Alkpote, si si si
Interview

Alkpote, si si si

L’aigle de Carthage, l’Empereur de la crasserie, Jonathan H, Serge Gainzbeur… Autant d’alias derrière lesquels Al K-Pote se réfugie à longueur de rimes improbables et d’une imagerie hors du commun qu’il a façonné depuis 2005. On aurait presque tendance à oublier que, derrière ces multiples masques, se cache un homme, Atef Kahlaoui. Présentations.

et Photographie : Draft Dodgers

Cela faisait quelques années que la personnalité d’Al K-Pote intriguait une bonne partie de la rédaction de l’Abcdr. En effet, à la sortie de L’Empereur, nous lui avions consacré pas moins de deux articles : la chronique du disque mais également un texte plein de pédagogie visant à familiariser la gente féminine avec l’univers de celui qui a porté fièrement les couleurs de Néochrome depuis plusieurs années. Sans en avoir réellement eu l’occasion jusqu’à présent, nous étions convaincus que nos chemins seraient fatalement amenés à se croiser.
Soucieux de respecter l’adage « mieux vaut tard que jamais », le rendez-vous est pris quatre ans plus tard à l’occasion de la sortie de L’Empereur contre-attaque. On avait déjà senti au téléphone que la volonté de se rencontrer était réciproque. Cette première impression sera confirmée lorsque Al K nous accueillera avec le sourire – et trente bonnes minutes de retard – à la sortie de la gare d’Evry. Immédiatement, l’Aigle de Carthage nous met à l’aise et précise qu’il a lu et apprécié nos écrits à son sujet. Mieux, qu’il est prêt à nous donner une interview fleuve, sans concessions. Ca tombe bien, nous étions venus pour faire tomber le masque. Si plusieurs des vidéos hilarantes qui tournent sur Internet ont contribué à agrandir sa popularité, on se doutait qu’il y avait forcément plus que ce prétexte au divertissement et au second degré permanent. Discussion ouverte avec un mec pas comme les autres.


Abcdr du Son : Je t’avais découvert sur Haine, misère et crasse mais également sur un interlude présent sur l’album Ol’Kainry et Dany Dan. Est-ce qu’il s’agit là de tes débuts « officiels » dans le rap ?

Al K Pote : Non, c’est arrivé bien avant. J’ai trente-et-un ans aujourd’hui et je rappe depuis que j’en ai quatorze-quinze… Ce qui signifie que la moitié de ma vie est passée dans le rap. Je crois que ça, c’est sorti seulement en 2005 alors qu’on avait commencé bien avant.

En fait, à cette époque là, j’endossais ma casquette « Unité de feu » et j’allais frapper à toutes les portes pour nous décrocher des plans. J’appelais les gens que je connaissais, ceux que je ne connaissais pas… J’avais par exemple appelé L.I.M pour poser dans Violences urbaines, DJ Poska pour poser dans Têtes brulées, Dany Dan pour son album avec Ol’Kainry… Je faisais vraiment le premier pas pour que les gens nous intègrent à leurs projets.

Finalement, les compilations sur lesquelles j’ai posé comme Talents fâchés ou Violences urbaines étaient mes premières apparitions importantes. C’est à ce moment où les gens ont commencé un peu à s’intéresser à ce qu’on faisait mais, avant ça, on n’arrivait pas encore à se frayer une place.

A : Est-ce qu’il y a un moment où tu as vu qu’un changement s’opérait et que le public a commencé à s’intéresser davantage à toi ?

