La passion de Kanye West

D’année en année, Kanye West semble déterminé à nous compliquer la tâche. L’aimer et le comprendre est toujours plus ardu. Si l’on s’efforce de mettre de côté toutes les considérations extra-musicales (mission délicate tant elles sont désormais entremêlées à son œuvre) que donne le cru 2019 ? Jesus Is King est sans doute l’album le plus mineur de sa discographie, la faute à une contradiction fondamentale : dédier un album à Dieu tout en ramenant tout à sa personne. Cela donne un résultat confus qui combine l’ennui de la musique religieuse premier degré avec le ridicule d’un rap boursouflé. Aucune spiritualité ne se dégage de cet album. Kanye cite des mots-clefs, des versets, des noms de personnages bibliques, mais aucun souffle n’habite ce disque, qui coche des cases sans jamais vraiment nous porter. Kanye effleure à peine en un album ce qu’il avait atteint en un morceau avec « Ultralight Beam ». L’impossibilité physique de faire preuve d’humilité l’enferme dans une posture de donneur de leçons. Comme un enfant capricieux, il est persuadé d’avoir raison et d’être dans son bon droit en toutes circonstances. Il a toujours porté en lui ce qui le rend parfois insupportable aujourd’hui. S’il ne refusait pas qu’on lui dise non, il n’aurait pas fait autant. Seulement la volonté inébranlable avec laquelle il s’est hissé au sommet semble maintenant de l’entêtement forcené. Jesus Is King n’est pas dénué de bons moments, bien sûr, mais manque de direction claire. Lui qui commandait auparavant la mer de collaborateurs qui l’entoure paraît désormais ballotté, comme s’il devait gesticuler pour tenter de surnager. La décennie de Kanye, faite de revirements radicaux, a commencé par un faux plat imperceptible avant de s’engager franchement sur une pente descendante. Peut-être a-t-il besoin d’un temps de recul, de remise en question. Peut-être celui qui a tant étonné trouvera-t-il de nouveau en lui de quoi surprendre. – David

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