridge. Quoi de plus normal qu’il s’essaie à l’essence sombre du Q.B. pour Prodigy sur son premier album solo. On retrouve sur ce « Gun Play » la signature de Rock, avec cette rythmique minimaliste et cette basse futuriste, mais adaptée façon Infamous avec une nappe de violon en fond sonore et un sample inquiétant.
16. Nas – « Everybody’s Crazy » The Lost Tapes, 2002
Bonus track de la version japonaise de Stillmatic, « Everybody’s Crazy » est la énième preuve que Nasir Jones a un énorme problème dans son choix d’instrumentaux. Car la production de Rockwilder aurait mérité une bien meilleure place que certains autres morceaux sur l’album du retour de Nas. Heureusement, il a eu la bonne idée de le replacer sur son catalogue de trésors retrouvés, The Lost Tapes. Bouncy et rugueux, sa rythmique est redoutablement efficace, appuyée par une ligne de basse ronde et quelques claviers discrets, parfaits pour laisser de la place pour le flow de Nas.
15. Rah Digga – « Break Fool » Dirty Harriet,1999
Aujourd’hui dissous, le Flipmode Squad de Busta Rhymes avait une bonne cote à la fin des années 90. Et pas seulement du fait de la popularité de son Général : que ce soit Rampage, Lord Have Mercy ou Rah Digga, les membres de son équipe étaient tous des rappeurs de talent. Party anthem typique de la fin des années 90 (à la « Party Up » de DMX), « Break Fool » de Rah Digga est un morceau à l’énergie incendiaire grâce aux synthés distordus de Rock et ses cordes au refrain.
14. Mystikal – « Oooh Yeah » / « I Get It Started » (ft. Method Man & Redman) Tarantula, 2001
Dernière œuvre en date de Mystikal avant son incarcération, Tarantula est un album sous-estimé et pourtant monstrueux. Au milieu de prods inventives et explosives (dont le génial « Bouncin Back » des Neptunes), Rockwilder a apporté de la matière à la toile du MC le plus fou de la Nouvelle-Orléans avec deux livraisons radicalement opposée mais complémentaire. Si « I Get It Started » (co-produit avec DJ Twinz) est une nouvelle démonstration de son talent pour électriser l’atmosphère, « Oooh Yeah » montre une toute autre facette de Rock, un poil enfumée et détendue mais aussi addictive, avec sa basse chaude, ses claviers étranges et ce gimmick de trompette.
13. 50 Cent – « Like My Style » (ft. Tony Yayo) Get Rich Or Die Tryin’, 2003
Passée l’année 2002 et son Grammy pour la B.O. de Moulin Rouge, Stinson s’est fait plus discret. Mais la discrétion n’empêche pas le flair. En plaçant une excellente prod sur l’album rap de l’année 2003, il s’est assuré de garder un peu de visibilité. Et de quelle manière : son instru pour « Like My Style » est l’un des grands moments de l’album, avec sa rythmique saccadée, et sa composition proche du style d’un autre Rock, Rick Rock.
12. Styles P – « Daddy Get That Cash » (feat. Lil Mo) A Gangster And A Gentleman, 2002
Rockwilder a été l’un des premiers producteurs de la côte Est a totalement laissé de côté le sampling pour passer à la composition pure. Pourtant, il le sait mieux que personne : lorsque l’on trouve un sample qui tue, mieux vaut ne pas le laisser passer. C’est le cas avec cet inspiré « Daddy Get That Cash » pour Styles, rejouant les premières mesures d’un titre du groupe Side Effect. Au passage, admirez l’intro crescendo de l’instru de Rock.
11. Redman – « I’ll Bee Dat! » Doc’s Da Name 2000, 1998
Le capital de sympathie de Redman repose sur des éléments simples : son sens de l’auto-dérision, son humour gras et débile, et son don pour sortir des titres joviaux. « I’ll Be Dat ! », premier single de son Doc’s Da Name 2000, en est l’exemple type, notamment grâce à son clip bordélique. L’instru de Rockwilder épousait à merveille le délire de Reggie Noble, avec sa basse crasseuse, ses tonalités de téléphone toutes les huit mesures, ses discrètes percussions et ce petit son indéfinissable au refrain. Un peu en avance dans la chronologie de Stinson, « I’ll Bee Dat ! » a déjà toutes les caractéristiques du Rock hitmaker de l’après Blackout!.
