Niro, coup d’œil dans le rétro
Des mixtapes de 2009 au très intime Hayati en 2025, Niro commente avec l’Abcdr du Son dix morceaux marquants de sa carrière.
Avant le très personnel Hayati sorti cet été, Niro, c’est douze albums, des dizaines et des dizaines de featurings, un style allant de la pré-trap rocailleuse de la fin des années 2000 aux nouvelles mélodies du rap de la dernière décennie. Un coup d’œil dans le rétroviseur suffit à saisir l’étendue et la richesse de sa musique, au-delà d’oppositions simplistes. Découpeur hypersensible, Blésois confondu systématiquement avec un mec du 94, nonchalant et perfectionniste, parfois sûr de lui parfois rongé par le doute, brillant avec Ninho comme avec Tayc, Niro revient pour l’Abcdr du Son sur dix morceaux marquants de sa prolifique carrière. Rétrospective.
1) « 4 coins de la France » – Talents Fâchés 4 (2009)
Niro : À cette époque-là, il y avait pas mal de compilations qui sortaient pour mettre en avant des artistes de banlieue parisienne. Par contre, c’était très rare qu’on s’intéresse aux artistes de province. J’avais déjà fait une première collaboration avec DJ Goldfingers à l’époque, sur Les Yeux dans la Banlieue vol. 2. Peu de temps après, Kaslay du 93 m’a contacté et il m’a dit : « voilà, pour le volume 4 de Talents Fâchés [compilations lancées entre 2003 et 2009 par Ikbal, NDLR] ils veulent faire un peu le même concept, avec les quatre coins de la France, histoire de présenter des artistes de province. » J’ai accepté, puis j’ai aussi fait la promo avec eux. Après il y a eu Street Lourd 2. C’est une époque où on m’invitait beaucoup sur des morceaux à 8 ou 10 artistes, juste pour faire un huit mesures. J’ai arrêté à un moment, parce que n’était plus possible, mais en vrai de vrai, c’est des morceaux qui m’ont fait du bien.
Abcdr du Son : C’était un peu l’étape pour un artiste de province, ou en tout cas un artiste qui ne vient ni de Paris ni de Marseille ?
N : Ce n’était pas forcément l’étape – il n’y avait pas de protocole de toutes façons à l’époque – mais pour moi ça a été le cas. J’étais un des premiers mecs de province dans mon créneau de musique. Il y avait d’autres mecs de province qui avaient percé, par exemple à Nantes, il y avait Hocus Pocus, au Havre Médine, mais c’était une niche, c’était spécial, ce n’était pas du rap de cité. Alors, il y a eu KDD, N.A.P, mais eux c’étaient des anciens. Moi, en fait, j’étais vraiment le petit jeune de province qui arrive et qui rappe la calle. Donc ouais, ces morceaux collectifs m’ont pas mal aidé pour démarrer à l’époque. Avant, je rappais dans mon quartier à Blois. Je me déplaçais aussi beaucoup, j’allais souvent sur Paname. À l’époque, il y avait les End of the Weak [compétitions mondiales de rap fondées au tournant des années 2000, NDLR] et un tas de scènes comme ça où je pouvais aller pour exprimer mon keutru. J’ai commencé par la scène, avec ce bénéfice d’être très jeune – j’avais 16 ou 17 ans je crois – dans le sens où, comme au football, on se disait un peu que les jeunes, ce sont ceux qui arrachent tout. Je faisais donc des freestyles. Un peu comme ce que faisait Philémon [Rappeur nantais plusieurs fois champion du EOW, dont les freestyle bags ont fait parlé de lui, NDLR], que j’ai rencontré à Blois la première fois ! Il était venu dans un délire de clash. Il avait fait une très grosse impression. Tu sais que les mecs de chez moi, ils kiffaient Philémon pour de vrai ? Parce qu’il avait une espèce de truc de mec très gentil, mais très dangereux. Il était très méchant quand il s’attaquait aux gens.
A : Tu disais que le 94 était ton département de cœur. Est-ce que c’est aussi à cause du rap que tu fais qu’on te prend aussi souvent pour un mec du 94 ?
