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Abcdr Du Son : Tes débuts dans la production ?

R : J’ai commencé vers 2006, sans que ça soit vraiment sérieux. J’étais DJ à l’époque, un ami m’a installé le logiciel Reason sur mon PC, puis j’ai fait quelques petites prods. J’ai commencé a lâché le DJing pour me mettre à fond dans les instrus, et de fil en aiguille, j’ai pris le temps de vraiment faire des choses sérieuses.

A : Tes influences ?

R : Pharrell, Just Blaze, Timbo. Ces trois là étaient mes grosses influences quand j’ai commencé, surtout Pharrell. Notamment le premier single de Kelis, « Caught Out There », et le « Shake Ya Ass » de Mystikal. Il gardait toujours les mêmes sonorités mais il faisait des tubes, et c’était simple. C’est un peu ma personnalité, simple et efficace.

A : Ton album de référence en terme de production ?

R : Le premier album de Justin Timberlake, Justified. Les deux plus gros producteurs du moment étaient réunis, Pharrell et Timbo. Pharrell a produit « Like I Love You », un tube de cinglé, « Rock Ya Body », qui est fou, et Timbo a fait « Cry Me A River »… Encore aujourd’hui, si tu joues « Cry Me A River », tu as l’impression qu’il vient de sortir, ça n’a pas vieilli.

A : Ton style ?

R : Je suis très minimaliste, je n’aime pas trop charger les instrus. En France, c’est difficile d’être minimaliste. Aux US, pour faire un feu, ils ont juste besoin d’une allumette. En France, il faut donner la gazinière et tout le reste. Il faut que la production ait déjà tout. Aux États-Unis, tu donnes à Busta un kick, une snare, avec un petit gimmick à deux francs, et il te fait un tube. Personnellement, je préfère juste avoir un beat qui fait mal avec un gimmick, même si ça peut être redondant. C’est pour ça que je kiffe Pharrell. « Grindin » des Clipse, il n’y a rien dans l’instru, mais le beat est fou.

A : La prod dont tu es le plus fier ?

R : Récemment, c’est « Champagnons ». Ça a été un de mes premiers sons médiatisés, clippés, et c’est une prod que j’ai kiffé faire. La plupart de celles que j’ai du créer pour Soyons Fous ont été faites assez rapidement, à l’instinct. « Champagnons » est clairement parti de cet état d’esprit. J’ai du passer moins d’une heure dessus, et boom, du premier jet Freddy m’a dit « C’est ça ! », et on est parti dessus. Je travaille beaucoup comme ça aussi, sans calcul, au défi. Freddy m’a dit « Dans deux heures, il me faut une prod », « Ok je te fais ça et je te l’envoie ».
J’ai capté Ol’ Kainry sur MySpace, à l’époque, au culot. Je lui ai laissé un message lui demandant s’il cherchait des prods. Et la première que je lui ai envoyé c’était « Stop », sur Iron Mic. J’avais déjà ma couleur et mon identité. Après ça, on s’était perdu de vue, parce que je travaillais avec Sefyu. A la fin de l’enregistrement d’Iron Mic, je lui ai envoyé une prod, comme ça, à tout hasard, qui s’est avérée être « Au Max 2.0 ». Il a tellement aimé qu’il m’en a redemandé une autre, et ça a été « Madison Square ». De là, on a vraiment accroché, c’est quelqu’un de super gentil, et j’ai très vite adhéré à son délire, il voulait faire quelque chose de différent. On a fait « Champagnons » en premier, puis « Jango Jack A Dit », ça s’est fait très de-spee.

A : Ton CV avant Soyons Fous ?