10. Busta Rhymes – « Make Noise » (feat. Lenny Kravitz) Anarchy, 2000
L’énergie du son de Rock offrait un espace de créativité idéal pour un rappeur comme Busta. Placé en dernière partie d’un album déjà costaud niveau prods, « Make Noise » est probablement l’un des instrus les plus énervés du producteur. Mélangeant sons imitant les riffs d’une guitare électrique à ceux, bien réels, de la gratte de Lenny Kravitz invité pour l’occasion, le résultat est supersonique.
9. Jay-Z – « Guilty Until Proven Innocent » (feat. R.Kelly) The Dynasty : Roc La Familia, 2000
Sacré Jay-Z. Faire tout un foin autour de son procès pour agression sur Lance Rivera en clamant qu’il est innocent, pour ensuite plaider coupable et être condamné à trois ans de conditionnelle… Le tout avec un bon morceau et un clip mémorable. La prod de Rockwilder est sans doute l’une de ses plus épurées, mais aussi une des plus classes : un beat minimal, une ligne de basse entêtante qui s’affole toutes les huit mesures, et des violons épiques au refrain pour accentuer l’abnégation de Jigga face à tant d’infamie.
8. Tha Liks – « Run Wild » (feat. Shae Fiol) X.O. Experience, 2001
Le style enjoué de Rockwilder était fait pour rencontrer le rap hédoniste et joyeusement barré (ou bourré, ça marche aussi) des plus célèbres alcooliques de Los Angeles. Après avoir livré quelques prods sur l’album solo de Tash, les Alkaholiks ont refait appel à Rock pour leur quatrième album, X.O. Experience, plus mainstream que les précédents. Deuxième single de l’album, « Run Wild » est porté par un instrumental entrainant, en dépit d’un beat assez simple. La science de Rock fait encore des merveilles grâce à sa composition ensoleillée et légère, appuyée par le rythme saccadé de ses charlestons.
7. Xzibit – « Front 2 Back » Restless, 2000
D’après Rockwilder, Dre aurait été hors de lui quand il a entendu les bruits d’amortisseurs de l’intro de 2001 utilisé en appui du beat de « Front 2 Back ». Pourtant, ce petit sample rend encore plus évident la filiation entre l’album de Dre et le troisième opus de Alvin Joiner. Placé en ouverture de Restless, « Front 2 Back » donne le ton et constitue plus qu’un hymne west coast, un véritable hommage de Rockwilder au genre.
6. Mos Def, Pharoahe Monch et Nate Dogg – « Oh No » Lyricist Lounge Vol. 2, 2000
Quand Rockwilder fait du RZA version Ghost Dog, ça donne « Oh No », kata exécuté de main de maître par Mos Def, Pharoahe Monch et Nate Dogg. L’association entre le crooner californien et les deux fines plumes de la grande époque Rawkus aurait pu sonner forcée. Mais Rock a livré l’instru parfait pour ce crossover. Moins évidente que d’autres de ses livraisons, la prod de « Oh No » est un petit bijou parce qu’elle seyait parfaitement à la musicalité du chanteur tout en collant à l’esprit new-yorkais des deux rappeurs. Sûrement l’une des dernières percées grand public de Rawkus.
5. De La Soul – « I.C. Y’All » (feat. Busta Rhymes) Art Official Intelligence Vol. 1 : Mosaic Thump, 2000
Pour composer un bon instru, il suffit parfois de trouver la boucle qui tue. En réinterprétant la tuerie funky « Galaxy » du groupe War (encore eux) et en la déposant sur un beat mécanique et brise-nuque, Rockwilder n’a peut-être jamais fait plus minimaliste dans une de ses productions. Mais ce « I.C. Y’All » est d’une efficacité redoutable grâce à ce synthé grésillant, ces cordes pizzicato et ces petits bruitages issus directement du titre des War.
4. Jay-Z – « Do It Again (Put Ya Hands Up) » (feat. Beanie Sigel et Amil) Vol. 3… Life and Times of S.Carter, 1999
Dans la discographie de Jay-Z, Life and Times of S.Carter tient une place toute particulière. Celui de l’album où il prend de l’avance sur la concurrence en se risquant à des choix artistiques plus audacieux. Si on le compare à « Guilty Until Proven Innocent », « Do It Again », premier single de l’album, est un morceau plus difficile d’accès, car sans véritable mélodie. Mais deux détails le rendent plus remarquable dans la carrière de Rockwilder. D’une part, comme le soulignait Cipha Sounds sur le site de Complex, c’est la première véritable club song de Jay-Z. Pourtant, et c’est là le deuxième détail d’importance, l’instru de Rock ne respecte pas le format traditionnel des morceaux de rap. Il est construit sur trois mesures au lieu de quatre, un choix surprenant et sacrément accrocheur.
