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Réputé pour son sens des affaires, haï pour à peu près tout le reste, Sean « Diddy » Combs fait partie des éternels indéfendables du rap. Même ses réussites artistiques les plus évidentes – de la quasi-invention de Notorious B.I.G. à l’identité donnée au label Bad Boy – n’ont pu donner la moindre crédibilité à sa carrière de rappeur, lancée en grandes pompes à la mort de son protégé.
Homme aux sobriquets changeants, Puff Daddy est un as du marketing reconverti en Narcisse, un excentrique de presse people qui se fait écrire ses textes. Il est donc disqualifié sur tous les critères habituels de qualité pour le rap. Pourtant, à chaque morceau, une pensée paradoxale s’impose : Puffy n’est pas censé être là mais il déchire quand même. A la fois D.A. et interprète, tête d’affiche et hypeman, marionettiste et pantin, Puffy est un électron libre unique en son genre : avec lui, un simple back, quelques mesures d’intro ou un hurlement spontané ont une valeur égale à la plus sophistiquée des punchlines. Alors que No Way Out, son premier album (classique ?), fête aujourd’hui ses quinze ans, voici donc notre hommage à Sean Combs, Roi de l’incruste et entertainer-né.

Supercat ft. Mary J. Blige, Jesse West, Puff Daddy & Notorious Big « Doll My Baby Remix » (1993)
Jeune D.A impétueux de Uptown Records, Sean Combs s’incruste sur ce remix pour un couplet qui le voit déjà utiliser le sobriquet Puff Daddy. Et c’est une catastrophe. S’il met déjà en valeur le jeune Biggie Smalls (qui rappe juste après lui), c’est par défaut : Puffy apparaît comme un rappeur amateur, un showman mal dégrossi qui prend un vague accent jamaïcain pour se donner une contenance et enchaîne les rimes de fonds de catalogue. Les seize mesures les plus laborieuses de sa grande carrière. En 1993, il fallait l’admettre : Puffy n’était pas encore tout à fait prêt pour la lumière.

The Notorious B.I.G. « Suicidal Thoughts » (1994)
Même si on sent qu’il a envie de squatter le micro, la place de Puffy dans Ready to Die n’est pas très claire. Il joue aussi bien un intrus dans le manoir de Biggie (« Warning »), un flambeur un peu trop entreprenant (un interlude de « Big Poppa ») ou, plus symboliquement, le médecin qui met Christopher Wallace au monde (« Intro »). Son intervention est en revanche essentielle dans « Suicidal Thoughts ». Alors que Biggie confesse son envie de se faire sucer au Paradis, Puffy y joue le bon copain réveillé en pleine nuit, le confident qui s’affole et qui ne peut rien faire à part écouter, jusqu’au drame. Sa présence et ses quelques réactions en backs permettent ainsi de souligner l’extraordinaire finesse de l’écriture, avec un Biggie à mi-chemin parfait entre la narration cinématographique et l’art de la conversation. Alors, certes, sur la fin, Puffy en fait un poil trop dans les réactions outrées. Mais bon, c’est Puffy, hein.

The Notorious B.I.G. « Hypnotize » (1997)
Principalement concocté par plusieurs générations de Hitmen (D.Dot, Young Lord), « Hypnotize » doit peu à Puffy producteur. En revanche, Puffy backeur brille tout au long des 48 mesures de prouesses techniques de Biggie. A la fois discrets et omniprésents, imbriqués dans les rimes de Biggie, les backs de Puffy rendent palpable la grande complicité artistique qui les liait à l’orée de 1997. La combinaison fonctionne tellement bien que Puffy ne lâchera pas les backs de Life After Death, apparaissant, d’une manière ou d’une autre, sur 16 des 23 titres. Oui, il faut s’y faire : Life After Death est aussi un peu son album.

The Notorious B.I.G « Long Kiss Goodnight » (1997)
Sur la version originale, c’est Cappadonna qui braille dans les backs. Puffy a effacé la voix de ce dernier pour y coller ses propres imprécations suraiguës. Commentant la guerre Bad Boy / Death Row, le producteur nargue ses rivaux, braille et frôle les menaces, bien à l’abri derrière les larges épaules de Biggie. Il trouve quand même la phrase définitive qui résume la position de Bad Boy à l’époque : « I can’t hate you ’cause it’s not in my nature to hate you. » Ad-lib impérial : la haine est pour les faibles et Puffy est un seigneur.