R : J’ai commencé par la dancehall. La première prod que j’ai placé, c’était pour un artiste antillais, qui s’appelle Saïk, un artiste proche d’Admiral T. Il avait fait un feat avec Dontcha sur cette production. En rap, j’ai commencé par Black Kent, sur Yes I Kent. A cette époque, j’ai bossé pendant un ou deux ans avec Cutee B, qui a été en quelque sorte mon mentor, il m’a appris quelques trucs, on s’est mutuellement apporté des choses. Suite à ça j’ai travaillé avec Sefyu pour son dernier album, Oui, Je Le Suis. Les prods que j’ai dessus datent de 2009. De là, j’ai signé chez Golden Eye, ce qui m’a permis de travailler sur Iron Mic et Soyons Fous. De nouvelles choses arrivent, j’ai notamment travaillé avec Youssoupha pour son nouvel album, mais aussi Sadek, un petit qui monte et est très fort, Fababy, Salif, James Izmad, …

A : Golden Eye Music Group, c’est quoi exactement ?

R : C’est un label et une équipe de beatmakers. On veut conquérir le monde ! [sourire]. L’équipe est composée de Blastar, qui a produit « Sachez-Le », et de Cannibal Smith, qui est un personnage en retrait mais a beaucoup tourné en radio, avec « Papa » de La Fouine notamment, et de moi. Ça va bientôt faire un an que je suis signé sur G.E.M.G.. C’est Blastar qui m’a « recruté », il a parlé de moi à Oumar [Patron de Golden Eye, ndlr] et que j’ai rencontré par la suite. S’il y a bien une chose dont je suis content aujourd’hui, c’est d’avoir signé chez Golden Eye. Souvent quand tu signes sur un label, tu te poses des questions. Je me suis beaucoup interrogé sur la place que je pourrais avoir dans cette équipe aux côtés de Smith et Blastar, qui sont quand même de gros beatmakers. Mais Oumar m’a beaucoup mis en confiance.

A : Ton équipement ?

R : Je bosse sur Logic, avec des softs. J’ai commencé avec du hardware, j’ai toujours mon moog branché en rack, qui est posé mais que je n’utilise même plus, parce que ce qu’ils font aujourd’hui en soft, c’est révolutionnaire ! Ça ne sert plus à rien de se prendre la tête avec du hardware quand tu peux tout faire avec de l’interne. Aujourd’hui tu peux te déplacer avec ton ordi avec tout dedans, t’as pas besoin de ci, de ton Korg, tout ça. Tout est dans l’ordi ! Donc autant faire comme ça ! 

A : Samples ou composition ?

R : Je suis plus un mec qui aime composer. Quand tu utilises un sample, pour moi, tu as déjà une idée directrice. Alors que quand tu composes, tu peux vraiment faire ce que tu veux. Le sample te donne une ligne directrice, même si c’est vrai que ça dépend de comment tu le travailles. Et dès que j’ai commencé à produire d’ailleurs, c’était en composant. Même si aujourd’hui je kiffe sampler de ouf, comme sur « Aux Portes de l’Espoir » pour Ol’ et Jango.

A : Budget illimité, invités de ton choix : ton projet de rêve, ce serait quoi ?

R : [rires] Alors là… La première chose que je fais direct : j’appelle Daft Punk, je fais la moitié de l’album avec eux ! J’inviterais aussi Breakbot, ils sont très très forts. Je dis ça en vrac : j’aimerais bien travailler avec Rihanna, Booba, Lil Wayne pour le kiff, parce qu’il a giflé tout le monde quand il a sorti Tha Carter II, Drake, et… Maroon 5. J’ai pas envie de rester dans le hip-hop. Si on me donne quelque chose de big, autant faire quelque chose que j’aime vraiment, des choses entre la pop, le rap et l’électro.

A : Ton futur projet ?

R : Since 1985 / I @m… Mr Beats. Je vais peut-être lâcher un morceau d’ici février. Un premier teaser est disponible sur le YouTube de Golden Eye Music, « H@y Baby ». J’ai déjà quatre titres d’enregistrés, sur lesquels j’ai eu de bons retours. Je n’ai pas envie de donner trop de détails pour le moment, parce que j’ai envie d’arriver avec l’effet de surprise, de prendre les gens à contre-pied. Ce sera juste du pur Richie ! 

A : Ta playlist du moment ?

