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Dans la longue histoire du rap marseillais, il fait partie des piliers qui ont su traverser le temps. Avec 30 ans de carrière, un groupe marqueur de la décennie 2000, et une carrière solo qu’il célébrera l’été prochain au Stade Vélodrome, Alonzo est incontestablement devenu un des visages les plus marquants et durables du rap de Marseille. Parce que le natif du Plan d’Aou a su avancer au même rythme que le rap a lui-même évolué. Et aussi parce que, derrière un travail sans relâche, l’auteur de “Finis les” a aussi toujours su retranscrire le sens de la mélancolie et de la fierté qui caractérise sa ville. 

De nombreux accomplissements qui ont poussé la rédaction de l’Abcdr du Son à se déplacer à Marseille pour discuter avec le rappeur en public, chez lui en ville, sur la scène du Makeda pendant 1h30. Celui qui vient de sortir son nouvel album Longue Vie à Nous a ainsi pris le temps de raconter sa jeunesse dans le rap, ses premiers succès musicaux avec les Psy 4 De La Rime, les enjeux rencontrés au moment de se lancer en solo, sa constante adaptation musicale, ainsi que sa place (centrale) dans le rap de Marseille. Un échange riche en souvenirs personnels et musicaux, qui aura permis de rappeler que, malgré le temps passant, Alonzo reste un des visages les plus constants du rap de Marseille.

À RETROUVER DANS CE PODCAST

  • 00:00:00 Introduction
  • 00:01:35 Des débuts collectifs, une discussion avec Manue
  • 00:33:38 S’émanciper en solo, une discussion avec Beufa 
  • 00:58:05 Devenir un 4×4 musical, une discussion avec Brice 
  • 01:15:29 Une figure de Marseille, une discussion avec Brice, Manue, Beufa
  • 01:28:48 Conclusion

DIFFUSION

CRÉDITS

  • Un podcast animé par Brice Bossavie, avec les participations de Manue et Beufa 
  • Enregistré à Marseille au Makeda le 19 février 2025
  • Moyens techniques et réalisation : Paul Goursin
  • Générique : Shkyd
  • Visuel : Jérémy Métral, Camille Damarin
  • Production : L’Abcdr du Son

Zamdane dévoilait ses plaies sanguinolentes sur Couleur de ma peine, son premier album, dans le récit d’un vécu déchiré par l’exil et le deuil. Deux ans plus tard, sur SOLSAD, ses blessures sont toujours visibles et douloureuses mais elles ont cicatrisées. Moins à vif, Zamdane peut sans doute plus facilement se regarder dans les yeux pour accepter son passé, comme en paix avec sa douleur.

Au fil des années, le Marseillais a prouvé ses capacités sur de la trap, tout en énergie (« NTM », « GRRR », « MRS » ft. JMK$). Sur SOLSAD, les mélodies lancinantes endossent le rôle de fil rouge. Son interprétation proche du chant prend le dessus, omniprésente. SOLSAD est une balade en douceur, qui côtoie de sombres abysses mélancoliques (« Monstres », « Stylo magique »), nuancées par des moments d’espoirs lumineux et d’ivresse insouciante (« Audi GT », « Youm Wara Youm »). Sa voix monte très haut à certains moments, comme une douleur aiguë (« Million », « Infini »). Avec « Printemps », Zamdane regarde l’espoir porté par la fin de la froideur hivernale, le tout sur des rythmiques house. Dans le morceau « Lalalala », il raconte le bruit des balles sur un air de comptine, tout le paradoxe du rappeur à la chevelure bouclée. Sa singularité permet de ne jamais dévier, malgré la présence de huit invités. Thug Dance, producteur principal de l’album, affine le tout, dans des productions qui s’enchaînent avec cohérence.

Le rappeur qui a grandi au Maroc « vit dans sa tête » (« Lalalala ») et accepte d’en sortir le temps de cette interview. Il revient sur son enfance à Marrakech, l’importance du rap à son arrivée en France, l’influence de ses parents sur sa musique. Et détaille également la conception de SOLSAD, notamment hachée par un grave accident de voiture. Un album à l’image du soleil sur la pochette, entre douleur et rémission, réfléchi et touchant, pour traverser les épreuves du temps.


I. Le Maroc, la rue, et les open mics

Abcdr du Son : Pour commencer par le début, qui parle en ouverture de l’album, dans le morceau « Mouchkila » ?

Zamdane : C’est mon père. Il nous avait rejoints l’été. Son père lui avait laissé des messages vocaux enregistrés dans une cassette. J’ai un papa qui est un peu âgé et du coup il a voulu refaire la même avec moi. Il m’a dit qu’il avait des choses à me dire et il m’a fait enregistrer sa voix au dictaphone. Ça, c’est les dix premières secondes d’un enregistrement de 25-30 minutes. Il voulait me laisser des mots, des souvenirs. J’avais déjà des morceaux à ce moment-là, on travaillait les transitions, et ouvrir l’album sur ça donne un sens qui est fort pour moi.

A : Qu’est-ce qu’il te raconte ?

Z : En darija, il me dit : « Mon père me disait, ‘le pauvre, aucun artisan n’a voulu saboter sa création de ses propres mains’. » C’est une métaphore qui veut dire qu’aucun parent n’a voulu saboter ses enfants. Ça parle des enfants qui ont suivi un mauvais chemin, comme moi. C’est comme s’il me laissait un truc plein de moralité. Pour me dire qu’il a toujours voulu être là et qu’il n’a pas voulu que certaines choses se passent.

A : Tu le vois souvent ?

Z : Bien sûr que je vois souvent mes parents. Je suis un homme de famille. Soit je suis avec mon chien, soit je suis avec mes parents.

A : Est-ce qu’ils t’ont emmené vers la musique ?

Z : C’est mon père qui m’a fait découvrir la musique. Il a une très bonne culture musicale, un peu à l’ancienne. Il écoute énormément Charles Aznavour, Aretha Franklin, Stevie Wonder, beaucoup de country aussi. Ma mère, c’est plus le côté musique arabe égyptienne.

A : Tu écoutais du rap quand tu étais plus jeune ?

Z : J’écoutais du rap marocain, et des gros titres américains. Quand j’étais petit, internet n’était pas démocratisé au Maroc, en tout cas pas dans le milieu où j’ai grandi. J’ai eu internet à la maison quand j’avais 15 ans. Avant, j’allais au cybercafé et j’écoutais tout ce qui était gros sur YouTube. Et sur MP3, j’avais tout ce qui marchait mondialement et qui arrivait jusqu’au souk de Marrakech.

A : Au Maroc, le rap américain était plus présent que le rap français ?

Z : Nous, on est plus influencés par le côté américain. Ça se ressent au niveau de la jeunesse. Aujourd’hui, la génération de jeunes marocains comme moi ou les plus jeunes, ce sont tous des Marocains des États-Unis. Je ne te parle même pas des bandanas, ça c’est depuis toujours. Quand je suis parti du Maroc, ce n’était pas comme ça. Quand suis rentré, je me suis retrouvé à parler avec des gens qui mélangent l’anglais avec l’arabe, avec le dialecte, tu te dis « ah ouais vous êtes chaud ».

A : Qu’est-ce que tu écoutais en rap marocain ?

Z : Il y avait Nessyou, mon voisin, qui habite à 10 minutes de chez moi. Mais Nessyou, c’est quand j’étais un peu plus grand. J’ai grandi avec H-Kayne, Don Bigg, Muslim, Dizzy Dross. Shayfeen aussi. Madd [le frère de Shobee, ancien membre de Shayfeen, groupe séparé depuis, ndlr], c’est un très bon ami à moi, il habitait à Marrakech, et il passait souvent à la maison. J’ai rencontré Shobee quand je suis descendu au Maroc en novembre dernier. Et Small X, je l’ai rencontré à Marseille, il y a trois ans. Shayfeen c’est quelque chose. J’avais un peu grandi quand ils ont commencé, c’est arrivé à mes oreilles beaucoup plus tard.

« Quand j’ai eu 17-18 ans, je me suis dit : « ça y est, ma vie elle m’appartient un peu ». J’ai voulu briser un peu ces chaînes de pudeur et faire de la musique.  »

A : Ça rappait déjà dans la rue à Marrakech à ton époque ?

Z : Pas du tout. Chez nous, il y a beaucoup de pudeur. Les gens ont honte de tout ce qu’ils font. Tout ce qu’on fait, on le fait caché. Même à notre pote, on ne le dit pas. Nous, on a un truc, ça s’appelle « t9ar ». Ça veut dire la tranquillité de l’esprit, peace of mind. Dès qu’on fait un truc qui sort un peu des sentiers battus, on se cache. Dès qu’on fait un truc un peu illégal, on le cache, parce qu’il ne faut pas mettre la honte sur le visage de nos parents.

A : La drogue était-elle présente dans ta jeunesse ?

Z : Oui, la drogue, c’est autour de nous, c’est nous, c’est nos familles. C’est un fléau. Mais c’est un très beau pays. Ça, c’est juste le dérèglement qu’apporte la misère, les différences fulgurantes entre les catégories de classe. Ce n’est pas que le shit, mais tout ce qu’il y a autour.

A : Est-ce que venir en France t’as permis de te libérer ?

Z : Forcément, tu arrives dans un pays européen, tu prends une gifle au niveau de l’ouverture d’esprit. Ça te donne un peu plus de confiance aussi. Quand tu as 17-18 ans, tu te sens enfin un peu libre. J’ai toujours été très indépendant mais quand j’ai eu cet âge, je me suis dit, ça y est, ma vie elle m’appartient un peu. J’ai voulu briser un peu ces chaînes de pudeur, faire de la musique. C’est surtout lié au fait de grandir, à l’exil, et au besoin de m’exprimer artistiquement, davantage qu’à un pays.