N : Tout le monde me prenait pour un mec du neuf-quatre, surtout au début ! Et même encore aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui pensent que je suis de Paname. Quand on fait “Paname Boss” [Morceau de La Fouine sorti en 2013 en feat avec Canardo, Niro, Fababy, Sultan, Youssoupha et Sniper, NDLR], on m’appelle – alors que je suis de Blois ! Idem quand ils font Classico Organisé. En vrai, je ne suis pas très loin de Paname et quand tu regardes bien, au fond, c’est un peu la même mentalité.
A : Entre 2009 et 2012, avant Paraplégique, vous avez beaucoup de feats avec Jeff Le Nerf, ce qui peut paraître étonnant parce que vous ne faites pas nécessairement une musique similaire. Comment vous vous êtes connectés ?
N : Non, on a une musique très similaire Jeff le nerf et moi. Techniquement, en termes d’écriture, ça se rapproche énormément de ce que je fais. C’est le premier rappeur qui m’a mis à l’allumage. Il n’y aurait pas eu de Talents Fâchés ni Les Yeux dans la Banlieue s’il n’y avait pas eu Jeff. En fait, il était branché avec des mecs de chez moi et on se parlait sur MySpace à l’époque. Il m’a écouté puis a dit : “mais qu’est ce que c’est que ce truc de fou ?” Il est venu jusqu’à Blois, il a vu un peu mon environnement, où je trainais, il a vu quel genre de type j’étais aussi à l’époque. Ce qui le faisait kiffer, c’était que je vienne de la rue, que je rappe la rue et que je vive encore toutes ces choses-là, ces choses dont je parle dans mes sons. Déjà, il arrive le premier jour, ça lui parle d’une embrouille avec un ancien qu’on a essayé d’écraser en voiture… On a bossé ensemble, puis il m’a appelé : « voilà, Goldfingers va faire le volume 2 des Yeux dans la Banlieue, est-ce que ça te dit ? » Je pense réellement que s’il n’y avait pas eu Jeff le nerf dans ma vie, je n’aurais jamais fait tout ça. Je parle avec lui encore aujourd’hui. Je lui avais envoyé des extraits en privé du dernier album pour avoir son avis, et là, le dernier morceau avec Potter Paper. Il est très fier de moi.
2) « Père Fourra », Paraplégique (2012)
N : À cette période, je suivais pas mal ce qu’il se passait aux États-Unis et surtout je travaillais avec des beatmakers comme Therapy qui étaient beaucoup dans le créneau trap. Je ne suis pas trop dans les étiquettes des genres musicaux, genre trap, cloud, machin… mais je crois que la trap, j’en faisais avant tout le monde, j’en faisais en 2009. J’étais un des premiers, peut-être pas le premier, mais un des premiers. Après c’est Kaaris qui a rendu la trap populaire, qui l’a amenée à son paroxysme. Mais j’étais quand même un des premiers à en avoir fait en France. Parce qu’il y a une continuité entre le rap qu’on faisait dans les années 2000 et la trap, je suis un peu entre les deux. C’est aussi pour ça que je ne suis pas convaincu par ce que tout le monde dit, que c’était un risque de ramener la trap en France. Aujourd’hui, la mode est un peu passée, à vrai dire quand c’était déjà bien arrivé en France, je n’étais plus trop dedans – si tu regardes Miraculé, il y a peu de trap pure et dure sur le disque. Après, encore aujourd’hui, certains de mes morceaux sont des morceaux trap, ça reste une couleur de son que j’apprécie. Mais sur mon dernier album, il y a des couleurs d’instrus différentes sur chaque titre. Maintenant, il faut que tout soit différent, sinon ça ne marche pas pour moi. J’ai besoin de diversifier tout ce que je fais.