3. Xzibit – « Release Date » Man vs. Machine, 2002
« Front 2 Back » était un single bélier, adaptation réussie du style de Rockwilder aux normes musicales de la côte ouest redéfinit par le 2001 de Dre. Mais la meilleure production de Rock pour Xzibit (et l’une de ses meilleures tout simplement) est bien moins tape à l’œil. Placé en intro du quatrième album de « Mister X to tha Z », « Release Date » est un instru cinématographique et sombre comme jamais Rock n’en a réalisé auparavant, ni après. Synthés glaçants et riffs de guitare grinçants ont inspiré Xzibit à écrire un de ses meilleurs morceaux.
2. Method Man & Redman – « Da Rockwilder » Blackout!, 1999
C’est avec ce morceau que tout a commencé. « Da Rockwilder » n’aurait dû être qu’un interlude sur le Blackout! de Meth et Red. Il est devenu le meilleur single de l’album. Un peu plus de deux minutes de sons futuristes, de court-circuits mélodiques et de basses lourdes suffisent à comprendre pourquoi « Da Rockwilder » fut un carton. Rock a bien fait d’insister auprès de Redman pour que son instrumental atterrisse sur cet album : tout le monde connaît son nom grâce a ce titre.
1. Redman – « Let’s Get Dirty » (feat. DJ Kool) Malpractice, 2001
La force de Rockwilder est qu’il a toujours su donner un côté accessible à l’énergie du rap dans la composition de ses hits. Si l’on compare son travail à celui de Swizz Beatz à la même époque, le son du producteur des Ruff Ryderz avait une brutalité qu’il n’y a jamais eu chez Rock. A une seule reprise, Rockwilder a lâché toute sa sauvagerie dans un instrumental, son meilleur : « Let’s Get Dirty » de Redman. Intro chaotique, beat minimaliste et tamponneur, synthés joués en deux temps aiguës et graves, pont annonçant la déflagration du refrain : « Let’s Get Dirty » est un condensé de puissance sonique sans aucune véritable mélodie que l’on puisse fredonner, mais que l’on retient immédiatement. En toute démesure, il contient tout ce qui définit le son de Rockwilder. Et le plus formidable c’est qu’il a réussi à produire un autre succès pour Christina en gardant l’essence de ce titre. Jamais son nom n’a pris autant de sens : dur et sauvage.
Qu’on l’idolâtre ou qu’on l’exècre, Kanye West continue d’être au centre de l’attention du monde du rap (et de la musique) à chacune de ses nouvelles sorties – artistiques ou autres. Sur son travail en tant que producteur, tout aura été écrit : de son talent à donner un nouveau souffle à la soul du passé à son audace dans ses directions musicales, Kanye a prouvé que ses ambitions étaient aussi grandes que l’estime qu’il tient de lui-même.
Dans sa volonté de « mêler ses fondamentaux de producteur rap aux recettes de la pop music » (©JB, 2004), West est parvenu à un petit tour de force. A une époque où la majorité des producteurs se font leurs propres banques de kits de batterie travaillés et retravaillés, les deux premiers singles (« Power » et « Runaway ») du prochain album du chicagoan, My Beautiful Dark Twisted Fantasy, sont portés par de bons vieux breakbeats poussiéreux. Même si la posture peut surprendre à l’époque des beats synthétiques et électroniques, cela n’a en fait rien de nouveau chez Ye : depuis des années, il passe de la composition pure à la simple reprise de séquences de batterie.
Dans la longue liste des breaks réutilisés par le chicagoan, on peut citer l’illustre « Ode to Billy Joe » de Lou Donaldson devenu marche martiale sur « Jesus Walks » ; celui de « What It Is » des Temptations et de « 50 Ways to Leave Your Lover » de Paul Simon pour « The Corner » et « Forever Begins » de Common ; le massif « Action » d’Orange Krush ralenti pour « We Major » ; ou encore celui du « Candy Maker » de Tommy James and The Shondells et son étrange effet d’écho pour « Heard’ Em Say ». Mais certains breaks tiennent une place un peu à part dans la discographie du producteur, par leur récurrence ou leur provenance. Les voici.