Al K : Ça s’est fait progressivement mais j’ai surtout vu un changement de la part des médias. Je ne vais pas citer de noms mais je pense en particulier à une radio… Et il ne s’agit pas de Skyrock. Quand j’allais voir cette radio à l’époque d’Unité de feu et qu’on donnait nos CD’s avec K-Tana, ils nous regardaient de haut et me sortaient des phrases de fou du style « si tu savais combien de CD’s de ce type on reçoit par jour »… Ils nous snobaient. Ce sont les mêmes personnes qui en 2008, à la sortie de L’empereur, m’ont sucé la bite. Quelque part, Sucez-moi avant l’album avait fait son effet. [Rires]

En tout cas, je pense que Sucez-moi avant l’album a changé la donne et que c’est à ce moment qu’on a plus parlé de moi. Le titre était accrocheur et j’ai toujours fonctionné comme ça. Je suis en train de chercher des noms de fous pour mes prochaines mixtapes.

A : Sur ce disque, tu avais deux featurings avec une rappeuse allemande notamment…

Al K : Exactement ! Il s’agit d’Amel que j’avais rencontré sur Myspace. Je ne parle pas allemand, elle ne parle pas français donc on parlait en tunisien. On a fait deux morceaux et on a été amené à se revoir pour de l’herbe, de la bonne herbe allemande. [Rires] Elle m’en ramenait souvent.

A : On sent que tu as beaucoup d’influence rapologiques. Quelles ont été tes premiers chocs rapologiques ?

Al K : Le Wu-Tang m’a vraiment perturbé avec toutes ces personnalités. J’étais fasciné par l’ensemble des membres du groupe. Ils ont tous développé leurs univers au travers d’albums solos de fou, ils avaient des blazes de fou… Ils m’ont vraiment rendu dingue. J’avais tous leurs logos, j’achetais leurs CD’s, leurs pulls, leurs t-shirts… 150 francs le disque, ça coûtait cher !
Lorsque je suis rentré dans le rap, c’est vraiment le rap américain et plus précisément le rap new yorkais qui m’a pris à la gorge. Le rap français qui tournait ne m’intéressait pas vraiment jusqu’à l’explosion de Time Bomb vers 1996 : c’était le rap américain que j’écoutais mais en français. X-Men, Lunatic, Oxmo, Pit, Jedi… Toute la clique Time Bomb m’a impressionné. Finalement, de toutes ces personnes là, il n’y a que Booba qui a réussi à s’en sortir. Même Oxmo, pour moi il n’est plus là aujourd’hui.

A : Est-ce que tu écoutais autre chose que du rap ?

Al K : Bien sûr ! C’était l’époque de la dance et j’en écoutais beaucoup. J’écoutais aussi bien les compilations Dance Machine que Michael Jackson dont je suis toujours fan aujourd’hui. En fait, j’écoutais toutes les conneries qui passaient à la radio dont y compris de la chanson française. Je consommais tout et, d’ailleurs, c’est encore le cas aujourd’hui.

A : A ce titre, tu avais rappé sur le beat de « Sexy Bitch » de David Guetta sur la compilation de Dj Belleck…

Al K :  [Il coupe] C’est ce que j’ai essayé de refaire dans « Gainzbeur » sur L’empereur contre-attaque, rapper sur un beat house. D’ailleurs, dans mon album solo qui est en préparation, on risque de retrouver de plus en plus de morceaux qui iront dans cette direction. J’écoute David Vendetta, David Guetta, Bob Sinclar… J’écoute de tout !

A : Récemment, on a eu l’occasion d’interviewer Justice et lorsqu’on leur a demandé ce qu’ils aimaient dans le rap français actuel, ils ont cité ton nom et comparé ta musique au cinéma de John Carpenter…

Al K : Ca m’étonne mais ça me fait très plaisir. Au cas où ils sont amenés à lire cette interview, il faut qu’ils sachent que je veux collaborer avec eux. C’est un groupe que j’aime beaucoup et je serai heureux qu’on fasse quelque chose ensemble. En tout cas, c’est la bonne information du jour ça ! [Rires]

A : Est-ce que tu as une idée de ce à quoi peut ressembler ton public ?

