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Au milieu d’une sélection résolument axée rock mais ouverte à d’autres genres, l’édition 2013 de Rock en Seine accueillait cette année trois rappeurs : Chance The Rapper et Kendrick Lamar le jour d’ouverture, et Mac Miller deux jours plus tard pour sa clôture. Initialement programmé, A$AP Rocky a finalement annulé sa venue, préférant les paillettes des MTV Video Music Awards. Autre mauvaise nouvelle tombée de notre côté à quelques jours du festival : aucune interview possible avec les artistes précités. C’est donc sans pression en tête (mais quelques-unes dans les gobelets) que l’on a traîné nos baskets sur les chemins poussiéreux du parc de Saint-Cloud pour profiter de ces quelques concerts rap en plein air.

Chance the Rapper Vendredi 23 août, Grande Scène, 15h30

Premier acte : Chance the Rapper, dans le créneau délicat d’ouverture de festival, avec un public encore éparse et timide. Après un warm-up un poil trop long pour un set annoncé de quarante minutes, son DJ demande au public de claquer des mains en rythme, et balance les claps de la « Good Ass Intro » de sa mixtape Acid Rap. Chancelor débarque alors sur scène, bob vissé sur la tête et T-shirt foisonnant de couleurs.
Si les premières minutes de son concert sont aussi vives que sa panoplie, Chance va proposer un show bien trop léger, la faute à des versions écourtées de ses morceaux – un couplet et un refrain, voire, parfois, simplement l’intro. Résultat : déjà frustrant pour les amateurs de sa musique, les festivaliers curieux n’ont pas eu la chance de pouvoir se forger une réelle opinion sur la musique protéiforme et riche de Chance.
Le jeune rappeur nous a pourtant montré un potentiel scénique évident. Sur certains titres, comme « Pusha Man », il a convié le public à joindre des gestes amusants aux gimmicks de son refrain, comme pour mieux les inviter dans son univers. Entre deux moitiés de chansons, il s’est même permis une reprise d' »All Falls Down » de Kanye, dont l’influence sur le rookie est évidente. Balançant à quelques reprises des pas de footwork certifiant ses origines de Chicago, Chance dégage une spontanéité juvénile dans chaque mouvement, qu’on avait synthétisé en une « gouaille d’un jongleur de diabolo ambiancé à l’absinthe ». Il y a de ça, en le voyant tituber sur l’espace au fond trop imposant de la Grande Scène, comme s’il était déjà désinhibé et étourdi par sa soudaine ascension. Après un départ à l’arrache à la fin de sa prestation, cette version live du rap acide de Chance nous a, pour le coup, laissé plutôt un goût amer.

Kendrick Lamar Vendredi 23 août, Scène de la Cascade, 22h

Un peu moins de sept heures après le set décevant de Chance, on s’attendait forcément à être bien plus enjoué par celui de Lamar. 22h : l’effet THX ouvrant 2001 de Dr. Dre fait vrombir les enceintes, pendant que la scène s’éclaire peu à peu et laisse découvrir la présence d’un batteur, d’un guitariste et d’un claviériste, sigle « TDE » sur les fringues. Un combo simple qui entame par l’interlude jazzy de « The Art of Peer Pressure », pour rompre radicalement l’instant suivant avec la rythmique pesante de la seconde partie de « m.A.A.d. city ». C’est sur l’un des titres les plus identifiés californiens de son album que débarque Kendrick sur scène, capuche de son hoodie noir au ras des sourcils. Tout au long de l’heure de concert, l’apport du groupe de musiciens a donné une épaisseur à la prestation de Kendrick, aussi bien sur les titres les plus nerveux comme « Backseat Freestyle » et « Fuckin’ Problems », que sur les ambiances plus organiques de « P&P 1.5 » ou « Money Trees ». Tirant à profit de leur présence, Kendrick module la fin de certains de ses morceaux comme « The Recipe », pour laisser à la fois de la place à ses zicos et permettre au public d’entonner à répétition ses refrains.
Ironiquement, aux deux tiers du concert, c’est sur « Bitch, Don’t Kill My Vibe », devenu un hymne incontournable, que l’ambiance va être soudainement tuée par une coupure son forcément gênante. Quelques longues minutes plus tard (qui auraient dû apparemment être occupées par « Poetic Justice »), Kendrick revient tester son micro sur le rythme brésilien de « Real » et achever le dernier tiers de son concert avec « The Recipe », la première moitié de « m.A.A.d. city » (apocalyptique dans cette configuration) et « Swimming Pools ». Le temps d’un rappel sur « A.D.H.D. » et un ancien couplet tiré de son EP de 2009 (« My plan B is to win y’all hearts before I win a Grammy »), Lamar conclut son concert avec quelques confirmations. Le kid de Compton a indéniablement progressé sur scène, développant un vrai jeu musical pour ses lives, et imposant son gabarit poids-plume avec un charisme serein, jamais surfait, tout en… contrôle.