Love – « Doggone » (Out There, 1969)
Love « Doggone »
Le Bomb Squad a eu son « Funky Drummer ». Kanye West a son « Doggone ». Appuyé par un groove incroyable, ce break, joué par le batteur du groupe de prog-rock Love, a donné son squelette rythmique et son énergie à de nombreuses productions de West : « Get By » pour Kweli, « Used to Love U » pour John Legend, « Throw Your Hands » pour Mobb Deep ou, plus discrètement, « Last Call » pour lui-même. Cette boucle de batterie, chérie dans les années 90 par des artistes abstract comme DJ Krush ou Greyboy, a eu la côte cette dernière décennie : elle a également été reprise par les CunninLynguists, C.H.I. pour un inédit de Naledge, ou encore récemment par Joe Budden et Nottz.
Talib Kweli - « Get By » (2002)
Kanye West - « Last Call » (2004)
John Legend - « Used to Love U » (2004)
Mobb Deep - « Throw Your Hands (In The Air) » (2004)
Cold Grits – « It’s Your Thing » (It’s Your Thing (12″), 1969)
Cold Grits « It’s Your Thing »
Lancer « Power » comme premier single de My Beautiful Dark Twisted Fantasy est un parfait contre-pied de ce qu’on pouvait imaginer de la part de Kanye après 808’s et Blueprint 3. D’abord parce que l’alliage des samples de Continent Number 6 et de King Crimson fonctionne impeccablement bien. Mais aussi parce que le beat repose sur un bon vieux break de funk, « It’s Your Thing » de Cold Grits (repris des Isley Brothers). Kanye avait déjà été le piocher à deux reprises : en 2005 sur son puissant « Crack Music », et en 2006 pour le survolté « Everything I Love » de Diddy.
Kanye West ft. The Game - « Crack Music » (2005)
Diddy ft. Cee-Lo & Nas - « Everything I Love » (2006)
Kanye West ft. Dwele - « Power » (2010)
Clarence Reid – « Living Together Is Keeping Us Apart » (Running Water, 1973)
Clarence Reid « Living Together Is Keeping Us Apart »
Immortalisé en 1992 par Dre avec « Deeez Nutz », la batterie du « Living Together Is Keeping Us Apart » de Blowfly a.k.a. Clarence Reid est un bonheur de précision rythmique. Déjà repris par Kanye en 2005 pour son laidback « Drive Slow », il lui refait appel sur le classieux « Christian Dior Denim Flow », en seconde partie du morceau.
Kanye West ft. Paul Wall & GLC - « Drive Slow » (2005)
Kanye West ft. guests - « Christian Dior Denim Flow » (2010)
Joe Farrell – « Upon This Rock » (Upon This Rock, 1974)
Joe Farrell « Upon This Rock »
Oeuvre du jazzman Joe Farrell, « Upon This Rock » est un breakbeat méconnu (si on le compare à l’aura d’un « Impeach The President » ou d’un « It’s a New Day »). Sa rythmique hachée a pourtant été reprise de nombreuses fois, comme chez Black Sheep, Method Man & Redman, Erykah Badu ou encore même le Saïan Supa Crew. Kanye, lui l’a samplé deux fois : sur « Gone », excellente conclusion de Late Registration, et sur le « Chi-City » de Common. Pas de chance pour Ye et les autres : la fille du jazzman réclame depuis 2008 des royalties.
Common - « Chi-City » (2005)
Kanye West ft. Cam’ron & Consequence - « Gone » (2005)
Pete Rock & CL Smooth – « The Basement » (Mecca and The Soul Brother, 1992)
Pete Rock & CL Smooth « The Basement »
Sampler des vieux breaks de funk ou de rock ? Trop prévisible. En revanche, faire un morceau à l’attention clairement pop avec un vieux beat crasseux du début des nineties, c’est un peu plus couillu. Sur son mélo « Runaway », Ye mêle des notes de piano larmoyantes à la boucle composée par Pete Rock au tout début de « The Basement » avec son comparse CL Smooth.