Al K : Je n’en ai aucune idée et je t’avoue que je suis épaté chaque jour. A la base, j’imaginais mon public composé exclusivement de mecs et je suis étonné de voir des meufs à mes concerts. Au-delà de ça, j’ai du mal à déterminer un profil particulier de personnes qui vont écouter ma musique. Par contre, j’aimerais bien être écouté du plus petit au plus grand. Aujourd’hui, j’ai la trentaine mais j’aimerais rapper pour les petits de douze ans. Je n’ai pas envie de rapper pour les mecs de mon âge.
Le rap est une musique de gamins. J’écoutais cette musique quand j’étais gamin et, aujourd’hui, c’est devenu un métier donc je le fais pour les personnes à qui cette musique est destinée.

A : Ca signifie qu’en tant qu’auditeur trentenaire, tu n’écoutes plus de rap ?

Al K : J’en écoute encore mais je constate que les consommateurs de rap sont majoritairement des enfants.
Sinon, j’écoute beaucoup de rap en règle générale. Je vais sur Booska-p, je vais sur n-da-hood, je vais sur le site de generations, je vais sur worldstarhiphop… Je me renseigne. Quand je vais sur le net, c’est pas pour jouer au Poker [Rires].

A : Aujourd’hui, le rap est ton job à plein temps ?

Al K : C’est mon métier et je n’ai pas d’autres travail à côté, je ne vends pas de drogue… C’est ma principale source de revenus. Je ne gagne pas autant que les stars du rap mais je réussis à en vivre. Quand je sors un disque, je touche de l’argent mais sinon, pendant l’année, ce sont les concerts et les featurings qui me rapportent de l’argent. Et bien sûr le merchandising avec les différents t-shirts à mon effigie.

A : Tu ne te considères pas comme une star du rap ?

Al K : Pas du tout. Je suis un rappeur, un artiste, un poète mais pas une star.

« Je suis là pour te divertir et qu’on passe un bon moment ensemble. »

A : Pourtant, tu arrives à intéresser des médias qui, traditionnellement, ne parlent pas énormément de rap comme Technikart qui avait réalisé un bel article sur toi…

AL K : Je suis honoré quand des médias comme l’Abcdrduson ou Tecknikart prennent le temps de venir à Evry et de me rencontrer. Ce sont des médias que je connais et que je respecte. Pour autant, ça ne fait pas de moi un rappeur aussi populaire que Booba ou la Sexion d’Assaut qui sont de vraies stars.

A : Tu as une capacité à sortir des projets à un rythme extrêmement élevé…

Al K : Et encore je l’ai ralenti mon rythme là ! Depuis que je suis père de famille et que j’ai des obligations, je suis moins omniprésent dans le rap. Ceci dit, j’ai un nouvel album qui est déjà prêt et que j’espère sortir en 2012 donc vous allez voir ma gueule sur Internet pendant un petit moment encore.
Il ne s’agira pas d’un album solo mais d’un album Néochrome. C’est simple, ce n’est pas un groupe mais un boy’s band [Rires]. Il y aura Zekwé Ramos, Seth Gueko et moi.

A : Aujourd’hui, Zekwé Ramos est connu d’abord en tant que rappeur mais je me souviens qu’il était surtout crédité en tant que Kevin Ramos sur plusieurs prods sorties sur les projets Néochrome. C’est en vous regardant qu’il a eu envie de prendre le micro ?

Al K : Mais tu es bien renseigné toi dis-donc ! J’ai rarement eu à faire à un aussi bon journaliste [Rires]. En effet, on l’a connu quand il avait dix-sept ans et il nous a fait un instru. Au début, il ne faisait que des instrus pour l’Unité de Feu et on l’avait fait poser sur notre premier CD. Je l’ai ramené chez Néochrome et il est un peu devenu le beatmaker attitré du label. De fil en aiguille, il s’est imposé et sort aujourd’hui ses propres projets.

A : A côté de ta carrière solo, tu fais donc partie du groupe Unité de feu avec K-Tana. Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés ?