3) « La Mentale » – La mort du rap game – GFG (2013)
N : Tu sais que pour l’anecdote, j’ai été un des premiers à parler de Freeze à Shone [Shone, rappeur de Ghetto Fabulous Gang, travaille aujourd’hui avec Freeze Corleone, NDLR] ? Je ne sais même pas s’il le connaissait, en tout cas pas personnellement. Freeze envoyait des petits morceaux sur YouTube, où il dédicaçait beaucoup. Un jour il a dédicacé Zesau, puis Alpha 5.20, et je leur ai dit : « y a un petit-là, il arrête pas de vous envoyer de la force ! » Puis ils se sont branchés. En 2013, au moment de « La Mentale », je racontais à Shone ce qui m’arrivait dans la musique, comment j’étais en train de prendre de l’expansion. Je lui parlais des trucs des maisons de disques, etc. Ça a toujours été quelqu’un qui me donnait de la force, et j’ai grandi avec Ghetto Fab, j’étais très admiratif de ce que faisait Alpha 5.20, cette mentalité de hustle en arrivant du bled, très propre à eux, j’ai trouvé ça fort. Leur esprit d’indépendance, d’entrepreneuriat. Je le dis dans un de mes derniers albums, « J’peux retourner mailler comme Alpha 5.20 dans l’stand » [« Alpha 5.20 » sur Taulier, 2023, NDLR] Donc forcément, ils m’invitent, j’y vais. La Mentale, de base c’est un film français avec Sami Naceri, mais je t’avoue que je n’ai pas écrit le titre en référence au film.
A : Mais tu n’as jamais pensé faire une carrière au cinéma ?
N : Bien sûr, on m’a déjà proposé, j’ai déjà casté et tout. J’ai casté avec Jacques Audiard à l’époque, pour le film avec les Tamouls [Dheepan, NDLR]. Mais je n’ai pas été bon. En fait, je n’avais pas l’assurance que j’ai aujourd’hui. Après, j’aimerais vraiment faire du cinéma. Le problème, c’est que ça prend énormément de temps. J’avais déjà commencé à écrire une série, que j’ai réduite en film parce que j’ai vu la catastrophe que c’est à réaliser en termes de temps, une série. Le thème porte sur les enfants du divorce, les conséquences que les séparations ont sur les enfants. J’avais une idée de storytelling de malade, où la voix off d’une arme raconte l’histoire. J’ai un dossier énorme à la maison. Mais le problème, c’est que c’est dur à faire, il faut un temps que je n’ai pas. Ou alors, il faut s’entourer de gens qui ont du temps et ça c’est encore autre chose. En tout cas, ça me parle de faire du cinéma pour de vrai.
4) « Vivastreet » – Miraculé (2014)
N : Vivastreet n’était pas connu à l’époque, le site devrait me donner une kichta ! C’est parti d’un truc à la con. À la base j’étais au studio, j’ai un pote à moi, il vient à 7 h du matin, il sort de soirée et il vient, il reste un peu, puis il me fait un geste bizarre après ses bras et me dit : « ça fait 90 € la passe, Vivastreet ! » J’ai explosé de rire et je lui ai dit : « mais c’est un refrain ça ! » Je suis rentré immédiatement, j’ai fait le son dans les cinq minutes d’après. Le lendemain, je lui ai fait écouter. Il était mort de rire. C’est vraiment parti d’un délire, d’une rigolade à la base. Par contre, une fois, je suis tombé sur une vraie prostituée qui m’a dit : « ah toi, je t’aime pas. À cause de toi, tout le monde me dit 90 euros… C’est 150 il fallait dire ! » J’ai rigolé. Voilà, en fait j’ai un peu niqué leur business. Désolé les filles.