A : Le rap c’était aussi un moyen de se faire des potes ?

Z : Bien sûr, le rap au début, quand tu passes par la grande porte, celle des open mics, de rapper n’importe où dehors, ça te permet de rencontrer des gens. C’est la porte de l’aventure. Quand tu passes par là, tu rencontres énormément de gens, et c’est trop bien. Ça m’a permis de me sentir moins seul aussi. Au début, tu n’as pas de connaissances, tu n’as pas de repères. Tu es dans un pays où tu n’as aucune fondation. Si demain j’ai un problème, qui est là pour moi ? Personne ici n’est proche géographiquement.

A : Tu te souviens de la première fois où tu as pris le micro en open mics ?

Z : Je n’avais pas froid aux yeux. Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus peur qu’hier. Avant, je t’assure que la peur ne faisait pas partie de mon vocabulaire. J’étais tout le temps excité, tout le temps enjoué, je vivais vraiment une aventure. Aujourd’hui toujours, mais ce n’est plus pareil, je réfléchis beaucoup plus.

A : Tu n’avais pas l’appréhension de chanter tes propres textes ?

Z : Non, je n’ai jamais eu peur. Je ne veux juste pas décevoir mes parents, ma famille, c’est tout.

A : Est-ce que c’est parfois compliqué de se livrer en studio, d’ouvrir son cœur devant des gens, comme sur le dernier album ?

Z : Non, pas du tout. Ce serait compliqué si mes potes ne me connaissaient pas, et si la musique n’était pas bonne. Mes potes, c’est ma famille. On est une extension les uns des autres. Et on n’est pas les potes les plus tranquilles dans leurs têtes, on a tous des problèmes.

A : Dans « Ma réalité », morceau de ta série Affamé, tu dis être avec « des arabes aux têtes cassées dans une voiture allemande ». Vos souffrances vous unissent ?

Z : C’est un truc qui nous unis, bien sûr, mais il n’y a pas que ça. On ne se voit pas pour souffrir. On est fous dans nos têtes, on rigole tarpin, on fait hella, même si on le fait beaucoup moins qu’avant. Mais il y a énormément de choses qui nous unissent, comme le sens de la famille, la loyauté. Tu t’approches d’un, il y en a quinze qui sortent de l’ombre.

A : Comme tu es très entouré, est-ce que tu as l’impression de faire partie d’un groupe plus que d’être un rappeur solo ?

Z : Je ne suis pas solo. Moi, on est deux. Je ne vais pas développer là-dessus. Ça ne veut pas dire que quelqu’un écrit pour moi, mais je vis pour deux. Et autour de moi, ça constitue ma famille, une énergie. On fait les choses ensemble, le plus souvent possible. Les victoires, on les fête ensemble. Les défaites, on en parle ensemble.

II. Solsad

A : Pour revenir sur l’album, quand est-ce que tu l’as enregistré ?

Z : Le plus ancien morceau date de deux ans.

A : Tu as été victime d’un accident de voiture en mai dernier, qui a retardé l’album, c’est ça ?

Z : C’est ça, il a tout retardé. À la base, on devait peut-être le sortir en juin.

A : Est-ce que ça a aussi modifié son contenu ?

Z : Ça a demandé du temps pour commencer à récupérer, et ça a changé l’état d’esprit aussi. J’ai enregistré le morceau “Million” quand j’étais en fauteuil, défoncé sous médicaments. Forcément, c’est une autre musique que tu proposes. C’est une reconnexion à la réalité. La façon dont j’étais dans ma tête à ce moment-là, c’est à l’image de SOLSAD. C’est-à-dire très calme, beaucoup de recul.

A : Dans l’album, tu sembles accepter ta situation. De la colère aurait pu ressortir aussi.

Z : Il y en a pas mal de la colère quand même. J’étais très en colère. Je suis un homme avec beaucoup de dignité, de fierté. Me voir diminuer comme ça, je ne le souhaite même pas à mon pire ennemi.

A : Aujourd’hui, tu as encore des séquelles ?

Z : J’ai encore la jambe cassée, mais on ne craint rien, on est Marocain.

A : Ton album compte de nombreux feats, 8 au total (Pomme, Josman, So la lune, Kekra, Niska, Sofiane Pamart, Zaho et Tif), comment les as-tu choisis ? Et est-ce que c’était compliqué de garder la ligne directrice de l’album avec autant d’invités ?

Z : Je les ai choisis par rapport à qui je trouve intéressants, qui m’inspire et que j’aime écouter. Ce que j’aime beaucoup, c’est que chacun des artistes invités est un emblème de ce qu’il représente. C’était le plus important pour moi. Et c’est vrai que si on réfléchit, c’est peut-être difficile à faire. Mais après c’est de la musique. Plus on va dans d’autres sens, mieux c’est.

A : Comment s’est faite la connexion avec Pomme (« Le grand cirque »), qui paraît assez éloignée de ta propre musique ?

Z : On n’est pas si éloignés que ça finalement. C’est l’industrie dans laquelle on évolue qui nous sépare, mais au final Pomme et moi on se rejoint sur énormément de points. Déjà, je suis très sensible à la cause animale, et le hasard a fait que j’ai découvert Pomme sur le morceau qu’elle a fait pour les bélugas (« à perte de vue »), où elle chantait sur une image 3D d’un béluga, et le refrain dit : « Si je savais comment sauver les géants. » J’ai pris une gifle. J’adore ce qu’elle dégage à travers sa musique, l’âme de cette personne. C’est pour ça que j’écoute de la musique.

A : Thug Dance nous a dit qu’elle était venue avec son propre instrument. C’est plus facile de bosser avec une musicienne en studio ?

Z : C’est vraiment trop bien. J’étais choqué. Tout a un charme. Quand tu vois Pomme avec son instrument, c’est un moment unique. Autant que quand tu vois Josman se mettre dans son coin et écrire de manière super méthodique, que tu vois So La Lune ou Kekra faire leur session, que tu vois comment TIF et son équipe travaillent. Tout peut être admirable. C’est ça qui est lourd. Mais c’est vrai qu’avec Pomme, c’était un moment hors du temps.

A : Avec So La Lune (« Boboalam »), est-ce que certaines similitudes vous ont rassemblé ?

Z : Totalement. C’est quelqu’un que j’écoute. Pas assez, je pourrais toujours l’écouter plus. Je ne suis pas très auditeur “on repeat”, surtout pour des morceaux avec des paroles. J’écoute plutôt de la musique d’ascenseur, des belles compositions symphoniques, orchestrales.

A : C’est comme ça que tu trouves des idées de sample ?

Z : Ça peut en faire partie, sinon je cherche beaucoup sur YouTube. Ou alors, de manière très instinctive, quand j’écoute une musique quelque part, une pub, une série. Et , et après je peux passer six heures dans l’OST de la série à trouver la musique.

A : Et comment est-ce que tu trouves trouves-tu tes textes ?

Z : J’écris beaucoup au studio, 90 % du temps. Je ne prépare rien, je vais au studio et je découvre. Sinon, je m’inspire beaucoup en dehors. Je regarde des trucs, j’écoute des trucs, je vais à la nature.

A : Quel regard portes-tu sur ton premier album, Couleur de ma peine ?

Z : C’était un essai brut. C’était un grand bordel. Il y a nombre de sons qui ont été faits dont la direction c’était un essai brut, très sincère, mais brut. Contrairement à SOLSAD qui est à un autre niveau de cohérence.

A : Est-ce qu’aujourd’hui tu dirais que tu as trouvé ton son, ta formule ?

Z : Qu’est-ce que ça veut dire trouver sa formule ? Ça peut être tellement de trucs. Le plus important pour moi, c’est uniquement la cohérence. Je peux me diversifier, je peux faire énormément de choses. Le plus important pour moi, c’est de faire parvenir l’œuvre à la personne, pour qu’elle se la prenne. C’est ça l’enjeu. Tu ne peux pas dire : « La musique de Zamdane c’est ça. » Je n’ai rien inventé. J’essaie d’être un maximum honnête, un maximum minutieux, et de donner un maximum de moi, de qualité. C’est ça ma musique.

A : Tu chantes beaucoup sur SOLSAD, comment as-tu découvert que tu pouvais faire ça, en plus du rap ?

Z : En allant au studio régulièrement, tu essaies des choses. Grâce à Moustapha aussi, Lwind de son nom d’artiste. C’est mon mentor au Maroc, un de mes meilleurs amis. Il m’a beaucoup appris au studio. Je le voyais faire, j’étais impressionné par sa technique, sa façon d’écrire et d’exprimer sa musique. Il m’a beaucoup aidé à m’améliorer.

A : Est-ce que tu as pris des cours de chant ?

Z : Je suis encore un peu trop ghetto pour prendre des cours de chant, mais un jour pourquoi pas. Je ne me considère pas encore comme un chanteur, pas du tout même.

A : Quel est le morceau que tu préfères sur SOLSAD ?

Z : C’est « Fleurs », un son de rupture.

A : Ce n’est pas douloureux pour toi ?

Z : Ce n’est pas thérapeutique, mais ça fait plus de bien que de mal de le libérer.

« Le but de SOLSAD, c’était de créer une expérience d’écoute complète. Je ne jugeais pas les morceau en tant que tel mais à la façon dont ils s’enchaînaient.  »

A : Dans « Million », tu dis : « Ma mère c’est ma reine. Elle m’aime pour qui je suis ». C’est compliqué de trouver cet amour sincère-là à cause de la notoriété ?