Puff Daddy ft. The Notorious B.I.G & Busta Rhymes « Victory » (1997)
Ce qui compte, ce ne sont pas les cris de perroquet sous amphets de Busta Rhymes. Ce n’est pas non plus cette équation délicieuse d’un Biggie au sommet (« Rhyme a few bars so I can buy a few cars »). Ce qui importe c’est Puffy, partout de l’intro au deuxième couplet de Biggie, initialement écrit pour lui. Jusqu’à cette outro à la détresse aussi poignante que cabotine, enregistrée juste après la mort de Biggie : « It’s all fucked up now ! What Im a do now ? Huh ? It’s ALL FUCKED UP NOW. » Un cri du cœur que nous pouvons tous, à un moment ou à un autre de notre vie, reprendre à notre compte.

Ma$e « Puff’s Intro » (1997)
La mise en scène hollywoodienne des albums de Biggie en atteste : Puffy était à la grande époque Bad Boy un excellent planteur de décor. Prenez la « Puff’s intro », qui ouvre le premier album de Ma$e : sur un gros sample d’Isaac Hayes, la voix-off nonchalante de Puffy ne fait pas grand-chose, à part marmonner un début de biographie pour son protégé. Et pourtant on y est : c’est bien un album Bad Boy™ qui commence. Une petite leçon de direction artistique, doublée d’un sens aiguisé du packaging.

Nas ft. Puff Daddy « Hate Me Now » (1999)
Spectaculaire mais paresseuse, symbolique mais anecdotique, la collaboration Nas/Puffy reste quand même le titre définitif pour illustrer les excès du rap à la fin des années 90. Carmina Burana, pyrotechnie, couronne d’épine et manteaux de fourrure : le morceau et son clip forment un condensé de vulgarité virtuose, centré sur une équation ultime énoncée par Puffy : « You can’t hate me now, but I won’t stop now, ’cause I can’t stop now. » S’il fallait marquer au carbone 14 l’instant où le cœur pur du Vrai Hip-Hop a cessé de battre (rappel : Puffy est le Diable), c’est à 3’26, dans le clip, quand, posé sur un canapé, il crache sa gorgée de champagne face caméra, l’air de rien. Afrika Bambaataa en tremble encore.

Puff Daddy ft. Shyne, G-Dep, Cee-Lo, Busta Rhymes, Sauce Money & Redman « Reverse » (1999)
Shiny Suit Era. Ce moment où le costard a remplacé le baggy, et où le crate digging a laissé place aux samples populistes. Contre toute attente, cette époque haïe dont Puffy fut le commandant en chef a de beau reste. Quinze ans après, les morceaux ont pris de l’âge, mais ils n’ont pas vieilli pour autant. Les samples 80’s sont enfin devenus vintage (bon, peut-être pas celui-ci), et sur les titres plus rugueux, le mix rutilant des ingénieurs Bad Boy a agi comme un couche protectrice contre l’usure du temps. Dans le mésestimé Forever, seule la pochette a pris une vrai coup de vieux. Pour le reste, Puffy passe plus de temps à faire des morceaux hors-format qu’à chercher le hit. Ainsi, en 1999, Puffy enregistrait « Reverse » : zéro refrain, une boucle d’une mesure et cinq minutes de rap avec Shyne, G-Dep, Cee-Lo, Busta Rhymes, Sauce Money et Redman. Oui, sous le costume qui brille battait un cœur de puriste.
« À chaque morceau, une pensée paradoxale s’impose : Puffy n’est pas censé être là mais il déchire quand même. »

Bad Boy All Stars « Where’s Sean » (2001)
Faire-valoir éternel de rookies qui rappent mieux que lui, Puffy est le seul hype-man de l’histoire du rap à se faire plus d’argent que la vedette. En ce sens, il n’a jamais été mieux dans son rôle que dans The Saga Continues, album au postulat vieux comme Bad Boy : un blindé et dix crevards qui font semblant d’être aussi blindés que lui, partagent avec nous des flashes d’un quotidien glamour, entre rêve et réalité. Dans « Where’s Sean », toute la clique de l’époque cherche le patron pendant tout un morceau. Son arrivée à la fin donne bien la mesure d’un mec qui n’a jamais eu de mal à partager le spotlight, du moment qu’il reste bien au milieu de la lumière.

