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Tracklist :
Intro Blood Sweat & Tears – Sometimes in the Winter
Fonky Family – Cherche pas à comprendre
Fabe – L’impertinent
Al et Duke – Les Lions vivent dans la brousse
Les Sages Poètes de la rue – Sur le beat yo !
X-Men – One One One
Busta Flex – J’fais mon job à plein temps
Puzzle – On perd not’vie à la gagner
La Mixture – Les têtes à battre
Interlude Thelma Houston – Don’t Leave Me This Way
KDD – Résurrection
Interlude Val Fourré
Expression Direkt – 78
Boboch 1Pakt – La Voix du tan-shi
Daddy Lord C – Le Retour du dad
NTM, Busta Flex, Zoxea & Lord Kossity – IV My People
Eben – Noir et blanc
Kabal – Masquarade
113 ft. Doudou Masta – Truc de fou
La Rumeur – Plus que ça à faire
Interlude Sade – Jezebel
ATK – Qu’est-ce que tu deviens ?
Faf Larage et Shurik’n – Le Destin n’a pas de roi
Ärsenik – Une Saison blanche et sèche
Chiens de Paille – Maudits soient les yeux fermés
Mafia K’1 Fry – Rêves perdus
Zoxea – Rap, musique que j’aime
NTM – That’s my people
Oxmo Puccino – L’Enfant seul
Doc Gynéco – L’Homme qui ne valait pas dix centimes
Shurik’n ft. Akhenaton – Manifeste
Interlude Alex North – Spartacus Love Theme
Interlude Varouje – TC 2000 Theme
Ideal J – Hardcore
Interlude Philip Glass – Music Box
La Cliqua – Un dernier jour sur terre
Merci à zo.
Abcdrduson : Comment est-ce que la connexion s’est faite entre les deux entités, Sages Poètes de la Rue et MZ ?
Zoxea : Je les ai entendus pour la première fois au 104, à l’époque où j’y avais ma résidence. Ils étaient venus me voir avec Davidson, qui est leur manager depuis le début, et Saxo, qui est un ancien dans le rap. En fait, Saxo m’avait dit « je passerai ce dimanche avec des jeunes du quartier qui sont très chauds ». Je ne les connaissais pas mais je savais qu’ils devaient venir et cette première rencontre artistique s’est faite en 2009. Ils sont venus 2 ou 3 dimanche. En fait, à la fin des ateliers, je mettais des instrus sur ma MPC, tous les gars présents kickaient et ils font vraiment partie des gens qui m’ont marqué.
A : La MZ, est-ce que vous étiez du genre à vous jeter sur ce genre de plan et à aller kicker un peu partout ?
Jok’air : Pas trop parce qu’on n’a pas du tout l’habitude de se déplacer dans des open mics, c’était pas du tout notre culture. A cette époque-là, on préparait notre premier street-CD et on était plus collé au quartier.
A : Les Sages Po sont connus pour avoir mis en lumière des groupes moins expérimentés que vous. Qu’est-ce qui fait que vous ayez encore cette envie aujourd’hui ?
Dany Dan : Je vais prendre le début de cette réponse. Tu parles de « Sages Poètes » mais, en réalité, il s’agit surtout de Zoxea. Je vais aller plus loin : moi-même, je suis une expérimentation de Zoxea ![Rire]
A : Ça rejoint un peu ce que me disait Salif une fois lorsqu’il précisait que tous les rappeurs issus de Boulogne étaient un jour venus te voir…
Zoxea : Passer me voir c’est un peu excessif mais… disons qu’à partir du moment où on a touché de l’argent via la musique, on a pensé à ça. C’est Dany qui nous avait ramené le premier plan qui nous a permis de gagner de l’argent en rappant et, immédiatement, on a investi. Avec Melopheelo, on aimait le son et on a acheté des machines. Très vite, c’est devenu le laboratoire chez nous. On faisait du son pour nous mais on voulait aussi que les plus jeunes viennent se tester sur nos sons. On était fan du Wu-Tang et de la Native Tongue : plus on est de fous, plus on rit !
A : Ce qui est étonnant c’est qu’on a l’impression que cette mentalité a perduré et que c’est encore le labo chez toi.
Dany Dan : Encore une fois, tout le monde n’a pas cette mentalité-là où alors les mecs font semblant de l’avoir.
Zoxea : Quand je parle de laboratoire, ça inclut aussi l’idée d’expérience. On n’a pas peur de se mélanger avec des nouveaux talents parce qu’on sait que ça peut donner quelque chose de fort.
A : C’est une question un peu bateau mais quels points communs et différences voyez-vous entre vos deux générations ?
Dehmo : On aime le rap, c’est tout.
Jok’air : Qu’est-ce qui fait marcher les sages ? La musique [Sourire].
« On faisait du son pour nous mais on voulait aussi que les plus jeunes viennent se tester sur nos sons. On était fan du Wu-Tang et de la Native Tongue : plus on est de fous, plus on rit ! »
Zoxea
A : Il y a beaucoup de gens qui aiment le rap et qui vont l’exprimer de manière différente. Qu’est-ce qui fait que vous vous êtes rapprochés ?
Rod’k : Tu écoutes notre première mixtape et tu reprends le premier album des Sages Po, Qu’est-ce qui fait marcher les sages ?, on traite des mêmes sujets. C’est la même chose, c’est juste l’époque qui est différente.
Dehmo : La façon de rapper est différente, les intrus sont différents mais les sujets se rejoignent. On va dans la même direction et c’est la même façon de concevoir la musique.
A : Vous avez parlé de Qu’est-ce qui fait marcher les Sages. Les Sages Po, c’est une de vos grandes influences ?
Jok’air : On est obligé de s’intéresser aux Sages Po quand on écoute du rap français. Pour dire la vérité, on n’est pas fan du rap à l’ancienne et on est plus dans l’air du temps…mais tu es obligé de connaître les Sages Po si t’écoutes du rap ! « Qu’est-ce qui fait marcher les sages », « Va tej’ ton gun »… Tu es obligé !
Zoxea : Ce qui est marrant c’est que, comparé aux jeunes de maintenant, je trouve qu’ils ont une grosse culture. La dernière fois, ils me disent « hé, ce serait bien qu’on reprenne « Tu dormiras au fond de ma rue » »… J’étais choqué ! C’est pas notre morceau le plus connu et je ne pensais vraiment pas qu’ils le connaissaient. Finalement, quand tu réfléchis, il y avait Houcene [NDLR : Cens Nino] de la Movez’ Lang sur ce morceau, il y avait déjà cette différence de génération parce qu’on était plus grand que la Movez’ Lang…C’est intéressant qu’ils aient retenus ce titre.
A : Est-ce que vous avez travaillé ensemble sur le projet Aime cette musique Vol.2 ou est-ce qu’il était déjà prêt quand vous avez intégré KDB Zik ?
Jok’air : La majeure partie du projet était prête mais on a ajouté trois sons après la signature chez KDBZIK. La différence, elle s’est surtout faite au niveau du mixage. On a apporté un projet mais c’est KDBZIK qui nous a permis de franchir une étape en termes de mastering et de mixage. Nos sons étaient finis mais ils leur manquaient quelque chose.
Melopheelo : D’ailleurs, c’est important de préciser que le morceau « Aime cette musique » et le clip étaient déjà finis quand Davidson est venu nous voir. On avait trouvé le concept du clip vraiment novateur [NDLR : les textes de la MZ y sont rappés par des adolescents qui n’ont rien à voir avec eux. Certains y avaient vu une attaque contre le groupe 1995.] et ça nous a séduit parce qu’on aime les choses originales.
Zoxea : Ça va décevoir certains qui devaient être persuadés que le clip était une idée de Zoxea, que c’était une attaque déguisée… Alors que je n’y suis pour rien du tout !