Z : Je ne cherche pas spécialement de nouvelles personnes pour m’aimer. J’ai déjà mon entourage, les gens que je connais, c’est vraiment très suffisant. C’est vrai que c’est normal de se méfier, avoir plus de mal à faire confiance et questionner les intentions des nouvelles personnes qui rentrent dans ta vie. Parce que tu te dis que c’est trop facile, qu’ils n’ont pas été là quand tu as souffert, etc.

A : Comment vis-tu le fait d’être connu ?  

Z : C’est que de l’amour. Je ne peux pas dire que c’est kiffant d’être connu, à choisir j’aurais préféré rester anonyme. L’anonymat, c’est le luxe aujourd’hui. Mais j’accepte toujours les photos et je parle toujours avec les gens qui m’arrêtent. C’est une récompense de mon travail aussi.

A : Tu as une communauté de fans derrière toi, est-ce que tu réalises à quel point tu impactes la vie de certaines personnes ?

Z : Je n’arrive pas à réaliser. Je ne suis pas dans la vie des gens donc je ne sais pas ce que ça veut dire de l’impacter, mais j’essaye de comprendre comment ils le vivent eux. C’est difficile de ressentir un sentiment de satisfaction quand ta musique fait du bien à quelqu’un qui va mal.

A : Il y a une différence entre les morceaux de ta série Affamé et l’album. Comment tu conçois ces morceaux lancés un par un ?

Z : Toute ma musique, c’est un test que j’envoie sans réfléchir. Vraiment. Quand je vais au studio je ne réfléchis pas, sinon ce n’est pas pur. Je réfléchis après, sur comment je mets en image, quel jour je le sors, etc. Au studio je me laisse porter, chaque session est un test.

A : Certains Affamé sont des morceaux importants de ta carrière, est-ce que tu n’avais pas peur de griller des cartouches pour un album ?

Z : Ça c’est le genre de questions que je me pose. Ça nous l’a fait avec « Athéna ». On se disait : « Ce morceau pourrait être un morceau d’album. » C’est Thug Dance qui m’a enlevé cette réflexion de ma tête, parce qu’il a plus d’expérience que nous. Ce n’est pas notre grand frère, c’est plutôt comme notre frère mais plus grand. On l’écoutait beaucoup, surtout au début où on ne savait pas trop ce qu’on faisait. Il me disait : « D’expérience, à chaque fois que j’ai vu quelqu’un avoir un morceau qu’il kiffe, il fallait qu’il le sorte directement. » Depuis ce jour-là, je ne me suis jamais posé la question. Je dois donner mon maximum pendant la saison des Affamé. 

A : L’album a d’ailleurs été largement co-produit et réalisé par Thug Dance [producteur de rap marseillais, issue du duo electro Amine Edge & Dance, ndlr] avec qui tu travailles depuis plusieurs années. Est-ce qu’il t’a aidé à trouver ta musique ? Et est-ce qu’il t’a apporté des sonorités house, étant lui-même ancien DJ spécialisé dans ce genre ?

Z : Bien sûr. Il m’accompagne depuis 2020. On s’est rencontrés à Marseille, grâce à mon ancien DJ, Younès. On a commencé à faire de la trap ensemble. Dance, c’est la trap. Il n’y a que sur SOLSAD qu’on a fait de la house et des rythmiques dansantes, sur « Printemps » et sur « Lalalala ». Et aussi sur le dernier couplet de « Flouka », dans l’album précédent.

A : Comment avez-vous choisi la tracklist pour SOLSAD ?

Z : Le but, c’était de créer une expérience d’écoute complète, compacte et cohérente. Je ne jugeais pas le morceau en tant que tel mais la façon dont dix titres s’enchaînaient. À aucun moment je ne me suis dit qu’un morceau était indispensable. J’ai enlevé des morceaux que j’aimais vraiment beaucoup, pour remplacer par d’autres que j’aimais moins mais qui rentraient mieux dans l’ensemble. Le plus important, ce n’était pas qu’un track sorte du lot, mais que tu aies envie de réécouter les dix.

A : Pourquoi faire deux disques ? Et quelle est la signification des deux pochettes ?

Z : La ligne de réflexion, c’est SOLSAD, un soleil qui a deux visages. C’est de là qu’est partie l’idée de tout scinder en deux, deux disques, deux Olympia. Le soleil, c’est celui qui éclaire et fait vivre tout ce qui est loin de lui, et qui brûle tout ce qui se rapproche de lui. Il fait pousser des champs de fleurs et des forêts, en même temps qu’il apporte la sécheresse, qu’il brûle ta peau d’un cancer. C’est tout, c’est l’être humain, l’artiste aussi, qui fait du bien à énormément de gens. Mais quand on se rapproche de lui, c’est différent.  

III. Voir tous les paysages

A : Sur « Printemps », tu dis : « Ça fait deux mois que je crois en moi ». Tu as l’air plus serein personnellement, plus en phase avec toi-même. Est-ce que c’est un album où tu te sens mieux, par rapport à Couleur de ma peine ?

Z : Oui, vraiment. J’ai beaucoup travaillé, dans des conditions qui n’étaient pas évidentes. Je n’ai rien lâché, et pendant longtemps, j’ai douté. J’ai décidé de travailler sur moi pour être serein, pour apprendre à être fier de moi, visualiser du positif à la place du pessimisme. Avant, j’étais toujours en mode « ça, ça ne va pas marcher, etc. » Je n’aime plus trop ça. Je préfère me regarder dans les yeux et me dire : « C’est bien frérot, tu as travaillé, tu vas avoir ce que tu mérites. » Je te parle au plan personnel, ça englobe la musique et la personne que je suis en train de devenir.

A : Je t’ai vu en concert en 2021, et tu portais déjà un discours sur l’importance de croire en soi. C’est quelque chose que tu véhiculais tout en travaillant dessus ?

Z : On est toujours plus fort pour aider les autres que pour s’aider soi-même. L’appliquer à soi, c’est plus difficile. Mais des fois, ça fait du bien d’entendre quelqu’un le dire, comme moi ça m’a fait du bien d’entendre des gens le dire. J’essaye de reproduire ce qui m’a fait du bien.

A : Est-ce que la musique t’aide à te dire que tu es en train de réussir ta vie ?

Z : Bien sûr, grâce à Dieu, la musique, le travail qu’on fournit, les gens qui nous soutiennent.

A : Tu aurais fait quoi sans le rap ?

Z : Je ne sais pas. Je n’avais pas d’idée. J’aurais sûrement fait un boulot manuel. J’aurais fait une formation. Je n’ai pas l’esprit entrepreneurial. J’aurais fait serveur, éboueur ou peu importe. Et après, je serais rentré chez moi et j’aurais écrit des petits trucs. En ce moment, j’aime beaucoup le dessin. Quand je dessine, on dirait que je le fais avec mon orteil gauche , mais j’aime beaucoup tout ce qui permet de s’exprimer.

« Je suis fils de guide touristique. Mon père était un narrateur, un conteur, et je me rends compte que c’est quelque chose que j’ai beaucoup pris de lui. »

A : Tu as grandi au Maroc, avec le darija. Est-ce que c’est plus compliqué d’exprimer tes émotions en français, qui n’est pas ta langue maternelle ?

Z : Le français n’est pas ma langue maternelle, mais c’est une très belle langue, poétique. Et j’ai appris à parler le français avec des jolis mots. Je suis fils de guide touristique. Mon père enjolivait beaucoup les histoires, c’était un narrateur, un conteur, et je me rends compte que c’est quelque chose que j’ai beaucoup pris de lui. Ça a beaucoup déteint sur ma façon d’écrire, peut-être pas de parler mais sur ma façon d’interpréter la musique. J’ai toujours voulu faire de la musique qui est grande, parce que j’ai grandi avec de la grande musique.

A : En darija, c’est plus simple pour toi d’exprimer tes émotions ?

Z : C’est plus simple parce qu’en darija, tu as des images que personne d’autre au monde ne comprend. Laisse tomber le nombre de choses que tu peux expliquer, le nombre de manières, le nombre de mots et d’images que tu peux utiliser. Le darija laisse vraiment le libre arbitre à l’interprétation. Mais je pense que la langue française est très poétique et riche, avec un charme différent.

A : Dans ta Grünt sortie en février, tu dis : « J’écris si bien parce que j’vis des horreurs. » Est-ce que c’est de là que viennent tes facultés d’écriture ?

Z : Je pense que tout part d’une base, d’un point de départ. J’ai ouvert les yeux dans un très beau pays, mais dans un décor qui n’était pas tout beau, tout joli. Vu que mon père était guide touristique, très jeune j’étais au contact de gens qui venaient d’autres cultures, d’Europe, d’Amérique, des Japonais, de toutes les nationalités. Ça m’a permis de comparer ma situation et la leur. Depuis que je suis petit, j’ai ce truc, j’ai vu autre chose. J’ai conscientisé très tôt qu’autre chose, c’était peut-être mieux que moi. C’est ça le point de départ de mon écriture. Tout ce que je pensais normal autour de moi, ce n’était pas forcément normal ailleurs dans le monde, comme les enfants qui se droguent, les bêtises qu’on fait.

A : Tu accompagnais ton père dans les visites ?

Z : Oui, le plus souvent possible. Pas dans les voyages parce qu’il faisait des circuits sur tout le Maroc. Mais dans le souk, c’était moi. Souvent il me les laissait, je les emmenais faire le marché moi-même.