P.Diddy ft. Black Rob & Mark Curry – « Bad Boy 4 Life » (2001)
« Don’t worry If I write Rhymes, I write checks. » Encore aujourd’hui, on a du mal à prendre la mesure de cette rime qui envoyait bouler les valeurs ancestrales du hip-hop (authenticité surjouée, lyricisme à tout crin) au profit d’un capitalisme tout puissant et d’un culte des apparences. Auteur ou non de cette rime, Puffy en est l’initiateur et l’incarnateur éternel. Et si aujourd’hui, le faux dealer / vrai maton Rick Ross peut encore se pavaner torse nu dans les clips et envoyer se faire foutre la crédibilité, eh ben c’est un peu grâce à Puffy.

G-Dep ft. P. Diddy « Special Delivery » (2001)
Discipline vénérable, l’intro de producteur est un art qui semble avoir été inventé uniquement pour Puff Daddy. Dans « Special Delivery », il livre l’une des meilleures pires performances du genre. Son monologue de Monsieur Loyal commence d’une manière relativement cordiale (« I go by the name of P Muthafuckin’ Diddy »), s’emballe vers la 33ème seconde pour laisser place à une série aléatoire de poses mégalo et d’hurlements convulsifs. Au bout d’une minute 17, quand G-Dep a finalement la chance de commencer son couplet, on croirait qu’il entre sur une scène saccagée par le propriétaire des lieux.

B2K ft. P.Diddy « Bump Bump Bump » (2002)
Le fabuleux gimmick qui constituait l’intro de « Who Shot Ya » trouve ici une seconde vie, combiné aux roucoulements de B2K. Le résultat est vertigineux : tout en dévoyant une partie de l’héritage de Biggie, Puffy semble nous dire que tous les hits se valent au royaume de MTV. Quoiqu’il en soit, Puffy assure le job, et en plus, son couplet (sûrement écrit par Loon) est très bon.

Mario Winans ft. P.Diddy & Enya – « I Don’t Wanna Know » (2004)
Justement, grâce soit rendue à Loon qui a su rendre Puffy plus précis techniquement, mieux calé et toujours aussi désinvolte. Écrivant les couplets de Sean comme si c’était les siens, Loon a fini par se faire voler sa place plusieurs fois de suite. Appâté par un sample racoleur (« Boadicea » du groupe Enya, déjà utilisé par les Fugees), Puffy a senti le succès et a réenregistré le couplet de son protégé à la va-vite, contribuant à faire de ce chant de ralliement des cocus dans le déni un petit tube de l’été 2004.
P.Diddy feat G.Dep & Black Rob - « Godfather » (2005)
En 2005, Puffy se cherche. Il ne sait pas encore s’il veut faire tout un album street-credible avec ses vieux poulains (G-Dep & Black Rob) ou bien les lourder pour aller rapper avec des pop stars. Sorti pour prendre la température, ce street single n’a fait aucune vague. Il est pourtant très agréable. Poisseux comme un morceau de mixtape sur cassette, il sample le générique du Parrain et enchaîne les egotrips sans prétention. Mais alors, qu’est-ce qui le rend spécial, hein ? Tout simple : Puffy. Alors que Jay-Z l’a éclipsé comme black self-made-man et qu’une nouvelle génération joue des coudes (le roi du Sud T.I en tête), il trouve la formule qui passera sûrement à la postérité à son sujet : « So Many Kings… One Godfather. » Simple et définitif. Et on est persuadé que cette fois-ci, ses ghostwriters n’y sont pour rien.

Notorious BIG ft. Jay-Z – « Watchuwant » (2005)
L’omniprésence de Puffy sur les chansons de Biggie a un avantage : elle lui permet de jouer les gardiens du temple sur les morceaux posthumes. Grâce à sa présence, même un morceau incertain comme « Nasty Girl » (avec Nelly et Jagged Edge) apparaît comme une hypothèse crédible de la carrière que Biggie aurait pu mener. Dans « Watchuwant », Puffy fait l’impossible : en un interlude, il assure la transition entre le jeune Biggie de 1992 et le Jay-Z maître du monde de 2006. Ainsi, il lui suffit de trois exceptionnelles banalités (« Ladies and gentlemen… Two of the world’s greatest ! ») pour que la jonction se fasse. Grâce à lui, quinze ans disparaissent en un clin d’œil. Anecdotique dans le morceau, Puffy y apparaît néanmoins à la meilleure place : au croisement des époques.

