L’album instrumental de Mind the beatz

Le terme d’abstract hip-hop est toujours compliqué à définir. Il est souvent vu comme un autre rap, qui ferait fi des conventions classiques. Problème, l’idée de « convention » est elle-même largement discutable si peu que le temps soit pris de se livrer à un examen approfondi de la production rap dans son ensemble, et parfois même au sein des carrières de monstres du genre. Il n’en est pas moins que certains disques permettent de mettre des sensations là où les mots pèchent à définir. Le premier album de Mind the Beatz est l’un d’entre eux. Nights Cuts est né de la collaboration entre Zoën, producteur, et DJ Fysh, l’homme aux platines du Kyma. Tous deux Tourangeaux, ils livrent un album instrumental coloré à la fois de lueurs nocturnes et de voyages. Peuplées de samples, faisant référence à Michel Foucault (l’ADN du Mauvais Kromozom n’est pas loin), naviguant entre sons chauds, acoustiques, et incartades plus électronisantes, les onzes pistes prennent une forme de traversée d’un monde où les échappatoires s’illuminent au pied du mur. Tel Al’Tarba, plusieurs des homologues de Fysh et Zoën viendront à l’esprit de façon fugace en écoutant ce Nights Cuts. Nos confrères de Sun Burns Out s’en sont d’ailleurs parfaitement chargés. Leur évocation confirme d’ailleurs qu’ici, abstract est loin d’être synonyme de difficile d’accès. Certainement dévastatrice en live, la production de Fysh & Zoën a également un autre mérite : redonner explicitement à un DJ une place qui va au-delà de celui de pousse-disques pour soirées branchées. Le scratch est ici partie prenante de la composition. Tantôt dans le rôle de l’arrangeur, tantôt dans le rôle du réactif qui donne aux beats la chimie de l’excitation et de la nervosité, c’est un plaisir de voir un scratcheur autant partie prenante d’une réalisation instrumentale. Une raison de plus de se souvenir que cette incapacité à définir clairement quelque chose, c’est souvent ce qui en fait le charme. Particulièrement dans la musique où l’insaisissable est régulièrement une joie. L’écoute de Night Cuts en est une.