Mac Miller Dimanche 25 août, Scène de la Cascade, 16h55

Dimanche, soit le dernier des trois jours de Rock en Seine. Une pluie toute écossaise continue de tomber et la jolie pelouse verte de Saint-Cloud est devenue depuis belle lurette un bon gros bourbier. Une atmosphère de joyeux chaos règne en ces dernières heures de festival, avec ses relents de bière et de raclette. 16h55 précises : c’est avec la ponctualité d’un horloger suisse que Mac Miller débarque sur la scène de la Cascade. Soit à peine le temps de se demander ce que le gamin de Pittsburgh allait pouvoir donner sur cette (grande) scène. Deux morceaux plus tard, toutes les interrogations avaient disparu et Mac Miller avait déjà mis la très grande majorité du public dans sa poche. Avec l’assurance d’un vieux roublard il a enchainé des accélérations ultra-maitrisées, placé quelques blagues un peu potaches et donné de l’amour à toutes et à tous. En commençant par les icônes du Hip-Hop (ce bon vieux Biggie) jusqu’à – moins évident – Lil B, le Based God. Et si la voix ne suffisait pas, Mac Miller y ajoute la gestuelle : en sautant sur place, en agitant les bras et en levant le majeur. Avec une configuration minimale (un DJ, un backer), il enchaine les gros bangers, notamment « Best day ever », « Party on fifth avenue » et « Red Dot Music ». En piochant dans toute sa discographie – et pas uniquement dans son dernier album Watching movies with the sound off – le petit Mac réussit à mêler ambiances et influences. Question de mettre tout le monde définitivement d’accord, il sort un vrai bidon d’essence : « Donald Trump » et il finit d’achever la foule.

Et sinon…

Flynt était, lui aussi, à Rock en Seine. Sous le petit chapeau de l’Avant-Seine, il figurait dans la sélection francilienne des (plus ou moins) jeunes talents. Accompagné des fidèles Nasme et DJ Blaiz, il a assuré une bonne scène, fidèle à son image et ses valeurs. Avec l’authenticité et la fraternité en maîtres mots. Au-delà de toute idéologie, c’était aussi l’occasion de se refaire en live les intestables « J’éclaire ma ville » et « Haut la main ».

Stromae a fait un passage express sur la scène de Major Lazer. Le temps de saluer l’équipée de Diplo et de jouer « Papaoutai » : émeute absolue au bout de quelques secondes. Une démonstration.

A$AP Rocky remplacé par VV Brown : on a franchement perdu au change.

Sur Revolutions per Minute et sa couverture écarlate, Talib Kweli la jouait visiblement révolutionnaire en herbe. Trois ans plus tard, il abat la carte de l’intello contrarié. Illustration : la première photo d’un livret soigné le montre seul, au musée, perplexe devant une œuvre d’art contemporain… Ah, c’est qu’il est tiraillé, le Talib. Tellement tiraillé que le jeu de mots du titre de son album est composé de forces contradictoires.

Le premier sens reprend un terme forgé en 1961 par le juriste anglais Peter Benenson, fondateur d’Amnesty International. Le disque, qui débute sur la fonction de porte-voix joué il y a peu par le rappeur pendant le mouvement Occupy Wall Street, se termine ainsi par un hommage aux prisonniers politiques. Hommage pas dénué de maladresse d’ailleurs : il est assez curieux d’entendre le perpète Mumia Abu-Jamal, trente ans de taule au compteur, gratifié d’un mignon « Whattup Mumia ? », surtout à la fin d’un morceau aussi ambigu que « Only Gets Better », qui pousse plus au fatalisme qu’à la révolte… En même temps, Talib Kweli est semble-t-il las de l’étiquette de rappeur « conscient » qui lui colle à la peau. C’est le deuxième sens, individuel, du titre. Cette étiquette, il aimerait s’en défaire et, pour ça, il ne lésine pas ici et là sur l’egotrip, avec des métaphores pas toujours heureuses (« I smoke these pork rappers so fast they call me charcuterie”, mmmh, comment dire…). Fils d’intellectuels qui en a marre de passer pour un intellectuel, la moitié de Black Star n’arrête donc pas de naviguer entre deux eaux. D’un côté, elle continue de truffer ses textes de commentaires politico-sociaux, d’inciter à la conscientisation (« Prisoner of conscious / Nonsense / Opposite of conscious is asleep« ), de consacrer des morceaux à, par exemple, la condition féminine, au risque d’en faire un peu trop (l’enchaînement du mièvre « Delicate Flowers », assez raté, après le plus malin « Hamster Wheel », guidé par une ligne de basse tendue et qui bénéficie d’instruments à cordes joués). De l’autre, comme pour compenser, elle en met plusieurs couches pour mettre le holà (« But music is emotion / That is lost to the intellectuals »).