Avec cette chanson, en 2014, le maire de Fleury-Mérogis m’avait interdit de concert, en m’accusant d’être misogyne. En s’exprimant dans les médias, il ternit mon image. Alors que ce n’était pas du tout le cas. Tout le monde sait que je n’ai grandi qu’avec ma sœur et ma mère, je n’ai jamais été sexiste, misogyne, bien au contraire. C’est vous qui avez le véritable pouvoir, c’est pas nous. Et donc ce ce maire-là en question, il s’acharnait un peu sur moi. J’ai fini par appeler Juliette Fievet à l’époque, une journaliste que vous connaissez, qui était un peu en freelance. Elle avait bossé avec Kery James et on la sollicitait souvent pour ça, par rapport aux médias, pour avoir un droit de réponse. On a imaginé elle et moi une stratégie pour casser ce truc. Pour ça, il fallait juste dire la vérité et que les filles se défendent elles-mêmes, en fait. Parce que quand elles ont entendu ce que disait ce maire de gauche [David Derrouet, NDLR], elles ont dit « mais pour qui il se prend ? » C’est ça la misogynie en fait. C’est de prétendre venir faire le super héros et dire ce que les filles ont besoin d’entendre comme musique ou pas. Et lui, il est venu en super sauveur, il s’est retrouvé comme un con parce qu’à ce moment-là, toutes les « Amazones de Niro » ont repris le son. On a monté un clip qu’avec des femmes. Et faites attention, c’est une armée, ces Amazones : il y avait de tout, des écrivains, des modèles, il y avait des étudiantes, il y avait des Enora Malagré. Qui elle, a beaucoup d’autodérision, et n’a pas mal pris la phase que je fais sur elle dans le son [« On n’a pas la maladresse de s’allonger comme Enora Malagré devant Pharrell« , NDLR]. Limite, elle était tellement gentille qu’elle me l’a fait regretter un peu… Puis un jour je reçois un article qui dit que ce maire de Fleury-Mérogis s’est fait attraper alcoolisé en voiture. Deux semaines après. Le karma ! Là, il sort de garde à vue puis fait une vidéo où il s’adresse à ses « détracteurs » et dit : « je continuerai mon combat contre l’égalité homme femme » [rire]. Après ça, je l’ai tourné au ridicule : « qu’est-ce qu’il y a t’es encore bourré frérot ? » Il savait plus où se mettre, je le lâchais pas. Voilà, ça s’est réglé comme ça.
« J’ai commencé à écrire une série, sur les enfants du divorce. J’aimerais vraiment faire du cinéma. »
5) « Printemps blanc » feat La Zarra – Les Autres (2016)
N : Un jour, je suis au studio avec Benny Adam [Beatmaker marocain installé à Montréal, mais aussi ingé son et réalisateur, aujourd’hui chanteur à succès NDLR], qui m’avait fait « Sors de ma tête« . Il me fait écouter “Printemps blanc”, où Ivy – elle s’appelait pas encore La Zarra à l’époque – avait déjà posé. Je trouve l’instru incroyable, il me dit : « prends-la si tu veux. » Je lui dis : « arrête de mentir ! » Je ne le crois pas sur le coup. Mais j’ai fini par enregistrer le morceau, en rapide. Quand je suis sorti, je me suis dit, là, je tiens quelque chose. J’ai eu l’idée de transformer l’histoire d’amour en histoire de drogue : ça m’a paru évident sur le coup, l’analogie avec la cocaïne.
A : C’est ce morceau qui t’a apporté un public plus féminin ?
Ce n’est pas ce morceau qui m’a apporté un gros public féminin – ça, c’est plutôt « Sors de ma tête » – “Printemps blanc” a élargi mon public de manière générale. Globalement, les gens se sont dit : « bon, il est aussi capable de faire de la variet. » Après, si tu veux savoir, en vrai, j’ai un public beaucoup plus féminin que masculin. Je te jure, j’ai fait le Zénith, c’était 70 % de femmes ! Un truc de fou.
A : Est-ce que ça influence tes créations ?
N : Ça n’influence pas forcément ce que je fais, mais ça me conforte dans mes idées. J’essaie de faire des titres un peu similaires, mais de façon renouvelée. Après, je n’ai jamais été un artiste qui fait en fonction du public, des chiffres. Je fais vraiment en fonction de ce que je veux et je n’ai pas besoin d’attendre que ça marche pour faire. Par exemple, il y a beaucoup de morceaux que je fais qui ne sont pas les morceaux les plus streamés, mais je continue à faire ce genre de titres parce que ça me parle et que c’est moi, tu vois. C’est vrai que ça pourrait m’influencer, mais jamais de manière directe ou profonde.
