Griselda

WWCD

Ce premier album de l’équipe de Griselda chez Shady Records avait suscité quelques craintes. D’abord parce qu’Eminem a, notamment avec Yelawolf, gagné la réputation peu flatteuse de gâcheur de talents. Ensuite parce qu’en 2019, Conway et Westside Gunn ont parfois semblé tourner en rond, usant d’une formule dorénavant connue et reconnue. Il est peu de dire que les doutes ont vite été balayés : WWCD est largement à la hauteur de ce que Griselda Records propose depuis quelques années maintenant. C’est peut-être même le meilleur projet qui ait émané de cette clique. La cause principale de cette réussite : des choix forts et une direction artistique du même acabit. Peu d’artistes extérieurs ont été conviés à partager le micro et la production a été entièrement confiée aux beatmakers de la maison, Daringer et Beat Butcha. Il n’y a pas de boucles soulful, pas de morceaux de moins de deux minutes, pas de titres dédiés au catch. Tout se centre sur une facette essentielle de l’univers Griselda : le rap de rue. Les treize titres nous emmènent dans des recoins sinistres qui se parcourent à pas de loup et l’œil aux aguets, le danger pouvant surgir de partout. La couleur musicale oscille entre le gris (très) foncé et le noir charbon, les beats associant des drums lourds et des boucles funestes. Ce minimalisme glacial rend d’autant plus cinglantes les bravades des trois rappeurs, dont on apprécie au passage la complémentarité. À la morgue criarde de Westside Gunn succède la froideur implacable de Conway, qui laisse place au flegme assuré de Benny the Butcher. C’est sombre, sale et sacrément addictif.

Kiko

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