Abcdr du Fond Leaf Ward – Dead Livin

Par Pap’s

Difficile de faire plus Philadelphie que Leaf Ward. Un rappeur passé par les freestyles de rue qui raconte les histoires de trahison dans la ville de l’amour fraternel et le conflit entre sa foi musulmane et son mode de vie. Ce qui semble comme un manque d’originalité est précisément ce qui fait de lui une figure si ce n’est montante au moins affirmée de la scène rap de Philly ces dernières années. Bien aidé par un talent certain pour le storytelling (là encore, c’est une tradition), il a forgé son chemin à coup de mixtapes et d’EPs portés par sa série de morceau « They Forgot » jusqu’à son debut album – si cela veut encore dire quelque chose – le bien nommé They Forgot: The Album.

Celui-ci souffre d’une certaine monotonie et d’une longueur un peu rédhibitoire de dix-huit titres. L’EP Dead Livin est donc la porte d’entrée parfaite pour découvrir sa musique : un condensé de trente minutes qui conjugue le rap au kilomètre de sa ville avec le nihilisme lugubre de Chicago, le tout interprété d’une voix traînante et impassible face aux récits violent qu’elle raconte. Si son écriture est simple et va droit au but, il n’est pas dénoué d’un sens de la formule pour quelques moments d’egotrip. « N***** think I’m rich. Whole time I’m Ace fresh out the cleaner », sur ce « Rich & Ace » dont certaines sonorités empruntent à la musique de Detroit et du Michigan, sans le flegme arrogant. Les respirations soulful, réminiscences d’un lointain son Roc-A-Fella, ne sont pas des hymnes revanchards à la survie, juste des complaintes désabusées où même l’énergie du désespoir ne suffit plus. « Could Never Cry » illustre parfaitement et sans finesse cet adage : « I know it aint’ the answer but it never was no tie ».

Là où un de ses collaborateurs réguliers, Ot7Quanny, peut habiller son interprétation d’une légère désinvolture, Leaf Ward assène ses regrets, ses douleurs et ses menaces avec le débit implacable, comme une constante témoignant de son authenticité. Difficile en cela de l’imaginer prétendre à plus qu’une gloire locale tant sa musique se borne à des codes aussi identifiés que limitants. Il assure néanmoins des moments de bravoure réguliers et un refus acharné de toute forme de compromission, qui permettent de faire perdurer une école de rap bien spécifique dans la mutation permanente du rap contemporain.