Dany Dan : Les gens peuvent être déçus par ceci ou cela mais, au final, la vérité finit toujours par éclater, c’est tout.
Zoxea : Ceci dit, c’est une idée que j’aurais pu avoir…et c’est pour ça que je l’ai validée. Au-delà de tout ce qu’on peut imaginer, j’ai trouvé cette idée pertinente.
Davidson : Le monde est bien fait [Sourire].
Dehmo : Pour revenir sur cette histoire d’affaire déguisée, on peut déjà vous dire que rien de ce qu’on a fait ou de ce qu’on fera ne sera destiné à quelqu’un en particulier. Quoi qu’ils fassent, on ne pense pas à « eux », on ne parle pas d’ « eux », ils ne nous intéressent pas et ça n’est pas notre façon de travailler. On ne fera jamais un clip pour atteindre tel ou tel rappeur. Chacun fait ce qu’il a à faire et on avance dans notre direction.
« Qui a découvert Booba ? Qui a mis en place un collectif avec beaucoup de rappeurs ? Il fallait que je parle à ces personnes. »
Davidson
A : Ça signifie que, même si vous êtes un jeune groupe, vous ne calculez pas les autres membres de la nouvelle génération ?
Dehmo : En fait, le groupe est jeune mais il n’est pas nouveau puisqu’on existe quand même depuis 2007. Aujourd’hui, on a l’exposition qu’on méritait mais on ne calcule personne.
Jok’air : Rien à foutre d’eux ! [Rires]
Dany Dan : À l’époque, on réfléchissait exactement de la même manière avec Zox et Melo. C’est-à-dire qu’il y a les gens d’un côté et il y a nous qui faisons ce que nous faisons, qui existons… Est-ce qu’on a le droit d’exister ? Et si la réponse est non, peu importe, on existe !
Zoxea : C’est aussi pour ça qu’on a pu travailler avec des gens comme MC Solaar ou NTM. Ce sont des gens très différents mais ils étaient intéressés par le fait qu’on arrivait comme des O.V.N.I. Quand Davidson nous a fait écouter des morceaux comme « Fonceder », ça nous faisait aussi penser à des mecs comme A$AP, Kendrick, etc dont je n’étais pas spécialement fan à la base mais que j’ai appris à apprécier. La MZ vit complètement dans son époque et c’est ce qui est intéressant.
A : La MZ est un peu à un moment charnière puisqu’on commence à parler de plus en plus de vous. Est-ce que vous le ressentez ?
Zoxea : Il y en a un, dont je tairais le nom, qui a dit « maintenant, les meufs se retournent quand elles nous voient » [Rires].
Dehmo : Tu es obligé de calculer ça parce qu’il y a des faits : le nombre de gens qui t’écoutent augmente, les gens viennent te voir, tu as des supporters qui aiment et partagent ce que tu fais… Ça te donne envie de continuer et ça te met en confiance. C’est impossible de ne pas le voir. Que ça parle de nous en bien ou en mal, c’est toujours bien. Tout le monde n’est pas obligé d’aimer notre style de musique mais si ça parle, tant mieux. Peut-être qu’on dérange mais on apporte quelque chose de nouveau.
Zoxea : Dehmo parlait d’expérience mais il faut savoir qu’on n’est pas là à essayer de les modeler. Ils font ce qu’ils veulent et c’est pour ça qu’on les a signés. Parfois, on va faire quelques ajustements mais le gros c’est eux qui en sont à l’origine. C’est leur boulot, leur son et ils sont impliqués à fond.
A : À l’époque de IV my people, Kool Shen disait qu’avoir des rappeurs plus jeunes et super techniques à ses côtés comme Zoxea ou Busta Flex lui retournaient le cerveau et le faisaient progresser. Est-ce que le fait de côtoyer la MZ peut également vous influencer ?
Zoxea : C’est obligatoire. Le rap, c’est de la compétition. On est entre nous, on partage des bons moments, on kiffe… mais le but c’est d’être le plus fort. On n’est pas en guerre, loin de là, mais le but c’est d’être le meilleur au micro. Effectivement, le fait de les voir en studio ou sur scène, ça nous motive. Si on est sur scène avec eux, que le DJ met un type d’instru sur lequel on n’a pas l’habitude de kicker… eh ben il faut kicker, on est des rappeurs ! Si on bégaye parce que le beat nous est inconnu, on passe pour des rigolos. C’est important de toujours se renouveler.
A : Comment s’est fait le morceau « Fortfat » ?
Melopheelo : Ça s’est fait dans l’urgence. Le projet était déjà masterisé et Zoxea voulait faire depuis longtemps un titre MZ/Sages Po, montrer à tout le monde la rencontre entre les deux générations. On a commencé à trouver du son à la maison, on leur avait déjà envoyé un titre, on avait travaillé dessus en studio le mercredi… Zoxea m’appelle le vendredi pour me dire qu’il faut qu’on fasse un truc plus lourd. Finalement, on n’a eu qu’une seule journée de travail. On est retourné à la maison, on a fouillé dans les disques et on a dû se voir le samedi pour faire la prod. On leur fait écouter l’instru le dimanche et on s’est retrouvé le lundi en studio. Dans l’urgence !
Dany Dan : L’enregistrement s’est fait en un seul soir. Je voulais reposer le lendemain et Melopheelo m’a dit « Non, non » [Rires].
« On a en commun un respect mutuel, une envie de travailler et de l’amour pour la musique. »
Davidson
Zoxea : Ce qui est mortel avec cette génération, c’est que ça va vite. Ils ont un instru, ils écrivent directement dessus, ça trouve tout de suite des refrains… Ils n’ont pas le temps.
Davidson [NDLR : Manager de la MZ] : L’idée que j’ai eue à la base, c’est de faire une tournée avec KDBZIK, une tournée qui n’a encore jamais été faite. Je pensais à ces deux générations parce qu’il y a entre quinze à vingt ans d’écart entre la MZ et les Sages Po. Comme on est toute la journée avec KDBZIK, qu’on travaille ensemble, je voulais qu’on fasse cette tournée commune pour que tout le monde profite du moment, que la MZ engrange de l’expérience, pour réunir les deux publics…Le son « Fortfat » est un peu le symbole de cette volonté. C’est notre morceau étendard.
Dany Dan : Et ce qui est cool, c’est que ça s’est fait à la régulière, à l’instinct. Quand je pense à « Fortfat », j’ai des flashs de Rod’k qui, pendant que je galérais dans la cabine à refaire la piste, l’a fait en one shot. Il s’agit d’y aller ! [Rires]
Melopheelo : C’est un excellent souvenir de studio, on est satisfait du morceau, on est satisfait du clip… On a envie de balancer des frappes chirurgicales. Le clip « Fonceder » a amené une nouvelle image, « Bang Bang Flow » a bien installé le style du groupe…
Davidson : Ce qui est marrant avec « Bang Bang Flow », c’est que le clip a été fait avant qu’ils enregistrent le son. Il y avait une prod, ils ont fait leurs couplets, on a tourné le clip et, seulement après, ils ont enregistré le titre. On avait tourné le clip « Fonceder » le samedi et on a enchaîné le lendemain avec « Bang Bang Flow ».
Dehmo : On sait faire des trucs dans le speed avec de la putain de qualité. C’est le fast-food de luxe.
A : Davidson, tu sembles être un manager très proche du groupe et…
Davidson : [Il coupe] Pour faire court, je suis un mec de Chevaleret, eux aussi, je bosse la MZ, je bosse un autre groupe qui s’appelle Le Binôme… C’est le Beat de Boul’ version 2013. Mon ambition, c’est qu’on puisse tous s’exporter. Il n’y a même pas que la MZ et Le Binôme, il y a aussi tous les gens qui ne font pas de rap mais que j’essaye de faire bosser dans les concerts, dans la vente de t-shirts, dans les stickers… J’aime la musique, j’aime ma cité, j’aime mes potes et je cherche à avancer.