A : Dans « Printemps », tu dis : « J’espère qu’il y a un endroit sur cette Terre où je pourrais refaire ma vie ». Est-ce que tu as trouvé cet endroit ?

Z : Moi, j’aime toujours chercher ailleurs. Je suis convaincu qu’on peut avoir un destin n’importe où. Si tu décides demain de faire tes affaires et d’emménager en Nouvelle-Zélande, il y a un destin qui t’attends là-bas. Je pense que tu peux toujours refaire ta vie ailleurs. Toute ma vie, je serai à la recherche d’un nouvel endroit.

A : Tu n’es pas attaché à Marseille ?

Z : Je n’ai plus aucune attache nulle part. Tu nais sur cette planète, c’est pour en faire le tour. J’aimerais trop avoir le luxe de passer six mois ici, six mois ici, dans des endroits où je ne comprends pas la langue, où je ne connais personne. C’est ça la vraie richesse.

A : Est-ce que c’est ça la suite pour toi ?

Z : J’aimerais beaucoup.

En plus de cinq ans de rap « professionnel » et plus de quinze ans de passion, YL a sorti six projets qui lui ont permis d’être rapidement identifié dans la sphère du rap français et reconnu par un public qu’il nommera les Vaillants – la Vaillance. Considéré par ses pairs, le rappeur marseillais enchaîne les collaborations et se fait un nom avec Nyx et Érèbe / Æther et Héméra notamment. Bloqué dans son élan par le covid, YL profitera de cette période pour se rapprocher de ses vaillants, fortifier sa fan base et s’éloigner des maisons de disques. C’est avec un album assez intimiste et introspectif (Yamine) qu’il fera son retour après le covid suffisamment bien accueilli par le public.

Sur LARLAR (Part. 1), YL fait abstraction du cahier des charges de l’industrie et s’octroie le droit de rapper ce qu’il veut comme il veut. Jeune et loin d’être essoufflé, le rappeur marseillais tend à faire de sa carrière un exemple de ténacité. Sans éternels regrets, c’est toujours de bon cœur que l’HLM rezidant d’Air-Bel dépeint son parcours presque sans ratures. Imperméable au torrent d’épreuves, la gemme des quartiers sud s’est aguerrie et a étoffé son art fidèle à elle-même.

Son dernier entretien avec l’Abcdr du Son date de la sortie de sa première mixtape, Confidences. De l’eau a coulé sous les ponts, certains sont restés, certains sont montés, d’autres sont descendus du train. YL reste présent sur le champ de bataille, plus confiant que jamais, déterminé à devenir le meilleur de lui-même.


Abcdr du Son : En 2018, l’Abcdr du Son te recevait pour ta première mixtape Confidences, Manue écrivait que tu n’étais pas encore légendaire comme Zidane mais déterminé comme Mahrez. Cinq ans après, tu te définirais comment ? 

YL : On n’a pas atteint le stade de Zidane mais aujourd’hui, je me définis en Benzema alors. [rires]

A : Le ballon d’or du peuple.

YL : T’as capté ! Je pensais aussi sportivement par rapport au rap, je ne suis pas devenu une légende comme Zidane mais c’est en cours comme Benzema.

A : Tu souhaitais voir un peu plus d’anciens et de jeunes rappeurs ensemble, qu’ils soient marseillais ou parisiens. Tu l’as fait avec la série de freestyles Marseille All-Stars, ça a été fait avec les projets 13’Organisé et Le Classico Organisé, qu’en as-tu pensé ?

YL : Je pense que le message est passé. Moi j’avais essayé avec Marseille All-Stars, c’était à mon niveau, c’était assez underground. Après ça a été fait à une plus grande échelle par un artiste qui pouvait le faire, qui était plus mainstream que moi. De toute façon, sur Marseille, il y en avait deux ou trois qui pouvaient le faire : Jul, peut être un Alonzo ou un SCH. En tout cas, il aurait fallu quelqu’un qui mette tout le monde d’accord. Ça s’est fait. Malheureusement, je n’étais pas sur le premier opus pour des raisons que j’ai déjà évoquées en interview. Ma mentalité n’a pas changé, elle n’a fait qu’évoluer donc j’étais très content d’être sur le deuxième opus.

A : Tu as toujours tendu la main aux rappeurs plus jeunes que toi, ISK et MIG par exemple, c’est important pour toi ?

YL : Oui clairement. Ce n’est pas vraiment une main tendue, c’est plus une invitation à combattre. Un featuring c’est un combat. J’aspire à être à l’image d’un Rim’K qui peut te ramener un artiste hyper mainstream, hyper connu avec une grosse discographie et un jeune artiste sur le même projet. Je trouve que ça fait quand même partie d’une certaine composante de force. Je ne te mens pas, c’est pour se tester aussi. Parce que les jeunes, ils sont chauds et si tu ne combats pas, tu seras dépassé. [rires]

A : Tu fais partie de ces rappeurs face auxquels on est toujours choqués quand on apprend l’âge, parce que tu es plutôt jeune avec une discographie bien remplie. Tu te vois vieillir dans le rap ? 

YL : Oui, j’ai encore la dalle. Je pense que je ne me suis pas encore tout prouvé à moi-même. J’ai une certaine réputation de rappeur sous-côté que j’aimerais bien régler parce que ma team le réclame depuis longtemps.

A : Est-ce que tu te considères vraiment comme un rappeur sous-côté ? 

YL : Moi, non. Je pense et j’ai la conviction que j’ai exactement ce que je mérite. Si je ne suis pas content de mes scores, je n’ai qu’à retourner m’entraîner, c’est ce que je fais d’ailleurs. J’ai compris que c’était une forme d’amour. Les gens qui me suivent depuis le début aimeraient juste me voir plus haut parce que pour eux je suis le meilleur et ça me flatte. Je vais essayer de répondre à cette revendication du peuple.

A : Depuis Confidences, il ne s’est jamais passé deux années sans que tu sortes un projet. Comment fais-tu pour être aussi productif ?

YL : La réponse est claire et nette. Je bosse avec des personnes qui sont prêtes à sacrifier autant de temps que moi. Que ce soit les beatmakers qui bossent avec moi ou mon staff, on est dans un délire où on bosse beaucoup. On n’est pas sous les trente-cinq heures. Il n’y a pas de secret pour ça. Surtout que je prends mon temps pour écrire, c’est encore plus dangereux.

A : Oui, à la vitesse à laquelle la musique est consommée…

YL : Exactement ! Mais je mets un point d’honneur à être satisfait d’un projet d’abord avant de le sortir. Jamais de ma vie sur tous les projets que j’ai sortis, je n’ai cédé à la pression des deadlines. Le projet sort quand il doit sortir, quand il est prêt, sinon le plat n’est pas bon.

« J’aspire à être à l’image d’un Rim’K qui peut te ramener un artiste hyper mainstream, hyper connu avec une grosse discographie et un jeune artiste sur le même projet. »

A : Comment as-tu vécu l’après Nyx et Érèbe / Æther et Héméra ? Une période intense dans laquelle tu t’étais investi dans un gros concept.

YL : En tant qu’artiste, je l’ai assez mal vécu. Tu n’es pas content quand ton message n’est pas passé. J’étais retourné cash en studio pour éviter la perte de confiance. Mais aujourd’hui je suis vraiment très très fier de ce projet, on a plus de soixante-dix milles ventes, il a été certifié disque d’or en faisant son chemin sans promo. Il compte plus de trois singles d’or je crois. Pour la plupart, c’est des solos. Je suis vraiment très très fier de ce projet. C’est un truc qui me conforte dans l’idée que quand la musique est bonne, elle est bonne et un jour on se la prend.

A : Il n’y a que de la bonne ou de la mauvaise musique !

YL : Voilà exactement ! C’est comme les humains ! [rires]

A : Il me semble que c’est après cela que s’arrête l’aventure avec Bylka Prod. Qu’en est-il aujourd’hui, avec qui travailles-tu ?

YL : Je pars de chez Def Jam aussi, je n’ai plus de maisons de disques. Je me suis staffé moi-même au niveau de mon label, au niveau de mon marketing, au niveau de ces choses-là. Je suis assez staffé pour bosser comme si j’étais signé en artiste. Ça a pris du temps. Producteur c’est un autre métier, j’ai dû apprendre sur le tas.

A : Est-ce que c’est bandant d’être indépendant ?

YL : En tant qu’artiste, bien sûr. Plus personne ne te briefe, tu clippes le morceau que tu veux. J’ai toujours été libre dans mes propos mais tu sais, parfois ta maison de disques va te dire quel morceau est un tube alors que toi tu n’es pas forcément d’accord. Il y a cette liberté en plus. Financièrement, c’est mieux aussi, il suffit de faire le calcul. Un dernier côté qui est très important pour moi. Au moins là tes victoires tu les fêtes tout seul parce que tes défaites tu les assumes tout seul quoi qu’il arrive. On va inciter les jeunes à partir en indé ! [rires]

A : Est-ce que la maison de disques a déjà eu raison sur ses choix ?

YL : Oui bien sûr. Tu as affaire à des humains qui bossent très bien. En l’occurrence à l’époque, j’avais une cheffe de projet qui était vraiment très très motivée, qui avait de très très bonnes idées. Je suis assez ouvert, je ne suis pas dans un délire où je reste fermé. Le contraire existe aussi. Parfois tu es plus à même de connaître ta musique ou les gens qui sont autour de toi, ton premier public. Plutôt que telle personne qui est sur dix-huit projets en même temps et qui finalement ne sait pas vraiment de quoi elle parle.

