Houdi, à contre-chant

Homme cagoulé de 2023, Houdi a probablement fait un des plus gros marathons de l’année dans le rap français : déjà repéré par les plus assidus sur la deuxième moitié de 2022 avec ses nombreux singles et son EP LA BÊTE, le rappeur au masque de ski sur la tête a en effet fait une année digne des grandes saisons d’Antoine Griezmann à l’Atletico Madrid en enchaînant avec 2 EPs (un en solo, un avec Stony Stone) et deux mixtapes (une pour l’hiver, une pour l’été) tout en explorant un nombre assez enthousiasmant de genres musicaux. Notamment sur SUN7, un dix titres où il s’essayait au chant sur des productions 2step, house, ou bossa nova, prouvant sa capacité à se fondre dans de nombreuses ambiances musicales. Seulement, à force de viser plusieurs cibles à la fois, une question pouvait se poser : qui est Houdi, et que veut-il finalement nous raconter ? Une interrogation à laquelle le rappeur a décidé de répondre en images et en musique avec “BELLE CHANSON”, un titre venu clôturer son année et annoncer la sortie d’une nouvelle mixtape pour début janvier.   

Dans un jeu de contrastes et de contrepieds, le rappeur Seine-et-Marnais démarre son titre sur un piano voix signé Lucci (lui aussi hyper productif cette année) pour évoquer sa jeunesse et ses contrariétés (“On essaie de rester bon, autour y’a que des rapaces. J’voulais faire une belle chanson mais démon fait des dérapages”) pour finalement plonger au bout de quelques secondes. D’un coup, la prod’ qui semblait jusque-là voler au dessus des nuages, semble s’effondrer depuis le ciel pour revenir à la réalité : sur des violons inquiétants offerts par Lucci, Houdi change alors de ton et prend sa voix normale (que l’on a finalement assez peu entendue jusque-là ) pour se mettre à rapper et évacuer toutes ses frustrations. Un ego-trip acidulé pour régler ses comptes (“On a monté des montagnes, nous c’était pas les p’tites pentes / En indé’, on avait pas l’équipement, j’ai des maisons dans leurs têtes, nan c’est pas des p’tites tentes”) remarquablement mis en images dans un clip bourré d’images de synthèses et d’effets 3D signé Martin Raffier et Brume_mp5, qui retranscrivent la noirceur inquiétante du duo Houdi/Lucci sur ce morceau (et signent probablement un des clips de l’année). Entre influences de Sin City, Batman période Nolan, détraqueurs de Harry Potter 3, et contraste entre chant mélancolique et rap agressif, l’habillage visuel et sonore de “BELLE CHANSON” permet finalement d’entrevoir ce que l’on attend particulièrement de Houdi en 2024 : un recentrage artistique pour véritablement imposer son personnage. Et vraiment montrer qui se cache sous le masque.