Kanye West ft. Pusha T - « Runaway » (2010)
Beatmaker polyvalent et tout-terrain, producteur avant-gardiste, et artiste peut-être trop gourmand : Timbaland est sans doute l’un des musiciens qui aura le plus marqué son art lors de la décennie passée. De ses débuts avec le trio Missy/Ginuwine/Aaliyah à sa reconnaissance mainstream, tant recherchée, depuis 2007, Timothy Mosley a constamment réussi à marier deux principes contradictoires : l‘évolution et l‘identité. Car celui qui a changé plusieurs fois de formule tout au long de sa carrière est toujours parvenu à garder ce style si reconnaissable, fait de rythmes extraterrestres et irrésistibles, d’accumulations sonores et mélodiques en évitant la surcharge, en bref à faire aventurer le rap au-delà de nouvelles frontières – littéralement.
Si on a souvent salué son talent pour les sonorités synthétiques, le natif de Virginie a quelques fois été farfouiller dans le travail des autres pour créer. Le sampling selon Timbo est à l’image de son œuvre : touche à tout et un peu imprévisible. Entre musique latine, score de film, rock britannique et héritage afro-américain, petit tour d’horizon du talent de digger de celui qui se faisait appeler DJ Timmy Tim.
Missy Elliott feat. Method Man & Redman – « Dog In Heat » (Miss E… So Addictive, 2001)
Missy Elliott feat. Method Man & Redman « Dog in Heat »
J.M. Tim & Foty - “Douala by Night”
Le duo qu’il forma avec Missy Elliott le temps de quatre albums (jusqu’à Under Construction) fut un laboratoire sur-mesure pour Tim. Après les prods funky et épurées de Supa Dupa Fly (1997), les deux larrons de Virginie ont pris tout le monde à contre-pied avec leurs beats en deux temps jouant la fibre orchestrale sur Da Real World en 99. Sorti en 2001, Miss E… So Addictive offrit un nouveau virage à 180°, avec un son plus ample, plus fouillé, expérimental mais accrocheur. A peine l’intro souful passée que débute « Dog In Heat » avec son beat mid-tempo binaire, quelques gimmicks de guitare funky et sa basse aussi ronde que la Missy de l’époque. Cette ligne de basse est sûrement une des plus fines trouvailles de Timbo : elle provient de « Douala By Night », composition de funk du duo camerounais J.M. Tim & Foty. Endiablée en version originale, elle devient suave et lancinante dans les mains de Mosley. (A noter d’ailleurs que J.M. Tim – Jean-Marie Tiam de son vrai nom – se fait payer une partie de sa retraite en Aveyron grâce aux royalties que lui rapporte ce petit sample !)
Aaliyah feat. Timbaland – « We Need a Resolution » (Aaliyah, 2001)
Aaliyah « We Need a Resolution »
« She was like blood, and I lost blood. Me and her together had this chemistry. I kinda lost half of my creativity to her« . Nous sommes en 2001 et Timbo a appris la disparition tragique d’Aaliyah, star montante du R’n’B grâce à qui les projecteurs commencèrent à se braquer sur lui et Missy, à la fin des années 1990 et l‘album One In a Million. Fort de cette première expérience, la chanteuse rappela le producteur de Virginie pour son album suivant (et le dernier), éponyme. Suivi par l’incontournable et électrique « Try Again », « We Need a Resolution » offrait une ambiance mystique et troublante, combinant des synthés vertigineux façon « Snoopy Track » de Jay-Z à une petite portion de « Tricks of the Trade », tiré de la B.O. du thriller Incognito, signée John Ottman. Avec pour résultat une instrumentation mystérieuse, comme une paraphrase de cette énigme insoluble qu’essaie désespérément de résoudre Aaliyah dans sa chanson.
Fabolous – « Right Now & Later On » (Ghetto Fabolous, 2001)
Fabolous « Right Now and Later On »
The Meters - « Jungle Man »
The Meters - « Just Kissed my Baby »
Placé sur le premier album de Loso, « Right Now & Later Now » est l’un des beats les plus funky de Timbo. Le gimmick de guitare wah wah, le clavinet, le break syncopé : le son renvoie presque au style de ses débuts. Mais pour le coup, c’est à une inspiration antérieure à lui-même que Tim doit ce beat : les Meters. Le break, retravaillé, est emprunté à leur « Jungle Man » et la guitare wah-wah, rejouée de manière frénétique, provient de « Just Kissed My Baby », tous deux présents sur l’excellent Rejuvenation. Ou l’art et la manière d’injecter l’âme du bayou néo-orléanais à un rappeur de Brooklyn.