Diddy « The Future » (2006)
La version rap de Phantom of the Paradise : Diddy qui commande deux couplets à un rappeur estimé (Pharaohe Monch), lui emprunte tout ce qui constitue son identité artistique (positionnements rythmiques, variations de ton, schémas de rimes compliqués) pour en faire une contrefaçon parfaite. Difficile de savoir si Puffy fait là un caprice ou s’il joue avec son image de producteur-vampire, mais peu importe : c’est justement ce flou artistique entre l’intention et le symbole qui fait toute la réussite de la performance.

50 Cent ft. Diddy & Jay-Z « I Get Money (Forbes 1 2 3 Remix) » (2007)
Parfois, quand Puffy rappe, le plaisir est tempéré car on ne peut s’empêcher de penser à l’armée de talents qu’il a fallu convoquer pour faire tenir sa performance. Dieu merci, il existe bien un titre qui annihile cette impression désagréable : le remix de « I Get Money ». Diddy y est intouchable car le thème du morceau – les trois rappeurs les plus riches parlent du fait d’être les trois rappeurs les plus riches – est pour lui un boulevard royal. Fermement vissé au podium, Puffy peut traverser son couplet en roues arrières, faire rimer « Jennifer Lopez » et « Saint Tropez » tout en rappelant qu’il faisait déjà la couv’ de Forbes en 1994. Tendez l’oreille et vous entendrez presque les grincements de dents de Jay-Z et 50 Cent.

Booba ft. P. Diddy « Caesar Palace » (2010)
Attention, cas d’école. Booba a eu le bon goût de reconnaître le talent de Puffy dans le domaine de l’intro interminable mais au final, ça le dessert : les 40 premières secondes constituent une telle montée en puissance que l’arrivée de Booba passe pour un trou d’air. Son « Fuck Domenech » volontairement balourd tombe même complètement à plat. Cela aurait sûrement été un peu mieux si Puffy était resté durant tout le morceau pour lâcher quelques « Take That, take that » entre deux dédicaces au 92i mais ne nous faisons pas d’illusions : il était sûrement déjà remonté dans son jet privé avant même la fin du premier couplet.

Diddy Dirty Money ft. Drake « Lovin’ You No More » (2010)
Les ghostwriters de Puffy sont quand même des marrants : quand ils ne font pas dans la méta-blague magistrale (cf « Bad Boy 4 Life »), ils placent dans ses refrains des énormités dont l’ironie ne peut pas complètement lui échapper. Prenez la phrase centrale de « Lovin’ you no more », extrait du concept-album sentimental Last Train To Paris. « I love you more than I love myself. » Quelle meilleure déclaration d’amour pouvaient-ils trouver pour Puffy ? La phrase résume tout le personnage, et elle fonctionne à tous les degrés : au premier, elle est terrifiante de mégalomanie. Au second, elle est géniale d’auto-dérision.