R : Mike Posner – « Wonderwall »
Jay-Z & Kanye West – « Murder To Excellence »
OrelSan – « Mauvaise Idée »
T-Pain feat. Lily Allen & Wiz Khalifa – « 5 O’Clock »
Tabi Bonney – « Parachute »
Wale – « Bait »
Wale feat. Miguel – « Lotus Flower Bomb »
Calvin Harris – « Feel So Close »
Skream – « Anticipation »
Drake – « Camera »

A : Pour ton dernier album, Oui, je le suis, tu avais commencé par diffuser un teaser du clip et morceau « L’allumeur de mèche. » Au final, le clip n’est jamais sorti. Que s’est-il passé ? 

S : Il y a eu des désaccords autour de la production de ce clip entre mon équipe et le label. On n’a pas réussi à joindre les deux bouts, et du coup on n’a jamais sorti le clip. Ce qui était véhiculé en images n’était pas du tout ce qui avait été écrit dans le synopsis. Même si le teaser était pas mal, on a demandé des modifications qui n’ont jamais été prises en compte. Du coup, on a préféré ne pas prendre le risque de sortir un clip qui n’était pas en adéquation avec mon image.

A : Le relatif retard dans la sortie de l’album vient justement de ces problèmes ?

S : Non, pas spécialement. Je ne suis jamais vraiment arrêté sur le fait de sortir un clip pour enchainer sur l’album. Tu as des artistes qui veulent sortir trois-quatre clips avant l’album. Ça n’est pas du tout ma conception des choses.

Les négociations de contrats autour de l’album et tous les aspects liés au business m’ont pris beaucoup de temps. En fait j’ai commencé à enregistrer l’album, et j’ai été arrêté pour me concentrer sur les négociations. Je n’ai repris que lorsque les négociations étaient terminées.

En plus de ça, j’ai eu pas mal de contraintes personnelles. On a beaucoup vadrouillé pendant quatre-cinq ans et, du coup, on s’est peu occupé de la famille. C’est un peu comme lorsque tu tombes malade, parfois ça peut être un bien, dans le sens où ton corps rejette les microbes. Ça m’a permis de prendre un peu de recul et de gérer les à-côtés.

« Les gimmicks font partie de mon identité, comme le Ruskov, Molotov, le « clac-clac » du chargement. »

A : On sent que tu portes un soin très particulier à ton image. C’est particulièrement marquant sur tes clips, très chiadés, je pense notamment à celui de « Molotov 4 » ou à « Turbo ».

S : C’est important pour nous. On est une équipe à travailler dessus. Il y a Fouad, le photographe [NDLR : Fall Design], avec qui je bosse depuis le début, mais aussi Nathalie Canguilhem qui a réalisé les clips notamment de « Molotov 4 » et « Turbo. » On veut soigner l’image. En sachant que j’ai une image assez distincte des autres. J’ai toujours la casquette baissée, visière plus ou moins sur les yeux. J’ai aussi un code couleur bien précis, avec du noir et du rouge régulièrement. J’ai toujours plaisir à bien présenter, à ma manière, avec des sapes, des casquettes différentes sur les plans. On est assez minutieux sur toutes ces petites choses. Ça permet aussi à un artiste d’avoir ses particularités.

A : Un de tes traits marquants, c’est aussi ton utilisation régulière de gimmicks. Quelles sont tes inspirations à ce niveau ? 

S : Les gimmicks font partie de mon identité, comme le Ruskov, Molotov, le « clac-clac » du chargement. Quand j’ai fait un morceau comme « La vie qui va avec », ça a lancé une donne et ces gimmicks ont inspiré beaucoup de gens.

A : Les titres de tes albums sont tous inspirés de répliques de New-Jack City. C’est un film qui t’a particulièrement marqué ?

S : [Grand sourire] Bien sûr, ce film, il m’a carrément traumatisé. L’histoire relate exactement le contexte dans lequel on pouvait être à l’époque. On était en quête de réussite, d’argent, en famille nombreuse, avec des petits frères qui nous regardaient et nous considéraient comme des références. Sans s’en rendre compte, il pouvait nous arriver de dévier et, du coup, de les emmener dans nos défauts et dans des situations compliquées. New-Jack City, c’est G-Money qui idolâtre son frère Nino Brown. En même temps, ils n’ont aucune autre attache qu’eux deux. Les deux essaient d’évoluer et Nino voit la montée de son frère comme une concurrence, et il attend la moindre erreur pour l’exécuter.