La musique, parlons-en. Tout avait bien commencé avec l’enjoué « High Life », single parfait et temps fort de l’album. Album qui lui-même commence bien avec, dans la foulée de l’intro, le pugnace « Human Mic » et ses grands renforts de cordes. À la première écoute pourtant, Prisoner of Conscious dégage une impression d’ « attrape-tout » assez déplaisante. On y trouve une reprise en forme de clin d’œil à « Paid in Full » (« Turnt Up ») et des dédicaces à Raekwon, Q-Tip, Rakim, KRS One et Ice Cube (l’incisif « Hold It Now ») pour les vieux de la vieille. Une production signée Harry Fraud (« Upper Echelon ») pour se mettre au goût du jour. Des invitations qui piochent à la fois chez des vétérans incontournables de l’exercice (Busta Rhymes), des stars du moment (Kendrick Lamar et Curren$y) dont les voix ont été enregistrées à New York quand celle de Talib Kweli l’a été à Los Angeles (ça c’est de la collaboration de proximité…) et des présences plus improbables, qui vont du chanteur brésilien Seu Jorge à Nelly – sur un « Before He Walked » pourvu d’une ambiance prenante mais gâché par le coup régulier d’une snare en carton-pâte – en passant par Miguel et ses miaulements sur le très peu jouissif « Come Here » (Marvin, reviens!). Tout ça donne la désagréable impression que le MC en donne pour tous les goûts pour mieux appâter différents publics.

Plusieurs écoutes invitent ensuite à plus d’indulgence. D’abord parce que le revers de la médaille, c’est le risque de ne pas plaire à tout le monde. En ce sens, l’album est trop éclectique pour être vraiment consensuel. Et puis, si le natif de Brooklyn n’avait pas tenté plusieurs styles, on lui aurait reproché de faire toujours la même chose… Ensuite parce que Talib Kweli rappe vraiment bien, certainement mieux qu’à ses débuts. Il sait mieux que jamais dompter son flow dans le registre rapide. Ça suffit à rehausser nettement des morceaux pas franchement enthousiasmants musicalement et/ou plombés par des refrains lourdingues, ainsi ses accélérations sur « Only Gets Better ». Et c’est lui seul qui rend supportable un « Upper Echelon » repoussant et qui tombe comme un cheveu sur la soupe tant il tranche avec le reste du disque ; l’essai aurait mieux trouvé sa place dans la mixtape faite avec Z-Trip qui anticipait ce disque, Attack the Block. Malheureusement, ça ne suffit pas toujours, comme sur le pénible « Ready Set Go », avec sa ligne de synthé moche et son envahissante chanteuse.

L’impression finale est alors inévitablement mitigée. Prisoner of Conscious est certes tout à fait convenable et Talib Kweli est loin d’être le rappeur sur lequel on a envie de taper. Mais si les couvertures de ses albums se suivent sans se ressembler, celui-ci souffre grosso modo des mêmes défauts que les précédents. Entaché de quelques fautes de goût ou simplement de greffes ratées (« Favela Love », bof…), il est aussi trop disparate pour convaincre, même s’il contient de bons voire de très bons moments. Il y a des disques qui, bien que très variés, donnent une impression d’unité ; Prisoner of Conscious n’est pas de ceux-là. Et on ne peut s’empêcher de penser que c’est quand il reste dans son registre de prédilection, accompagné par Oh No, que le new-yorkais est le plus efficace, ou quand il est poussé à se montrer affûté (l’instru de RZA et un Busta Rhymes tout schuss sur « Rocketships »). Talib Kweli aurait sans doute gagné à mieux faire le tri entre la mixtape Attack the Block et cet album pour que ce dernier se distingue davantage.

En 2001, dans Training Day, Antoine Fuqua racontait la première journée d’un bleu de la brigade des stups de Los Angeles aux côtés d’un vieux roublard devenu loup parmi les loups, interprété brillamment par Denzel Washington. La tension dramatique du film tenait à cette traversée de l’enfer par le personnage de jeune flic joué par Ethan Hawke, heure après heure, dont il sortira vivant mais probablement changé à vie. Onze ans plus tard, le deuxième album de Kendrick Lamar – présenté dans le sous-titre comme un court-métrage – partage quelques points communs avec le film de Fuqua : une localisation similaire (les quartiers Sud-Est de la banlieue de L.A.) et un récit initiatique haletant.

A la fois scénariste, co-réalisateur et acteur principal de son histoire, Kendrick Lamar rassemble dans good kid, m.A.A.d city toutes les pièces d’un puzzle qu’il a délivrées depuis sa première mixtape chez Top Dawg Entertainment, empruntant son nom au film de Fuqua, jusqu’à « Cartoon & Cereal », premier extrait finalement absent de la tracklist de son album. Scène 1 : l’auditeur est transportée in medias res dans les rues de Compton, alors que Kendrick s’offre une virée nocturne pour convoler avec une ado tentatrice. La première écoute sème le doute sur la place de cette scène dans la chronologie de l’histoire. Mais elle réunit en son sein les thématiques de l’opus : la fougue juvénile, le danger constant, le vice omniprésent. Cette maîtrise du récit donne à l’album une cohésion remarquable, réservant des surprises à chaque écoute. On savait Kendrick Lamar doué pour le storytelling ; il prouve qu’il sait aussi jouer avec brio du story board, jusqu’aux interludes savamment distillés entre chaque titres.