A : Quand tu dis, c’est « le Beat de Boul’ en 2013 », ça signifie que c’était déjà une de tes influences ?
Davidson : Je suis un renoi, je prends exemple sur les renois. Quels sont les renois qui ont fait quelque chose de concret dans le rap street en France, parce que c’est le rap que j’aime ? Je pense à Beat de Boul’, Sages Po, Booba…C’est ce style de musique auquel je me réfère. Qui a découvert Booba ? Qui a mis en place un collectif avec beaucoup de rappeurs ? Il fallait que je parle à ces personnes. J’ai rencontré Zoxea et Melopheelo qui ont adhéré à mon concept de collectif. On a en commun un respect mutuel, une envie de travailler et de l’amour pour la musique.
A : Il y a des plateaux communs mais c’est assez rare de voir deux groupes se réunir pour des concerts.
Zoxea : Il y a l’envie de faire les choses collectivement mais il y a aussi l’amour du risque. On prend des risques parce qu’on croit à 100% en nous. C’est aussi ça le rap, la recherche de l’adrénaline !
Davidson : Depuis le début, la confiance est le mot clé du collectif. Depuis qu’ils ont quatorze ans, j’ai confiance en la MZ. J’ai rencontré KDBZIK et j’ai entièrement confiance en eux. Tu ne peux pas être un artiste ou journaliste comme toi et ne pas croire en ton projet.
Dany Dan : Par rapport à cette histoire de confiance, c’est ça qui fait qu’on aime la musique. Quand tu vas écrire ou faire un son, il s’agit de kiffer et de rendre le moment ludique. Quel meilleur moyen de kiffer que d’explorer un territoire inconnu ? Voilà ce qui fait qu’on est là depuis si longtemps.
Abcdr : Comment deux frangins comme Zoxea et toi sont tombés dans le Hip-Hop ?
Melopheelo : Ça remonte à loin… [pensif] En fait, avant même de tomber dans le Hip-Hop on est tombé dans la musique. On avait un oncle qui organisait pas mal de soirées africaines où il invitait quelques artistes. Nous, on était plongé là-dedans, et on a pu côtoyer des gens comme Manu Dibango par ce biais. Très tôt, on a été confronté à ça. En plus à la maison mon père écoutait beaucoup de musique, de la Soul, du reggae.
Ensuite, le Hip-Hop on y est venu dès que c’est arrivé en France. La première vidéo c’était Break Machine, des mecs qui avaient été découverts par un français, le morceau s’appelait ‘Street Dance’. C’est à partir de ce moment là qu’on s’est dit que ça nous plaisait vraiment. Ensuite, il y a eu les émissions de Radio Nova et tout ce qui s’en suit.
A : Il y en a un qui a plus poussé l’autre ou vous étiez à bloc tous les deux ?
M : Non, mon frère a toujours été plus impulsif. Lui, il était à fond dedans, il nous poussait beaucoup. Beaucoup ne le savent pas mais la rencontre avec Logilo c’est lui qui l’a faite. Il était question qu’ils fassent un groupe tous les deux. Mais à un moment on s’est dit qu’il fallait qu’on s’unisse, qu’on rassemble nos forces.
On allait tous les dimanches enregistrer chez Logilo à Sarcelles, et au fur et à mesure on a intégré le noyau. Logilo est lui devenu le DJ officiel. On a commencé alors à tourner, à faire pas mal de concerts. A la base on était un groupe de scène, pas de studio.
A: Quel regard ton père et ton oncle pouvaient porter sur votre parcours ? Il y avait une forme de décalage ?
M : Forcément il y avait un décalage. Nos parents organisaient ça en plus de ce qu’ils faisaient. Pour mon oncle c’était différent vu qu’il était producteur de disques de musique africaine. Quand on a commencé le rap, pour mes parents, c’était une activité comme une autre. On faisait ça comme on aurait pu faire du sport. Plus tard, quand ils ont vu qu’on faisait des concerts, que ça prenait de l’ampleur, leur regard a encore un peu changé. Ils nous ont laissé faire même s’ils nous disaient toujours qu’il fallait avoir un bagage, une base scolaire.
A : Vous avez tenu promesse à ce niveau là ?
M : Ouais, moi j’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai toujours essayé de gérer les deux mais à un moment ça s’est compliqué. On était en tournée avec Solaar moi j’étais en deuxième année de BTS et ce n’était plus possible.
A : Vous avez l’image d’un groupe extrêmement soudé, en place depuis plus de quinze ans. Est-ce que, par le passé, vous avez à un moment déjà envisagé une séparation ? Les exemples de NTM et IAM rappellent combien l’unité sur le long terme peut être compliquée.
M : Les moments de crise il y en a eu, c’est normal, même avec mon frère de sang. Parfois on a des désaccords, des sautes d’humeur. Mais on se connait bien et on sait que dès qu’il y a une crise il faut la gérer rapidement. Quand on a monté le groupe on s’est dit qu’on devait aller jusqu’au bout, et que le jour où on aurait plus l’envie on arrêterait.
A : Est-ce que tu penses que ce côté familial vous immunise d’avantage par rapport à ces grosses crises ?
M : Oui, Zox’ c’est mon frère et Dany je le considère comme mon frère également. On se connait parfaitement, on n’a pas besoin de se parler pour savoir s’il y a un souci. A partir du moment où les gens nous suivent et sont à fond derrière nous, tous ces problèmes d’égo quand on est sur scène ou en studio, ils disparaissent. Tant que la musique nous fait kiffer on continue.
A : La rencontre avec Dan remonte à quand ? Elle a eu lieu comment ?
M : Ça remonte au début des années quatre vingt-dix. On était au bahut ensemble, moi je rappais déjà avec mon frère et Dany avait entendu parler de nous. Il a rencontré mon frère dans la rue comme ça, naturellement.
A : Dany Dan a un morceau avec Ol’Kainry où il raconte une scène à l’interphone…
M : C’est exactement comme ça que ça s’est passé. D’ailleurs c’est ce qui est fou avec Dany. Quand il te raconte quelque chose comme ça et que tu l’as vécu, ça te rappelle beaucoup de souvenirs.
« Ça nous motivait tellement qu’à un moment, on était pratiquement enfermé dans son studio. On enregistrait jour et nuit. »
A : Si l’on regarde rétrospectivement l’époque Beat de Boul, on a l’impression qu’il y avait une grande unité sur la scène boulonnaise. Alors que chacun a plus ou moins suivi son parcours de son côté, ressens-tu une certaine nostalgie vis-à-vis de tout ça ?
M : Quand on a fait ça, ce n’était pas forcément pour former le plus grand crew possible. On avait beaucoup de monde qui nous suivait, nous soutenait. Pour nous, lorsque c’était possible, c’était normal et naturel de faire participer les gens autour de nous à nos projets. Par exemple sur le premier album, Cens Nino de Movez Lang apparait sur un titre.
C’était notre premier album, on aurait pu la jouer « on fait Sages Po’ et point barre« , mais non… On voyait tout ça comme une école où celui qui avait envie de faire quelque chose pouvait venir. Et quand on sentait qu’en face la personne avait vraiment envie, on poussait. C’est pour ça qu’on a fait les compils Beat de Boul. C’était aussi pour présenter au public tous ceux qui gravitaient autour de nous. On n’a pas fait ça avec un objectif business, en sachant que ça on n’a jamais su le faire comme il fallait. C’était très instinctif, on n’imaginait pas des plans de carrière.
A : Parmi tous les gens que tu as vu passer, quels sont ceux qui t’ont particulièrement marqué ? Est-ce que tu as des grands moments de rap qui te reviennent ?
