Chronique

Skuro G
VELVET SUNSET

VELVET SUNSET PRODUCTION - 2025

Cover : Djeser & Skuro G
Photographie à la une : Djeser

Des facts et de l’ambition. Explorateur de couleurs musicales, il faut croire que pour débuter l’été 2025 sous un soleil de velours, Skuro G a choisi les vibrations décontractées du Southern Hip Hop et de la Californie. Après cinq disques sortis depuis 2022, c’est avec VELVET SUNSET, EP pensé comme un voyage entre introspection et hédonisme, ride du bitume et quête existentielle que le rappeur originaire de Sens continue de livrer ses aspirations et sa débrouillardise accompagné de Jee Van Cleef à la direction artistique, au mastering et au management et HLV STUDIO au mixage.

Ayant grandi dans un univers familial musical, Skuro G ne conçoit pas sa musique comme un produit, plutôt comme une extension de son humeur. VELVET SUNSET s’inscrit donc dans cette logique : un disque « d’été » certes, mais un été mélancolique, moelleux, enveloppé dans une chaleur douce-amère. Les prods traduisent cette dualité. Claviers bass, guitares sous pédale wah wah, synthétiseurs aux leads bien identifiées et snares percutantes parfument une bonne moitié du disque (« NEVERSTOP », « RANGE SPORT », « RIDE & HUSTLE ») sans pour autant étouffer « PRATA », ballade aux allures afro ou « CICATRICES », trap classique accompagnée d’une guitare latine qui clôture l’EP.

« Tu connais l’boug, gros, pas de Festina, j’veux une Rolex avec un prix inestimable / J’veux sortir avec une ride vintage comme une archive de l’INA » débute-t-il sur « NEVERSTOP », produit par Goorsky et Diegxmusic, qui introduit le disque avec lucidité. L’image est donnée, l’objectif est clair. Il y a dans ces lignes une vision matérialiste mais jamais vide. Derrière la Rolex et la ride, se cache la métaphore du temps qui passe, la réussite rêvée et la liberté recherchée. Ce réalisme traverse tout l’EP : Skuro G sait la différence entre la musique qu’il fait et celle qui est streamée ou consommée, mais persiste dans sa voie, fidèle à ses goûts. « J’fais du son niché, c’est pas comme ça que j’vais remplir un putain d’Bercy » lâche-t-il avec une franchise rare dans un milieu souvent obsédé par les chiffres.

Sur « RANGE SPORT », avec Carson qui est également à la production du titre, l’ambiance se fait plus west coast, plus détendue. Le flow respire, l’espace s’installe. « REAL ONE » poursuit ce virage. D Lebowski (beatmaker avec qui Skuro G avait collaboré sur le disque précédent, BLOODSPORT) y assemble drums R&B et lead synthé bien identifiée qui évoque les rivages de Los Angeles. « RIDE & HUSTLE », en compagnie de Tipi Mobb et OG Kedy, incarne la philosophie du disque : la route, le grind, le plaisir et la fatigue du mouvement. Le refrain est entêtant, les punchlines directes, entre humour et lucidité : « Le taff, c’est de la merde, je ferais mieux de visser. », « Le coeur me droppe, elle droppe ses panties. » On imagine les trajets de nuit, les stations-service, les conversations à demi-voix dans la voiture : le quotidien des rêveurs lucides orchestré par Unprediktable.

VELVET SUNSET agit comme une respiration dans la discographie de Skuro G. S’y sent un perfectionnisme discret, une envie de faire juste plutôt que fort. Les flows varient, saccadés ou chantés, mais toujours au service de l’atmosphère. Cela pourrait faire passer Skuro G pour un bon élève sans âme. Non. Son affection pour le rap se perçoit dans chaque détail, chaque ligne, chaque référence (« Grand soleil, j’mets Curren$y. »). Il revendique cette appartenance à la niche, à la passion pure, à ceux qui préfèrent la cohérence à la hype. VELVET SUNSET, c’est ce moment où le jour se couche sur les rêves pas encore réalisés, mais où la lumière reste assez forte pour y croire encore. Et Skuro G, lui, continue de rouler, moteur chaud, cœur froid, regard vers l’horizon.

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