Kaiman Lanimal, écrire, raturer

En octobre dernier paraissait Écrire (Écrire, Raturer), premier essai en solitaire de Kaiman Lanimal, rappeur francilien portant fièrement ses origines camerounaises. Un album fuyant les radars mais toujours vivant des mois plus tard. « Bienvenue dans mon vortex », Kaiman Lanimal prévient d’emblée l’auditeur qui aurait laissé traîner son oreille par hasard : s’il pensait se laisser porter tranquillement par le vent du moment et tomber sur un rappeur à l’univers interchangeable avec celui du voisin, c’est raté. De ses textes centrés sur l’identité à ses intonations atypiques (peut-être trop, parfois), le membre « le plus sombre » de l’Underground Conspiration emprunte sa propre voie, celle d’un artiste hermétique à l’air du temps et résolu à faire vivre l’ère du sens. Épaulé avec brio sur quelques titres par Sitou Koudadjé, Mod Efok, Skullo (lui aussi membre d’Underground Conspiration) et la chanteuse Charlène, Kaiman forge tout au long d’Écrire l’auto-portrait d’un artiste dont le regard est tourné vers l’ici et l’ailleurs, déchaînant le passé et visant l’horizon, à mi-chemin entre l’enracinement et le perpétuel mouvement. « J’ai partagé mon histoire pour qu’elle devienne la vôtre » disait Lalcko. C’est de ça dont il s’agit ici, dans un bel album – certes imparfait mais dont les aspérités font le charme – qui mérite d’être écouté et entendu.