M : Quand on a commencé à intégrer l’univers Jimmy Jay, à chaque fois que Solaar arrivait avec un titre, je prenais une claque. A l’époque des Cool Sessions, Jimmy Jay était au top, il ramenait toujours un son original. Solaar avait déjà sorti son premier album, ça marchait bien pour lui. Un jour tous les artistes sur la compilation avaient été rassemblés au studio et on écoutait tous les titres avec Démocrates, Sleo…
A un moment, Jimmy a mis le morceau de Solaar. Ça sonnait grave, on avait l’impression qu’il venait d’une autre planète ! Je me souviens m’être dit « Ha oui là, quand même, il a mis la barre haute« . Ça nous motivait tellement qu’à un moment, on était pratiquement enfermé dans son studio. On enregistrait jour et nuit. C’est à ce moment là qu’il a vu qu’on était très productifs. On avait déjà maquetté plein de titres et de là on est passé à un autre studio où on a enregistré le premier album Qu’est-ce qui fait marcher les Sages ?. Solaar, c’était une rencontre importante pour nous. On avait déjà notre truc à l’époque mais nos échanges ont été bénéfiques. Et bon, quand tu réécoutes Prose Combat au niveau des textes et du son… [Il s’arrête] Respect.
A : A part Solaar, vous avez eu d’autres influences majeures ?
M : On écoutait ce qui sortait à l’époque. IAM, NTM, Assassin, Alliance Ethnik qui est arrivé en même temps. Aux Etats-Unis, X-Clan, Wu-Tang, A Tribe Called Quest, Pete Rock & C.L. Smooth, De La Soul, toute cette vibe. Musicalement ça nous parlait, et niveau flow et lyrics mon frère et Dany ils se mesuraient avec ça.
A : Quand on a interviewé Zoxea il y a plusieurs semaines, il a pas mal insisté sur ton rôle clef dans les Sages Po’, sur le fait que tu l’avais mis dans le rap, que t’avais formé le groupe. Aujourd’hui, tu es la figure la plus en retrait des trois, est-ce que cette situation ne s’avère pas frustrante pour toi ?
M : Non, cette posture là elle est volontaire. J’ai jamais été quelqu’un qui aimait se montrer, je suis plus à l’aise derrière mes machines, en studio ou sur scène. Tu prends des exemples d’artistes français comme Cabrel, ce sont des mecs que tu ne vois jamais. Les mecs ce sont des musiciens ils font leur truc.
Plusieurs fois on m’a demandé pourquoi je n’avais pas fait d’album solo. J’aurais pu en faire deux d’albums solo, j’avais la matière pour ça. Mais ça a toujours été le groupe avant tout et les albums solo des autres. Donc frustration, non. Dès que je suis derrière mes machines je m’amuse. Je place aussi pas mal de titres sur des projets ici et là et ça me suffit.
A : Tu n’as pas envie de développer une carrière solo comme ton frère ?
M : Non, c’est du travail et défendre seul un disque sur scène, je ne le ferais pas. Il faudrait que mes frangins soient derrière moi. Je ne me vois pas non plus faire la tournée des radios.
A : D’ailleurs lors du concert « Retour aux Sources » tu étais dans une position de DJ/Producteur, tu bossais visiblement en direct sur une MPC. C’était une nouveauté pour toi ?
M : On a voulu tester un truc différent, en se disant que c’était L’Elysée Montmartre et qu’il y aurait du monde. Au départ on devait faire toute une mise en scène avec un grand écran mais on a eu des problèmes techniques du coup on n’a pas pu le faire. La MPC nous a suivi depuis toujours alors la ramener c’était symbolique.
Quand Tribe était venu jouer à l’Elysée Montmartre Q-Tip était monté sur scène avec une SP 12 ça m’avait traumatisé. Il avait envoyé un titre avec sa SP et ça avait mis tout le monde d’accord. Je m’étais dit que si un jour on avait la possibilité de le faire, on devait y aller.
Après, le morceau ‘Je décompose les mots’ qu’on a joué, on ne retrouvait plus la bande de l’époque. Du coup on l’a refait. On a repris le sample et on l’a reprogrammé ici avec mon frangin.
A : Tu te souviens de tous les samples que tu as pu utiliser dans tes prods ? Pourquoi parce que tu les réécoutes souvent ?
M : Ce sont des trucs qui m’ont marqué. Et j’ai toujours été proche de ça, des vinyles, de la recherche de sons. Après, sur le premier album on mélangeait tout, il y avait des petits samples de cuivres mais la base je sais où elle est, sans souci.
A : Comment tu te situes aujourd’hui ? Avant tout producteur ?
M : Je suis d’abord dans la musique, donc producteur et réalisateur. On m’a contacté pas mal de fois ces derniers temps pour de la réalisation. Je bosse avec des gens qui sont proches de l’univers Sages Po’. Mais globalement, je suis plus derrière les machines à réaliser. En plus on a monté notre boite avec mon frère, KDBZIK, on développe autre chose en parallèle. Donc forcément la musique elle a une place clef là-dedans.
A : T’es collectionneur également ?
M : Plus maintenant. Avec Internet tu peux tout trouver. En plus le prix des disques n’est plus le même qu’avant, c’est devenu un vrai business. Je dis souvent à mon frère que dans les disques qu’on a là, ces disques qu’on a retournés, il y a toujours un truc à prendre.
La manière de travailler a aussi pas mal évolué. On peut partir d’un sample et retravailler dessus. Ca nous est aussi arrivé de bosser avec des musiciens, notamment sur le deuxième album. Un morceau comme ‘Je reste au centre’ part d’un sample, on a ensuite fait appel à un bassiste, un guitariste pour tout retravailler par-dessus. On n’est pas arrêté sur le sample, si on peut ramener des musiciens en studio on le fait.
A : T’as appris à jouer ?
M : Je me débrouille aux claviers, même si je ne suis pas Chopin.
A : L’approche que tu décris là, c’est celle que vous avez suivi pour l’album à venir de Zoxea ?
M : Là, c’est assez spécial, lui, il veut vraiment revenir avec les sons de l’époque. Il est allé rechercher les vieilles disquettes, avec des vieux samples et vieilles batteries. On verra à la réalisation, s’il faut réactualiser, on le fera. Mais tout en gardant ce côté années quatre-vingt-dix qu’il veut volontairement conserver.
« Quand le temps aura passé je mettrais sur mon site des petits extraits des originaux. »
A : Quel est ton rôle dans ce projet ? Tu es réalisateur ?
M : Non, je prête mon oreille de grand frère. En entrant en résidence au 104 en février dernier, il a voulu mettre en avant ses qualités d’artiste complet que ce soit à l’écriture, à la composition ou à la réalisation. Pour le moment, il reste très secret sur ce qu’il prépare. J’ai pu écouté quatre titres récemment et ça m’a fait plaisir d’entendre ce qu’il a réalisé. Surtout un qui à mon avis va faire couler pas mal d’encre…
L’album ne s’appelle pas Tout dans la Tête uniquement en référence à sa technique d’écriture. Mises à part deux prods, dont je suis assez fier, les sons eux aussi sortent de sa tête. Il veut produire un album très personnel. C’est une bonne chose. Je le sens vraiment épanoui avec ce projet.
A : La prod’ de ‘J’rappe pour les minorités’ c’était ton frère ? Il est assez proche d’un morceau que tu as fait pour Manu Key…
M : On s’était vu avec Manu Key à un moment où il cherchait des prods. Il m’avait dit vouloir un morceau qui sonne comme « J’rappe pour les minorités ». J’ai repris une partie du sample de ce morceau, je l’ai redécoupé et travaillé à ma façon. J’ai un peu fait ma version de ‘J’rappe pour les mino’’. L’original c’est un gros sample de funk. Quand le temps aura passé je mettrais sur mon site des petits extraits des originaux. C’est de la funk des années quatre-vingt, où les mecs commençaient à ramener des claviers plus proches de la musique électronique.