Diablotin du détail, Kendrick l’est aussi, et avant tout, dans sa musique. Section.80, son précédent album, saisissait par son atmosphère vaporeuse pour décrire les travers de sa génération. Sur ce deuxième opus, plus personnel, il choisit au contraire de faire foisonner les tonalités et couleurs musicales. Elles viennent du rap (l’inspiration trap du début de « m.A.A.d city », la dissémination de clins d’œil à la tradition californienne) ou d’ailleurs : pop mélancolique sur « Bitch, Don’t Kill My Vibe », jazz lascif sur « Sing About Me », soul optimiste sur « Compton ». Tantôt organiques et chaudes, tantôt froides et synthétiques, les différentes ambiances sont liées les unes aux autres par l’évolution de l’histoire racontée par Lamar. Au climat ténébreux du premier morceau, « Sherane a.k.a Master Splinter’s Daughter », succède celui auroral de « Bitch, Don’t Kill My Vibe » ; les voix malveillantes de « Sherane » sont chassées plus loin par celles rédemptrices de « I’m Dying of Thirst » ; l’entrain détendu de « Real » répond à la nervosité de « Backseat Freestyle ». Ce dernier titre, presque anecdotique si on l’isole du reste, démontre que l’ensemble de l’album donne du sens à chaque morceau.

Cette volonté de pertinence résonne particulièrement dans le casting des invités. Jay Rock offre une performance hors d’haleine pour son couplet sur l’avidité, Drake semble assis sur un sofa en soie pour le romantisme idéaliste de « Poetic Justice », la voix rêche et immortelle de MC Eiht rappelle la cruauté d’un Compton toujours blessé par la drogue et les guerres de gangs. La dernière présence tout en symbole de Dr. Dre dans « Compton » lui offre un rôle sur-mesure, une quasi-incarnation du rap, dans ce titre signalant le passage final de Kendrick Lamar de la rue à la musique.

La place d’Andre Young était la grande inconnue de cet album. Depuis son apogée post-2001, le Doc vampirisait le talent de ses protégés, jusqu’à les faire totalement disparaître pour certains. Sans doute est-ce parce que Kendrick est avant tout un rappeur de TDE plus que d’Aftermath, mais dans les crédits, Dre n’a qu’un « petit » rôle d’ingénieur du son (avec Derek Ali, mixeur attitré du Black Hippy) et de financeur – pas même de directeur artistique ou de producteur. good kid, m.A.A.d city et son auteur apparaissent comme le négatif du dernier grand parrainage du docteur, The Game, autre rappeur de Compton. Là où Jayceon Taylor multipliait les références aux autres rappeurs comme argument d’autorité, Kendrick n’en cite que quelques uns, toujours de manière contextualisée (E-40 et ses leçons d’économie parallèle sur « Money Trees », l’adrénaline incitative de Young Jeezy dans « Art of Peer Pressure »). Quand The Documentary empilait les grands noms de la production pour une bande-son bulldozer, good kid m.A.A.d city propose une liste sans hits évidents et des compositions subtiles, proposées par un cercle de proches (l’équipe Digi+Phonics, Terrace Martin, DJ Dahi) et quelques nouvelles pointures (Hit-Boy, T-Minus, Scoop Deville). Les apports fondus dans la masse (mais essentiels) de Pharrell Williams et Just Blaze, en plus du rôle moins imposant de Dre, ébranle un peu plus la place du super-producteur tel qu’on l’a connu dans les années 2000. Et affirme davantage la personnalité et la maturité de Kendrick, dissimulée en trompe-l’œil derrière sa voix nasillarde et fluette – ici en adéquation avec le contexte adolescent de l’album.

A la fin de « Compton », tombée de rideau victorieuse, Lamar prétend à sa mère qu’il reviendra en l’espace d’un quart d’heure. Une quinzaine de minutes qui se sont changées en une longue nuit de calvaire pour K-Dot, gamin influençable, et en un album abouti par Kendrick Lamar, artiste accompli. Son leitmotiv était de nous raconter ce passage de l’âge juvénile à l’âge adulte, et sa décision de faire les bons choix pour sa vie et celle de ses proches. Un propos déclinable à sa carrière et sa musique, car prendre les bonnes décisions, c’est précisément ce qu’a réussi à faire Kendrick Lamar pour good kid m.A.A.d city.