« J’ai écrit « Avant de partir » en 2012, sans instru, sans personne, en cellule. »
6) « Avant de partir » – OX7 (2017)
N : Si tu veux que je sois honnête avec toi, ce titre-là, je ne l’ai pas écrit en 2017. Je l’ai écrit en 2012 en prison. Sans instru, sans personne, j’étais en cellule. Et je l’ai écrit d’une traite. J’ai fait deux titres en cellule, celui-là et un autre morceau qui s’appelle « Chat Noir », qui n’est jamais sorti mais qui, je pense, était tout aussi fort. En 2017, par contre, quand j’ai repris « Avant de partir », j’ai un peu actualisé le couplet. Mais 80% du titre, je l’avais écrit en prison vers 2011, 2012.
A : À un moment tu dis : « J’avoue, je ne suis pas toujours resté droit, surtout quand j’ai déversé ma haine en format mp3. » Est ce qu’il y a des sons, des phases, que tu as regrettés dans ta carrière ?
N : Oui, énormément. Après je ne pourrais pas t’en citer une comme ça, mais ça m’arrive d’écouter un morceau et de me dire que j’aurais un peu dû lever le pied, que j’aurais dû faire un peu plus attention à ce que je disais. Mais ça reste là, c’est mon œuvre, je n’y toucherai pas, même si c’était à refaire, je le referais. Parfois, tu laisses ta plume aller un peu où elle veut au final et quand tu réécoutes, tu regrettes un peu.
A: « J’ai peur d’écrire des choses qui vont s’retourner contre moi… »
N: « … Mais comme la peur est surmontable, j’assure mon taff, j’suis sûr de moi. » C’est dans le feat avec Potter Payper. En fait, ça résume ce que je suis en train de te dire.
7) « Partis de rien » feat. Tayc, Taulier (2023)
N : Sampler la Scred Connexion, c’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. J’ai choisi « Partis de rien » : pour moi, c’est un des meilleurs morceaux de la Scred. J’ai donné les éléments au beatmaker pour qu’il sample, et c’est parti. Quand j’ai fait écouter la prod à Tayc, ça sonnait très cainri, il a kiffé de fou. Notre collaboration s’est très bien passée, c’est un professionnel et moi aussi, je travaille bien et vite. Il est très gentil, vraiment, il sourit tout le temps, il ramène une espèce de joie aussi, en studio et dans la musique. Et ça tue parce qu’il est à l’aise avec lui-même, donc ça te met aussi à l’aise pour travailler. C’est aussi la preuve que je peux faire toute sorte de feats. En vrai, pendant toute ma carrière, j’ai essayé de faire tout ce qui était possible de faire dans la musique, je n’ai pas de barrières. L’essentiel, c’est : est-ce que ça colle ? Est-ce que ça correspond à la vision que j’ai du morceau ? Donc ça ne me dérange pas de bosser avec Tayc, ou avec un autre qui ferait une musique diamétralement opposée à ce que je fais. Je m’en tape, ce qui compte c’est la musique.
8) « Papa fait le pitre » – Taulier (2023)
N : Ce titre-là, je l’ai écrit dans le sud de la France, à Montpellier. Après une nuit blanche, à 11h du matin, je me mets en terrasse, et je commence à écrire. Quand je tourne ma tête, je vois des SDF un peu plus loin. C’est pour ça qu’à un moment je dis plusieurs fois : « J’suis sur la terrasse d’un hôtel chic, en face de moi, des SDF qui m’regardent dépenser l’fric. » À la base, je l’avais écrit sur une prod de PLK, que j’avais trouvée sur YouTube. Je l’ai choisie pour Colors parce que je trouvais que c’était culotté et que ça n’avait jamais été fait. D’habitude, les gens qui vont là-bas ne rappent pas véritablement, ça chante, ça montre qu’on est hype quoi. Moi je trouvais ça hype de de venir avec un morceau de cinq minutes sans refrain, sans rien. Ça casse tout le mode de « Colors. » Je leur ai même dit : « venez on fait notre Colors en full black. » Ils n’ont pas voulu. J’avais le cigare aussi, j’ai dû fumer un cigare entier ce jour-là… Celui que je lui pose avant de jouer, c’était le deuxième, il était tout neuf parce que j’en pouvais plus. Ils m’ont dit que j’étais le seul qui avait le droit de fumer là-bas. Bref, le fait que je fasse ce titre-là, ça a choqué les gens. ça a confirmé que je pouvais faire ce genre de trucs en restant dans mon créneau. Mais je ne vais pas m’arrêter là, j’ai une idée pour bientôt, là. Je vais faire mon propre Colors !