A : Tu as joué dans la deuxième saison de la série Validé, est-ce que tu as apprécié l’exercice ?

YL : Ouais c’était trop cool, j’étais une reusta sur grand écran !

A : Mais t’es une reusta dans la vraie vie aussi ! [rires]

YL : Ouais mais après tu sais c’est un gros truc pour nous ! Moi j’ai montré ça à ma mère directement, elle a pleuré quand je suis mort parce que je l’avais trop bien joué. Je ne pensais pas que j’étais capable de si bien mourir. [rires]

A : Tu appréhendais un petit peu le jeu d’acteur ? 

YL : Dans nos clips, on met déjà un petit peu de jeu mais sur des choses que l’on connaît. Je n’ai pas de formation d’acteur, je n’aurai pas pu te jouer un rôle dont je ne connais pas la vie. Demain, tu me demandes de jouer un cuisinier, je ne connais pas le jargon. Mais en l’occurrence, le rôle que l’on m’a demandé de jouer, c’est le rôle du gérant du tieks. On en a vu des centaines, on connaît leur jargon et on y participe. Au jargon hein ! En gros, je pense que j’aurai eu des difficultés si on m’avait fait jouer un rôle dont je ne connais pas l’environnement et encore je l’aurai peut-être bien joué.

A : Ce n’est pas quelque chose qui te fait peur en tout cas.

YL : Franchement non. Comme je t’ai dit, il y a déjà un petit peu de jeu dans nos clips. À partir du moment où tu n’es pas impressionné par la caméra, ce n’est pas grand-chose, il faut juste dépasser sa timidité.

A : Tu reviens avec LARLAR (Part. 1). Qu’est-ce que représente ce titre ?

YL : Mon dernier projet s’appelle Yamine [sorti en février 2022, NDLR]. Les sons étaient très intimistes, j’ai raconté une bonne partie de ma vie, de mon enfance. On a essayé de donner quelque chose de cohérent. Même la cover est très intimiste. J’ai une autre facette de moi qui s’appelle Larlar qui est tout aussi familial, dans d’autres trucs aussi. Les morceaux qui sont dedans ressemblent beaucoup à Larlar. À la série de freestyles Larlar aussi parce que je me suis fait plaisir au niveau du rap. Je pense que Larlar est à YL ce que Slim Shady est à Eminem sans présomption. Tranquille les gars, je n’ai pas dit que j’étais Eminem, ne me tuez pas ! [rires]

A : Est-ce que l’album a été entièrement conçu à Marseille ? Avec quels compositeurs as-tu travaillé ?

YL : Je travaille beaucoup avec un compositeur belge qui s’appelle Young King. Ça fait un moment que je bosse avec lui, tu peux le retrouver à la prod de « Tata Fatima » [issu de l’album Yamine, NDLR]. À l’heure qu’il est, je suis en Belgique avec lui. À Paris, j’ai bossé avec des beatmakers connus qui ont déjà placé comme RJacks et Masta et des beatmakers moins connus comme Ryuk. Je suis un vadrouilleur, je prends ma valise, mon Mac, mon micro, ma carte son et c’est parti !

A : Dans « Comme avant », tu dis : « Plus rien n’est comme avant, pour un rien ça sort un billet pour un canon sur ta tempe. » Tu penses que la violence était moins présente avant ? 

YL : Peut-être qu’elle était présente sous une autre forme et que je ne captais pas. Quand je parle avec les grands, ils me disent « chacun son époque, nous aussi c’était chaud. » Je ne sais pas si la société est devenue plus violente. En tout cas moi je suis choqué par la violence de mon époque et de ma société et je ne suis pas tenu de faire un comparatif. Mais quand je te dis comme avant, peut-être que je ne la captais pas parce que j’étais enfant et que je ne vivais qu’à base de mangas et de bonbons. Je vis toujours à base de mangas, les bonbons j’ai calmé. [rires] C’est une retranscription de la violence de mon époque.

A : Tu parles souvent de tes contradictions dans tes morceaux. Est-ce que tu penses être dans une course poursuite infinie avec tes démons ? 

YL : Le combat a commencé depuis que je suis mentalement pubère, genre dix-sept, dix-huit ans, cette prise de conscience où tu te rends compte que tu commences à devenir un homme. Je pense que le combat c’est le temps que je suis sur Terre. C’est quotidien. Ça passe par tout. Je peux avoir des problèmes qui font que j’ai pas envie de sourire mais de me forcer à sourire à la première personne que je vois quand je sors de chez moi ça peut être un combat. Je pense que j’ai les mêmes addictions que beaucoup de français, c’est un combat aussi. Donc oui, c’est quelque chose d’infini.

A : Musicalement, la drill prend plus de place que dans Yamine. C’est un style que t’avais envie de développer ?

YL : Sous une autre forme, moins sombre, plus lumineuse, plus mélodieuse. Celle-ci m’attrape plus. Par exemple, le morceau « Bagdad » que j’avais fait avec ASHE 22, il est drill, il est sombre. Mais moi, des autres prods du même type, ça ne m’intéressait pas donc je suis sorti de la drill, je suis retourné à mes trucs à moi, de la trap, du boom-bap, de la mélodie, ce que tu veux. Je suis revenu dedans avec une drill plus mélodieuse, un peu plus Dave, un peu plus Central Cee. Il y a de jolies guitares, de beaux instruments, ça m’a parlé tout de suite.

« Je pense que Larlar est à YL ce que Slim Shady est à Eminem sans présomption. »

A : Dans « LARLAR 9 (Encore) » tu dis : « Y a de la place pour tout le monde mais tout le monde veut sa place au soleil, c’est tellement sombre ce qu’il se passe au sommet. » Est-ce que la réussite assombrit les cœurs ? 

YL : Pas forcément. Je suis convaincu qu’il y a des êtres humains qui arrivent à bien gérer. Mais ça peut être source d’assombrissement. Pour moi la musique est un milieu où tu ne dois pas être influençable, il faut être fort mentalement. Si ce n’est pas le cas, ça peut te nuire. Si la musique te rend mauvais, c’est que t’étais déjà mauvais à la base. Tu peux avoir des moments de doute par rapport à la vie en général, pas que pour la musique. Tout le monde peut être sujet à ça. Je ne veux pas faire le mec imperméable mais le bon côté d’être sous-côté, c’est qu’on est un peu de notre côté, il y a plein de choses qui ne nous atteignent pas. J’ai eu l’occasion de rencontrer des vrais bonhommes dans ce métier-là, des vrais humains. Après je reste imperméable, je reste focus sur mes projets.

A : Il y a une alchimie forte avec Kofs sur « Opps ». Comment s’est conçu le morceau ? 

YL : À la base, je voulais deux morceaux, on les a fait. Il y a un morceau comme « Hayati » [issu de l’album Yamine, NDLR] qui bouge un peu à la marseillaise. Mais moi je tenais au fait qu’on puisse faire un morceau comme deux vrais rappeurs de notre quartier, comme on le faisait avant. Donc on a voté et c’est « Opps » qui a gagné ! [rires]

A : Vous n’avez jamais pensé à un projet en commun ?

YL : On y a tous pensé. Je ne veux pas te faire de fausse joie. Kofs en ce moment est beaucoup dans le cinéma. On en parlait la dernière fois, même lui sur son album, il a pris du retard parce qu’il tourne à gauche à droite. Si on se retrouve à devoir partir sur ce genre de projet, je suis un homme je tiens ma parole on devra le livrer donc pour le moment je ne sais pas. Il y a des rappeurs avec qui j’ai une alchimie même si ils ne sont pas de chez moi. Je te donne un exemple : le jeune ISK. J’ai une alchimie de fou avec lui. À chaque fois qu’on a fait un morceau, c’était une dinguerie. Même les morceaux qui n’ont pas pété sont des dingueries à retardement, les gens vont se les prendre.

A : Donc il y a un projet en commun avec ISK dans la boîte ? 

YL : Peut-être. Non je te dis la vérité, il n’est pas dans la boîte. Mais ça peut arriver à tout moment. Je reste ouvert. Et toi Kais [prénom d’ISK, NDLR] qu’est-ce que t’en dis ? [rires]

A : Vous venez tous les deux d’Air Bel, terre du rap marseillais assez forte. Est-ce qu’il y a une mentalité unique ? 

YL : Oui clairement, je pense que tu as pu le remarquer. On est un peu le 9.1 de Marseille du fait de notre position géographique. On est au sud, il y a beaucoup de rappeurs. Je ne suis pas le plus conséquent. Il y a Naps, Kofs, Veazy qui a beaucoup traîné chez nous, Houari du Ghetto Phénomène, Jul qui est pas loin de chez nous qui avait son groupe avec un gars de notre quartier. Ces dernières années, on est assez conséquents. C’est pour ça que le 9.1 est la bonne comparaison.

A : Avec Sadek, j’ai l’impression que quand vous vous retrouvez, vous avez envie de faire la fête alors que vous êtes deux gros kickeurs. « Papicha » et « Stahraf » en featuring avec Heuss L’Enfoiré sont des morceaux très dansants. Comment se déroule une session studio entre vous deux ? 

YL : On a fait deux titres dont un où ça kickait très très fort mais c’est le morceau festif qui nous a le plus parlé ! [rires] La dernière fois que j’étais en studio avec Sadek, c’était sur Paname pour régler les voix. C’était très carré. Sadek est sur quinze piges de carrière, il est arrivé, il a fait ce qu’il avait à faire. Mais pour le choix du son, on laisse la musique parler. Le deuxième titre que l’on a fait va peut-être figurer sur une compilation. Tu auras l’occasion de vérifier à quel point on a kické bien sombre !