« Les Black Hippy sont les nouveaux Beatles, et moi je suis Harry Nilson« . On ne sait pas trop si Danny Brown était à jeun ou sous Adderall quand il a twitté cette phrase. Mais elle est révélatrice de la cote exponentielle que connaissent Jay Rock, ScHoolboy Q, Kendrick Lamar et Ab-Soul, aussi bien en reconnaissance qu’en créativité. Le dernier pic dans l’ascension de ces quatre rappeurs des alentours de L.A. a été la sortie – et l’accueil critique dithyrambique – de l’album de Kendrick Lamar, good kid, m.A.A.d city. Si sa sortie sur Aftermath retient l’attention d’un grand nombre d’amateurs de rap, elle cache le travail qui a été effectué en amont sur les plusieurs sorties du groupe par l’équipe du label indépendant Top Dawg Entertainment.

L’histoire du collectif Black Hippy est indissociable de celle de leur label. À la fin des années 90, à Carson, Anthony « Top Dawg » Tiffith, aidé par son cousin Terrence « Punch » Henderson, décide de monter un studio chez lui, voyant que la musique pourrait être un moyen rentable et sûr de gagner sa vie. Après quelques premières années infructueuses, ils montent leur label indépendant, Top Dawg Entertainement, et parviennent à réaliser des connexions intéressantes. Ils voient passer dans leur studio pas mal de rappeurs plus ou moins connus, dont Jay Rock, un rappeur de Watts, qu’ils signent en 2005. Suivront Kendrick Lamar, Ab-Soul et ScHoolboy Q. Ces quatre artistes issus de villes et quartiers différents, tous nés entre les années 86 et 87, ont développé leur style individuellement en amont, via différentes mixtapes. C’est à partir de 2009 qu’ils se réunissent sous l’entité Black Hippy, à force de squatter le studio monté dix ans auparavant par Top Dawg.

Le chevauchement de 2011 et 2012 a été essentiel pour la renommée du label et de ses artistes. Ils ont sorti en l’espace de dix mois quatre projets racés (dont un seul en format physique), installant à la fois la personnalité de chaque rappeur mais aussi l’esthétique développé par le label. En plus d’une véritable vision du staff et du talent de ses rimeurs, TDE profite de l’apport des Digi+Phonics (Willie B., Tae Beast, Sounwave, Dave Free). Cette équipe de producteurs maison offre au collectif un son chargé en samples étranges et hétéroclites, tour à tour dissonants et mélodieux, mélangeant constamment plusieurs tendances du rap, créant un son géographiquement non-identifiable. Ils peuvent aussi compter sur d’autres collaborateurs fréquents : côté production, le virtuose Terrace Martin, le trio brumeux THC ou le mélodieux Tommy Black, et côté harmonies vocales, les chanteurs BJ The Chicago Kid, Ashtro Bot, Jhene Aiko ou la défunte Alori Joh.

Jay Rock L’expérimenté

« Jay Rock est comme notre premier enfant, c’est pour cela qu’il est si important à l’histoire de TDE. Nous avons vécu avec lui ce qu’il a traversé ». Ces quelques mots de Punch en disent long sur le poids qu’a Rock dans l’équipe Black Hippy. Johnny Reed McKinzie Jr. n’est l’ainé de la bande que de quelques mois, pourtant son visage paisible mais figé montre une sagesse et une impassibilité digne d’un vétéran.

Jay a eu de longues années de galère. Déjà dans les rues de Watts, où il est né, a grandi, et a été membre des Bloods. Puis à ses débuts comme rappeur signé en major, chez Warner Bros., où il est resté bloqué trois ans sans pouvoir sortir d’album. Un temps de frustration qu’il a comblé en sortant de nombreuses mixtapes sur lesquelles il a affiné son style, quelque part entre la tension de Los Angeles et la rugosité de New York, comme sur le glaçant « 12 O’Clock ».

Le tournant pour Jay Rock a été l’année 2010. Après avoir fait partie des Freshmen du magazine XXL, il a finalement signé un contrat de distribution avec le solide label indépendant Strange Music de Tech N9ne. C’est sur ce label qu’il a sorti son premier album officiel en juillet 2011, le bien nommé Follow Me Home. Ce foyer, c’est bien entendu les rues de Watts et leur histoire marquée par la pauvreté et ses dommages collatéraux, des émeutes de 1965 aux cicatrices laissées par l’activité des gangs. Sur cet album, Jay lie l’esthétique de son crew à la tradition du gangsta rap angélino. Dans le texte, il livre des histoires de rue racontées avec ce réalisme froid typique du rap de gangster, entre froncement de sourcils (« Bout That », « I’m Thuggin »), décontraction hédoniste (« Westside », « Boomerang »), et clairvoyance sur la vie criminelle (« Just Like Me », « Kill or Be Killed »).

