Sadistik parcourt toujours ses jardins hantés

Parmi les petits moments de grâce de 2019 que l’Abcdr a passé sous silence, il y a Haunted Gardens, le dernier album de Sadistik. Le rappeur de Seattle y dévoilait un concentré de romantisme vénéneux, de rap vaporeux et scarifié. Un disque dans la lignée d’une discographie régulière depuis 2008, et notamment à la hauteur de l’EP Phantom Limbs, forcément excellent puisque produit par Kno. De cet univers cicatriciel, parfois mystique et souvent très bien rappé, Sadistik extrait un nouveau morceau, « The Plague. » S’il est inutile de commenter la résonance particulière de ce mot en cette période, « the plague » se traduisant littéralement par « la peste », il est nécessaire de s’attarder sur ces trois minutes trente de rap. Lugubre, gothique et presque gothamesque tant ses mises en scène n’auraient pas dépareillé dans la plus sinistre des adaptations des bas-fonds d’un Batman, « The Plague » incarne tous les mantras de Sadistik. L’univers cinématographique et horrifique, lui qui dit être passionné par les films de David Fincher, Dario Argento ou encore Gaspard Noé. Le besoin de secouer textuellement et visuellement les gens, contrebalançant méchanceté, doutes et rancœur par des versets oniriques . Et enfin, il y a cette versatilité musicale, entre les incantations murmurées, à la limite de la psalmodie, et les envolées trap nerveuses. Cette capacité à mélanger un tissu musical ouaté à des lignes dures et sans complaisance, c’est probablement la meilleure raison de reparcourir les jardins hantés de l’œuvre du torturé de Seattle, avant la sortie de son EP Delirium, dont les extraits continuent à tomber au moment où ces lignes sont écrites.