Ludacris – « Rollout (My Business) » (Word of Mouf, 2001)
Ludacris « Rollout (My Business) »
Africando - « Yay Boy »
Quelque part entre les studios d’Hollywood et ceux d’ATL, Ludacris doit parfois repenser à l’époque où il n’était encore qu’un challenger des grands noms du rap game. Une époque où Timbaland invitait ce jeune premier sur ses albums et où il lui fila une de ses prods les plus monstrueuses: « Rollout ». Rugueux et nonchalant, associant cuivres caliente et synthés épileptiques, l’instrumental du single le plus efficace de Word of Mouf repose sur un échantillon de « Yay Boy », salsa endiablée du combo afro-cubain Africando. La boucle, simplement ralentie, passe en un clin d’œil du sourire caribéen au froncement de sourcils atlante.
Brandy – « I Tried » (Afrodisiac, 2004)
Brandy « I Tried »
Iron Maiden - « The Clansman »
A priori, difficile de trouver des points communs à Brandy et Iron Maiden. Et pourtant… Produit en majorité par le duo Timbaland / Larry Gold (mythique arrangeur soul de Philadelphie), Afrodisiac est surement le meilleur album de la diva R’n’B. L’un des sommets de ce disque est « I Tried », mid-tempo langoureux et mélancolique où Timbo mêle les accords de guitare (plutôt doux pour le coup) du « The Clansman » des métalleux anglais aux cordes de l’orchestre de Gold. Un essai pour le moins réussi.
Timbaland & Magoo feat. Sebastian – « Indian Flute » (Under Construction, Part II, 2003)
Timbaland & Magoo feat. Sebastian « Indian Flute »
Toto la Momposina - “Curura”
C’est ce qui s’appelle une belle entourloupe. Celui qui nous avait habitué depuis « Big Pimpin' » aux mélodies orientales (façon ambiances de harem plutôt que lieux saints) sort en deuxième single du Under Construction II un « Indian Flute » jouant à fond sur les clichés bollywoodiens. Pourtant, difficile de résister à cette boucle de flûte minimaliste et envoûtante. Vous pensez au Taj Mahal ? Vous avez tout faux: la flûte indienne n’est pas à chercher en Asie mais en Amérique du Sud, chez la chanteuse colombienne Toto la Mamposina. Erreur façon Christophe Colomb ou détournement volontaire ? Vu le flair du type, on l’imagine mal confondre Toto avec Tata.
La grenade lancée par Bink! en direction de Just Blaze pendant l’interview parue lundi sur l’Abcdr nous a plongé dans la consternation. Pour nous autres auditeurs, impossible de choisir entre l’un ou l’autre : les deux ont laissé une empreinte durable dans l’évolution de la production à base de samples au tournant du millénaire. Mais comme rien ne vaut une bonne bagarre, mettons-les tout de même face à face. Le principe : départager Bink! et Just Blaze à partir de cinq albums où ils se sont croisés. Évidemment, les deux n’ayant rarement livré qu’une seule production chacun sur un même album, la sélection est rude, mais tâchons d’être rigoureux et équitable. Ou presque.
Beanie Sigel - Who want what (Prod. Just Blaze)
Beanie Sigel - Raw & Uncut (prod. Bink!)
Au procès de Just Blaze pour plagiat, le premier album de Beanie Sigel serait probablement la pièce à conviction la plus lourde du dossier. Alors que les dénominateurs communs du son Bink! sont plus en moins en place dans ‘Raw & Uncut’ – des micro-samples qui terminent en apothéose, une caisse claire sèche enrobée de percussions exotiques – Just Blaze est en pleine crise de swizzbite aigüe. Dans ‘Who want what’, il pousse le vice jusqu’à reprendre la plupart des sons d’usine souvent exploités par Swizz, notamment l’effet « scratch » présent dans les presets de son synthé Casio. Un mérite tout de même pour Justin : sans les crédits sous les yeux, on jurerait que ‘Who want what’ a bien été produit par le « One Man Band Man ».
Bink! : 1 / Just Blaze : 0
Prodigy - Rock dat Shit (prod. Bink!)