Sans nul doute le moins virtuose dans son interprétation et son débit, Jay a pourtant un atout remarquable : sa voix, rauque et autoritaire, qui peut-être souvent menaçante, parfois méditative. Une signature qui lui permet d’imposer sa personnalité sur les différentes productions de l’album, tour à tour typique du son angélino de la décennie passée, ou révélant la signature sonore Black Hippy, comme le posse cut « Say Wassup », sur lequel la complicité des quatre potes est évidente et communicative.

Kendrick Lamar L’introspectif

Revenir sur le parcours de Kendrick Lamar en ce temps de quasi-consensus critique sur sa musique n’est pas chose aisée. On ne sait plus vraiment si ce natif de Compton (tout un symbole) est un petit prodige, ou s’il n’a pas lui-même nourri sa propre légende en racontant très tôt son histoire personnelle. Celle d’un gosse qui a grandi tiraillé entre les tentations de la rue, la bienveillance de sa famille, et sa passion pour le rap. Depuis tout jeune, il a été témoin des affres de l’économie parallèle urbaine à travers son entourage, famille en première ligne. S’il a bien traîné lui aussi sa dégaine de gamin timide dans les rues de Compton, c’est un autre évènement dont il a été témoin qui a alimenté son envie de rapper. Mythologie personnelle, encore : il raconte avoir assisté, à huit ans, au tournage du clip de « California Love » de 2Pac et Dre.

La carrière de Kendrick a été précoce. Il sort sa première mixtape à 16 ans, sous le nom de K.Dot, et signe quelques temps plus tard avec TDE. Il y cultive son expérience de gosse soumis aux diverses tentations de la ville des anges, cette « ville folle » dont il observe les effets sur ses semblables. Ce rôle d’observateur, Kendrick l’a peaufiné à travers ses différents projets. Déjà en 2010, sur la (fausse) mixtape Overly Dedicated, alors que son nom commençait à circuler, il dessinait le difficile équilibre entre dévouement et sacrifice pour la musique – la couverture empilait des photos d’artistes fauchés en pleine gloire ou déchéance. Mais c’est surtout avec son album Section.80, sorti en juin 2011, que Lamar a marqué des points.

En mêlant sa propre expérience à celles de ses congénères, Kendrick y analyse des comportements de sa génération, celle des enfants nés à la fin des années 80, la fameuse « Reagan Era » dont il titre un de ses morceaux. Kendrick passe de la première personne (« HiiiPower », « Kush & Corinthians ») à la troisième (« Tammy’s Song », « Keisha’s Song ») avec ce même mélange de distance et d’implication. Dans chacune de ses observations, il parvient à faire ressortir une naïveté (quelques fois un peu convenue) qui descend les sens de l’auditeur à hauteur de ses propres perceptions. Cette humilité est contrastée par des moments de confiance absolue : la hargne de « The Spiteful Chant » et ses cuivres épiques, le flow épileptique de « Rigamortis », l’enthousiasme de « Hol’ Up ».

La partition de l’album, souvent en apesanteur, épouse cette dichotomie. La bande-son est accrocheuse sans être tape-à-l’oeil, plus organique que sur les autres projets de TDE, flirtant quelques fois avec des boucles jazzy. Sans esbroufe ou hit évident, elle accentue la capacité de Lamar à installer son univers et imposer sa personnalité. Celle d’un gamin à la fois sensible et gonflé d’assurance, dont l’introspection sert de miroir magnifiant sur les maux de ses pairs.

ScHoolboy Q L’impulsif

Bob toujours vissé sur la tête, ScHoolboy est l’incarnation du talent brut et éclatant. Quincy Matthew Hanley est né en Allemagne de parents militaires. Un point commun familial qu’il partage avec un autre rappeur incisif, Gunplay, de l’écurie Maybach Music. Hormis les plus de 4.000 kilomètres entre la Californie et la Floride, un autre aspect de leur parcours sépare les deux artistes : Q a, semble-t-il, définitivement tourné le dos à la rue. Elle l’avait pourtant détourné d’une scolarité plutôt bonne (d’où son pseudo) et surtout d’une potentielle carrière de footballeur universitaire. Contrairement à ses précoces collègues Kendrick et Ab-Soul, Q ne s’est vraiment impliqué dans la musique qu’entre 2006 et 2007, avec une première mixtape qui vient à l’oreille de l’équipe TDE.