A : Comment tu es venu à la production ?
M : Quand on est arrivé, on n’avait rien, il y avait tout à faire. Au départ on n’avait ni DJ, ni compositeur. On a eu un premier sampler, un Akai S01, tu pouvais sampler quinze-vingt secondes. Il fallait se débrouiller avec ça. Dany lui, il n’était pas à fond dans le son, mais plutôt dans l’écriture. Moi j’écrivais moins, j’étais un peu plus fainéant alors je me suis mis au son. Tout ça est venu naturellement. Quand on a eu la MPC 3000, on a passé énormément de temps dessus pour composer ce qu’on avait dans la tête.
A : Si tu devais citer cinq producteurs que tu considères comme au-dessus du lot, qui seraient-ils ?
M : Avant tout des cainris. Q-Tip, Ali Shaheed, Dr. Dre qui a toujours su traverser les époques. J’ai réécouté encore le premier Snoop il y a peu, il sonne comme s’il avait été sorti hier ! C’est vraiment de la grosse production. Il a bossé avec des mecs à la pointe dessus. Pete Rock, ça été une grosse référence, notamment dans l’utilisation des cuivres. Aujourd’hui, un mec comme Timbaland il a ramené un certain son. Tu as aussi pas mal de gens dans l’ombre.
A : Un mec comme LIM c’est un peu toi qui lui as appris la production ?
M : Ouais, LIM c’est un mec qui avait la dalle. Il était avec nous et aimait vraiment apprendre et voir comment on bossait. Il a appris en nous regardant. Il a eu un peu de matos à un moment et il a commencé progressivement à ramener des prods, des samples et des idées pour le premier album de Movez Lang Héritiers de la rue. LIM avait aussi cette démarche et cette envie de rapper sur les sons qu’il avait dans sa tête.
A : Justement, comme s’était déroulée la conception de Héritiers de la rue ?
M : Sur cet album, j’avais le rôle de réalisateur, donc de chef d’orchestre du projet. J’organisais pas mal de trucs dont les séances d’écoutes de prods. Je proposais des thèmes, des choix de productions. Eux ils ramenaient parfois des samples et je bossais dessus. C’était vraiment un projet collaboratif, un travail de famille. Ca se ressent quand tu écoutes l’album, c’est un truc travaillé et pas vite fait.
C’était une super bonne expérience cet album. On l’a fait avec les moyens du bord ce disque. Avec les moyens actuels, il aurait pu marquer son époque et avoir un impact commercial bien plus fort. Pour moi c’est un disque que tu peux écouter très facilement aujourd’hui.
« Quand on est en studio, on y est vraiment. Moi, je n’ai pas envie qu’on m’impose des horaires. »
A : J’étais assez surpris de voir la quantité de morceaux mis de côté, vous en avez sorti une partie avec la série « Trésors enfouis ».
M : On a encore plein de titres. A l’époque de Jimmy Jay on était ultra-productifs, tout le temps en studio, pareil au moment de Jusqu’à l’amour on avait notre propre studio, on était enfermés H24. Et avant même tout ça, on enregistrait chez nos parents, du coup beaucoup de titres ont été fait là-bas.
A : En étant aussi productifs, ça devait être un crève-cœur de mettre autant de morceaux de côté…
M : Oui, c’était douloureux. Et parfois on avait des prises de têtes sur le choix des titres. Si à l’époque on s’était dit qu’on allait faire des Trésors enfouis et sortir ces morceaux plus tard, ça serait passé mais à ce moment là ce n’était pas le cas, on ne savait pas ce qu’on allait faire de ces titres. Quand des titres passaient à la trappe ça nous foutait bien les boules.
A : C’est cette forte productivité qui vous a amené à faire de « Jusqu’à l’amour » un double album ?
M : Oui, on avait trop de morceaux, on ne pouvait pas tout concentrer sur un douze titres. En plus à cette époque on enregistrait constamment. On s’est dit quasi direct qu’on devait faire un double, rien à foutre.
A : Ça a été facile de convaincre la maison de disques ?
M : Oui, ce sont juste des histoires de business tout ça. On est arrivé avec un concept très novateur à l’époque. Pour intéresser le public, on a eu l’idée avec la maison de disque de développer un côté multimédia. Tu peux regarder les discographies, on est le premier groupe à avoir amené ce côté-là, un album où tu pouvais trouver des vidéos, des images, les paroles.
Pour nous aussi l’ajout d’une plage multimédia avec vingt minutes d’images c’était une découverte. Elle comportait des images de studio pour donner l’impression au public d’être un peu plus avec nous, un peu plus dans notre aventure. C’est un truc qu’on n’a même pas déposé mais après les maisons de disques se sont gavées avec ça.
A : D’ailleurs dans le livret de cet album vous aviez refait la même photo que la pochette du premier album. Quel était le message derrière tout ça ?
M : On bossait avec un gars qui a suivi notre parcours depuis des lustres, Tàshi. Quand on est arrivé au départ, on est venu avec notre équipe en disant « c’est lui qui va faire la pochette« . Tàshi ce n’est pas un photographe à la base, juste un mec qui aimait la photo. A l’époque, on aimait vraiment bosser avec notre équipe, un truc qu’on a difficilement pu faire quand on s’est attaqué au troisième album, Après l’orage. En même temps c’était la maison de disques qui mettait l’oseille…
De toute façon, Après l’orage n’a rien à voir avec les autres albums, même dans la façon de travailler. On nous a dit qu’il fallait prendre des réalisateurs pour ce projet. On ne voulait pas, alors on a dit qu’il fallait prendre un américain, genre Pete Rock, Premier. Evidemment ça ne s’est pas fait ! [rires] Du coup on a bossé avec Guts et Faster Jay, des gars qu’on connaissait.
Je ne vais pas dire que l’esprit Sages Po’ n’était pas sur l’album, vu qu’on était dessus et on assume jusqu’au bout, mais certains titres de cet album, aujourd’hui avec du recul, je me dis qu’ils ne nous correspondaient pas trop.
A : L’album a un côté très propre, très professionnel, mais on a l’impression de ne pas vous retrouver là-dedans….
M : Je suis tout à fait d’accord. Je réécoute quand même certains morceaux régulièrement. On était dans une autre approche. Même dans la façon de travailler, c’était fonctionnaire: on arrive au studio à quatorze heures, on part à vingt-deux. C’est pas du travail ça. Ca se ressent dans l’album. Quand on est en studio, on y est vraiment. Moi, je n’ai pas envie qu’on m’impose des horaires. Pour moi, il y a quelques bons titres mais Après l’orage ce n’est pas la continuité de « Qu’est-ce qui fait marcher les sages ? » et « Jusqu’à l’amour ».
A : J’ai l’impression que BMG n’a pas réussi à comprendre le rap en général.
M : T’as raison, faut dire les choses comme elles sont. Ce n’était pas un label spécialisé dans le rap, ils étaient dans autre chose. Quand on a fait le deuxième album on était avec Edel, un label moins côté, mais ils ont mis toutes les forces sur nous. Le simple fait de développer cet aspect multimédia, il n’a pas été repris par BMG. BMG ils ont préféré sortir le disque avec une puce pour empêcher de le graver. Au final les gens ils ont acheté l’album, ils le mettaient dans leur chaîne et ça ne fonctionnait pas. Bref, de la merde du début à la fin. Après, nous on l’a assumé cet album, ça peut arriver de faire des disques qui marquent moins, ça fait partie du jeu.