Prodigy - Diamond (prod. Just Blaze)
Just Blaze nous prend par les sentiments. Autant la production de Bink! sur ‘Rock dat Shit’ a une nervosité rythmique qui ponctue efficacement les provocations de Prodigy, autant son accordéon synthétique ne peut pas grand chose contre les choeurs printaniers tirés du ‘Cause we ended as lovers’ de la belle Syreeta, protégée (et ex-femme) de Stevie Wonder. D’ailleurs, pour le coup, Bink! ne pourra pas reprocher à Just Blaze de parodier Swizz Beatz, c’est plutôt lui qui tape dans le style métallique de la fin du siècle à New York pendant que J.B. fait miauler le sample à merveille. On arriverait presque à croire en l’optimisme démesuré de Bars-N-Hooks et leur disque de diamant imaginaire.
Bink! : 1 / Just Blaze : 1
Jay-Z ft. Beanie Sigel & Memphis Bleek - 1-900-Hustler (prod. Bink!)
Jay-Z - Soon You’ll Understand
On pourrait arguer du fait que oui, ‘1-900-Hustler’ est un posse-cut de haut vol qui définit parfaitement la mentalité développée au centre de formation pour hustlers qu’était le ROC de la grande époque. On pourrait aussi affirmer que Bink! a su tirer le meilleur des voix pitchées et que, tout simplement, ‘1-900-Hustler’ est une production supérieure à ‘Soon you’ll understand’. Le point va donc à Bink!, mais il y a un problème : ‘Soon you’ll understand’ est le morceau le plus poignant jamais interprété par Jay-Z. Écoutez ses inflexions de voix, ce mélange de détermination et de découragement quand il dit « ‘Cause I love you, I want you to leave, please« . C’est à crever. Et puis l’intro pluvieuse, l’arrivée de la voix d’Al Kooper, la structure en triptyque… Bref, trouvez-moi un morceau de rap sur l’amour plus déchirant et plus universel que ‘Soon you’ll understand’. Le génie de Jay-Z étant d’ailleurs de réussir à être parfaitement crédible et convaincant alors que quelques titres plus tôt dans « The Dynasty », il annonçait fièrement être celui qui s’est tapé le plus de meufs dans tout l’État de New-York. Comme quoi.
Bink! : 2 / Just Blaze : 1 (mais + 1000 pour le supplément d’âme)
Young Gunz - Future of the ROC (prod. Bink!)
Young Gunz - Tough Luv (prod. Just Blaze)
Horrible dilemme : les deux instrumentaux méritent une place sur les podiums respectifs de Bink! et Just Blaze. Illusion parfaite entre sampling et instrumentations, ‘Future of the ROC’ est à montrer dans toutes les écoles : un sample qui feint la retenue, puis s’excite, puis languit à nouveau avant d’exploser dans une orgie de cuivres et violons. Énormissime. Just Blaze n’est pas en reste : ‘Tough Luv’ est un monstre épique qui commence comme une ode à l’amitié et se transforme en invasion barbare. Imaginez ce qui serait arrivé si ces deux sons, au lieu d’atterrir entre les mains des sympathiques mais limités Young Gunz, s’étaient retrouvés sur le Black Album de Jay-Z.
Bink! : 3 / Just Blaze : 2 (ex-aequo)
Jay-Z - The Ruler’s Back (prod. Bink!)
Jay-Z - U don’t know (prod. Just Blaze)
Un jour, il faudra écrire une thèse sur la qualité d’un titre comme ‘The Ruler’s Back’. Ou comment Jay-Z a réussi à puiser dans le meilleur de l’ancienne école new-yorkaise (‘The Ruler’s Back’ de Slick Rick, donc) en lui donnant une dimension résolument portée vers l’avenir. Bink! y est pour beaucoup : il a pris note des effets un peu datés de l’instrumental original (un beat dépouillée, des cuivres festoyants) et les a transformé en tapis rouge déroulé jusqu’au trône où Jay-Z allait régner sur la décennie naissante. En face, Just Blaze frappe fort – ‘U don’t know’ se trouvant probablement à côté du terme « Chipmunk soul » dans le dictionnaire du beatmaking moderne – mais Bink! l’emporte avec son ciselage méticuleux du sample, qui réussit à être à la fois flamboyant, discret, et entièrement au service de Jay-Z. Du grand art.
Verdict Bink! : 4 – Just Blaze : 2
C’est une défaite sans appel pour Just Blaze, contraint de quitter le ring la tête basse et la MPC en berne, sous les quolibets du public qui beuglent à tue-tête le refrain de ‘Live your life’ pendant que Saigon, complètement éméché, l’humilie en annonçant la sortie imminente de son album sur sa page Myspace. Prévoyons-lui tout de même un 2e round pour le jour où il voudra bien nous accorder une interview.