« Aujourd’hui, je maîtrise beaucoup mieux toutes les facettes de mon style et de ma musique. »
9) « Qui sait » feat. El Grande Toto, Taulier (2023)
N : Toto, ça faisait longtemps qu’il voulait collaborer avec moi. Je connaissais son frère que j’avais rencontré en 2019 sur le clip avec Maes, j’étais à Tanger au Maroc. On me parlait souvent de Toto, des amis dans la musique qui me disaient qu’il aimerait bien travailler avec moi. À l’époque, c’est pas que j’étais pas chaud, c’est que je ne connaissais pas surtout. Et un jour on me ramène un album à lui, Caméléon, j’écoute et je trouve ça fort. C’est grave cainri, il ramène un vrai truc donc j’ai dit vas-y let’s go. On s’est rencontrés au Maroc, on a passé la soirée ensemble et la collaboration s’est faite naturellement. Le son « Qui sait » était pour lui à la base [Pour son album 27 sorti en 2023, NDLR] mais je vois, il met un an, un an et demi et il ne sort pas. J’ai dit « t’es un malade toi, vas-y envoie le son », il m’a dit pas de souci khouya Nordine. Il aurait peut-être dû le sortir en vrai mais tant mieux pour moi.
A : Tu suis la scène rap maghrébine ? Sur cet album il y a deux feats, avec Lwind (Maroc) et Flenn (Algérie).
N : Lwind, je bosse avec lui, c’est lui qui a trouvé la topline de « Qui sait », juste le petit moment du refrain. Il est topliner, beatmaker et rappeur, il est derrière un tas de succès, comme « No lo sé » de Lacrim par exemple, mais avec un tas d’artistes, tout le monde sait qui est Lwind au Maroc. Il mérite, c’est un petit frère que j’aime beaucoup. Je suis un peu la scène marocaine de loin, je ne te mens pas, je ne suis pas non plus à fond dedans mais j’aime bien Draganov, Stormy. J’ai collaboré avec tous ces mecs-là, ce sont des choses qui vont sortir.
A : Tu as d’ailleurs titré ton album en arabe, Hayati qui veut dire « ma vie. » Pourquoi ce choix alors que tu te livres depuis des années ?
N : Je ne me suis jamais autant livré dans un album et dès l’introduction « Hayati », le dernier morceau que j’ai écrit pour cet album. Je rappe en darija dessus, c’est un de mes morceaux préférés, il est sorti tout seul, je l’ai vomi carrément. Je l’ai appelé comme ça car c’est un album très intimiste.
10) « Mon amour, ma musique » – Hayati : Du sable et du sang (2025)
N : Dans ce morceau je dis « tu » à la musique, je l’ai personnifiée car elle reste ma plus belle histoire d’ailleurs. J’ai tout dit dedans. Toutes les fois où j’ai voulu arrêter, ce n’est pas par rapport à la musique mais tout ce qu’il y a autour. Je suis passé par plein d’étapes, et si un jour je devais arrêter, ça ne serait que pour la religion, sinon je n’arrêterai jamais.
A : Tu te sens plus serein aujourd’hui par rapport à la réussite dans la musique ?
N : Ah oui ! Déjà on prend plus d’oseille qu’avant, quand même ça va. Je suis serein, toutes les planètes sont alignées, je pense que t’as dû le ressentir en écoutant l’album. Je maîtrise beaucoup mieux toutes les facettes de mon style et de ma musique.
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