Le seul truc c’est qu’on était dans des grands studios, on est parti pour certaines séances une semaine à Avignon, mais c’était de la blague pour moi tout ça. On se perdait plus qu’autre chose. T’es dans une belle maison, t’as le terrain de golf, la table de ping-pong, tes potes qui viennent, comme des vacances. Mais au final tu fais quoi ? Trop de moyens ça tue tout. Ca sert à rien. Depuis le début, les premiers groupes ils n’avaient pas tout ça. Sugar Hill Gang ils n’avaient rien, juste deux platines et des choses à dire. Ils ont fait des morceaux et certains titres sont devenus des classiques.
Aujourd’hui, et plus encore avec une musique qui part de samples, tu n’as pas besoin de grand-chose. Après, si tu veux faire sonner ta musique comme des gros trucs de pop là tu vas avoir besoin d’un bon ingénieur du son, d’un bon mec au mastering. Mais louer une maison pendant une semaine pour aller maquetter ça sert à rien. Moi qui ai été toujours en retrait avec une vision globale sur la musique, à un moment quand il a fallu rendre l’album j’ai refusé que certains titres soient sur l’album. Ca a créé des conflits, avec la maison de disques et au sein du groupe. Un morceau comme ‘Tout le monde fait Oh’ ça n’est pas du Sages Po’. C’est un truc de maison de disques pour l’été.
A : On sait qu’un prochain album des Sages Po est annoncé sans qu’il y ait de date de précisée. Comment imagines-tu la conception de ce nouveau projet, huit ans après « Après l’orage » ?
M : Un nouvel album Sages Po’ il doit avant tout passer par la scène. La scène nous procure des émotions et le regard du public est essentiel. Le déclencheur pour ce nouvel album, pour maintenir cette envie de se retrouver en studio avec beaucoup d’idées, ce sera forcément la scène.
« La séance devait débuter vers 18 heures, on l’a finie à six heures du matin. »
A : Tu te souviens de ta première séance de mix en studio ?
M : [pensif] Pour le mix de notre premier album on est arrivé direct à Plus 30, un gros studio parisien où la plupart des gros artistes sont passés. D’ailleurs j’ai une anecdote là-dessus : on enregistrait pas mal de titres au studio de Jimmy Jay et le jour où il a fallu rentrer dans le mix de l’album, Dany devait prendre l’avion le lendemain pour aller en Afrique.
On s’est retrouvé dans cette bête de studio, du coup on s’est dit qu’on devait tout faire et on a réenregistré l’album en une nuit. On a reposé les dix-huit titres, pour te dire à quel point on était des gros bosseurs. La séance devait débuter vers 18 heures, on l’a finie à six heures du matin. A six heures, Dany a appelé son taxi, direction Orly.
A : Y a-t’il une histoire derrière l’interlude ‘Soirée coupe gorge’ ?
M : Pendant qu’on réenregistrait les titres en studio cette nuit là, on se disait qu’on n’avait ni interlude, ni intro. Pour ‘Soirée coupe gorge’, on s’est dit qu’il fallait ajouter une introduction au morceau ‘Un noir tue un noir’. A l’époque tous les gars de Beat de Boul étaient avec nous, en studio aussi. Sur ce morceau, on a demandé à Malekal de raconter une histoire, une histoire d’embrouilles. Tout était freestyle, rien n’était calculé. Ils auraient pu ne pas être là ce jour là et ce morceau n’aurait pas figuré sur l’album.
A : On entend ta voix sur le morceau…
M : Ouais, quand ils ont posé leur voix, j’écoutais et je réagissais en même temps. Cet interlude était complètement improvisé, on leur a demandé de nous raconter un truc par rapport à une embrouille qui leur était arrivée. Ils avaient tellement d’embrouilles à l’époque, ils ont raconté plein de trucs et ensuite on a sélectionné.
A : Tu évoques beaucoup le rapport au public. Avec quinze-vingt ans de rap derrière toi, quel regard tu portes sur l’évolution du public ?
M : Quand on fait des concerts aujourd’hui, le public est composé de jeunes et moins jeunes. Je me souviens d’un concert en début d’année à l’espace Barbara dans le dix-huitième, y’avait un gosse devant il devait avoir onze-douze ans. Il connaissait toutes les paroles par cœur. A l’époque du premier album il n’était même pas né !
Voir ce genre de trucs ça me rappelle qu’il y a vraiment des gens qui nous suivent et qui passent le relais à des plus jeunes. Tu as des jeunes qui nous suivent pour ce qu’on fait aujourd’hui et d’autres qui ont le côté inverse qui veulent savoir tout ce qui a été fait avant, les débuts… Notre public est, je pense, un mélange de gens qui aiment cette musique, avec des connaisseurs et des moins connaisseurs.
A : On assiste aujourd’hui au vieillissement d’une première génération de rappeurs, c’est assez étonnant à observer. Comment tu vis ça ? Est-ce que tu te projettes ?
M : Comme on a dit dans le premier album, ce qui fait marcher les sages c’est la passion du son. Peut-être qu’à un moment je me dirais que je n’ai plus ma place en studio à raconter des trucs. Mais tant que lorsqu’on fait des concerts Sages Po’ les gens sont au rendez-vous, moi ça me pose pas de problème. Tant qu’on aura ce truc là en nous, cet amour, je ne vois pas de raisons d’arrêter. Le jour où on va revenir sérieusement, va vraiment falloir qu’on laisse une empreinte forte. Ce sera ça le vrai challenge.
On est parti jouer à Lille il y a plusieurs semaines, le public lillois a la réputation d’être très dur, très froid. C’était un tremplin où on devait noter les groupes qui passaient pour dire quel groupe passerait à Paris pour y faire un concert. On devait aussi clôturer la soirée. Je regardais à un moment la salle qui se remplissait, se vidait, avec parfois un groupe qui jouait et quasi personne devant. Tu as beau avoir dix ans de scène, tu te demandes toujours comment ça va se passer pour toi.
Dès qu’on est arrivés et qu’on a balancé le son on a vu le public réagir direct. Du coup on s’est dit que c’était bon, et ensuite on a donné ce qu’on avait à donner. A chaque fois qu’on fait des scènes comme ça et qu’on voit l’envie du public, ça nous donne envie de faire encore plus, de nous prendre la tête sur des nouveaux projets.
A : Au-delà du gros kif autour de « Retour aux sources », quelles conclusions tu peux tirer d’un évènement – très orienté revival années quatre-vingt dix – comme celui-là ?
M : Cet évènement il a été monté sur une idée simple de deux filles – dédicace à elles d’ailleurs. Au niveau des moyens promotionnels ça été fait de façon super underground, par du bouche à oreille, du networking, pas avec des gros moyens et des grosses affiches dans le métro. Du coup, nous, quand on arrive à l’Elysée-Montmartre pour faire les balances on se dit qu’il va falloir la remplir la salle. Tu appréhendes et te demandes quel genre de personne va être là. Quand 3ème œil a commencé on a vu que c’était blindé. On se disait « arrête, putain, merde ! » [rires] Et là, ça te donne encore plus de force pour tout déchirer.
Notre démarche ça a toujours été quand il y a du monde, on donne le meilleur de nous-mêmes. Aujourd’hui, je considère qu’il y a de la place pour tout le monde. Et tant qu’il y aura un public pour écouter, soutenir cette musique, ça va continuer à fonctionner. Une semaine après Retour aux Sources, il y avait le concert de Générations Parlez-vous français ? avec des groupes de la scène actuelle. Après pourquoi ne pas essayer d’organiser des concerts en mêlant ces deux générations ? Je pense qu’il y a plein de trucs à faire en tout cas et qu’il ne faut pas s’arrêter là.
A : Comment se sont passés les échanges avec les autres groupes en coulisses ?