Je me suis dit que notre situation, même si elle n’était pas aussi dramatique, était relativement similaire. « Suis-je le gardien de mon frère ? Oui, je le suis » c’était aussi la formule qui leur permettait de se rassurer et de se retrouver. À la fin, au moment de l’exécuter, Nino lui demande : « suis-je le gardien de mon frère ? » C’était aussi une façon de lui dire qu’il faisait une connerie. Il lui répond en lui disant « oui, je le suis« . Et il l’élimine. Le paradoxe il est bien là.

J’ai poussé un peu la réflexion à partir de là, et je me suis dit que la question qu’il aurait fallu se poser, c’était plutôt « Qui suis-je ?« . Pour se remettre en question avant de faire ce genre de conneries. Se poser la question sur nos origines et notre parcours c’est se demander quelles sont tes valeurs et tes motivations. J’ai aussi essayé de m’aguerrir à travers des débats, des rencontres. Tout ça m’a permis d’avoir une vision sur les leaders d’opinion, l’influence des textes et de l’image. Avoir différentes visions, ça m’a aussi permis de comprendre l’impact que pouvaient avoir certains artistes sur le public.

Oui, je le suis c’est l’affirmation de l’identité. Aujourd’hui, les jeunes originaires de certains pays ont tendance à rejeter leur identité française. Ils se rallient à leurs pays d’origine et rejettent leur citoyenneté et leurs droits. Oui, je le suis c’est une façon d’affirmer qui on peut vraiment être. On ne devrait pas avoir de complexes à avoir une carte d’identité française et la citoyenneté qui va avec. J’aime faire passer ce type de messages aux jeunes et ça me semble important. Il y a des lacunes et des problèmes mais il ne faut jamais rejeter qui on est véritablement. Cette double-culture elle t’apporte beaucoup, c’est une vraie richesse à conserver.

« Aujourd’hui, on communautarise des genres et on en popularise d’autres. »

A : La notion d’identité est un élément fort dans toute ta discographie. En parallèle, tu as vécu des évènements marquants, et parfois une exposition au grand public, comme lors des victoires de la musique. Remporter Les victoires de la musique, ça t’a ouvert des portes ? Est-ce que ça t’a aussi mis une certaine forme de pression supplémentaire ?

S : Aucune pression, non. La pression, c’est autre chose. Et je n’ai même pas atteint le quart de mes objectifs. La victoire de la musique c’était juste une étape.

A : Quels sont tes objectifs alors ?

S : Je veux développer l’entertainment, l’artistique, le merchandising. Je considère que les artistes sont comme des multinationales. Ils peuvent se mettre au même niveau que des footballeurs de renommée.  Et pour certains d’entre eux, ils sont encore plus célèbres. Aujourd’hui, les joueurs de foot sont des holdings à eux tout seuls.

À mes yeux, un artiste doit aussi pouvoir remplir des stades, faire des tournées, et garder une identité artistique. Les médias doivent comprendre que certains artistes peuvent toucher un public plus large qu’ils ne pensent. Ils doivent faire avec nous. Parler de variété c’est parler de diversité, de genres différents. Pourtant quand on regarde ce qui compose la variété, on va distinguer deux-trois genres qui se battent en duel. Aujourd’hui, on communautarise des genres et on en popularise d’autres. C’est fait selon l’envie des médias mais pas selon l’envie du public. Il y a un paradoxe entre ce que mettent en avant les programmateurs et ce que le public peut demander. Mon combat il est aussi là.

A : Ce que tu décris rappelle l’émission spéciale de Taratata autour du rap. Pourquoi faut-il faire une émission unique autour du rap, et non l’intégrer régulièrement sur des plateaux musicalement éclectiques ?