A : On aime ça ici !

YL : C’est carré ! [rires] Mais il faut les deux mon frère. T’es là avec une petite papicha, tu veux lui mettre du sombre ou tu préfères passer une soirée un peu lumineuse, un peu festive ? Aujourd’hui, le rap est mainstream, c’est la nouvelle variet’. On donne à manger à tout le monde. Mais je ne te mens pas, je suis un peu un rat de la cité. La première fois que je suis allé en boîte de nuit, c’était en showcase. Nous, c’est comme DA Uzi : « Soirée des cités » ! [issu de l’album Architecte sorti en avril 2020, NDLR] [rires]

« On est un peu le 9.1 de Marseille du fait de notre position géographique. »

A : Dans ta musique tu cites souvent des figures historiques comme Mohamed Boudiaf, Houari Boumédiène, un de tes morceaux exclusifs porte le titre de « Thomas Sankara ». Qu’est-ce que représentent ces icônes pour toi et comment elles t’inspirent ?

YL : Si tu remarques bien, ça fait partie de mon style depuis le début. Parfois je remonte même jusqu’à l’antiquité. Là en l’occurrence, c’est des figures du siècle passé, le vingtième siècle, à l’époque des premières indépendances africaines. Tout dépend de ce que je veux illustrer par la  punchline. Par exemple, si je veux illustrer l’intelligence et le courage politique : Thomas Sankara. Si je pars sur une prod énervée en mode découpage musical : Gengis Khan. Pour moi, c’est une figure de style de trouver la bonne figure historique qui va avec ta punchline.

A : Dans « LARLAR 8 (Ma 6-T A Cracker) » je te cite : « J’descends des vrais, des hommes qui ont manifesté à Sétif. » Qu’est-ce que cela a provoqué en toi ?

YL : L’éveil d’une certaine conscience politique et de la recherche historique parce que l’on apprend pas tout à l’école malheureusement. Il faut varier ses sources d’apprentissage.

A : « J’nique le game en indé’, en famille comme les Peaky Blinders. » Tu te reconnais dans quel personnage de la série ?

YL : Tommy, mais il n’a pas de cœur. J’aurais plus été un mélange d’Arthur et Tommy. Arthur, il a quand même un cœur, c’est un être humain mais je pense qu’on a tous été choqués par le personnage de Tommy Shelby.

A : Qui dit LARLAR (Part. 1) dit LARLAR (Part. 2) ? 

YL : Oui. S’il y a deux forces, forcément elles s’opposent. C’est le yin et le yang. Je peux juste te dire que la deuxième partie répond bien à la première ! [rires]

A : Quelle est la suite pour toi ? 

YL : Beaucoup de projets. J’ai vraiment énormément de projets musicaux, j’ai une dalle indescriptible. Jusqu’ici je n’ai pas eu l’occasion de faire une vraie tournée. Mes premières dates à l’époque de Confidences et Nyx & Érèbe, je les ai interrompues pour des histoires contractuelles. Quand j’ai pu ressortir des projets, on était en période de covid. Malheureusement, je n’ai toujours pas bien rencontré mon public. Ça va être la priorité en 2024 : aller rencontrer les vaillants. Ce sera ma première tournée ininterrompue parce que je faisais une date à Paris, une date à Marseille, une date à Quimper, après ça s’arrêtait pendant un an et demi parce que j’avais des histoires à régler, après c’était le covid donc des dates annulées.

A : Est-ce que le covid t’as beaucoup impacté ? 

YL : C’est drôle ce que je vais te dire mais le premier confinement m’a fait du bien. Par rapport à la mixtape Vaillants, on était très connectés avec ma team sur les réseaux sociaux au point qu’ils ont même choisi les morceaux de la mixtape. Le deuxième a été beaucoup plus compliqué, on a eu beaucoup de perturbations comme dans pas mal de secteurs.

A : Après toutes ces péripéties, tu es en paix aujourd’hui ? 

YL : Je suis un peu plus construit, un peu plus en paix. Je n’ai pas atteint le stade de Gandhi non plus. Je suis toujours un jeune dynamique d’un certain milieu social avec tout ce que ça implique. Je suis concentré sur mes projets. Le seul sentiment que je peux te retranscrire c’est la hâte ! J’ai hâte que ça sorte, j’ai hâte d’aller en tournée, j’ai hâte de combattre ! Je me suis entraîné dur !

Le succès de 13 Organisé et le triomphe au niveau national de Jul et SCH ont-t-ils conduit à multiplier les signatures de jeunes artistes marseillais ? Pas vraiment, mais l’un d’entre eux tire son épingle du jeu : So La Zone. Encouragé en détention par son « grand-frère » / producteur à se lancer plus sérieusement dans la musique, puis introduit par Soolking, il attire l’œil d’Henri Jamet (directeur d’AllPoints), qui voit en lui un style à part. Après le succès de « La Rue m’a eu », le jeune du porche de la Casté s’apprête, en janvier, à sortir son premier album. L’Abcdr revient avec lui sur ses débuts dans la musique, la création du label Ghetto Child Music en détention, son goût pour les guitares et les difficultés à rapper l’intime.


Abcdr du Son : Dans « Pare-balles », tu dis « il y a deux ans je faisais des freestyles dans une cellule. » Tu n’avais pas rappé avant ça ?

So La Zone : Si, mais c’était des freestyles d’enfant, pour passer le temps. Je suis né en 1999, le premier freestyle, j’ai dû le faire vers 2012, il n’avait pas de titre, je n’étais pas dans les temps et tout c’était n’importe quoi. [Rires] Le rap c’est parti d’un délire. Je ne me serais jamais imaginé là. J’écrivais dans mon coin, pour m’évader : si j’étais énervé, j’écrivais un texte pour me calmer. Je gardais un texte pendant six mois et je le ressortais, toujours le même. C’est vraiment en cellule que c’est devenu sérieux.

A : Tu t’es toujours appelé So La Zone ? Parce que tu as dû voir les blagues qu’on fait sur un autre rappeur qui s’appelle So La Lune, genre les auditeurs de So La Zone vendent à ceux de So La Lune…

SLZ : Oui il y avait même une image avec deux routes, une vers l’enfer et une vers le paradis, So La Zone et So La Lune. [Rires] Mais ça a toujours été So, le diminutif de mon prénom, et petit à petit on a ajouté « La Zone. » En fait ce n’est même pas un nom que j’ai choisi, on me l’a donné. C’est mon surnom.

(Bon en vrai, So La Lune c’est pas non plus la joie)

A : Comment ça se passe quand on rappe en cellule ? J’ai toujours cru que c’était un peu un mythe…

SLZ : Je ne vais pas te dire que je préférais, mais limite c’était mieux – pour ça en tout cas. Être en prison ça m’incitait à rapper avec plus de hargne, et faire plus de recherche dans l’écriture. J’avais tout mon temps, donc je pouvais me consacrer qu’à ça. Ce n’est pas un mythe les rappeurs qui écrivent en cellule, je ne suis pas le seul : Maes, ZKR, Sicario 78, ce sont des artistes qui l’ont fait. Rohff a écrit son album à Fresnes il me semble. En détention, il n’y a que toi, tu n’es jamais dérangé à droite à gauche, franchement la cellule pour écrire c’est un délire.

A : Dans le titre « Dans la cellule », tu dis « ma mère écoutait Balavoine sur une cassette violette. » C’est un vrai souvenir ? 

SLZ : Oui ! Elle mettait la cassette dans sa Saxo, il fallait la retourner pour tout écouter. C’est fou, parce que je ne suis pas si vieux par rapport à d’autres ! Je n’ai pas été marqué que par Balavoine, Cabrel aussi m’a tarpin marqué. Mais je ne vais pas te dire ma préférée, déjà je t’ai dit Cabrel ça va me casser mon délire. Encore aujourd’hui ça m’arrive de chanter avec ma daronne. [Rires] C’est son époque en fait. Eminem aussi, elle m’a fait tremper dans ça. Ladjoint un jour d’ailleurs m’avait cramé : il m’a dit « oh t’aimes trop les guitares toi, tu écoutais Eminem quand tu étais petit ? »

A : Il l’a vu par les guitares ? Genre comme au début de « Lose Yourself » ?

SLZ : Oui, moi, pour une prod, il me faut toujours trois trucs: guitares, piano, violon. Ladjoint m’a grillé par rapport à mes goûts d’instru, et ma manière de rapper. Et c’est vrai, toute mon enfance je me suis tué à Eminem, parce que ma mère l’écoutait. 8 mile, j’ai dû le voir dix fois. Tout ce qui a un rapport avec le rap d’ailleurs, au ciné ou quoi, je suis plutôt renseigné.