Al K : On se connaît depuis toujours. On était voisins, on est allé à l’école ensemble… Et on se voit toujours puisque on était avant-hier en studio pour Néochrome.
Quand j’ai commencé à rapper, j’étais tout seul et c’est moi qui lui ai donné goût à tout ça. Il m’a suivi, n’a plus lâché et on a monté un groupe ensemble. Avant ça, K-Tana et moi avons fait partie d’autres groupes qui ont souvent changé de nom mais finalement c’est Unité de feu qui est resté quand on n’était plus que deux.

A : Un triple album solo de K-Tana est annoncé depuis plusieurs années. Est-ce que tu en sais davantage ?

Al K : Ah oui j’en sais davantage [Rires]. Ecoute, j’attends cet album autant que toi… Et je l’attends autant que lui [Sourire].
Après, il faut savoir que c’est quelqu’un de perfectionniste et il retouche beaucoup le projet. Il sera mieux placé que moi pour t’en parler et je ne veux pas dire des âneries à sa place.

A : Tu as fait plusieurs vidéos à l’intérieur desquelles la frontière entre le sérieux et l’humour était assez fine. Est-ce que tu penses que les gens prennent ça au premier degré ?

Al K : Certains peuvent prendre ça au premier degré, d’autres peuvent le prendre comme de l’humour, d’autres encore ne vont rien piger… Quand des personnes m’entendent crier « Sucez, buvez », elles vont croire que j’insulte mon public. Je joue beaucoup de ça et j’espère que la majorité des gens comprennent le délire. En tout cas, je sais que certains comprennent… Et je sais qu’il y a des dégénérés qui ne comprendront jamais.
C’est du divertissement pur et dur, rien d’autre. Je n’ai pas de leçon à te donner et je n’ai rien à t’apprendre. Je suis là pour te divertir et qu’on passe un bon moment ensemble. L’empereur contre-attaque, c’est du pur divertissement.

A : Tu disais que tu es devenu père de famille et, en parallèle, tu dis souvent pas mal de vulgarités et de conneries au micro. Est-ce que ce nouveau statut change quelque chose ?

Al K : Ca ne change pas grand-chose…

A : Est-ce que tu y penses quand tu écris tes textes ?

A : [Il hésite] Non, je n’y pense pas, je n’y pense pas… Mais je ne te cache pas que je pense à faire un album plus ouvert. Je resterai le même et garderai la même ligne directrice mais il y aura des morceaux plus ouverts.

A : Depuis deux-trois ans, il y a un côté horrorcore très prononcé dans ton rap. Est-ce qu’il y a des choses qui t’ont amené à te diriger vers cette direction ?

A : Des films d’horreur, les rappeurs de Memphis comme Three Six Mafia ou Evil Pimp… Ces rappeurs poussent vraiment le délire à l’extrême et sont dans les profondeurs du Mal. En ce qui me concerne, je le fais parce que j’aime bien mais je ne veux pas en faire ma spécialité.
Sur mes influences cinématographiques, c’est très compliqué parce que je regarde énormément de films. Je ne pourrai pas répondre à la question « quel-est ton film préféré ? » par exemple.

A : Et si tu devais en citer quelques-uns ?

Al K : Bloodsport par exemple. Tous les films de Van Damme de toute façon, tous les films de Jet Li, tous les films de Jackie Chan, tous les films de Schwarzenegger, tous les films de Stallone… Expendables était fabuleux.
Je reste un grand fan des années quatre-vingt et de tous ces acteurs. Je serai fan à vie de Schwarzenegger et peu importe qu’il trompe sa femme avec la boniche ou qu’il fasse des enfants à droite à gauche. Ce sont ses films d’actions dont je suis fan, pas de sa vie privée. Il pourrait même être raciste et détester les arabes tant qu’il fait des beaux films [Rires]. Je ne cherche qu’à me divertir. Qu’il me divertisse ce raciste !