Bugatti Boyz « Another One » (2010)
L’amitié Rick Ross / Puffy fait partie de ces rencontres évidentes comme seul le destin sait les provoquer. Champions du cabotinage, esthètes de la débauche, les Bugatti Boyz pourraient être toxiques l’un pour l’autre. La complémentarité de leur duo est pourtant évidente. Dans « Another One », la magie du ghostwriting les fait ressembler à deux jumeaux qui se retrouveraient enfin après avoir été séparés à la naissance. Plus étrange : l’écart générationnel entre les deux est à peine perceptible. L’arrivée de Rick Ross dans la carrière de Diddy agit ainsi comme un révélateur : en vingt ans, Puffy n’a toujours pas vieilli, comme si son statut de semi-rappeur l’avait immunisé contre les rides. Et si c’était lui, le Tom Cruise du rap ?
Parmi les grands noms de la production qui ont émergé entre la fin des années 90 et le passage au nouveau millénaire, Rockwilder était l’égal des Timbaland, Swizz Beatz et autres Neptunes. De son vrai nom Dana Stinson, son pseudo était une valeur sûre dans les crédits des albums mainstream. Il avait une marque : un son immédiatement efficace, synthétique, clinquant, électrique, appuyé par des rythmiques basées sur des hi-hat joués tous les quarts de mesure (en noire) plutôt que tous les huitièmes (en croche).
Si son nom apparaissait déjà sur les premiers Redman, les deux albums d’Organized Konfusion ou encore le When Disaster Strikes de Busta Rhymes, c’est à partir de 1999 et « Da Rockwilder » pour Meth et Red que Rock est devenu l’un des hommes forts de la production U.S.. Une bonne cote qui l’amènera à produire des gros cartons pop, dont l’incontournable reprise du « Lady Marmalade » de LaBelle par Mya, Pink, Lil Kim et Christina Aguilera, pour lequel il a même remporté un Grammy Award.
Pourtant, contrairement à ses collègues précités, Rock a disparu du radar. Depuis 2005, il réapparait ici et là, sur des albums de Redman bien sûr, mais aussi Kelis, Beanie Sigel, ou 50 Cent. Il a également ouvert un marché virtuel de beats ou a pensé un temps à passer au rap chrétien (il a été élevé par une mère ministre). Peut-être a-t-il été emporté par le lent déclin des scènes du Nord Est. Peut-être n’a-t-il pas réussi à faire évoluer son son assez significativement pour survivre aux nouvelles modes et tendances. Quoi qu’il en soit, il aura marqué la production rap en l’espace de quelques années d’intense activité. Voici une flopée de ses instrumentaux les plus marquants.
25. Big Pun – Super Lyrical (ft. Black Thought) Capital Punishment, 1998
Des prods pré-« Da Rockwilder », « Super Lyrical » pour Big Pun représente en quelque sorte un pont entre les deux sons qu’a développé Rock dans sa carrière. L’instru renvoie à ses premières œuvres, avec son beat classique et ses nombreux samples. Mais sa rythmique sèche et surtout sa basse électrique annoncent le changement de son qu’il allait proposer pour les années à venir.
24. Redman – « How U Like Dat » (ft. Gov Mattic) Red Gone Wild, 2007
Même si sa participation était minime comparée à celle d’Erick Sermon, de Dare Iz A Darkside à Reggie, Rockwilder a toujours été présent sur les albums du patron du New Jersey. Et il a souvent servi des compositions sur-mesure pour Red. La preuve avec ce « How U Like Dat » et sa basse grasse et poisseuse, digne de Bootsy Collins.
23. Nate Dogg – « I Got Game » (ft. Snoop Dogg et Armed Robbery) Nate Dogg, 2003
Une autre particularité de Rockwilder a été son affection pour les cordes jouées pizzicato. Habituellement placées en détail mélodique sur ses instrus, il en a fait la base du « I Got Game » de Nate Dogg. Le résultat est excellent, tout en nonchalance et en musicalité, résumant le caractère du crooner de l’ouest.
22. Ice Cube – « $100 Dollar Bill Y’All » Greatest Hits, 2001
Inédit placé sur son Greatest Hits, « $100 Dollar Bill Y’All » fut le dernier single de Ice Cube avant son retour en 2006 avec Laugh Now, Cry Later. Quoi de mieux pour garder la forme que de poser sur une composition d’un producteur à la mode de l’époque. Rock a livré pour O’Shea Jackson un beat moins clinquant que d’accoutumée mais tout aussi percutant grâce à l’alliance entre une basse bourdonnante et des sons de claves.