Un début tardif, mais salvateur. Alors qu’il vend encore ses sachets d’oxycodone, TDE lui pose un ultimatum : continuer ses activités illégales ou s’impliquer complètement dans la musique. Un passage par la case prison pendant six mois (pour une affaire que lui-même n’a jamais détaillé) finit par le convaincre d’arrêter de traîner sa dégaine patibulaire à tous les carrefours de Figueroa Street. Cette fameuse « Fig Street » dont il rappe frénétiquement le nom sur l’un de ses titres.
Impulsif. Sauvage. Imprévisible. Ce sont les impressions que laisse Q sur son deuxième album, le bien nommé Habits & Contradictions, sorti début 2012. Un album qui tient la place de préquelle à son projet précédent Setbacks (« revers », en VF). Il y a, dans Habits and Contradictions, un côté rap inconscient assumé ; si son collègue Rock sonne comme le criminel en voie de repentance, Q ne montre, lui, aucun cas de conscience sur ses travers de dealer, vivant sa vie pas plus vite qu’à fond (l’imparable « Hands On The Wheel » avec A$AP Rocky), laissant échapper ses pulsions les plus noires (« Raymond 1969 », « NigHtmare on Figg St. ») ou les plus libidineuses (« Druggys wit Hoes Again », « Sex Drive », « Sexting »).

Cette attitude incontrôlable s’incarne dans ses performances : il n’hésite pas à changer les intonations de sa voix, entre férocité et nonchalance, comme sur « There He Go ». Un titre à la texture plus proche des ambiances froides de la grosse pomme que de l’idée qu’on se fait du son californien. Rien de très étonnant : Q se réclame plus de Nas, Biggie, 50 Cent et Mobb Deep que de 2Pac ou The Dogg Pound. Une influence qui explique la présence d’Alchemist dans les crédits, de beats de Mike Will et Lex Luger au grain étonnamment organique, et surtout d’un titre comme « Oxy Music », son break toussoteux et sa mélodie distordue, où Q raconte son ancien quotidien de dealer d’oxy. Très loquace sur ses (mauvaises) habitudes, il lui arrive aussi de prendre de la hauteur et d’aborder des paradoxes constants, comme sur l’entrée en matière « Sacrilegious » ou sur « Blessed », avec Lamar, bulle d’oxygène dans un océan de souffre.

Ab-Soul L’extra-lucide

Ab-Soul est en quelque sorte l’incarnation du « black hippy » dont son groupe a adopté le sobriquet, avec sa coupe hirsute et sa dégaine un peu étrange. Né et élevé à Carson, Herbert Anthony Stevens IV est le seul membre du groupe à avoir grandi dans un coin plus tranquille, moins ravagé par la criminalité. Fils de disquaires nourri très tôt au son, il est atteint à dix ans d’une maladie orpheline, le syndrome de Stevens-Johnson. Depuis guéri, il en gardera des séquelles importantes : une sensibilité ophtalmique à la lumière (raison pour laquelle il est constamment affublé de lunettes de soleil), et des lèvres obscurcies. De ce dernier stigmate, il se donne le surnom de « Black Lip Bastard », titre d’un de ses egotrips féroces depuis remixé avec sa clique.

Rappant depuis l’adolescence, actif dès sa signature avec TDE (déjà quatre sorties à son compteur), Soul est pourtant le moins exposé de son collectif. Un statut dont il s’amuse sur l’ouverture de son deuxième album, datant de mai dernier, Control System : « They say I’m the underdog, turns out I’m the secret weapon ». Un album où il est question de complots, illumination, contrôle de l’esprit, visions mentales et autres manifestations ésotériques. La meilleure définition du style d’Ab-Soul est finalement donnée par lui-même, sur l’émeutier « Track Two » : un « abstract asshole », alternant débauche de bêtise et de prétention (avec ScHoolboy sur « SOPA ») et opinion sur la politique, comme sur le spectral « Terrorist Threats » avec Danny Brown. Un type qui rappe habillé d’un « fucking lab coat », capable de placer « glande pinéale », « Tombouctou », et « changement de paradigme », avec un goût pour les rimes complexes et intriquées.

Les membres de l’équipe Digi+Phonics apportent leurs propres éléments à la formule chimique de Soul, incorporant samples de jazz fusion scandinave (« Pineal Gland »), de rock symphonique britannique (« Track Two »), de soul suave (« Lust Demons ») et de rap spatial (« Beautiful Death »). À la fois agité et agitateur, Control System propose un rap qu’on étiquetterait rapidement de conscient, si la présence de titre plus légers comme « Lust Demons » ou « Empathy » ne venait pas équilibrer la balance.

Technique, réfléchi, extra-lucide : Ab-Soul auraient pu être un rappeur mécanique et froid. Mais « Soulo » montre dans ses bras d’honneur aux institutions, dans « Terrorist Threats » ou « Beautiful Death », une soif de liberté d’esprit presque touchante. Cette volonté d’introspection prend toute sa splendeur en conclusion de l’album, sur « The Book of Soul ». Des larmes dans la voix, il y partage ses souvenirs d’enfance liés à sa maladie, et sa peine suite au suicide d’Alori Joh, sa petite amie (que l’on entend sur « HiiiPower » de Kendrick), à laquelle il dédie cet album.