S : C’est exactement la question que je me peux poser. J’avais été chez France Inter peu après Les victoires de la musique. C’était dans l’émission de Stéphane Bern. Le mec, je ne le rencontre pas, il ne me dit même pas bonjour. Je me demande souvent qui sont les autres invités des émissions où je peux me rendre. Ça permet parfois de comprendre de quelle manière l’émission a été pensée. L’autre invité c’était Oumou Sangaré, une grande artiste africaine que j’aime beaucoup. [Silence]. Nous rassembler comme ça, ça m’a amené à penser qu’ils considéraient que le rap c’est un peu comme la musique africaine : ça représente l’Afrique. Je ne suis pas contre ça, mais l’intention prise pour monter ce plateau était trop machiavélique. Il n’y avait aucune envie de confronter les genres, d’apporter un peu de diversité.

Ceux qui divisent, ce ne sont pas les artistes. Je ne taperai jamais sur la pop, le rock ou la variété.  J’ai rencontré les BB Brunes, on se dit bonjour, on se parle. C’est la même chose avec William Baldé ou Pep’s. Pep’s est déjà venu ici [NDLR : l’interview a lieu au studio G8] on a écouté nos morceaux respectifs. On est des êtres humains, on se rencontre, on discute de beaucoup de trucs, on a même des idées en commun.

Aujourd’hui, on devrait essayer de sortir tout ça. Pour se faire, il faut assumer le patrimoine musical français. Avec tout ce qui le compose, la pop, la variété, le rock mais aussi le hip-hop. En France, tu as l’impression que le rap est représentatif des émeutes de 2005. Il représente uniquement la banlieue. Même si c’est vrai qu’il y a des jeunes qui se laissent aller et font des conneries – comme partout – ça me semble important de donner d’autres connotations au rap. Même à l’époque des Brassens, les artistes étaient très contestataires. « Gare au gorille » ça ne fait pas écho aux gorilles des zoos. Ce sont les gorilles qui viennent te casser les couilles dans la rue, te font des contrôles incessants.

A : Parmi les rencontres fortes, on a l’impression qu’il y a eu un gros feeling avec Tricky.

S : Je connaissais déjà bien Tricky avant de le rencontrer. Je le connaissais via Massive Attack mais aussi par le cinéma, j’avais vu Le cinquième élément. C’est un très grand artiste. Quelqu’un qui peut passer du trip-hop, au hip-hop, puis au rock ou au trash. Il a toutes ces cultures, il n’a aucun frein. Cette rencontre, elle m’a marquée et on a gardé un bon feeling. Quand il passe par Paris, on se voit. On a même fait un morceau ensemble, il ne l’a jamais sorti mais il doit l’avoir. C’est un truc qu’on a fait de façon très improvisée, et le morceau il est propre.

A : Aujourd’hui, tu es reconnu comme un artiste solo de la scène rap français. On sent cette année un gros retour des collectifs comme L’Entourage, La Fronce,  est-ce que ça te parle ?

S : Ça me plait beaucoup. À la base, je viens moi aussi d’un collectif de quatre artistes: NCC. A un moment, on était dans un mode assez individualiste, il restait bien quelques binômes comme Tandem mais il y en avait de moins en moins. J’espère juste que ça va tenir ces élans collectifs, vu que quand on est beaucoup, il y a beaucoup d’humeurs et d’états d’âme à gérer. D’un point de vue business, on a aussi vu par le passé les conflits que ça pouvait créer.

A : Tu as envie, toi aussi, de mettre au premier plan un retour à un collectif ?

S : Bien sûr, j’ai envie de faire un album G8, comme je veux faire l’album avec NCC. J’ai toujours cet esprit d’équipe qui me donne envie de tenter une aventure avec le groupe. Je pense que ça va arriver bientôt tout ça.

A : Tu as joué de la batterie pendant des années, c’est un truc que t’as arrêté ? 

S : J’ai joué tous les jours pendant deux-trois ans. J’ai des bases. Mais après, la batterie, c’est comme le sport. Ça demande de la continuité.