21. Method Man & Redman – « Cisco Kid » (feat. Cypress Hill) How High O.S.T., 2001
C’est sans doute avec Redman et Method Man que Rockwilder a le plus expérimenté. Sur la bande originale de leur film déjanté et enfumé How High, il a sorti ce « Cisco Kid » reprenant un sample du groupe de latin-funk War. Un instru plutôt laidback et à part dans la carrière de Rock, quand sur la même B.O. son pote DJ Twinz copiait son style avec son « America’s Most ».
20. Fabolous – « Get Right » Ghetto Fabolous, 2001
Le premier album de Loso était symptomatique de l’air du temps du début des années 90, avec ses singles produits par les Neptunes et Timbaland… et sa livraison de Rockwilder. Une prod de club épileptique et bouncy à souhait, dont Sulee B. Wax avait repris l’esprit en 2002 pour le « Monsieur Qui ? » de Lino, en la transformant en égotrip musclé et violent.
19. LL Cool J – « Imagine That » The G.O.A.T. (Greatest Of All Times), 2000
Premier single du dernier très bon album de James Todd Smith (merci DJ Scratch), « Imagine That » détonne au premier abord en ouverture d’un album aussi musclé. Mais smooth et virile à la fois, mélangeant gémissement féminin, roulette de revolver et gimmick de guitare funky, la composition de Rock était idéale pour que Cool James roule encore des mécaniques devant la gente féminine. Irrécupérable, mais ça marche à tous les coups.
18. The Outsidaz – « Keep On » The Bricks, 2000
S’il fallait trouver une filiation au style de Rockwilder, on pourrait le définir comme une évolution du son d’Erick Sermon. Et s’il fallait le démontrer, « Keep On » des Outsidaz en serait une preuve irréfutable, tant cette prod aurait pu se retrouver sur Blackout!, Malpractice ou Music. Une atmosphère idéale pour kicker comme le faisait si bien le crew de Brick City, ou certains rappeurs hexagonaux invités chez Cut Killer.
17. Prodigy – « Gun Play » (ft. Big Noyd) H.N.I.C., 2000
Même s’il n’avait pas son pareil pour sortir des headbangers juteux, Dana Stinson était avant tout un natif du Queensbridge. Quoi de plus normal qu’il s’essaie à l’essence sombre du Q.B. pour Prodigy sur son premier album solo. On retrouve sur ce « Gun Play » la signature de Rock, avec cette rythmique minimaliste et cette basse futuriste, mais adaptée façon Infamous avec une nappe de violon en fond sonore et un sample inquiétant.
16. Nas – « Everybody’s Crazy » The Lost Tapes, 2002
Bonus track de la version japonaise de Stillmatic, « Everybody’s Crazy » est la énième preuve que Nasir Jones a un énorme problème dans son choix d’instrumentaux. Car la production de Rockwilder aurait mérité une bien meilleure place que certains autres morceaux sur l’album du retour de Nas. Heureusement, il a eu la bonne idée de le replacer sur son catalogue de trésors retrouvés, The Lost Tapes. Bouncy et rugueux, sa rythmique est redoutablement efficace, appuyée par une ligne de basse ronde et quelques claviers discrets, parfaits pour laisser de la place pour le flow de Nas.
15. Rah Digga – « Break Fool » Dirty Harriet,1999
Aujourd’hui dissous, le Flipmode Squad de Busta Rhymes avait une bonne cote à la fin des années 90. Et pas seulement du fait de la popularité de son Général : que ce soit Rampage, Lord Have Mercy ou Rah Digga, les membres de son équipe étaient tous des rappeurs de talent. Party anthem typique de la fin des années 90 (à la « Party Up » de DMX), « Break Fool » de Rah Digga est un morceau à l’énergie incendiaire grâce aux synthés distordus de Rock et ses cordes au refrain.
14. Mystikal – « Oooh Yeah » / « I Get It Started » (ft. Method Man & Redman) Tarantula, 2001
Dernière œuvre en date de Mystikal avant son incarcération, Tarantula est un album sous-estimé et pourtant monstrueux. Au milieu de prods inventives et explosives (dont le génial « Bouncin Back » des Neptunes), Rockwilder a apporté de la matière à la toile du MC le plus fou de la Nouvelle-Orléans avec deux livraisons radicalement opposée mais complémentaire. Si « I Get It Started » (co-produit avec DJ Twinz) est une nouvelle démonstration de son talent pour électriser l’atmosphère, « Oooh Yeah » montre une toute autre facette de Rock, un poil enfumée et détendue mais aussi addictive, avec sa basse chaude, ses claviers étranges et ce gimmick de trompette.