A : Tu parlais d’Evil Pimp et tu as eu l’occasion de faire un morceau avec lui sur le remix de « Chiens »…

Al K : Tout à fait, via Butter Bullets qui ont fait la connexion et il y aura également un morceau avec Project Pat sur leur projet.
Quand ils m’ont dit qu’Evil Pimp était chaud, je leur ai dit que j’arrivais tout de suite. Le rap de Memphis et les influences communes qu’on partage avec Sidi Sid nous ont directement rapproché au départ. On a les mêmes goûts. On aime aussi travailler ensemble puisqu’ils ont placé quatre prods sur mon album et qu’ils ont en encore plus sur La crème d’Ile-de-France.

A : On a souvent fait la comparaison entre Necro et toi pour le côté très sombre justement mais vous avez également des parcours similaires puisque tous les deux farouchement attachés à l’indépendance. C’est une référence qui te parle ?

Al K : Honnêtement, c’est une référence qui me parle parce que c’est un juif qui rappe pour sa communauté juive et qui a développé un vrai univers. J’avais adoré son clip où la meuf est une table, qu’elle est à poil, qu’il n’arrête pas de la frapper, il la renverse [NDLR : « White slavery »]…. C’était ultra hardcore. Même si le mec doit être un petit peu pervers quelque part, ça reste du divertissement. Je me moque de sa sexualité, de son origine, de sa religion… tant qu’il me divertit.

A : Tu développes énormément de références à la culture populaire dans tes textes où tu vas parler aussi bien de Bernard Minet que de Van Damme. D’où est-ce que l’inspiration te vient ?

Al K : Ca résulte aussi de l’actualité. Certains vont te parler de l’actualité en se focalisant sur la chute des deux Tours ou sur l’élection présidentielle alors que je vais te parler de l’actualité des stars. J’aime savoir de quelle couleur est la culotte de Victoria Beckham et quel est le plat favori de Beyonce… Ce genre de merdes m’intéresse [Rires].Pour écrire mes textes, j’ai besoin de beaucoup de drogue. Je n’écris pas constamment mais sur commande. Si tu me demandes de t’écrire un couplet, il me faudra un peu de drogue et ça va le faire. Un peu comme « L’émission Mystère » où les gens parlaient avec l’Au-delà [Rires]. Je rentre en communion avec le drogué qui sommeille en moi et va écrire à ma place. Je suis incapable d’écrire à jeun.

A : Comment ça se passe lorsque tu dois faire un freestyle pour une vidéo ?

Al K : Je ne calcule pas. On me demande de faire un freestyle et je crache le premier texte qui est dans ma tête. En ce moment, je suis dans une période où j’écris beaucoup et c’est compliqué parce que je ne me souviens d’aucun texte. Ca me demande un effort de concentration énorme de ressortir un texte. C’est la raison pour laquelle les répétitions sont nécessaires avant les concerts [Sourire].

A : Toutes les vidéos que tu as faites avec Daymolition, « Les marches de l’Empereur », ont contribué à façonner le buzz autour de l’album et à redéfinir ton personnage…

Al K : On avait envie de créer une web série autour de la fabrication de L’empereur contre-attaque. Au final, il y aura treize marches comme les marches d’une pyramide, comme les treize degrés des Illuminati. Une fois que la treizième marche aura été dévoilée, on fera sûrement une autre série ensemble.
Il faut savoir qu’il n’y a aucun scénario pour ces épisodes. On se donne rendez-vous et on improvise. On est content des retours mais il n’y avait rien de calculé. Au départ on s’est vu dans des studios, ensuite ils m’ont suivi pendant une interview, ils m’ont accompagné lors d’un concert en Belgique… On ne sait jamais à l’avance ce qu’on va faire.

A : Parmi cette série, il y a l’épisode en Belgique qui a un peu plus tourné que les autres…

Al K : J’ai vu que vous l’avez relayé dans votre article de fin d’année d’ailleurs… L’Abcdrduson, vous êtes les meilleurs ! [Rires]

A : Est-ce que tu as été surpris de constater l’engouement de certains fans autour de toi ?