Le 25 août 2001, Aaliyah mourait dans le crash de son avion aux Bahamas. La jeune femme, qui venait de sortir son troisième album, était alors en pleine gloire. Un destin tragique comme le monde de la musique les adore. L’annonce de sa disparition provoque une vague d’émotions et, comme il se doit, une foule d’hommages en tous genres. Le milieu musical, très friand de nouvelles légendes, canonise immédiatement la chanteuse. Dix ans plus tard, alors que les esprits se sont apaisés, que le maigre stock des inédits est écoulé et que les adolescents ne savent plus qui elle était, son héritage est encore bien vivant.

En trois albums, la discographie d’Aaliyah représente toute l’évolution du rnb, depuis les chansons mielleuses sur des beats new-jack jusqu’au son plus synthétique, plus rapide et aux influences multiples du début des années 2000. Le vrai tournant se situe en 1996, avec l’album One in a Million. Après avoir passé un temps sous l’aile peu scrupuleuse de R. Kelly, la jeune fille rencontre Timbaland et Missy Elliott, alors presque inconnus du public. Le duo écrit et produit la majorité de l’album, qui atteint un succès critique et commercial considérable. Dès lors, l’influence de Timbaland ne cessera de croître, faisant du producteur l’un des plus grands gourous du rnb et du rap. Aaliyah continuera de collaborer avec lui par la suite, mais de manière moins exclusive, donnant lieu notamment aux tubes « More Than a Woman » et « Try Again ».

Au-delà de sa mort prématurée, Aaliyah a marqué les esprits par son talent d’interprète. Ses albums ont posé les bases du rnb moderne. Outre ses succès les plus évidents, plusieurs de ses chansons ont fourni des modèles insurpassés dans le registre de la ballade sentimentale (« Heartbroken » ou « It’s Whatever » par exemple). Sa voix, aussi fragile que chargée d’émotion, se prêtait idéalement à ce genre de musique suave. Ce n’est pas par la puissance vocale ou des prouesses techniques que la jeune femme se démarque des autres. Ce qui distingue Aaliyah de l’interminable procession des jolies chanteuses, ce sont, bien sûr, les compositeurs géniaux qui l’entouraient, mais aussi cette voix dont la clarté et la douceur sont impossibles à atteindre par le travail.

Le monde du hip-hop, toujours prêt à balancer des R.I.P. à tout-va pour honorer les disparus, a chéri le souvenir de la chanteuse au point de la faire entrer dans la sainte trinité des artistes morts les plus cités, aux côtés de Tupac et Biggie. Il y a maintenant dix ans qu’Aaliyah est morte, mais elle est toujours dans les mémoires. Pour preuve cette nouvelle forme d’hommage qui dépasse le simple clin d’œil glissé dans un couplet et qui consiste à sampler ou à faire un featuring virtuel avec la disparue (et c’est sans compter le scandale autour de Lil Wayne qui reprend un couplet entier de « I Don’t Wanna » pour l’un de ses featurings). Le phénomène ne se limite pas au rap, puisque des artistes comme The Weeknd (sur « What You Need ») ou James Blake ont également samplé la voix d’Aaliyah. La génération de rappeurs qui étaient adolescents à sa mort semble avoir gardé d’elle un souvenir indélébile. Gros plan sur trois morceaux récents qui invoquent le fantôme de la chanteuse.

J Cole – « Best Friend » (Friday Night Lights, 2010)

À l’origine, « Best Friend » est une chanson du premier album de Missy Elliott qui raconte les déboires amoureux d’une jeune femme et le soutien que lui apporte sa meilleure amie. J Cole s’est offert une bouffée de nostalgie en reprenant ce morceau de 1997. Il l’a détourné pour y jouer le rôle du petit ami indélicat, qui donne la réplique à Aaliyah et Missy.

Drake ft. Young Jeezy – « Unforgettable » (Thank Me Later, 2010)

Drake voue une admiration toute particulière à Aaliyah. Il avait déjà repris quelques paroles de « Are You that Somebody » sur le single « Bedrock », et il avait même écrit à la chanteuse une lettre ouverte presque gênante de naïveté l’an dernier. Sur « Unforgettable », c’est le célèbre Let me know d’Aaliyah qui vient orner cette production aérienne.

Kendrick Lamar – « Blow my High (Members Only) » (Section80, 2011)

« Blow my High » est un morceau étrange. Son rythme est d’une lenteur hypnotique, sa structure est déroutante, ses sonorités dépouillées. Et puis il y a ce R.I.P. Aaliyah entêtant et parfaitement gratuit qui revient après chacun des couplets. Sur cette production nébuleuse, Kendrick Lamar rend un double hommage à deux des disparus les plus importants des années 2000 : Babygirl et Pimp C. La voix ralentie de l’ambassadeur du Texas plane sur tout le morceau. Son couplet issu de « Big Pimpin' » est utilisé ici en guise de refrain, tandis qu’un sample de « 4 Page Letter » d’Aaliyah conclue la piste en beauté. Le rappeur le plus prometteur de la côte Ouest a bon goût, et bonne mémoire.