13. 50 Cent – « Like My Style » (ft. Tony Yayo) Get Rich Or Die Tryin’, 2003
Passée l’année 2002 et son Grammy pour la B.O. de Moulin Rouge, Stinson s’est fait plus discret. Mais la discrétion n’empêche pas le flair. En plaçant une excellente prod sur l’album rap de l’année 2003, il s’est assuré de garder un peu de visibilité. Et de quelle manière : son instru pour « Like My Style » est l’un des grands moments de l’album, avec sa rythmique saccadée, et sa composition proche du style d’un autre Rock, Rick Rock.
12. Styles P – « Daddy Get That Cash » (feat. Lil Mo) A Gangster And A Gentleman, 2002
Rockwilder a été l’un des premiers producteurs de la côte Est a totalement laissé de côté le sampling pour passer à la composition pure. Pourtant, il le sait mieux que personne : lorsque l’on trouve un sample qui tue, mieux vaut ne pas le laisser passer. C’est le cas avec cet inspiré « Daddy Get That Cash » pour Styles, rejouant les premières mesures d’un titre du groupe Side Effect. Au passage, admirez l’intro crescendo de l’instru de Rock.
11. Redman – « I’ll Bee Dat! » Doc’s Da Name 2000, 1998
Le capital de sympathie de Redman repose sur des éléments simples : son sens de l’auto-dérision, son humour gras et débile, et son don pour sortir des titres joviaux. « I’ll Be Dat ! », premier single de son Doc’s Da Name 2000, en est l’exemple type, notamment grâce à son clip bordélique. L’instru de Rockwilder épousait à merveille le délire de Reggie Noble, avec sa basse crasseuse, ses tonalités de téléphone toutes les huit mesures, ses discrètes percussions et ce petit son indéfinissable au refrain. Un peu en avance dans la chronologie de Stinson, « I’ll Bee Dat ! » a déjà toutes les caractéristiques du Rock hitmaker de l’après Blackout!.
10. Busta Rhymes – « Make Noise » (feat. Lenny Kravitz) Anarchy, 2000
L’énergie du son de Rock offrait un espace de créativité idéal pour un rappeur comme Busta. Placé en dernière partie d’un album déjà costaud niveau prods, « Make Noise » est probablement l’un des instrus les plus énervés du producteur. Mélangeant sons imitant les riffs d’une guitare électrique à ceux, bien réels, de la gratte de Lenny Kravitz invité pour l’occasion, le résultat est supersonique.
9. Jay-Z – « Guilty Until Proven Innocent » (feat. R.Kelly) The Dynasty : Roc La Familia, 2000
Sacré Jay-Z. Faire tout un foin autour de son procès pour agression sur Lance Rivera en clamant qu’il est innocent, pour ensuite plaider coupable et être condamné à trois ans de conditionnelle… Le tout avec un bon morceau et un clip mémorable. La prod de Rockwilder est sans doute l’une de ses plus épurées, mais aussi une des plus classes : un beat minimal, une ligne de basse entêtante qui s’affole toutes les huit mesures, et des violons épiques au refrain pour accentuer l’abnégation de Jigga face à tant d’infamie.
8. Tha Liks – « Run Wild » (feat. Shae Fiol) X.O. Experience, 2001
Le style enjoué de Rockwilder était fait pour rencontrer le rap hédoniste et joyeusement barré (ou bourré, ça marche aussi) des plus célèbres alcooliques de Los Angeles. Après avoir livré quelques prods sur l’album solo de Tash, les Alkaholiks ont refait appel à Rock pour leur quatrième album, X.O. Experience, plus mainstream que les précédents. Deuxième single de l’album, « Run Wild » est porté par un instrumental entrainant, en dépit d’un beat assez simple. La science de Rock fait encore des merveilles grâce à sa composition ensoleillée et légère, appuyée par le rythme saccadé de ses charlestons.
7. Xzibit – « Front 2 Back » Restless, 2000
D’après Rockwilder, Dre aurait été hors de lui quand il a entendu les bruits d’amortisseurs de l’intro de 2001 utilisé en appui du beat de « Front 2 Back ». Pourtant, ce petit sample rend encore plus évident la filiation entre l’album de Dre et le troisième opus de Alvin Joiner. Placé en ouverture de Restless, « Front 2 Back » donne le ton et constitue plus qu’un hymne west coast, un véritable hommage de Rockwilder au genre.
6. Mos Def, Pharoahe Monch et Nate Dogg – « Oh No » Lyricist Lounge Vol. 2, 2000