A : C’est vrai que tu as un truc avec les instruments de musique, tu as un son qui s’appelle « Flûte ou guitare », un autre « Violon », à un moment tu dis « ça parle de guitare mais c’est des trompettes »…

SLZ : J’aime bien ces jeux de mots. À Marseille, on dit tu es une trompette pour dire que tu es une quiche quoi, les guitares ce sont les armes, etc. J’ai beaucoup joué sur ça, d’ailleurs au début l’album je voulais l’appeler Instruments. Parce qu’il y a des instruments dans la rue, et dans la musique. Mais c’était trop compliqué. Ça a été un putain de débat cette histoire, parce que je suis quelqu’un de très tête dure, et mon grand-frère il est pire que moi. [Rires] Quand je dis mon frère, je parle de mon producteur, avec qui j’étais en prison. C’est lui qui a eu un déclic. Il m’entendait faire mes freestyles d’en-haut, il n’arrêtait pas de me dire « arrête de crier, arrête de crier. » Lui il était au téléphone, il gérait des trucs importants et moi je faisais des freestyles. [Rires] C’est simple, tu as vu la scène dans Validé avec Bosh et Mastar, où il lui dit « tu rappes bien » ? C’est la même, sauf que j’étais en bas et lui en haut. Un jour, il me dit de descendre en promenade. Je me dis, ça y est, des problèmes, la bagarre. [Sourire] Et en fait, pas du tout : dans la semaine on a fait le label et on a signé un contrat ! Il a géré les papiers et j’ai trouvé le nom : Ghetto Child Music [à prononcer à la française]. Pour tout te dire, il a été créé en tickets PCS – la monnaie de la prison. Mais depuis, j’ai vraiment appris un truc : écouter les gens. Parfois, je kiffe un son mais je refuse de le sortir parce que les autres ne l’aiment pas. Quand j’ai essayé d’en faire qu’à ma tête, ça n’a pas souvent marché. Donc j’ai appris à faire confiance. Quand il m’a conseillé de l’appeler La rue m’a eu, je l’ai suivi. Parce que c’est plus près de la vérité, on comprend l’idée direct, il suffit de me voir. Instruments, c’était trop tiré par les cheveux.

A : Ladjoint a produit une grosse partie de tes sons, comment tu l’as rencontré ?

SLZ : En fait, je cassais les pieds à mon frère en lui demandant : « c’est qui « Skenawin [il imite le tag de Ladjoint] au début des instrus ? » Il m’a emmené le voir. C’est en allant au studio de Ladjoint que j’ai rappé pour la première fois avec un métronome. Ça a été d’une très grande aide pour construire les morceaux. Parce que parfois, je mets tellement de cœur à l’ouvrage, d’énergie, que je voulais trouver une technique pour me canaliser et rester bien dans les temps. Le métronome, ça a été l’astuce : Ladjoint me l’a mis une fois, deux fois, puis c’est devenu une habitude. Parce que je veux que le son sorte nickel, qu’il n’y ait pas une seule faute de frappe. Je l’utilise toujours à l’heure actuelle.

A : Tu vas faire comment pour tes premières scènes ?

SLZ : Dis-toi que j’ai déjà fait des scènes. Je sortais de prison, je n’avais pas un seul son sur YouTube, rien, que des freestyles Insta et là mon grand-frère m’envoie au Castellival ! [NDLR : festival gratuit organisé en plein cœur de la Castellane. L’Abcdr en parlait pour l’année 2019]. Je suis quand même monté sur scène, j’ai fait « Traceur », c’était cool. Mais évidemment, je ne peux pas garder le métronome sur scène. Jusqu’à présent je n’ai pas fait de gros concerts, je rappais sur mes sons, donc ça passe. Si je passe le cap supérieur… Il faut savoir être honnête dans la vie, je ne sais pas encore comment ça va se passer.

« Parfois, je mets tellement de cœur à l’ouvrage, d’énergie, que je voulais trouver une technique pour me canaliser et rester bien dans les temps. Le métronome, ça a été l’astuce. »

A : Le son que tu as fait sur la BO du film des Déguns, c’est Ladjoint aussi ? 

SLZ : Oui je l’ai suivi. En général, il met les premières bases, les basses, puis je lui suggère mes idées progressivement, on travaille à deux. Sur celui-là, c’est lui qui a pris les directives parce que j’étais un peu perdu. On avait des contraintes pour ce titre : on devait parler de nos vies, un peu en positif, sans dire de gros mots parce que ça devait s’adresser à un très grand public pour le film… C’est compliqué pour moi de faire ce genre de sons. Mais c’est ça le travail : tu ne peux pas évoluer si tu ne te mets pas des contraintes. Il faut savoir se mettre un peu des bâtons dans les roues pour progresser.

A : Tu dis que c’est plus dur pour toi de faire des sons plus positifs, dans l’EP tu as des sons quand même un peu plus dansants, il y a même une prod un peu 2step pour le feat avec Bylk et Veazy.

SLZ : C’est un son dansant, mais qui se distingue du reste du rap marseillais, ce n’est pas un type-beat Jul. On a demandé le featuring, parce qu’évidemment, c’est des gars que j’écoutais plus jeune, Ghetto Phénomène. Et Veazy je le connaissais personnellement, via mon gars NIC – d’ailleurs NIC, s’il se concentrait sur la musique, il arracherait tout. Bref. Veazy, NIC et moi on avait déjà fait des sons vite fait, en mode calés, en fumette. Donc pour enregistrer ensemble, ça a glissé. Et même, je ne suis pas quelqu’un d’arrogant, qui prend de la place de base ; si tu viens me voir en studio ou ailleurs, c’est limite les autres qui me demandent de parler. Donc pas de souci en featuring, ou en travaillant avec d’autres beatmakers. À part Ladjoint, je travaille aussi avec Belo – qui est ingé mais aussi beatmaker, Wysko, et sûrement d’autres pour la suite.

A : C’est sur quel type de prod que tu te sens le mieux, où tu te dis « là, je fais du So La Zone » ?

SLZ : Les prods old-school. Pas forcément accélérées d’ailleurs, je ne suis pas trop dans le délire rap marseillais actuel en vrai, je suis plus dans le délire des anciens. Niro, SCH [il voit ma tête]… SCH attends c’est un ancien l’air de rien ! En fait, il maîtrise les deux, sons à l’ancienne et sons nouveaux. Je l’écoute beaucoup, avec Niro, parce qu’ils n’ont pas le même rapport au vécu. Mais ils ont un don. Niro, c’est le meilleur rappeur français pour moi. Ce serait eux, mes featurings de rêve – le rêve du rêve, ce serait les deux en même temps sur le son. Mais ça ne sera pas tout de suite, encore deux ou trois ans, sinon l’un comme l’autre, ils vont m’attraper et me secouer dans le son. [Rires]

A : Tu commences par plusieurs séries de freestyles, dont l’une qui marchera bien, « Rentre dans le porche. » Cette manière de commencer par des freestyles avant de faire des sons ouverts, c’est une trajectoire récurrente chez les rappeurs marseillais (et pas que)…

SLZ : Le porche, oui, c’est un lieu de mon quartier, où je traînais souvent, un peu à l’abri des regards, d’où le nom de la série de freestyles. Tu ne peux pas arriver avec un son paisible. C’est impossible. C’est comme si à l’heure actuelle, j’envoyais un son de gadjis. Ça me ridiculiserait. Pour avoir une carrière de rappeur, il faut d’abord construire son image, montrer qu’on est là, déterminé, qu’on en veut, et ensuite on peut se permettre l’ouverture. Une fois que tu as une fanbase bien constituée, qui t’accepte comme tu es. Et encore, même après mes freestyles, il y a des sons que tout le monde n’a pas acceptés. « Dans le game » par exemple, ça a été dur. Parce qu’on est arrivés trop vite avec ça. Les gens me clashaient genre « qu’est-ce que tu nous fais là » – clasher, c’est un bien grand mot, mais c’était genre : « reste dans le rap. » On est donc revenus avec du vrai So La Zone, et j’ai fini par trouver une faille : une faille dans laquelle je peux m’ouvrir, tout en restant dans la rue. « La rue m’a eu », je pense que c’est un son où j’ai réussi à tenir cet équilibre. Je raconte la réalité, la rue, mais pourtant, musicalement, c’est ouvert : ma mère le chante ! « Pushka » aussi. Sur celui-là, Graya m’a aidé sur la mélo, il est fort sur ça.

« Pour avoir une carrière de rappeur, il faut d’abord construire son image, montrer qu’on est là, déterminé, qu’on en veut, et ensuite on peut se permettre l’ouverture. »

A : Tu peux revenir justement sur la conception de ce son, « La rue m’a eu » ?

SLZ : C’est un son que j’avais fait sur un coup de tête, l’ingé l’avait zappé. Et mon frère me l’a ressorti un an après. Encore lui ! [Rire] À ce moment-là, la guitare c’est moi qui l’avais demandée à Ladjoint – maintenant, il me connaît, même à distance quand je veux un son il va me mettre de la guitare. Je suis très content de ce son, mais celui dont je suis le plus fier pour l’instant c’est « Dans la ville. » Parce que j’ai tout géré pour celui-là, de l’écriture au clip. J’ai géré les caméramans, l’ouverture des quartiers, des charbons, en appelant des contacts, le montage aussi, de A à Z. C’est le clip dans lequel j’ai mis le plus de cœur. C’est dans ce sens que c’est le morceau dont je suis le plus fier ; mais mon préféré musicalement, c’est « Pare-balles ».

A : Quand est-ce que tu signes le contrat de distribution chez AllPoints, et qu’est-ce qui fait selon toi qu’on te repère ? 

