Chronique

Wax Tailor
Tales of the Forgotten Melodies

Lab'Oratoire / Under Cover - 2005

« What would you give for an escape? »

Il existe deux façons bien distinctes d’apprécier l’album Tales Of The Forgotten Melodies du producteur français Wax Tailor, successeur du EP Lost The Way (2004).

Ecouté sur une chaîne Hi-Fi, en simple fond sonore, il se révèle être un bon disque d’ambiance, down-tempo et posé ; juste ce qu’il faut pour créer une atmosphère calme sans être pour autant envahissante. Seuls les morceaux rappés (‘Where My Heart’s at’ et ‘Walk The Line’, par le groupe américain The Others) ou l’hommage au hip-hop ‘Damn That Music Made My Day’, compilant en moins d’une minute des phases des Jungle Brothers, EPMD, Kool G Rap, Rakim, LL Cool J, Q-Tip ou encore Jeru The Damaja attireront véritablement l’attention. Le reste de l’album, harmonieux et plaisant, s’écoulera sans accrocs. Mais s’en tenir à cette écoute superficielle priverait l’auditeur des multiples richesses et subtilités contenues dans ces « contes des mélodies oubliées« .

Ecouté au casque, le regard fixé au plafond et le dos collé au plumard, Tales Of The Forgotten Melodies prend une toute autre dimension. Passé l’examen de son intrigante pochette – un entrepôt désaffecté, une lumière quasi-surnaturelle filtrant à travers un toit perforé, et un homme, Wax Tailor, planté au milieu, comme hébété -, c’est dans un univers musical grave et mélancolique que l’on pénètre.

Adepte de vieilles bobines poussiéreuses, Wax Tailor pioche dans celles-ci musiques et petites phrases pour composer ses titres. Morceau phare de l’album, ‘Que Sera’ naît ainsi de l’alliance d’un plan de guitare signé Galt McDermot – dont le travail a récemment servi de base au producteur américain Oh No pour l’album Exodus into unheard rhythms – avec un échantillon de L’Homme qui en savait trop (le fameux « Que sera, whatever will be » chantonné par l’actrice Doris Day dans sa chambre d’hôtel) et de dialogues extraits d’autres films, comme la voix off de la scène initiale du To Be Or Not To Be d’Ernst Lubitsch.

Ces dialogues constituent ainsi le fil conducteur de Tales Of The Forgotten Melodies. Introduits par un scratch discret, placés tels quels au sein d’un interlude ou au début d’un morceau, résonnant en écho ou instaurant une fausse discussion entre des personnages de films différents, ils créent les histoires que les musiques de Wax Tailor prolongent et illustrent.

Il ne reste alors plus qu’à se laisser transporter au gré d’une voix féminine soutenue par une ligne de basse et interrompue par une envolée de cuivres et quelques notes de xylophone (‘A woman’s voice’), d’un sample hypnotique (‘Am I Free’) ou du chant « bristolien » de Charlotte Savary (‘Our Dance’). Décrire chaque titre en détail ne rendrait service ni à cette œuvre, ni au lecteur. Mieux vaut découvrir par soi-même les multiples variations de ces instrus et se familiariser peu à peu avec le talent et l’habileté de ce tailleur de cire lorsqu’il s’agit d’agencer des samples. Attirons seulement l’attention sur le magnifique ‘How I Feel’ – que n’aurait sans doute pas renié le Moby de « Play » -, sur ses cuivres, ses cordes, sa basse ronflante ; et par-dessus tout sur la voix flottante et triste de Nina Simone…

Le rideau se referme finalement sur le violoncelle de Marina Quaisse (‘Behind the disguise (closing)’). Wax Tailor, ancien MC et beatmaker du groupe La Formule vient de réaliser un coup de maître : un très bel album, plein d’émotion. Capable de transformer de bons échantillons en un beau morceau, il captive en redonnant vie à ces mélodies mystérieuses, certes oubliées mais toujours magnifiques.

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