Al K : Franchement, c’est toujours la même chose quand je vais en Belgique ou en Suisse. C’est même encore plus prononcé que ça d’habitude. Normalement, je suis Jean-Philippe Smet là-bas [Rires]. Les gens s’arrêtent de manger, me demandent des photos, des autographes… C’est bien pire qu’en France. Je ne pourrai pas expliquer pourquoi.
C’est encore plus fou en Suisse où ils connaissent absolument tout ce que j’ai fait. Là-bas, je suis Jean-Philippe Smet depuis l’époque de Haine, misère et crasse. J’avais à peine sorti un disque et ils me connaissaient déjà tous. Ils sont vraiment fans de rap français et se tiennent au courant de l’actualité des rappeurs souterrains. J’ai d’ailleurs déjà collaboré avec quelques rappeurs Suisses.

A : On t’a aperçu récemment dans le film de Morsay, La Vengeance. Comment tu perçois son parcours, lui qui a commencé par des vidéos sur Internet et qui finit adoubé sur le site de Canal Plus ?

Al K : Il a tout mon respect. Il s’agit de quelqu’un qui part de zéro, qui a un stand où il vend des t-shirts et des cassettes et il se retrouve à faire des films et à être le premier vendeur de pulls à capuche sur Clignancourt. Il m’inspire du respect. Lui est vraiment à fond dans l’indépendance et c’est une sorte de Necro de la galère… Necro de Clicli.

A : Dans une vidéo récente, tu expliquais avoir comme projet d’arrêter prochainement le rap…

Al K : Ca n’est pas un projet mais une réalité. Je ne peux pas te donner de date précise mais l’envie d’arrêter ces conneries est plus présente que jamais. J’ai envie de passer à autre chose et de garder tous les bons souvenirs liés au rap.
Je m’occuperai de moi-même. Al K-Pote sera mort et je me consacrerai à Atef, à sa famille, sa femme, ses enfants… C’est bien beau le rap mais ça n’est pas vraiment respectable. Tu ne peux pas vraiment être fier de ce métier quand tu l’annonces à tes beaux-parents par exemple…[Il réfléchit]

A : Tu n’es pas fier du parcours que tu as accompli à travers le rap ?

Al K : Je suis fier de moi mais certainement pas d’Al K-Pote. Je suis fier qu’Atef ait réussi à créer cette salope d’Al K-Pote. C’est une sorte de monstre que j’arrive, heureusement, à contrôler. Après, j’ai conscience de certaines choses. Par exemple, je vais aller donner un concert à la Réunion avec Mista Flo. C’est le rap qui me permet de voyager et il est probable que je ne serai jamais allé à la Réunion si je n’avais pas fait ça.

A : En tant qu’Al K-Pote, tu as également popularisé beaucoup d’expressions. Je pense à « Sucez bande de putains » que plusieurs rappeurs de la nouvelle génération ont reprise…

Al K : C’était inévitable. Il y a des clones mais il y a aussi des gens qui reprennent ça en forme d’hommage. Je pense aux mecs de 1995 ou de l’Entourage qui ont déjà prononcé certaines de ces expressions. Moi, je leur fais un bisou et ça me fait plaisir quand des gens me témoignent de la reconnaissance. Je fais d’ailleurs une dédicace à Alpha Wann qui a mis une photo sur Twitter de lui avec L’empereur contre-attaque qu’il avait acheté.

A : Est-ce que tu as des attentes particulières vis-à-vis de ce nouvel album ?

