Abcdr du Fond La Cassette, l’underground s’exprime

Par JuldelaVirgule

En conviant de nombreux artistes récents pour La Cassette, le Lyonnais Zeblaski, dix-sept printemps au compteur, a composé une espèce de carte postale sonore. Photographie à l’instant t d’une scène musicale, la compilation est un instantané du rap français de ce début de décennie. Si aucun artiste vraiment installé n’y est présent, le jeune membre de Duke Mobb, collectif de graphistes auquel il faut rajouter akaoni945 et Exxi, s’est fait plaisir. Invitant des nouveaux artificiers comme de jeunes anciens, La Cassette fait fi de toutes les étiquettes et réussit la prouesse de mélanger les différentes variétés de rap existantes aujourd’hui et de garder une ligne directrice cohérente pour son album.

La Cassette embrasse le format mixtape façon Dat Piff popularisé à la fin des années 2000. Distribué en audio dope en bas du quartier pour les camés en manque de bon produit, l’ambiance de départ se rapproche des rues électriques crasseuses que La Caution proposait sur Asphalte Hurlante. Elle rejoint également le côté cartoon de l’animé Les Lascars, avec la dose de décalage et de fraîcheur qui existait dans les premiers Kourtrajmé. La Cassette reprend une lubie de l’atypique Roi Heenok en devenant l’objet sulfureux que « Washington recherche ». Un slogan clamé et répété tout le long de cette aventure qui trempe dans un humour foldingue et contagieux, dans ses interludes comme dans certains morceaux. C’est le cas dans « Shit Talk » de Loto qui puise ses influences dans la scène du Michigan et celle de Rio Da Yung OG en particulier.

Zeblaski a présenté une partie du futur du rap français en l’englobant dans une machine à remonter les scènes et les époques.

Si La Cassette possède une énergie communicative, elle est aussi un panorama bluffant des différentes scènes rap d’aujourd’hui et d’hier. La production d' »Interlude Radio Cassette » ramène l’auditeur vingt ans en arrière quand les Neptunes martyrisaient les charts. Le producteur Keyzer Soze et le rappeur Tedax Max offre un « Jay Z sans follower » à l’allure Death Row, alors que Ratu$ rappe tête baissée sur une production soulful sans drums signée Nicholas Craven dans « Nas et Jay Z ». Dans la catégorie boxeur de mots, Veust martèle la rythmique trap de « 7 chiffres » quand Slim C s’attaque à l’aride production aux inspirations nord-californiennes de « La Cassette ».

Le dernier tiers de l’album met un rap plus mélodique en avant avec une nouvelle garde d’artistes français. Leurs sonorités deviennent brumes et vapeurs et leur rap prend une forme hybride, perché dans des nuages où leurs spleens montent et redescendent au gré des rythmiques. Leurs noms : Gouap RTTClan, 8Ruki, Babysolo33, zaky, Am8rose et So La Lune. Avant que Mairo ne ramène avec « Qu’est-ce que tu proposes ? » un rap plus « classique », mais néanmoins aux placements incroyables, Zeblaski a présenté une partie du futur du rap français en l’englobant dans une machine à remonter les scènes et les époques. Une prouesse à la Doc et Marty.