A : Jouer de la batterie, ça t’a aidé dans ton approche de la rythmique du rap ?

S : Ça m’a énormément aidé. Il y a quelques jours j’écoutais du son ici, je repensais à ça. Si je n’avais pas joué de la batterie, peut-être que je n’aurais pas eu cette oreille très minutieuse sur la rythmique.

« Je suis en constante compétition avec moi-même. »

A : Tu es aussi connu pour l’intensité de tes concerts. Ça fait d’ailleurs écho à ce que tu disais tout à l’heure sur l’importance d’être un artiste polyvalent, du studio à la scène.

S : Moi, je viens du football. On m’a appris à être fort du plus mauvais pied. Si t’es gaucher, il faut que ton pied fort ce soit le droit. Et inversement. Si je suis bon des deux pieds, il faut que je sois très fort de la tête. Si je suis un bon défenseur, il faut que je sois un très bon attaquant. Les meilleurs défenseurs ce sont ceux qui attaquent le mieux. Et vice-versa. Tu dois avoir une certaine complémentarité dans ce que tu fais. Tu dois être bon dans tout ce que tu fais.

Je me suis dit exactement la même chose pour ce qui est de la musique. Tu dois avoir une certaine diversité dans ce que tu fais. J’aime bien l’égotrip, les instruments, j’écoute tous les genres de musiques. En même temps, j’ai bossé avec un mec comme Tricky, j’échange avec Pep’s et je vais aussi parler avec un poto qui fait des aller-retour au placard. Quand on fait de la musique, je pense qu’il faut savoir toucher un peu à tout, connaître d’autres genres, et savoir écrire des messages très poussés ou faire de l’égotrip.

A : Tu as des méthodes particulières pour l’écriture ?

S : J’imagine beaucoup les constructions dans ma tête. Je pars sur un format classique de seize mesures et j’essaie de partager les mesures avec les différentes idées que je veux développer. Je prépare ça dans ma tête et ensuite je me mets à l’écriture. Ça m’est arrivé parfois d’écrire des textes forts en l’espace de quarante-cinq minutes.

A : Pour une partie du public, tu n’as pas la réputation d’être un grand lyriciste. Comment tu vis ça ? Ça te vexe ?

S : Déjà, je ne me définis pas comme un grand lyriciste. Je sais que je n’ai pas de lacunes dans l’écriture. Si je dois développer des thématiques, je sais le faire. Ceux qui me définissent comme tels, je pense qu’honnêtement, ce sont des gens qui n’ont pas écouté mes albums. Ceux qu’ils l’ont vraiment fait, ils savent que j’ai du fond et de la forme.

A : « Molotov 4 » a touché un public très large : de la rue, aux hipsters en passant aussi par le grand public. Tu avais imaginé ce type de succès ?

S : Je ne suis jamais surpris de l’impact de mes morceaux. Je fais mes morceaux du mieux possible, je mets du cœur à l’ouvrage. Après l’impact d’un titre ça reste très aléatoire. Quand j’ai sorti Molotov 4 il a été pas mal critiqué au début. Pas mal de gens ne comprenaient pas le son et les gimmicks dedans. Je m’en souviens de tout ça.

A : Le morceau « Fuck Sefyu » sur ton nouvel album, c’est aussi une réaction à ces critiques ?

S : Non, « Fuck Sefyu » c’est vis-à-vis de moi-même. C’est quelque chose que je me répète tout le temps. Je suis en constante compétition avec moi-même. Je me dis qu’il faut que le titre du lendemain soit plus fort que celui de la veille. Avant les critiques des autres, je me critique déjà tout seul. J’essaie de me remettre en question. Je fais un morceau comme « Molotov 4 » ou « Turbo », ensuite je passe à autre chose.

A : Tu attends quelque chose en particulier pour ce nouvel album ?

S : J’attends de partir sur scène, de faire beaucoup de concerts et de rencontrer les gens. Ça me manque tout ça. J’ai besoin de ces rencontres. Voyager et défendre un album sur scène c’est essentiel à mes yeux.