SLZ : On l’a signé récemment là, en 2023. En vrai, c’est parce que je suis moi-même. Les gens aiment aussi bien dire que je pue la rue, c’est un petit peu vrai, je suis cramé, avec ma dégaine et tout, mais je ne vais pas le revendiquer. Le fait que je ne mente pas aussi dans mes sons, c’est la stricte réalité. Enfin, il y a des choses, ce n’est pas forcément à moi qu’elles me sont arrivées, mais ça peut être la vie de mes frères. C’est soit moi, soit mes frères. On a réussi à se démarquer parce qu’on a montré qu’on était déterminés. On a mis deux ans avant de faire un feat, avec TK. On n’a pas spécialement démarché côté niveau maisons de disque, on a juste montré qu’on avait faim. Mais tout ça, c’est mon grand-frère qui gère, c’est lui la tête. Moi je m’éparpille. Lui, il a les idées : il m’a dit de bien m’occuper de mes réseaux aussi. Si tu remarques bien, je suis très proche de ma communauté : je prends le temps de leur répondre tous les jours, sur Snap par exemple [il montre son téléphone] : regarde, il n’y pas beaucoup de messages auxquels je ne réponds pas. C’est quelque chose que je compte garder, même avec plus d’audience. Tous les dimanches, je fais des dédicaces par exemple. C’est ma journée dédicace.

A : Est-ce que tu penses que le succès de Jul, SCH ces dernières années ont joué ? Quelques années auparavant, le rap marseillais était plutôt mis à l’écart…

SLZ : Non, parce qu’on est toujours mis à l’écart pour moi, les Marseillais. On parlait de ça avec TK hier ou avant-hier, regarde juste à Sevran combien de rappeurs sont signés et tarpin connus : Maes, Kalash Criminel, les gars de 13 Block, Da Uzi, Kaaris… Rien que ça ! À Paris, tous les petits jeunes en pleine expansion sont signés, même si c’est un petit contrat. Marseille, on n’a pas cette chance-là.

« NIC, s’il se concentrait sur la musique, il arracherait tout. »

A : Il y a un feat qui m’a marqué, c’est « Violon »…

SLZ : Avec Vlospa ? Lui-aussi, c’est grâce à mon grand-frère. C’est lui qui a commencé à me faire écouter cet artiste. En fait, c’est un So La Zone grec ; et personne n’avait encore fait dans le rap français un featuring avec un Grec. J’avais la pression sur ce son, il fallait que je donne tout. Donc j’ai tenu à jouer avec les références à la mythologie et l’histoire grecques. J’ai eu l’idée d’ouvrir le son sur un dialogue du film 300, avec Leonidas, j’étais à fond. Le jour où on a écrit, j’avais fait le vicieux. Renaud, le petit-frère, le bras droit de Ladjoint dont je suis très proche, c’est un gars qui a tout le temps la tête dans les livres. Avant d’enregistrer le feat, je lui ai demandé de m’envoyer douze références grecques. Il m’a parlé d’Aphrodite et de Pénélope, de Socrate, j’ai rajouté ce que j’avais appris au collège sur le cheval de Troie. Cette histoire m’avait pas mal marqué en vrai, c’est un vice de bâtard ce qu’ils ont fait ce jour-là les Grecs… [Rire]

A : YL faisait ça aussi, une comparaison un peu entre son vécu de jeune de quartier et les mythes grecs. Il rappait « mon petit-frère a mis en cloque ta petite sœur, je vais le venger comme le Prince Hector », ça faisait référence à la guerre de Troie aussi, comme à une embrouille qui peut exister ici…

SLZ : Tu sais ce que c’est la différence entre ces gens et moi ? C’est qu’eux, ils ouvrent les livres. Moi c’est un problème que j’ai, ça. Je n’ouvre pas les livres. Tout ce que j’ai appris, je l’ai appris en écoutant : des discussions à gauche, à droite, dans des débats. Si j’entends un truc qui me parle, je vais me renseigner ; si je ne comprends pas un mot, je n’ai pas peur de demander ce que ça veut dire. J’apprends des choses tous les jours, et avec les débats qu’on a fait en prison, je suis capable de te parler de tout et de rien. Mais ceux qui arrivent à ouvrir les livres ont un avantage. Moi c’est ça me tue, j’y arrive pas. Parfois je me dis que si j’avais réussi à le faire, j’aurais encore plus d’identité que ce que j’ai déjà dans la musique. Que ce soit au niveau culturel, au niveau du lexique, je serais encore un niveau au-dessus. Mais c’est trop dur les livres, je ne suis pas du tout patient, c’est ça depuis mon adolescence.  Même un film… Tu vois pas là déjà, je tiens pas en place, je bouge les jambes et tout ?

A : Mais tu arrives à te concentrer suffisamment longtemps pour écrire un son ? 

SLZ : Il y a des sons que je vais écrire en trente minutes en entier, comme « La rue m’a eu », et parfois, quatre phrases que je vais écrire en six jours. Mais les meilleurs sont ceux sur lesquels je reviens. Ceux que je peux peaufiner, améliorer petit à petit, comme « Pare-balles » ou « Dans la ville » parce que c’est une vraie histoire que je raconte.

A : Il y a un thème qui revient souvent, c’est la froideur, le côté « cœur fissuré. » Est-ce que c’est dans cet état d’esprit que tu rappes ? 

SLZ : En fait, je suis vraiment comme ça. Là c’est une interview, mais en vrai… Je t’ai dit, si je suis quelque part où je ne connais personne, je ne parle même pas. Je suis tarpin froid. Mon regard peut vite changer, aussi. Avec les gens que j’aime bien, je suis normal, mais en temps normal, c’est très dur pour moi de m’ouvrir. Si je n’ai pas le choix, comme là en interview, je vais m’ouvrir, mais je vais toujours faire attention.

A : Ce côté très froid des rapports humains, on le retrouve aussi dans la manière dont les femmes apparaissent dans ta musique. Elles-aussi elles sont sans sentiments, elles se vendent, elles trompent…

SLZ : Je vais te dire un truc direct, j’ai été autant déçu par les hommes que par les femmes. Que ce soit ça amicalement, amoureusement, dans la famille, j’ai été trahi partout. Donc je me dis maintenant : pas de sentiment, besoin de personne. Et je ne te mens pas, c’est bien mieux comme ça. Comme ça, tu n’as pas de compte à rendre. Je suis très solitaire. Ce qui peut énerver les gens des fois, c’est que je passe trois jours complets avec eux, puis plus de nouvelles. Mais je n’y arrive pas, il faut que je sois seul, j’ai besoin de la solitude. Ce qui est bien pour écrire mais… ça dépend, des fois, c’est bien aussi de rencontrer des gens, de parler avec eux, tu peux tomber sur un mot, une nouvelle façon de dire les choses qui vont te faire rapper un truc différemment.

« C’est très dur pour moi de m’ouvrir. »

A : Il y a un côté précis, détaillé dans ta musique, comme tu dis, elle colle à la réalité. Par exemple, dans « GAV », on entend ton nom à l’état civil. Comment tu gères ça, la frontière entre la vie réelle et la musique ? 

SLZ : Déjà, je fais attention de ne pas exposer les autres. Moi, on me voit, mais pas les autres – à l’exception de mon petit-frère, il a la même tête que moi, on s’en est même servi et c’est son petit kiff. Mais sinon, tu verras, je n’affiche pas ma vie privée, ni ma mère, c’est très rare que je montre chez moi. Même au quotidien, je sors de l’immeuble capuché, je rentre pareil, alors que je suis dans un quartier où je connais tout le monde. Mais c’est vrai que dans le rap, il y a des trucs à dire et d’autres à ne pas dire. On a fait le texte de remerciements pour l’album, il y a des noms que j’ai fait sauter. Parce qu’il y a des gens, personne n’a à savoir qu’ils ont un lien avec moi, c’est leur vie privée. Il y a des couplets voire des sons que j’ai commencé à écrire où j’estimais que je déclarais trop de trucs, que j’ai effacés entièrement. Puis je reviens en arrière, et je réécris. Un son où je me livre complètement, je n’ai pas encore réussi à le faire. Je voulais le faire sur l’instru d’Eminem là [probablement celle de « Lose Yourself », NDLR], un peu dans le style du dernier son de Rémy où il parle de Mac Tyer, mais à chaque fois que j’essaye, je bloque au bout de deux phrases. Si tu remarques bien, quand je raconte ma vie… Je raconte surtout les conneries, ce qu’on a fait, comment on a réussi à se relever. Mais je ne vais pas parler des choses vraiment personnelles. Par exemple, j’ai fait un son pour ma petite sœur : je l’ai envoyé à elle, et c’est tout, il ne sortira jamais.

A : L’autre grand thème qui traverse ta musique, c’est le thème d’ascension sociale, « de la cellule au château. »

SLZ : C’est la vérité, c’est mon but. Quand je dis un « château », ça peut être une putain de baraque dans un autre pays. C’est le symbole de la réussite. Avec l’album qui sort au début de l’année prochaine, c’est une nouvelle page qui se tourne. Il y a un méchant concept. Que je dois encore à mon grand-frère ! [Rires] Pour la suite, j’espère pouvoir faire un son avec une violoniste, qui vient souvent ici [le restaurant où nous sommes, derrière le Vieux Port de Marseille], un ami à moi pianiste de la Castellane et un ingé son ami à Graya, qui est guitariste. Mon but serait de faire un trio pour un son, voire faire un clip, avec ces trois musiciens, ces trois instruments indispensables à ma musique. Par contre pour ce morceau, je n’aurai pas le choix : il faudra cette fois que je me livre vraiment !

Exceptionnellement, on est sorti de notre studio parisien pour aller visiter la ville d’Akhenaton. Comme l’an dernier, on y était pour couvrir le tremplin Buzz Booster. Mais également pour rencontrer plusieurs personnalités emblématiques du rap marseillais. Une émission hors-format donc, entrecoupées d’interviews et de live-report. Florilège de portraits (Nemir, Rocca, Gros Mo, Dj Djel, R.E.D.K, Nor… dans la même émission), de vannes, de ballades sur le Vieux Port et de coups de soleil.