M : On avait plus d’affinités avec certains groupes, comme Express D qu’on connait bien. 3ème œil on les avait déjà vus à Marseille, d’autres on les avait croisés en radio. Après, le vrai truc à retenir là-dedans c’est le respect. Même si on n’a pas bossé avec tout le monde, tu l’oublies très vite, t’es là pour un évènement, pour le rap. C’est avant tout un kif.
A : Alors est-ce qu’on peut espérer une grande reformation du Posse 501 sur une date unique ?
M : Tu m’en demandes trop là ! [rires] Je ne sais même pas si tout le monde est encore dedans, à commencer par Solaar. Et nous on ne faisait pas partie du Posse 501, on gravitait uniquement autour.
A : On te laisse le mot de la fin…
M : Merci à tout ceux qui nous suivent depuis le début, aux nouveaux qui s’intéressent aux Sages Poètes de la Rue ainsi qu’à l’Abcdr. Restez en alerte les bonnes surprises arrivent à commencer par le frangin…
Abcdr : Comme vous le dites dans l’intro ça faisait un petit moment qu’on avait pas entendu parler des Sages poètes de la rue en tant que groupe, pourquoi un tel délai entre votre deuxième album Jusqu’à l’Amour et Après l’orage ?
Zoxea : On a réalisé pas mal de projets pendant cette période. J’ai fait mon album solo à ce moment là. Melopheelo a fait des productions. Dany Dan a fait différentes apparitions, des featurings. Et, le plus gros truc c’est qu’on a mis 1 an et demi pour faire cet album. On a pris notre temps. Au final ça fait beaucoup d’espace entre les deux albums, mais quand tu regardes y’a eu beaucoup de choses qui se sont passées.
A : Vos deux premiers albums étaient sortis chez des indépendants, pourquoi avez-vous décidé de sortir celui-ci en major ?
Z : C’est une expérience qu’on a toujours voulu tester, et on est assez curieux. On a connu la période où on s’est fait signer par un indépendant, ou on a signé. On voulait voir l’expérience d’être en major, avec des moyens de diffusion.
A : Qu’est-ce que ça vous a apporté cette signature, en tout cas par rapport à cet album là ?
Z : Dans un premier temps, on a produit des groupes. Nous, les Sages Po’, on a souvent mis en avant les autres avant de nous mettre nous en avant. Pourquoi ? parce qu’on est des passionnés, avant tout. On aime cette musique et on a pas, malheureusement, l’esprit business. Nous, même que lorsqu’on a montré notre boite, c’était avant tout pour mettre des gens à nous en avant, plus que pour faire du gen-ar, pour leur permettre de sortir des disques. Maintenant, une des raisons pour laquelle on a voulu aller en major, c’est qu’on voulait avoir le cerveau libre. On voulait pouvoir faire notre truc et avoir une structure derrière pour le soutenir. Tout ça bien sur avec notre regard. Le fait qu’on ait été en indépendant nous a apporté une certaine maturité, et nous a permis de mieux connaître et gérer notre business. Après, ok on s’est mis avec une major, mais c’est du 50-50. On peut de notre coté leur apporter l’expérience du terrain, de la rue, eux ils ont la logistique.
A : Ce nouvel album est particulièrement éclectique, avec un panel d’influences très large. C’était une volonté délibérée du groupe de mélanger un peu les genres ?
M : On a voulu donner sur cet album du relief, dans la façon d’aborder les sujets et aussi dans la musique. Cette impression d’éclectisme vient du fait qu’on est très ouverts, on écoute beaucoup de musique. Le rap c’est pour moi une des musiques les plus créatives, puisque t’as pas besoin d’être compositeur, il suffit d’écouter de la musique et d’assembler, c’est un peu de l’alchimie. Aujourd’hui, c’est une évolution, un album en plus, mais on a toujours essayé d’apporter quelque chose d’original dans la musique. Justement, de ne pas faire comme les autres.
Z : Il est peut-être plus accentué l’éclectisme sur cet album, mais quand tu regardes nos albums on a toujours développé plusieurs univers différents. Nous même on est différents. Dany Dan, Melopheelo, Zoxea ce sont trois personnalités bien différentes. Ce sont des gens qui certes écoutent la même chose au final, mais on a chacun nos vies et nos influences musicales, même si en général on a baigné dans la musique noire, Africaine, Américaine. Toutes ces influences, aujourd’hui, avec la maturité, prennent le dessus. Le rap c’est une musique évolutive, qui voyage et s’inspire de plusieurs univers.
« On a voulu donner sur cet album du relief, dans la façon d’aborder les sujets et aussi dans la musique. »
Melopheelo
A : Tu parlais tout à l’heure des productions, dans cet album vous avez fait appel à pas mal de gens extérieurs, ce qui n’était pas le cas lors des albums précédents, c’était aussi une façon d’avoir des influences plus larges ?
Z : Nan, pas vraiment. Quand tu regardes Madizm qui a fait un morceau comme ‘Oublie-moi’, les gens pensent que c’est Melopheelo ou moi qui l’avons fait parce que c’est un son Sages Po’. En fait on est allé chercher des gens avec qui on avait des affinités musicales, des gens dont on appréciait le travail. Madizm c’est pour moi un des cinq meilleurs producteurs en France. C’est un gars qui peut passer d’un univers à un autre. Gutsy a aussi produit un morceau sur l’album, lui c’est un mec de Boulogne qu’on connaît et dont on apprécie la touche depuis longtemps, mais on avait jamais eu l’occasion de vraiment collaborer. Akhenaton, pareil. C’est un des rares rappeurs et producteurs talentueux. Sec’Undo a aussi fait un son.
Toutes ces personnes sont des gens dont on apprécie la performance, et avec qui on avait toujours voulu travailler. On leur a demandé de nous faire écouter, et on a choisi après les sons qui nous plaisaient le plus.
A : J’étais personnellement étonné de la quantité d’apparitions extérieures, que ce soit à la production ou au emceeing’
M : On a fait pour la première fois appel à un réalisateur sur cet album. Les albums précédents on les avait toujours réalisés nous-même. Comme Zoxea disait, ça fait un an et demi qu’on est dessus, et quand t’es enfermé pendant 1 an et demi en studio, parfois t’as pas trop le recul nécessaire pour juger de la qualité des morceaux et du choix des titres. Là, c’était bénéfique de pouvoir faire appel à quelqu’un de neutre et d’externe qui puisse avoir justement ce recul et cette vision. C’est au final ce qui fait que l’album est aussi riche.
A : On retrouve beaucoup de refrains chantés sur Après l’orage, c’était pas forcément le cas lors des opus précédents.
Z : C’est une particularité Sages poètes, qu’on ne retrouve pas sur les albums, mais dans les projets annexes, comme le premier Beat de Boul, c’est des trucs qu’on aimait bien expérimenter. Moi, personnellement, j’aime bien le chant. En fait, c’est un truc qu’on fait depuis longtemps, sur des petits projets et qu’on a pas bien exploité. Et effectivement sur cet album, on retrouve des chants un peu ouf’, pas des trucs classiques. Ca fait aussi partie de l’esprit qu’on voulait ramener.
A : En tant que figures historiques du rap français, quel regard vous portez aujourd’hui sur cette musique, notamment sur son évolution ?
Z : Bonne et mauvaise évolution. Bonne parce que la scène s’est enrichie, et pas mal de groupes et de structures se sont développées. Mauvaise, malheureusement, en raison de l’état d’esprit, c’est devenu un peu chaotique. Le bon esprit que doit inculquer le Hip-Hop a un peu disparu.