Al K : Premièrement, il faut savoir que je n’ai encore jamais fait d’albums de ma vie. Il n’y a eu que des mixtapes ou des street-albums. L’empereur était un street-album, L’empereur contre-attaque est un street-album, les Crème de l’Ile-de-France sont des mixtapes… Les street-albums révèlent mon côté obscur, il y a des insultes un peu partout… Je ferai quelque chose de plus ouvert pour mon album. Il y aura des refrains plus travaillés, des chanteuses, des chanteurs de raï… Il y aura beaucoup plus de musique. Ce sera du rap sur de la country, du raï, de la techno, de la house, de la polka. Ce sera beaucoup moins glauque que mes projets actuels.

A : Pour donner une couleur à tes projets, comment est-ce que ça se passe justement avec les différents producteurs ? Tu as des choses en tête que tu leur demandes de réaliser ?

Al K : J’ai des choses en tête mais je ne leur dis pas forcément. Je leur demande d’envoyer ce qu’ils ont et je choisis ce qui me correspondra le mieux. J’ai rencontré un jeune producteur qui m’a donné un CD avec plus de cent instrus et je ne lui en ai pris que deux ou trois. Parfois, je vais au studio et je ne rappe même pas. Je passe mes journées à écouter des CD’s d’instrus, à la recherche de la perle. Je pioche un peu partout sans être très difficile : si ça me plait, je prends. On fait de la musique donc ça ne sert à rien de se poser trop de questions non plus. Je ne suis pas comme K-Tana qui va être perfectionniste, refaire plusieurs prises, se casser les couilles sur ses textes… Je ne réfléchis pas moi. En même temps, c’est ce qui me permet d’être très productif. Au lieu de rebosser trois fois le même texte, je vais faire trois morceaux. Je ne me casse pas les couilles.

A : Au niveau de l’univers visuel, tu es à l’origine de tout ?

Al K : Tout sort de mon cerveau. Je suis mon propre manager, mon propre designer, mon propre impresario… Je fais tout.

A : Ce qui est surprenant c’est que l’ensemble des rappeurs signés sur Néochrome ont tous un univers très développé. Est-ce qu’il y a une réflexion en amont ?

Al K : Pas du tout et je ne sais pas comment Néochrome a fait son casting. Peut-être, dos tourné, comme dans « The Voice » mais, ce qui est sûr, c’est qu’on a tous en commun d’avoir quelque chose en plus de notre rap. Il y en a plein des mecs qui savent rapper et, à un moment, c’est important de dégager une aura supplémentaire pour intéresser plus de monde.

A : Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

Al K : J’écoute beaucoup ce que fait l’écurie Maybach Music et c’est pour ça que j’ai rappé sur l’instru de « Stay schemin' » d’ailleurs. L’instru est magnifique, c’est un truc d’extra-terrestre. Ca m’a fait penser à des jeux vidéos et j’ai pété un plomb dessus lorsque je l’ai écouté la toute première fois. Je reste un grand consommateur de rap et je me tiens à la page.
Tout à l’heure, je te parlais de Method Man parce que c’est quelqu’un sur qui j’ai kiffé à l’époque mais, à mes yeux, il ne vaut plus rien aujourd’hui et n’a pas su traverser les années comme un Busta Rhymes ou un Snoop Dogg qui sont de la même époque.

A : On a l’impression que tu as une fascination pour les surnoms et que tu en as énormément…

Al K : Je vais tout le temps m’en donner des nouveaux. Là, par exemple, je viens de trouver « Le Légendaire Géant Vert », en rapport à ma consommation de beuh [Rires]. Je n’arrête pas de m’en donner et je vais sûrement trouver d’autres sobriquets très prochainement.

A : Tu dois être très sollicité pour des collaborations extérieures ?

Al K : Je suis très sollicité mais hélas je ne peux pas honorer toutes les invitations. Malgré le fait qu’on me propose de l’argent, je suis obligé de filtrer et de sélectionner.

A : Donc ça a bien évolué depuis l’époque où tu appelais les rappeurs pour t’incruster sur leurs projets ?

Al K : Ca a bien évolué. Tout change, les temps changent comme disait l’autre.

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