La Hyène

Thugz of Anarchy

C’est magnifique et triste à la fois : Thugz of Anarchy ressemble à cet album de petit con énervé que Lino disait ne plus vouloir ni pouvoir sortir. Celui de la rue connectée aux enceintes, où une voix est celle de mille hommes et un beat celui de mille cœurs. Et surtout celui conçu avec un soin qui, paradoxalement, n’enlève rien à son aspect brut de décoffrage. La Hyène n’en est pas à son coup d’essai (neuf projets au compteur, de nombreuses saillies avec La Rumeur) et Thugs Mixtape augurait déjà du meilleur. Mais rien ne laissait présager une déflagration d’une telle violence. Disque d’hiver par excellence (« L’album est noir assorti à la froideur du temps »), Thugz of Anarchy est une sorte de grand précis du rap français. Il y a les exécutions sommaires (« Mykonos ») et les morceaux fleuves (« 9’45 », « 2019 »). Exemples à l’appui, il explique comment avoir du flow (« Trankil », la performance de l’année), comment le mettre au service de son propos (« Dernier souffle »), comment dire les choses avec allure (« Mon amour propre me tuera d’un crime passionnel »). Bref, l’art y est et la manière aussi. La Hyène est un monstre de prestance : l’écouter c’est sentir son souffle rauque sur sa nuque, sa dalle de bête, c’est ramasser les postillons et le micro dans la gueule à la fin du dernier couplet. Et à la fin des treize pistes, qui sont autant de morceaux de sa personne, on se demande bien ce qu’il peut encore rester de lui. Or rester, le paradoxe est beau, est sans doute la destinée qui lui est promise.

David²

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