A : Depuis vos débuts, vous avez toujours eu une attitude cool, je lisais que vous vous retrouviez dans l’esprit de la Native Tongue…
Z : Oui, on est des gens posés. Notre musique est le reflet de nos personnalités. On s’est toujours décrit comme Melopheelo le sage, Dany Dan le poète, moi plus la rue. On est des gens qui aimons quand même rire, plus que faire la gueule, malgré qu’on ait aussi nos problèmes, mais chacun a ses problèmes. Nous, on essaie de faire ressortir la positivité dans ce qu’on fait, au maximum. Le fil conducteur de cet album c’est la positivité qui s’en dégage.
A : Quel regard vous portez sur le rap très hardcore assez en vogue en ce moment, adoptant une attitude parfois irresponsable ?
Z : Il faut de tout. Mais on est pas pour ce qui est prôner la destruction, encore plus sans fondement, juste pour plaire. On a l’impression malheureusement que ces dernières années pour être crédible, il fallait obligatoirement venir avec un discours de rue, négatif. Or non, le rap à la base c’est du divertissement, faut pas l’oublier. Maintenant, faut de tout, y’a des groupes qui le font bien. A partir du moment où tout le monde va dans la même direction, ça devient du clonage et c’est pas intéressant. Le rap c’est une musique qui peut pas être enfermé, qui a plusieurs facettes. Le point négatif c’est le manque d’originalité de certains groupes, qui plagient ou copient.
A : Le morceau ‘Coup de gueule’ c’est une forme de réponse à cette dégradation de l’esprit Hip-Hop ?
Melopheelo : Du Hip-Hop, oui, et dans le monde en général. On a écrit ce morceau de manière impulsive. Chacun a mis ce qu’il avait sur le c’ur à ce moment là, et c’est comme ça que le morceau est venu. On avait besoin ce morceau sur l’album. On l’a écrit à une époque où on avait besoin de nous livrer, de dire quelque chose. Ce qui est frustrant, c’est qu’on est trois sur le titre et qu’on a pas pu développer autant qu’on l’aurait voulu.
A : Zoxea, aujourd’hui un morceau comme ‘Rap musique que j’aime’, tu peux toujours le faire ?
M: C’est marrant que tu dises ça, parce que dans notre concert, Zoxea fait le titre et à un moment il s’arrête, disant que le rap a trop changé…
A : Après l’orage est au regard des albums précédents, plus court que les deux premiers, c’était une volonté de condenser l’album pour ne garder que les meilleurs morceaux ?
M : Oui, c’est un choix artistique, on travaille comme ça. On avait le double des titres présents sur l’album.
Z : On s’est fait mal. Avec le recul on se dit que certains titres auraient pu être dedans. On s’est fait violence. 4 ans en arrière, on aurait fait comme pour Jusqu’à l’amour, où y’avait 24 titres sur le tracklisting et 40-45 de produits. On s’était dit à l’époque : on va en mettre un maximum. Aujourd’hui, on s’est dit on va trancher. On est trois, y’en a peut-être certains qui préfèrent certains morceaux, on s’est pris la tête grave. Au final on a gardé 13 titres pour faire un album condensé, compact, qui représentait bien l’état d’esprit dans lequel on avait travaillé ces dernières années.
M : Surtout un album qui s’écoute facilement. On a voulu faire en sorte cette fois-ci que ce soit plus compact, et que tu puisses bien analyser les titres, bien rentrer dedans. C’est clair que sur un double album, y’a des morceaux qui vont passer à la trappe.
A : Quel bilan faites-vous aujourd’hui de l’aventure Beat de Boul ?
Z : C’était une expérience pour nous, on était un peu novice dans le domaine de la production. Le bilan c’est que quand toi t’es pas encore au top niveau, c’est chaud de produire d’autres personnes. D’autres personnes qui ne comprennent pas spécialement, qui sont pressées. Nous, on fait tout par passion. Quand on a monté Beat de Boul, c’était pas une histoire de gen-ar, c’était une histoire de c’ur. Pour faire sortir des disques aux gens dont on était proches. Aujourd’hui avec la maturité, tout ce qu’on connaît du rap, on aurait pu mieux le faire. A l’époque, c’était peut-être un peu trop tôt. Aujourd’hui beaucoup sortent en indépendants, font ceci, cela.
« On a mis nos projets de coté, pour nous mettre au service du groupe. »
Zoxea
A : Quel regard justement vous portez sur ceux qui étaient chez Beat de Boul, et sont en train de se réaliser autre part ?
Z : Ils ont fait leur chemin et choisi leur voie. Nous quand on fait Beat de Boul, c’était pas pour enfermer les gars, mais pour les aider à voler de leurs propres ailes, comme nous. On a donné un coup de pouce, dans le sens ou on leur a permis de ne pas passer par certaines étapes, en leur apportant certaines facilitées. Maintenant, chacun a choisi son chemin, c’est pas plus mal, on verra au final.
A : On a entendu ces deux dernières années pas mal de rumeurs autour d’un projet solo de Dany Dan, je voulais savoir ce qu’il en était réellement.
Z : Dany bosse dessus, et moi aussi je prépare un second album solo. On a mis nos projets de coté, pour nous mettre au service du groupe. C’était primordial si on voulait que Sages Poètes existent encore, on se devait de revenir avec un album Sages Po’.
A : Et toi Melopheelo quelque chose de prévu ?
M : A l’époque où on parlait d’un solo de Dany Dan moi aussi je commençais à préparer un truc. Mais un solo, c’est vraiment quelque chose du travail et c’est quelque chose que tu fais quand tu le sens. Moi je me sens plus à l’aise dans la production. Si je fais un album solo, ce sera plus un album concept dans lequel j’inviterai des gens dont j’apprécie le travail, plus qu’un album que je vais défendre sur scène. Mais aujourd’hui la priorité c’est le groupe.
A : On est au lendemain du premier tour des élections présidentielles, j’aimerais avoir vos réactions’
Z : A froid, on va te dire c’est la merde. C’est une surprise, mais en même temps, c’est une surprise qui fait mal. Ça reflète bien le climat de tension, de parano, de manque de communication dans lequel on est en ce moment. Tout ça a laissé la place à un mec qui oeuvrait dans l’ombre en faisant sa propagande. Le paysage politique était pas attrayant, ces dernières années on a entendu que des magouilles, et y’a eu un désintéressement encore plus important. Y’a eu des gens qui ne sont pas allés voter, comme nous. On était en studio pendant la période d’inscription, mais c’est pas une excuse non plus, mais y’a un sentiment de ras le bol, « c’est la même merde tout le temps ». Cette négligence ça nous amène à ces résultats.
A : En tant qu’artistes populaires qu’est-ce que vous pensez faire par rapport à ça ?
Z : Nous on a jamais été un groupe politique, mais on a toujours ce coté social qui est propre au rap. Bizarrement, nous sur scène dans notre show, avant le morceau ‘Coup de gueule’ on a un interlude où on dit que notre ennemi principal c’est le Front National. Mais à ce moment, le Front National c’était pas la menace que ça peut être aujourd’hui. C’était un signe.
A : On arrive à la fin, vous avez quelque chose à rajouter ?
Z : On espère que politiquement, ce vote sera juste une erreur. Sinon ça va vraiment être chaud.
Au niveau de l’album, on espère qu’il rentrera dans un maximum de foyers, des gens qui sont dans le rap mais aussi d’autres personnes. C’est un album éclectique, durant ces dernières années, on a côtoyé des gens qui étaient dans le rap et d’autres qui n’y étaient pas forcément. C’est ça la grande richesse de cet album. On espère qu’il sera écouté par un maximum de gens. On va faire des tournées, on va aller vers les gens, on va leur faire découvrir cet album.
M : On espère que ce sera un classique comme le premier Qu’est ce qui fait marcher les sages ? Aujourd’hui, on en parle encore beaucoup, certains font le rapprochement par rapport à l’esprit de cet album, que ça ressemble à l’esprit du premier, à la sauce 2002. J’invite tous les gens à se poser au moins une heure pour écouter cet album.