Quand Rockwilder fait du RZA version Ghost Dog, ça donne « Oh No », kata exécuté de main de maître par Mos Def, Pharoahe Monch et Nate Dogg. L’association entre le crooner californien et les deux fines plumes de la grande époque Rawkus aurait pu sonner forcée. Mais Rock a livré l’instru parfait pour ce crossover. Moins évidente que d’autres de ses livraisons, la prod de « Oh No » est un petit bijou parce qu’elle seyait parfaitement à la musicalité du chanteur tout en collant à l’esprit new-yorkais des deux rappeurs. Sûrement l’une des dernières percées grand public de Rawkus.
5. De La Soul – « I.C. Y’All » (feat. Busta Rhymes) Art Official Intelligence Vol. 1 : Mosaic Thump, 2000
Pour composer un bon instru, il suffit parfois de trouver la boucle qui tue. En réinterprétant la tuerie funky « Galaxy » du groupe War (encore eux) et en la déposant sur un beat mécanique et brise-nuque, Rockwilder n’a peut-être jamais fait plus minimaliste dans une de ses productions. Mais ce « I.C. Y’All » est d’une efficacité redoutable grâce à ce synthé grésillant, ces cordes pizzicato et ces petits bruitages issus directement du titre des War.
4. Jay-Z – « Do It Again (Put Ya Hands Up) » (feat. Beanie Sigel et Amil) Vol. 3… Life and Times of S.Carter, 1999
Dans la discographie de Jay-Z, Life and Times of S.Carter tient une place toute particulière. Celui de l’album où il prend de l’avance sur la concurrence en se risquant à des choix artistiques plus audacieux. Si on le compare à « Guilty Until Proven Innocent », « Do It Again », premier single de l’album, est un morceau plus difficile d’accès, car sans véritable mélodie. Mais deux détails le rendent plus remarquable dans la carrière de Rockwilder. D’une part, comme le soulignait Cipha Sounds sur le site de Complex, c’est la première véritable club song de Jay-Z. Pourtant, et c’est là le deuxième détail d’importance, l’instru de Rock ne respecte pas le format traditionnel des morceaux de rap. Il est construit sur trois mesures au lieu de quatre, un choix surprenant et sacrément accrocheur.
3. Xzibit – « Release Date » Man vs. Machine, 2002
« Front 2 Back » était un single bélier, adaptation réussie du style de Rockwilder aux normes musicales de la côte ouest redéfinit par le 2001 de Dre. Mais la meilleure production de Rock pour Xzibit (et l’une de ses meilleures tout simplement) est bien moins tape à l’œil. Placé en intro du quatrième album de « Mister X to tha Z », « Release Date » est un instru cinématographique et sombre comme jamais Rock n’en a réalisé auparavant, ni après. Synthés glaçants et riffs de guitare grinçants ont inspiré Xzibit à écrire un de ses meilleurs morceaux.
2. Method Man & Redman – « Da Rockwilder » Blackout!, 1999
C’est avec ce morceau que tout a commencé. « Da Rockwilder » n’aurait dû être qu’un interlude sur le Blackout! de Meth et Red. Il est devenu le meilleur single de l’album. Un peu plus de deux minutes de sons futuristes, de court-circuits mélodiques et de basses lourdes suffisent à comprendre pourquoi « Da Rockwilder » fut un carton. Rock a bien fait d’insister auprès de Redman pour que son instrumental atterrisse sur cet album : tout le monde connaît son nom grâce a ce titre.
1. Redman – « Let’s Get Dirty » (feat. DJ Kool) Malpractice, 2001
La force de Rockwilder est qu’il a toujours su donner un côté accessible à l’énergie du rap dans la composition de ses hits. Si l’on compare son travail à celui de Swizz Beatz à la même époque, le son du producteur des Ruff Ryderz avait une brutalité qu’il n’y a jamais eu chez Rock. A une seule reprise, Rockwilder a lâché toute sa sauvagerie dans un instrumental, son meilleur : « Let’s Get Dirty » de Redman. Intro chaotique, beat minimaliste et tamponneur, synthés joués en deux temps aiguës et graves, pont annonçant la déflagration du refrain : « Let’s Get Dirty » est un condensé de puissance sonique sans aucune véritable mélodie que l’on puisse fredonner, mais que l’on retient immédiatement. En toute démesure, il contient tout ce qui définit le son de Rockwilder. Et le plus formidable c’est qu’il a réussi à produire un autre succès pour Christina en gardant l’essence de ce titre. Jamais son nom n’a pris autant de sens : dur et sauvage.