Sortie

La Caution

Les Rues électriques / Une Tour devant l'arc-en-ciel

En 1999, les frères Mazouz sont déjà fascinés par les rimes multisyllabiques, les instrus samplés au kick qui cogne fort et replacé en rafale toutes les huit mesures. Côté texte, ils rappent la vie de rue et la transposent dans un écrin qui touche à des références diverses, la rime riche étant le prétexte parfait pour créer des associations d’idées imagées et fulgurantes. La fascination de Hi-Tekk pour la science-fiction côtoie les visions urbaines de Nikkfurie catapultées sur le Mont Blanc, tout en cultivant le champ lexical propre à diverses substances, des fluides corporels à la kryptonite en passant par les drogues. Des « rappeurs en blouse de chimiste » en somme, comme le confiait Nikkfurie l’an dernier à L’Abcdr lorsqu’il a eu l’occasion de revenir sur la première apparition discographique du groupe, sur la mixtape Vagues Nocturnes. Et si « Les Rues électriques » est la première grande pierre à l’édifice de La Caution (puisque partiellement repris sur Asphalte Hurlante, le premier album du groupe), c’est « Une Tour devant l’arc-en-ciel » qui s’avère le véritable tour-de-force du premier maxi des frères Mazouz. Son instru condense les influences de la fratrie, piochant aussi bien dans la BO du film L’Armée des douze singes (tiens, tiens !) que dans les débuts des Beastie Boys. Le titre est une explosion au son rugueux. Il dissémine de nombreuses visions, un peu à la manière dont des atomes s’attirent et se repoussent. Une singularité propulsée chez Assassin Productions, qui produit le maxi dans la lignée de la série L’Avant-garde et de La Contrebande, portées par Maître Madj. Trois ans avant le premier album du groupe, l’asphalte hurlait déjà chez La Caution.

Nikkfurie

(Rappeur de La Caution)

« À l’époque, on était avec DJ Cruz, c’est avec lui qu’on fait notre première maquette, quelque chose de pas vraiment fini enregistré sur un quatre pistes. Et un mec de notre quartier est le cousin de Madj, qui à l’époque s’occupe d’Assassin Productions et développe une série de maxis avec des gens un peu en place, mais pas très connus, et des newcomers. Il a entendu parler de nous, a écouté notre maquette et nous a proposés de participer à sa série de maxis L’Avant-garde. Ce qu’on a fait lui a plu et comme on avait des titres griffonnés dans nos bagages, Assassin Productions nous a proposés de produire notre premier maxi : Les Rues électriques / Une Tour devant l’arc-en-ciel et de faire la première partie de la tournée d’Assassin. On était super contents, ça nous mettait le pied à l’étrier et nous permettait de nous tester. On est arrivés avec notre truc, qui était différent de ce qui se faisait, et ça a accroché, notamment car le public d’Assassin est un public qui n’a pas froid aux oreilles, il sait se confronter à des trucs un peu durs. De notre côté on avait l’arrogance positive du rappeur, celle qui te fait écrire de l’egotrip et qui te pousse à vouloir être le meilleur rapologiquement parlant. Être chez l’un des mecs qui a été le meilleur dans le rap français à un certain moment pour nous c’était génial, mais on n’était pas vraiment dans l’admiration. Évidemment, on avait énormément de respect pour Assassin, leur carrière et même leur aide et leur concours à la nôtre. Ça a été quelque chose d’important, mais réellement, notre carrière, ça a été si vite tellement l’indépendance que c’est un vrai chemin qui ne regarde que nous. Tu es obligé de mettre la main à la pâte sur presque tout, c’est une guerre menée de front. Aujourd’hui, quelqu’un qui va citer les groupes historiques du rap français va en dire plein avant nous, mais il y a un moment où on va arriver. Et le fait d’arriver, c’est dû uniquement à nos couilles, à nos bras et à notre talent. C’est aussi une fierté. » – propos recueillis par l’Abcdr du Son en octobre 2019.

Note de la rédaction : une publicité issue d’un numéro de RER de novembre 1999 nous invite à dater ce disque au 15 novembre de la même année. Mais d’après Fouad, ancien proche du label Kerozen, le disque serait probablement sorti avant l’été 1999 : « Tout ce que je sais c’est que c’était avant novembre 1999 car c’était le début de la tournée d’Assassin. Je sais que la première fois que j’ai entendu les rues électriques c’était sur Générations le samedi matin avant d’aller à la fac et ça devait être au printemps 99. » À défaut d’éléments factuels plus précis nous laissons ce disque au 15 novembre bien que la date semble vraisemblablement fausse. Merci à Somnoleur140, Bachir et Fouad pour leur aide. (information mise à jour le 15/12/2019)

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1999, une année de rap français - le mix
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